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Date : 20110831


Dossier : T-939-10

T-940-10

T-1361-10

T-1421-10

T-1819-10

T-1980-10

T-1981-10

T-1982-10

T-2063-10

T-367-11

T-368-11

T-450-11

Référence : 2011 CF 1032

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 août 2011

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

RAYMOND ET TARA PATRY

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 


MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]  Raymond et Tara Patry ont intenté 13 demandes de contrôle judiciaire devant notre Cour en ce qui concerne diverses actions attribuées à l’Agence du revenu du Canada (ARC) et à ses employés. Des procédures au civil ont également été intentées par les Patry devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique contre une enquêteuse criminelle à l’emploi de l’ARC et dans laquelle ils allèguent qu’il y a eu faute dans l’exercice d’une charge publique, entre autres demandes fondées sur la responsabilité délictuelle.

 

  • [2]Les Patry déposent maintenant une requête pour obtenir diverses formes de mesures prohibitives et injonctives provisoires dans 12 de leurs demandes devant la Cour fédérale. Pour les raisons qui suivent, j’ai conclu que toutes leurs requêtes devraient être rejetées.

 

Faits

 

  • [3]M. et Mme Patry ont tous les deux travaillé pour le bureau des services fiscaux de Burnaby‑Fraser (BSFBF) de l’ARC. Mme Patry a quitté le BSFBF en 2002 au moment où elle a pris un congé de maternité. Par la suite, elle a pris un congé parental prolongé et a démissionné de son poste à l’ARC en août 2008. M. Patry a commencé à travailler pour l’ARC en 1991. Il a travaillé au BSFBF de 1994 jusqu’en avril 2005.

 

  • [4]M. et Mme Patry ont ensuite créé une entreprise qui offrait des services comptables et fiscaux au public. De toute évidence, le couple a été soupçonné d’avoir commis des infractions liées à l’impôt, et l’ARC a obtenu un mandat pour perquisitionner leur maison en septembre 2008. La perquisition a été effectuée et des dossiers et de l’équipement informatique ont été saisis.

 

  • [5]Le 20 juillet 2010, M. et Mme Patry ont été accusés au criminel de diverses infractions à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la Loi sur la taxe d’accise, y compris d’évasion fiscale et d’avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses dans une déclaration ou d’y avoir participé. Ils doivent subir leur procès le 12 janvier 2012.

 

  • [6]Depuis septembre 2008, l’ARC a pris un certain nombre de mesures d’exécution et de recouvrement en ce qui concerne les affaires fiscales du couple. M. et Mme Patry attaquent le bien‑fondé d’un grand nombre de ces actions et ont donc intenté leurs diverses demandes de contrôle judiciaire. Les détails de chaque demande seront abordés plus loin dans les présents motifs.

 

La réparation demandée

 

  • [7]Par leurs requêtes, M. et Mme Patry souhaitent obtenir les mesures provisoires suivantes :

 

1.  Une ordonnance annulant ou suspendant des mises en demeure de produire une déclaration dans les 30 jours en date du 26 janvier 2011 et du 3 février 2011, envoyées aux demandeurs par un agent anonyme de l’ARC.

 

2.  Une ordonnance mettant en suspens l’ensemble de ces demandes en attendant le règlement des accusations criminelles visant les demandeurs.

 

3.  Une ordonnance prohibitive contre l’ARC indiquant, du moins, à titre provisoire, ce qui suit :

a.  Les enquêteurs criminels du bureau des services fiscaux de Burnaby-Fraser (« BSFBF ») cessent d’utiliser des pouvoirs de vérification civils, comme l’inspection de documents sans mandat et l’établissement de cotisations arbitraires;

 

b.  Le BSFBF cesse de gérer les affaires fiscales des demandeurs, du moins à titre provisoire, en raison d’une crainte raisonnable de partialité;

 

  • c.Les agents civils de l’ARC cessent d’utiliser des pouvoirs civils contre les défendeurs, y compris les pouvoirs de collecte de renseignements utilisés par le Recouvrement, tout en conservant des liens [traduction] « étroits » avec les Enquêtes.

 

  • d.Ne pas modifier les documents électroniques, notamment :

i.  Le fait de passer à l’adresse des demandeurs, qui a été changée en juillet 2010 au moment où l’ARC a modifié leur adresse pour avoir une adresse « Aux soins de » (A/S de) pour l’enquêteuse criminelle qui tentait de poursuivre les demandeurs à sa demande;

 

  • ii.Les registres des dates, par exemple ceux qui ont été manifestement modifiés en ce qui concerne la date de production de la déclaration de la TPS des sociétés de personnes pour la période qui a pris fin le 31 décembre 2008;

 

  • iii.Les registres de correspondance, comme les registres de correspondance imprécis pour le NE 816981617 RT0001 dans lesquels un grand nombre de documents présentés à la Cour ne sont pas pris en compte dans les registres de correspondance de l’ARC.

 

  • e.Une ordonnance prohibitive contre le BSFBF pour l’empêcher d’intercepter toute autre correspondance adressée aux demandeurs (comme cela semble avoir été le cas pour le relevé des arriérés de TPS du 7 décembre 2010, dont l’original est dans le dossier certifié du tribunal T-1821-10 du défendeur et qui a été reçu par le BSFBF le 8 décembre 2010).

 

La qualité de la preuve présentée au soutien de la requête

 

  • [8]La qualité de la preuve présentée par les Patry au soutien de leurs requêtes est très insatisfaisante.

 

  • [9]Les principaux affidavits déposés au soutien des requêtes sont signés par Kelly Curtis, une technicienne juridique du bureau de l’avocat des Patry. Un affidavit a également été fourni par Wilfred Cain, qui se décrit comme un client et un ami des Patry. Le dernier est celui de Ron Hampton, qui se décrit comme [traduction] « un comptable et un courtier agréé en hypothèques dérivées ». M. et Mme Patry n’ont pas fourni d’affidavit.

 

  • [10]L’avocat des demandeurs a reconnu que [traduction] « cela posait un problème », mais il a soutenu que les Patry étaient dans une situation difficile en raison des procédures criminelles en cours. Selon l’affidavit du 23 février 2011 de Mme Curtis, M. Patry l’avait avisée que le couple [traduction] « n’était pas libre de parler en raison des procédures criminelles intentées contre eux ». Ainsi que je comprends l’argument de l’avocat, ses clients craignaient de s’incriminer s’ils devaient se soumettre à un contre-interrogatoire en produisant leurs propres affidavits au soutien de leurs requêtes.

 

  • [11]L’argument des demandeurs ne tient pas compte des protections offertes aux Patry par l’article 5 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), c. C-5, qui porte que :

5. (1) Nul témoin n’est exempté de répondre à une question pour le motif que la réponse à cette question pourrait tendre à l’incriminer, ou pourrait tendre à établir sa responsabilité dans une procédure civile à l’instance de la Couronne ou de qui que ce soit.

 

(2) Lorsque, relativement à une question, un témoin s’oppose à répondre pour le motif que sa réponse pourrait tendre à l’incriminer ou tendre à établir sa responsabilité dans une procédure civile à l’instance de la Couronne ou de qui que ce soit, et si, sans la présente loi ou toute loi provinciale, ce témoin eût été dispensé de répondre à cette question, alors, bien que ce témoin soit en vertu de la présente loi ou d’une loi provinciale forcé de répondre, sa réponse ne peut être invoquée et n’est pas admissible en preuve contre lui dans une instruction ou procédure pénale exercée contre lui par la suite, sauf dans le cas de poursuite pour parjure en rendant ce témoignage ou pour témoignage contradictoire.

 

5. (1) No witness shall be excused from answering any question on the ground that the answer to the question may tend to criminate him, or may tend to establish his liability to a civil proceeding at the instance of the Crown or of any person.

 

 

(2) Where with respect to any question a witness objects to answer on the ground that his answer may tend to criminate him, or may tend to establish his liability to a civil proceeding at the instance of the Crown or of any person, and if but for this Act, or the Act of any provincial legislature, the witness would therefore have been excused from answering the question, then although the witness is by reason of this Act or the provincial Act compelled to answer, the answer so given shall not be used or admissible in evidence against him in any criminal trial or other criminal proceeding against him thereafter taking place, other than a prosecution for perjury in the giving of that evidence or for the giving of contradictory evidence.

 

  • [12]M. et Mme Patry avaient le contrôle des renseignements figurant dans leurs affidavits. S’ils devaient être contre-interrogés au sujet de leurs affidavits, il leur était possible de refuser de répondre aux questions auxquelles ils ne souhaitaient pas répondre. Si une ordonnance de la Cour était obtenue par la suite pour les obliger à répondre aux questions contestées, la protection offerte par le paragraphe 5(2) de la Loi sur la preuve au Canada s’appliquerait alors, empêchant l’utilisation de la réponse dans le cadre de leur procès criminel. Les Patry peuvent également avoir droit la protection offerte par l’article 7 de la Charte.

 

  • [13]Alors que l’article 81 des Règles des Cours fédérales permet que les affidavits signés sur la foi des renseignements tenus pour véridiques soient utilisés pour une requête autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire, le paragraphe 81(2) porte que le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

 

  • [14]Le fait que les Patry se soient retranchés derrière la technicienne juridique a également privé le défendeur d’une possibilité d’attaquer efficacement la preuve fournie par cette dernière au moyen d’un contre-interrogatoire. Par conséquent, je ne suis pas disposée à accorder beaucoup de poids aux renseignements figurant dans les affidavits de Mme Curtis, en particulier puisqu’ils concernent les points de vue des Patry et la description par ces derniers des événements.

 

  • [15]Cela étant dit, le défendeur ne conteste pas l’authenticité des documents déposés au moyen des affidavits de la technicienne juridique et je suis disposée à les examiner.

 

  • [16]Avant de passer à une autre section, il convient de faire remarquer la faiblesse de la preuve déposée par le défendeur, dont une partie est fondée sur des renseignements tenus pour véridiques. Bien que je sois consciente de ces faiblesses, au bout du compte il revient aux Patry de fournir une preuve suffisante pour appuyer la mesure provisoire qu’ils demandent. Comme nous le verrons ci‑dessous, ils ne l’ont pas fait.

 

Partialité et le BSFBF

 

  • [17]La question de la partialité du BSFBF semble être une préoccupation importante pour les Patry, et leurs allégations de partialité ont influencé leurs observations relativement aux requêtes déposées en ce qui concerne chacune de leurs demandes de contrôle judiciaire. Par conséquent, je traiterai de cette question dès le début.

 

  • [18]Une partie de la mesure provisoire demandée par les Patry est [traduction] « une ordonnance prohibitive » indiquant que [traduction] « [l]e BSFBF cesse de gérer les affaires fiscales des demandeurs, du moins à titre provisoire, en raison d’une crainte raisonnable de partialité ». Tout en admettant que leur [traduction] « tâche ne sera certainement pas facile», les Patry allèguent néanmoins qu’ils ont [traduction] « un long passé particulier avec le BSFBF », ce qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité à leur égard.

 

  • [19]Même s’ils n’ont pas fourni de preuve par affidavit attestant leur crainte de partialité, les Patry ont produit des documents concernant une plainte pour harcèlement sexuel de 1996 déposée par Mme Patry contre un employé du BSFBF ainsi que des renseignements concernant plusieurs enquêtes qui ont été faites sur le comportement de M. Patry au moment où il travaillait pour le BSFBF.

 

  • [20]Je reconnais que pour établir l’existence d’une question sérieuse dans une demande sous‑jacente de contrôle judiciaire pour accorder la mesure injonctive provisoire, les demandeurs doivent de montrer uniquement que la demande n’est ni futile, ni vexatoire : Copello c. Canada (ministre des Affaires étrangères), [1998] A.C.F. no 1301. Je suis néanmoins convaincue que les Patry n’ont même pas respecté ce faible seuil en ce qui concerne leur allégation de crainte raisonnable de partialité.

 

  • [21]Les critères pour déterminer s’il existe une partialité réelle ou une crainte raisonnable de partialité en ce qui concerne un décideur précis est bien connu : à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? Croirait-elle en fait que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? Voir Committee for Justice and Liberty c. Canada (L’Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394. Voir aussi Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259 au paragraphe 74.

 

  • [22]Toutefois, certains types de décideurs ne sont pas tenus de respecter cette norme. Par exemple, on a conclu que la norme d’impartialité requise par un enquêteur de la Commission canadienne de la personne qui assume des responsabilités non décisionnelles est quelque peu inférieure à celle requise des tribunaux. Dans ces cas, il ne s’agit pas de savoir s’il existe une crainte raisonnable de partialité de la part de l’enquêteur, mais plutôt de savoir s’il a abordé l’affaire avec un « esprit fermé » : voir par exemple Canadian Société Radio-Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), (1993), 71 F.T.R. 214 (C.F. 1re inst.).

 

  • [23]Un grand nombre d’actions différentes de l’ARC sont en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire. Je n’ai pas à examiner le type de pouvoirs que l’ARC a exercés dans chaque cas pour déterminer la norme d’impartialité qui devrait être appliquée, puisque je suis convaincue que les Patry n’ont pas démontré qu’il existe une question sérieuse quant à la crainte raisonnable de partialité du BSFBF, même si on l’examine par rapport à la norme plus favorable à l’égard de leur position.

 

  • [24]Le fardeau de démontrer l’existence d’une partialité réelle ou apparente repose sur la personne qui invoque la partialité. Une allégation de partialité est sérieuse, elle vise l’intégrité même de la personne dont la décision est attaquée. Par conséquent, un simple soupçon de partialité ne suffit pas : R. c. R.D.S., [1997] 3 R.C.S. 484 au paragraphe 112; Arthur c. Canada (Procureur général) (2001), 283 N.R. 346 au paragraphe 8 (C.A.F.). Au contraire, il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité : R. c. R.D.S, au paragraphe 113.

 

  • [25]Les Patry affirment que le BSFBF est un très petit bureau, comptant environ 700 employées de l’ARC. Plusieurs des personnes désignées comme perquisiteur dans un mandat de perquisition de 2008 obtenu relativement à l’enquête criminelle portant sur les affaires fiscales des Patry travaillaient au BSFBF au moment où les Patry y travaillaient également.

 

  • [26]Les Patry soulèvent également les liens entre eux-mêmes et la personne qui a signé l’un des affidavits déposés dans la présente procédure par le défendeur. Ces liens comprennent le fait qu’ils ont acheté une maison au conjoint de la personne qui a signé l’affidavit. Les Patry allèguent que ces liens donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part du BSFBF.

 

  • [27]Mme Curtis déclare dans son affidavit du 23 février 2011 que M. Patry lui a dit qu’il croyait qu’au moment où il est parti du BSFBF au début de 2005 que [traduction] « la haute direction tentait d’établir un dossier contre lui pour le renvoyer ». Toutefois, rien de la preuve devant moi, pas même une preuve fournie selon les renseignements tenus pour véridiques, n’indique que les Patry avaient une crainte raisonnable de partialité de la part du BSFBF en ce qui concerne la gestion par ce dernier de leurs affaires fiscales. En outre, même si c’était le cas, on ne peut simplement affirmer qu’elle serait raisonnable en ce qui concerne tout le BSFBF.

 

  • [28]Dans Zündel c. Citron, [2000] 4 C.F. 225, [2000] A.C.F. no 679, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’y a pas de doctrine « de la partialité collective » en ce qui concerne une allégation de partialité. La Cour a noté que la partialité est un état d’esprit particulier à une personne qui fait en sorte qu’une allégation de partialité doit viser une personne particulière : voir les paragraphes 46 à 50. Par conséquent, il ne peut y avoir de questions sérieuses quant à une crainte raisonnable de partialité de la part du BSFBF dans son ensemble.

 

  • [29]Les Patry ont également allégué que deux personnes ont fait preuve de partialité à leur endroit.

 

  • [30]Une personne travaillait dans le secteur de la technologie de l’information du BSFBF. Cette personne semble avoir participé indirectement à une enquête en 2001 sur l’installation répréhensible présumée par M. Patry d’une carte d’interface réseau Ethernet non autorisée dans son ordinateur portable du bureau. Le rapport d’enquête a conclu que M. Patry avait fait lui-même les changements non autorisés ou permis qu’une autre personne le fasse. Le rapport a également conclu que M. Patry avait tenté de jeter le blâme sur la personne qui avait harcelé sexuellement son épouse quelques années auparavant.

 

  • [31]Le rapport d’enquête contient un paragraphe comportant des renseignements obtenus de l’employé de TI qui est maintenant visé par l’allégation de partialité. Cet employé est nommé dans le mandat de perquisition de 2008 comme personne autorisée à apporter son aide dans le cadre de la perquisition et il semble qu’il l’ait fait.

 

  • [32]À mon avis, ces événements ne soulèvent pas un doute grave quant à la crainte raisonnable de partialité de la part de l’employé de TI en question. Rien n’indique qu’il y avait une intention quelconque contre les Patry. La déclaration attribuée à l’employé dans le rapport d’enquête est technique et concerne le fonctionnement du système informatique de l’ARC. Rien dans le rapport n’indique que l’employé de TI savait pourquoi les renseignements en question étaient demandés. De plus, le dossier dont je suis saisie ne fait pas mention du fait que l’employé savait que des renseignements étaient demandés en ce qui concerne une plainte visant M. Patry.

 

  • [33]Le fondement de l’allégation de crainte raisonnable de partialité pour le deuxième employé de l’ARC est encore plus mince. En 1996, M. Patry a participé à un concours pour un poste de l’unité des enquêtes criminelles au BSFBF qui était géré par l’employé qui est maintenant visé par l’allégation de partialité. M. Patry a terminé en troisième position de ce concours. La Cour ne possède aucune information sur le nombre de personnes qui y ont participé. En 2002, un avis a été envoyé aux employés quant à un poste intérimaire à l’unité des enquêtes du BSFBF. Le nom du même employé a été donné à titre de personne-ressource pour les demandes de renseignements. Rien n’indique que M. Patry a réellement négocié avec cette personne ni que l’employé avait une intention à l’égard des Patry.

 

  • [34]Cette personne a ensuite agi comme superviseur de l’enquêteuse qui a mené l’enquête criminelle sur les affaires fiscales des Patry. Les Patry reconnaissent qu’ils n’ont pas eu de relations personnelles et n’ont pas négocié avec l’enquêteuse elle-même.

 

  • [35]Encore une fois, à mon avis, ces événements ne soulèvent pas une question sérieuse quant à une crainte raisonnable de partialité de la part de l’employé en question.

 

La décision Jarvis

 

  • [36]Comme un grand nombre des observations des Patry reposent sur leur interprétation de la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, il est important d’examiner d’abord ce qu’a dit la Cour suprême dans cette affaire avant d’examiner les requêtes dans le contexte de chacune des demandes de contrôle judiciaire des Patry.

 

  • [37]Jarvis était une affaire criminelle où le prévenu a été accusé d’évasion fiscale. L’admissibilité au procès de la preuve obtenue dans le cadre d’une vérification au moyen de l’utilisation de demandes péremptoires en conformité avec le paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu était en litige

 

  • [38]La Cour suprême a conclu qu’une distinction devait être établie entre les pouvoirs de vérification et les pouvoirs d’enquête en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cet égard, la Cour a déclaré que :

En dernière analyse, nous concluons qu’il faut traiter différemment les vérifications de conformité et les enquêtes pour fraude fiscale. Bien qu’un contribuable soit tenu par la loi de coopérer avec les vérificateurs de l’ADRC aux fins d’évaluation de son obligation fiscale (et passible de peines réglementaires à cet égard), une relation de nature contradictoire se cristallise entre le contribuable et les agents du fisc dès qu’un examen effectué par l’un de ces agents a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable. À partir de ce moment, les garanties constitutionnelles contre l’auto‑incrimination interdisent aux agents de l’ADRC qui enquêtent sur des infractions à la LIR d’avoir recours aux puissants mécanismes d’inspection et de demande péremptoire établis par les par. 231.1(1) et 231.2(1). Lorsqu’ils exercent ainsi leur pouvoir d’enquête, les agents de l’ADRC doivent plutôt obtenir des mandats de perquisition pour mener leur enquête. [au paragraphe 2]

 

  • [39]Ainsi, la Cour suprême a conclu que lorsqu’un examen a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable, toute la panoplie des droits garantis par la Charte entre en jeu pour le protéger, y compris le fait d’être informé de ses droits et la protection contre l’auto‑incrimination. La protection contre l’auto‑incrimination signifie que les agents de l’impôt qui enquêtent sur les infractions criminelles ne peuvent utiliser des pouvoirs de coercition accordés aux vérificateurs en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour obtenir la preuve à utiliser dans le cadre d’une procédure criminelle. Ils doivent plutôt obtenir des mandats de perquisition en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu ou du Code criminel.

 

  • [40]La Cour suprême a noté que le critère de l’objet prédominant n’empêche pas l’ARC de mener parallèlement une enquête criminelle et une vérification administrative, même en ce qui concerne les années d’imposition identiques. Toutefois, la Cour a fait remarquer que « si une enquête sur la responsabilité pénale est engagée postérieurement, les enquêteurs peuvent utiliser les renseignements obtenus conformément aux pouvoirs de vérification avant le début de l’enquête criminelle, mais non les renseignements obtenus conformément à ces pouvoirs après le début de l’enquête sur la responsabilité pénale ». En outre, tant que « l’enquête parallèle a effectivement pour objet prédominant d’évaluer l’obligation fiscale du contribuable », les vérificateurs peuvent continuer d’utiliser des pouvoirs de coercition que leur accordent les paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu : les citations sont toutes tirées de la décision Jarvis au paragraphe 97.

 

  • [41]La Cour suprême a continué en fournissant des directives sur la façon d’établir l’objet prédominant d’un examen.

 

  • [42]Jarvis appuie ainsi la proposition selon laquelle les agents de l’ARC devant faire enquête sur un comportement criminel éventuel de la part de contribuables ne peuvent pas utiliser les pouvoirs de coercition accordés aux personnes responsables de l’établissement de l’obligation fiscale civile pour contrevenir aux protections procédurales et de la Charte accordées aux personnes soupçonnées de mener des activités criminelles.

 

  • [43]En gardant à l’esprit cette compréhension de la décision Jarvis, je vais maintenant examiner la réparation demandée par les Patry dans le contexte de chacune de leurs demandes de contrôle judiciaire.

 

Une mesure provisoire devrait-elle être accordée pour l’une des demandes de contrôle judiciaire?

 

  • [44]Les Patry soutiennent que la requête dans chaque demande de contrôle judiciaire doit être examinée à la lumière de tous les éléments de la relation entre eux et l’ARC. Bien que j’aie tenu compte de l’ensemble de la situation factuelle lorsque j’ai examiné chaque requête, je concentrerai mon analyse sur les questions les plus pertinentes à chaque demande particulière de contrôle judiciaire pour parvenir à une décision cohérente.

 

  • [45]Les parties reconnaissent que, pour décider si les Patry ont droit à la réparation qu’il demande, les critères à appliquer sont ceux établis par la Cour suprême du Canada dans RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

 

  • [46]C’est donc dire que les Patry doivent établir ce qui suit :

1) Il y a une question sérieuse à juger dans les demandes sous-jacentes de contrôle judiciaire;

2) Un préjudice irréparable découlera du refus de l’injonction;

3) La prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis.

 

  • [47]Étant donné que le critère est conjonctif, les Patry doivent respecter les trois éléments du critère pour avoir droit à la réparation.

 

  • [48]Lorsqu’un demandeur souhaite obtenir une mesure prohibitive à titre provisoire, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire avec une grande prudence avant d’accorder la réparation souhaitée si l’absence de compétence n’est pas manifeste à la lecture du dossier : MacKay c. Rippon, [1978] 1 F.C. 233 aux paragraphes 46 et 47.

 

T-1361-10 et T-1982-10

  • [49]Ces demandes de contrôle judiciaire concernent les certificats délivrés par notre Cour en juillet 2010 en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d’accise. La demande T-1361-10 a pour but d’attaquer la décision de l’ARC d’enregistrer les certificats, alors que la demande T-1982-10 a pour but d’attaquer une décision présumée de ne pas retirer les certificats en temps utile.

 

  • [50]La dette fiscale qui constitue le fondement des certificats en litige a été payée en entier par les Patry le 1er octobre 2010 et les certificats ont été retirés le 29 novembre 2010. Par conséquent, ces demandes de contrôle judiciaire sont clairement théoriques.

 

  • [51]Je reconnais qu’il serait loisible au juge qui entend les demandes de contrôle judiciaire des Patry de décider d’exercer son pouvoir discrétionnaire conféré par la décision de la Cour suprême du Canada dans Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 de se pencher sur ces questions malgré qu’elles soient devenues théoriques. Ce n’est pas mon rôle à cette étape de la procédure de décider si le pouvoir discrétionnaire devrait être exercé en faveur des Patry.

 

  • [52]Cela étant dit, pour avoir droit à la mesure injonctive, les Patry doivent prouver, au moyen d’une preuve claire et non hypothétique, qu’ils subiront un préjudice irréparable entre maintenant et le moment où leurs demandes de contrôle judiciaire seront entendues si leurs requêtes sont rejetées : voir par exemple, Aventis Pharma S.A. c. Novopharm Ltd. 2005 CF 815, (2005), au paragraphe 59, conf. par 2005 CAF 390, 44 C.P.R. (4th) 326.

 

  • [53]Autrement dit, il ne suffira pas aux Patry de démontrer que le préjudice irréparable pourrait survenir si la mesure provisoire n’est pas accordée. Les allégations de préjudice qui sont simplement hypothétiques ne suffisent pas. Ils ont plutôt le fardeau de démontrer que cela donnera lieu au préjudice irréparable : voir International Longshore and Warehouse Union, Canada c. Canada (P.G.), 2008 CAF 3, aux paragraphes 22 à 25, par le juge en chef Richard.

 

  • [54]Les observations écrites des Patry sur la question du préjudice irréparable dans leurs 12 demandes de contrôle judiciaire sont excessivement brèves et indiquent essentiellement que toute violation de leurs droits protégés par la Charte correspondrait à un préjudice irréparable. À cet égard, je note que la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué dans International Longshore and Warehouse Union, Canada, précité, que pour démontrer l’existence d’un préjudice irréparable conformément au critère tripartite de l’arrêt RJR-MacDonald, il n’est pas suffisant de simplement affirmer de la sorte qu’il y a inconstitutionnalité (notamment une violation de la Charte) : au paragraphe 26.

 

  • [55]Les Patry ont soutenu à l’audience que l’enregistrement des certificats pouvait avoir des conséquences désastreuses pour la famille, y compris des répercussions financières en ce qui concerne les avances relatives à l’hypothèque. Toutefois, ils ont fourni peu de renseignements quant à la situation financière globale de la famille et cet argument ne repose donc pas sur un fondement probatoire suffisant.

 

  • [56]En outre, étant donné que la dette fiscale a été payée et que les certificats en litige ont maintenant été retirés, il n’a pas été établi que les Patry subiront un préjudice irréparable entre maintenant et le moment où leurs demandes de contrôle judiciaire seront entendues en raison de l’enregistrement des certificats ou de tout retard survenu dans leur retrait. La prétention des Patry selon laquelle [traduction] « si c’est arrivé une fois, cela peut encore se produire » est tout à fait spéculative.

 

  • [57]Comme ils n’ont pas démontré qu’ils subiront un préjudice irréparable si la mesure provisoire demandée n’est pas accordée, la requête déposée dans le contexte de ces deux demandes de contrôle judiciaire est rejetée.

 

T-1421-10 et T-1819-10

 

  • [58]Ces deux demandes de contrôle judiciaire ont pour but d’attaquer une décision du ministre de refuser un délai pour le recouvrement de sommes dues au titre de la TPS et une décision subséquente de refus d’accepter certaines garanties pour le paiement offertes par le couple.

 

  • [59]La dette fiscale en litige dans les procédures est la même que celle mentionnée dans la section précédente des présents motifs. Comme je l’ai indiqué, la dette a été payée au complet par les Patry le 1er octobre 2010. Par conséquent, ces demandes de contrôle judiciaire sont maintenant également devenues théoriques, et les Patry n’ont pas établi qu’ils subiront un préjudice irréparable entre maintenant et le moment où leurs demandes seront enfin entendues dans l’éventualité où la mesure provisoire n’est pas accordée. Comme pour les deux demandes précédentes, l’allégation de préjudice futur des Patry est spéculative au mieux.

 

  • [60]Par conséquent, les requêtes déposées dans le contexte de ces deux demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

 

T-367-11 et T-368-11

 

  • [61]Ces demandes de contrôle judiciaire visent les décisions prises par [traduction] « un agent anonyme de l’ARC » d’envoyer des mises en demeure de produire une déclaration dans les 30 jours, le 26 janvier 2011 en ce qui concerne l’année d’imposition 2009 de Tara Patry (T-367-11) et le 3 février 2011 en ce qui concerne l’année d’imposition 2009 de Ray Patry (T‑368-11).

 

  • [62]Les Patry souhaitent obtenir [traduction] « une ordonnance annulant ou suspendant des mises en demeure de produire une déclaration dans les 30 jours en date du 26 janvier 2011 et du 3 février 2011 envoyées par un agent anonyme de l’Agence du revenu du Canada ». J’apprends que l’ARC n’a pris aucune mesure pour exécuter ces mises en demeure en attente l’issue des présentes requêtes.

 

  • [63]Les Patry prétendent que ces mises en demeure ont été signifiées afin d’obtenir des renseignements pour faire avancer l’enquête criminelle et qu’elles sont donc répréhensibles. Ils allèguent également qu’ils ne peuvent se conformer à ces mises en demeure parce que l’ARC ne leur a pas fourni de copies des documents dont ils ont besoin pour remplir leur déclaration de revenus, documents qui ont été saisis pendant la perquisition. Selon les Patry, on devrait maintenant leur permettre de rassembler les renseignements à inclure dans leur déclaration de revenus au moment où ils sont déjà visés par des accusations criminelles.

 

  • [64]La preuve présentée par le défendeur indique que les mises en demeure de produire les déclarations de revenus ont été envoyées par un système automatisé et que cela n’a rien à voir avec l’enquête criminelle. Afin de décider si une mise en demeure de produire une déclaration devrait être envoyée, ce système examine un certain nombre de facteurs, y compris les antécédents du contribuable et la question de savoir s’il y a un [traduction] « potentiel fiscal ».

 

  • [65]Les Patry font remarquer qu’aucune mise en demeure de produire une déclaration n’a été générée pour l’année d’imposition 2008, et Tara Patry peut en fait avoir eu un solde créditeur, ce qui limiterait ainsi le [traduction] « potentiel fiscal ». Ils font également observer qu’il existe des [traduction] « notes de journal » associées aux avis. Selon les Patry, cela indique que les avis n’ont pas en fait été générés dans le cours normal et qu’ils ont été envoyés pour une fin accessoire incorrecte, à savoir faire progresser l’enquête criminelle.

 

  • [66]Le défendeur a fourni une preuve par affidavit abordant chacun de ces points.

 

  • [67]Je commencerai mon analyse en faisant remarquer qu’une partie de ce que les Patry souhaitent obtenir par leurs requêtes en l’espèce est essentiellement une réparation finale, à savoir une ordonnance annulant les mises en demeure de produire une déclaration envoyée par l’ARC. L’octroi de cette réparation est manifestement incorrect pour une mesure provisoire comme celle-ci.

 

  • [68]Dans la mesure où les Patry souhaitent obtenir une ordonnance annulant les mises en demeure à titre provisoire, je n’ai pas à décider si une question sérieuse a été démontrée en ce qui concerne ces demandes de contrôle judiciaire puisque les Patry ne m’ont pas convaincue qu’ils subiront un préjudice irréparable si la mesure provisoire demandée relativement aux présentes demandes n’est pas accordée.

 

  • [69]Les Patry ont une obligation légale de produire des déclarations de revenus. Le fait de les obliger à se conformer à leurs obligations légales ne constitue pas, à mon avis, un préjudice irréparable.

 

  • [70]J’ai examiné l’argument des Patry selon lequel ils ne peuvent pas produire de déclaration de revenus pour leur année d’imposition 2009 puisqu’ils n’ont pas accès aux documents nécessaires. Cette prétention pose toutefois un certain nombre de problèmes.

 

  • [71]Bien entendu, les Patry eux-mêmes n’ont pas fourni de preuve par affidavit pour appuyer leurs prétentions à cet égard. L’affidavit du 23 février 2011 de Mme Curtis indiquait qu’elle a été informée par Ray Patry que [traduction] « en raison des registres manquants et de l’enquête criminelle en cours », les demandeurs n’ont pas produit la déclaration de TPS de leur société de personnes pour l’année 2008. Le seul commentaire dans l’affidavit de Mme Curtis en ce qui concerne les mises en demeure de produire la déclaration de 2009 concerne la croyance des Patry selon laquelle les mises en demeure ont été envoyées pour une fin incorrecte.

 

  • [72]Aucun fondement probatoire n’appuie donc la prétention des Patry selon laquelle la saisie de leurs documents les a empêchés de produire une déclaration de revenus pour leurs années d’imposition 2009.

 

  • [73]En outre, les Patry n’ont pas indiqué les documents dont ils avaient besoin pour se conformer à leur obligation légale de produire une déclaration. De plus, le défendeur a déposé un certain d’éléments de preuve indiquant que les copies d’un grand nombre de documents saisis avaient été retournées aux Patry. Bien que les Patry allèguent que ce ne sont pas tous les documents qui leur ont été retournés et qu’on a leur a pas non plus fourni d’équipement informatique, ils n’ont pas prouvé cette affirmation.

 

  • [74]De surcroît, dans l’éventualité où les Patry avaient réellement besoin des documents en la possession de l’ARC pour produire leurs déclarations de revenus, il leur était loisible de déposer une requête devant les tribunaux de la Colombie-Britannique pour que les documents saisis leur soient retournés : R. c. Bromley, [2002] B.C.J. No. 159. Rien dans la preuve dont je suis saisie n’indique qu’ils l’ont fait.

 

  • [75]Fait peut-être le plus important, les Patry ont appris par une lettre en date du 2 décembre 2008 que [traduction] « les registres et éléments saisis en vertu des articles 487 et 489 du Code criminel » du Canada sont conservés au BSFBF et qu’ils [traduction] « sont à votre disposition ou celle de votre représentant autorisé pour examen pendant les heures normales d’ouverture [...] ». Rien n’indique que les Patry ont même tenté d’inspecter les documents dont ils disent maintenant avoir besoin pour produire leurs déclarations de revenus ou qu’on les a empêchés de le faire.

 

  • [76]Enfin, dans l’éventualité où les Patry croient toujours que les mises en demeure de produire une déclaration ont réellement été envoyées dans le but de recueillir des éléments de preuve aux fins de la poursuite criminelle, ils ont la possibilité de demander que la preuve obtenue conformément aux mises en demeure soit exclue à leur procès criminel.

 

  • [77]Comme le juge MacKay l’a fait observer dans 047424 NB Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1998] A.C.F. no 1292 :

Si les renseignements demandés sont fournis, mais que le défendeur ne prend aucune mesure non autorisée ayant des effets préjudiciables sur les demandeurs, ceux-ci ne subissent pas de préjudice. Si le préjudice appréhendé est l’utilisation possible des renseignements dans la poursuite criminelle, la validité de cette utilisation peut être contestée dans le cours de cette instance. Si l’utilisation n’est pas permise, il n’y aura pas de préjudice irréparable pour les demandeurs et si elle est permise dans d’autres instances, sur approbation judiciaire, cette utilisation ne pourra pas constituer un préjudice irréparable. [au paragraphe 23]

 

 

  • [78]Ayant omis d’établir au moyen d’une preuve claire et non spéculative qu’ils subiront un préjudice irréparable entre maintenant et le moment où leurs demandes sous-jacentes de contrôle judiciaire seront entendues dans l’éventualité où ils ne se conforment pas aux mises en demeure de produire une déclaration, il s’ensuit que les requêtes déposées par les Patry dans le contexte de ces deux demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

 

  • [79]Même si je n’ai pas nécessairement à aborder la question de la prépondérance des inconvénients à l’égard de ces requêtes à la lumière de mes conclusions visant la question du préjudice irréparable, je fais remarquer que je suis convaincue qu’en l’espèce la prépondérance des inconvénients favorise clairement le défendeur.

 

  • [80]Comme la Cour d’appel fédérale l’a fait remarquer, le ministre a une obligation légale d’appliquer les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise et de la Loi de l’impôt sur le revenu. La Cour ne devrait pas empêcher le ministre de remplir ses fonctions prévues par la loi simplement parce que cela aura pour effet d’imposer des obligations injustes et onéreuses et de causer des difficultés financières au contribuable : voir Tele-Mobile Co. Partnership c. Canada (Agence du revenu), [2011] A.C.F. no 336, 2011 CAF 89,au paragraphe 5. La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que les contribuables peuvent se prévaloir d’autres recours, tout comme c’est le cas en l’espèce.

 

T-1981-10, T-2063-11 et T-450-11

 

  • [81]La demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-1981-10 concerne une décision de l’enquêteuse criminelle d’annuler la déclaration de TPS produite par les Patry pour le compte de leur société de personnes pour l’année d’imposition 2008. Les Patry allèguent que l’ARC n’a pas de pouvoir légal pour annuler une déclaration de revenus.

 

  • [82]Je note que le défendeur est d’avis que cette demande a été déposée au-delà de la période de 30 jours accordée pour présenter des demandes de contrôle judiciaire. Aucune requête en prorogation du délai n’a été déposée par les Patry, qui allèguent que cette décision ne représente qu’une partie du type de comportement de l’ARC de sorte que le délai de 30 jours ne devrait pas s’appliquer. Le respect du délai imparti pour le dépôt de la demande de contrôle judiciaire ne m’a pas été soumis, je ne me prononcerai donc pas sur ce sujet.

 

  • [83]La demande T-2063-11 est déposée relativement à une décision de l’enquêteuse criminelle [traduction] « d’établir une cotisation arbitraire pour les déclarations de TPS de 2008 et de 2009 des demandeurs ».

 

  • [84]La demande de contrôle judiciaire dans le dossier T-450-11 vise [traduction] « une décision d’agents anonymes de l’Agence du revenu du Canada [...] qui semblent prendre des mesures contradictoires et non autorisées en ce qui concerne une déclaration de revenus de la taxe sur les produits et services (TPS) pour la période se terminant le 31 décembre 2008 sans avis ou explication des actions ».

 

  • [85]La décision attaquée dans la demande T-450-11 n’est pas claire. Il n’est pas clair non plus si les questions soulevées par la demande peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Dans les circonstances, les Patry n’ont pas établi qu’ils ont droit à une mesure provisoire en l’espèce.

 

  • [86]En ce qui concerne les demandes T-1981-10 et T-2063-11, les Patry ont inscrit leur société de personnes aux fins de la TPS et ont commencé à payer la TPS en mars 2008. Par la suite, les Patry ont produit une déclaration de revenus pour cette année partielle. Dans le cadre de l’enquête criminelle, on a conclu que la société de personnes avait eu un revenu de plus de 30 000 $ en 2005, ce qui fait que l’ARC a établi que les Patry auraient dû verser la TPS en 2006 et en 2007.

 

  • [87]Afin d’évaluer le montant dû pour ces deux années, l’inscription aux fins de la TPS des Patry devait remonter au 1er janvier 2006. Des cotisations ont ensuite été établies par l’enquêteuse pour les années d’imposition 2006 et 2007.

 

  • [88]Il s’ensuit que le système informatique de l’ARC ne pouvait plus accepter une déclaration pour une période de déclaration partielle et elle a été rejetée parce qu’elle était invalide. Afin de traiter la déclaration, le système devait avoir une déclaration complète pour toute l’année d’imposition. Par conséquent, la déclaration de revenus des Patry pour l’année partielle a été annulée le 12 juillet 2010. Une lettre a ensuite été envoyée aux Patry pour les aviser que leur déclaration des sociétés de personnes avait été annulée et leur demander de produire une nouvelle déclaration pour toute l’année d’imposition.

 

  • [89]Des cotisations de TPS pour les années d’imposition 2008 et 2009 ont ensuite été établies par la Division de l’observation de l’ARC en novembre 2010. Les renseignements de la déclaration des sociétés de personnes de 2008 des Patry pont ensuite été saisis de nouveau dans le système de l’ARC et modifiés afin de tenir compte de toute l’année civile. Elles ont remplacé la cotisation de TBS établie en novembre 2010.

 

  • [90]Il semble donc que jusqu’à maintenant, en ce qui concerne la déclaration de TPS de 2008 des Patry, elle est actuellement traitée par l’ARC conformément aux renseignements déjà fournis par le couple pour cette année d’imposition.

 

  • [91]Les Patry se sont opposés à ces cotisations et elles font toujours l’objet d’une opposition devant la Division des appels de l’ARC. Le défendeur fait valoir que cela donne aux Patry une réparation suffisante qui fait en sorte qu’une mesure provisoire en l’espèce n’est pas nécessaire. Toutefois, les Patry allèguent que ni l’ARC ni la Cour de l’impôt n’aborderont pas les préoccupations qu’ils ont en ce qui concerne l’équité de la procédure suivie relativement à ces cotisations.

 

  • [92]Je reconnais que la présente procédure n’abordera pas les préoccupations des Patry en ce qui concerne l’équité du processus ayant mené aux cotisations : voir Main Rehabilitation Co. c. Canada, [2004] A.C.F. no 2030, au paragraphe 8.

 

  • [93]Tout en reconnaissant que la décision de la Cour suprême dans Jarvis permet la tenue parallèle de procédures civiles et fiscales criminelles pour les mêmes années d’imposition, les Patry disent néanmoins qu’il était illégal pour l’enquêteuse criminelle de participer au processus d’établissement de la cotisation civile.

 

  • [94]Ils allèguent également que le processus d’établissement de la cotisation civile est utilisé afin de recueillir des renseignements pour faire avancer la poursuite criminelle. Au soutien de cette prétention, ils renvoient à la preuve par affidavit fournie par un leurs clients qui déclare qu’il croit que certains de ses propres renseignements fiscaux ont été saisis par les enquêteurs criminels sans mandat et qu’ils étaient utilisés dans le cadre de l’enquête criminelle sur M. et Mme Patry.

 

  • [95]Les Patry font également remarquer que les propres politiques internes de l’ARC exigent un [traduction] « lien étroit » entre le personnel du recouvrement et les enquêteurs criminels. Ils allèguent que ces liens entre les agents civils et criminels de l’ARC constituent un motif d’annulation des actions de l’ARC : citant Stanfield c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2005] A.C.F. no 1249, 2005 CF 1010.

 

  • [96]Je commencerai mon analyse de ces affaires en faisant observer que la décision dans Stanfield était une décision finale relativement à une demande de contrôle judiciaire et qu’il ne s’agissait pas d’une ordonnance accordant une mesure injonctive ou prohibitive extraordinaire comme celle demandée en espèce. Il reviendra au juge qui entendra ces demandes sur le fond de décider s’il doit accorder une réparation comme celle accordée dans Stanfield.

 

  • [97]Encore une fois, le défendeur allègue que Jarvis n’empêche pas la communication entre les enquêteurs civils et criminels à l’ARC ou entre le personnel du recouvrement et les enquêteurs criminels dans la mesure où ces derniers n’obtiennent pas d’éléments de preuve découlant des pouvoirs civils de contrainte pour faire avancer l’enquête criminelle.

 

  • [98]Je suis disposée à accepter que les Patry ont établi l’existence d’une question sérieuse dans ces cas dans la mesure où elle concerne la participation apparente de l’enquêteuse criminelle au processus de recouvrement puisqu’il semble à tout le moins possible qu’il y a eu un flux d’information à deux sens entre les enquêtes civiles et criminelles sur les affaires fiscales des Patry.

 

  • [99]Toutefois, les Patry n’ont pas fourni une preuve claire et convaincante qu’ils subiront un préjudice irréparable entre maintenant et le moment où les demandes de contrôle judiciaire seront entendues dans l’éventualité où la mesure provisoire n’est pas accordée. Comme c’était le cas pour les demandes T-367-11 et T-368-11, il revient aux Patry de demander que la preuve obtenue en contravention des principes formulés dans la décision de la Cour suprême dans Jarvis soit exclue à leur procès criminel.

 

  • [100]Je suis également convaincue que la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur dans ces cas. Il est clairement dans l’intérêt public que le ministre continue d’assumer l’obligation légale qui lui est imposée par la Loi sur la taxe d’accise. Comme je l’ai mentionné, le préjudice appréhendé par les Patry peut être atténué par une requête déposée en vertu de l’article 24 de la Charte à leur procès criminel en vue de l’exclusion d’une preuve qui aurait été obtenue de façon illégitime selon eux.

 

  • [101]Par conséquent, les requêtes déposées dans le contexte de ces demandes de contrôle judiciaire sont également rejetées.

 

T-1980-10

 

[102]  La décision en litige dans cette demande de contrôle judiciaire a été prise le 12 juillet 2010 ou vers cette date. La demande des Patry a été intentée le 26 novembre 2010.  Aucune requête n’a été déposée pour proroger le délai pour intenter la demande et elle serait donc hors délai. Cette question ne m’a toutefois pas été présentée.

 

  • [103]La présente demande vise une décision par l’enquêteuse criminelle de l’ARC de [traduction] « modifier l’adresse d’affaires des demandeurs dans les ordinateurs de l’ARC pour que tous les documents en matière fiscale civile des demandeurs passent par l’enquêteuse ». Cette allégation fait partie du fondement de la requête des Patry pour obtenir une ordonnance provisoire obligeant l’ARC à ne pas modifier les registres électroniques et à ne pas intercepter leur correspondance.

 

  • [104]Les Patry ont indiqué deux cas dans lesquels leur adresse été modifiée dans le système informatique de l’ARC pour permettre que leur correspondance soit interceptée.

 

  • [105]À la conclusion de l’audience, les Patry ont semblé accepter l’explication du défendeur selon laquelle, dans un cas un document adressé aux Patry, aux soins d’un employé de l’ARC, avait été précisément généré pour produire une copie du document afin de respecter une demande en vertu de l’article 317 des Règles présentée par les Patry eux-mêmes et non pour faire avancer l’enquête criminelle.

 

  • [106]Toutefois, le couple continue d’affirmer qu’à au moins une occasion l’enquêteuse criminelle a illégalement modifié leur adresse dans le système informatique de l’ARC pour obtenir des renseignements supplémentaires afin de faire avancer l’enquête criminelle.

 

  • [107]Comme je l’ai indiqué dans la section précédente des présents motifs, les Patry ont inscrit leur société de personnes aux fins de la TPS en mars 2008 et ont commencé à payer la TPS par la suite. L’enquête criminelle a permis de conclure que la société de personnes avait tiré un revenu de plus de 30 000 $ en 2005 et que les Patry auraient donc dû verser la TPS en 2006 et en 2007. Afin d’évaluer le montant dû pour ces deux années, l’inscription aux fins de la TPS des Patry devait remonter au 1er janvier 2006. Des cotisations ont alors été établies par l’enquêteuse pour les années d’imposition 2006 et 2007.

 

  • [108]L’échange de courriels à l’interne à l’ARC démontre que l’enquêteuse criminelle a demandé à un employé de l’ARC de modifier l’adresse des Patry dans l’ordinateur pour sa propre adresse. L’enquêteuse a expliqué qu’elle souhaitait que cela soit fait pour [traduction] « m’assurer tout avis au système m’était envoyé ». Il semble que l’enquêteuse voulait obtenir des copies des cotisations pour les utiliser dans le cadre de la procédure criminelle. Elle fait remarquer dans un courriel que [traduction] « je ne peux déposer mes accusations criminelles tant que les cotisations de TPS ne sont pas affichées ». L’enquêteuse a indiqué dans un autre courriel que le changement d’adresse signifiait que les avis de cotisation lui seraient également envoyés, mais elle a dit qu’ils seraient envoyés manuellement aux Patry.

 

  • [109]Le changement d’adresse a eu lieu le 12 juillet 2010 et il semble que l’adresse au dossier a été remplacée après que les documents en litige ont été obtenus par l’enquêteuse. Les avis de cotisation ont ensuite été envoyés aux Patry le 21 juillet 2010.

 

  • [110]Je commencerais mon analyse en faisant observer que les Patry n’ont pas demandé cette forme de réparation dans la présente demande ou toute autre demande de contrôle judiciaire. En outre, et en tout état de cause, ils ne m’ont pas convaincue qu’une mesure provisoire de cette nature est nécessaire ou appropriée dans le présent cas.

 

  • [111]Je suis d’accord avec eux pour dire qu’il s’agissait d’une façon inhabituelle de faire les choses et que le retard dans l’envoi des avis aurait pu causer des problèmes en ce qui concerne les délais pour produire les oppositions. Toutefois, cela ne s’est pas produit et les Patry n’ont donc pas subi de préjudice parce qu’ils n’ont pas reçu les avis de cotisation en temps utile. Leur argument selon lequel la mesure injonctive est nécessaire pour empêcher que cela arrive est spéculatif puisque rien n’indique que cela va se répéter.

 

  • [112]Il faut également reconnaître que contrairement à la situation dans Jarvis, le document en question n’était pas des renseignements produits par le contribuable après une contrainte civile, mais plutôt la propre évaluation de l’enquêteuse.

 

  • [113]En effet, le défendeur allègue que les Patry tentent de proposer un raisonnement contraire à celui adopté par la Cour suprême dans Jarvis dans les présentes demandes. Selon eux il ne s’agit pas du cas d’un enquêteur criminelle qui utilise des pouvoirs de contrainte fiscaux civils afin d’obtenir des renseignements pour les utiliser contre eux dans leur procès criminel. En l’espèce, il s’agit plutôt d’un cas où une enquêteuse criminelle a utilisé des renseignements correctement obtenus dans le cadre d’une enquête criminelle menée en recourant à toutes les protections procédurale et constitutionnelle nécessaires afin d’exécuter une obligation fiscale civile.

 

  • [114]Bien que j’aie conclu que les Patry ont soulevé une question sérieuse en ce qui concerne cette demande, je suis néanmoins convaincue que toute préoccupation quant à la participation de l’enquêteuse criminelle au processus d’établissement de cotisation s’explique dans le contexte du procès criminel des Patry et que ces derniers n’ont pas par ailleurs subi un préjudice irréparable.

 

  • [115]En l’absence d’une preuve claire et non spéculative selon laquelle les Patry subiront un préjudice irréparable si la mesure provisoire demandée n’est pas accordée, la requête déposée dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire est également rejetée.

 

T-939-10

 

  • [116]Dans le cadre de cette demande, les Patry veulent attaquer la décision de [traduction] « proposer des cotisations civiles pour l’impôt sur le revenu et la taxe sur les produits et services (TPS) ainsi que des pénalités multiples, y compris des pénalités pour faute lourde et celles imposées à un tiers [...] à un moment où les demandeurs sont visés par une enquête criminelle, de sorte que ces derniers ne peuvent se défendre à l’égard de la cotisation proposée sans renoncer à leur droit au silence ».

 

  • [117]La décision semble représenter une étape préliminaire menant à l’imposition de pénalités. À l’évidence, ces pénalités ont maintenant été imposées et les Patry ont déposé des oppositions à cet égard. Étant donné que les pénalités ont déjà été imposées, il est difficile de voir comment une mesure provisoire est nécessaire en l’espèce.

 

  • [118]Les Patry allèguent que les lettres de proposition représentaient une tentative pour les forcer à fournir des renseignements afin de les utiliser dans le cadre de leur procès criminel au moyen de l’utilisation d’une cotisation civile et du processus d’imposition de pénalités.

 

  • [119]Les Patry avaient jusqu’au 17 juin 2010 pour produire les renseignements qu’ils souhaitaient fournir à l’ARC en ce qui concerne la question de la pénalité. Cette date est passée depuis longtemps. La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le 15 juin 2010 et aurait déjà pu être entendue sur le fond, ce qui aurait rendu la mesure provisoire inutile.

 

  • [120]En outre, il est important de garder à l’esprit que la préoccupation abordée par la Cour suprême du Canada dans Jarvis vise l’utilisation de ce que la Cour a décrit comme de « puissants mécanismes d’inspection et de demande péremptoire établis par les par. 231.1(1) et 231.2(1) » pour contraindre la production de renseignements à utiliser dans le cadre d’une procédure criminelle, sans respecter les protections accordées aux suspects par le processus de délivrance de mandats. Ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce.

 

  • [121]Dans la présente affaire, les Patry ont eu la possibilité de présenter des observations avant qu’une décision préliminaire soit prise en ce qui concerne une pénalité civile. Il leur était loisible d’accepter cette invitation ou de la rejeter. S’ils choisissaient de fournir des renseignements à l’ARC, ils l’auraient fait de façon volontaire et leurs droits protégés par la Charte n’auraient pas été violés. S’ils choisissaient de ne pas fournir les renseignements (comme ils l’ont fait), leur droit au silence a été respecté.

 

  • [122]Dans la mesure où la préoccupation des Patry porte sur l’équité de la procédure suivie pendant les étapes menant à l’imposition des pénalités, cette préoccupation pourra être abordée lorsque la présente demande de contrôle judiciaire sera examinée sur le fond. Toutefois, ils ne m’ont pas convaincue au moyen d’une preuve claire et non spéculative qu’ils subiront un préjudice irréparable entre maintenant et ce moment si la mesure provisoire n’est pas accordée.

 

  • [123]Par conséquent, la requête déposée dans le cadre de la présente demande est rejetée.

 

T-940-10

 

  • [124]Cette demande de contrôle judiciaire concerne une décision du « Comité d’examen des pénalités imposées à des tiers » d’approuver l’imposition d’une pénalité à un tiers en vertu de l’article 163.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

  • [125]Cette décision est une autre étape préliminaire menant à l’imposition réelle des pénalités. Contrairement à la précédente demande de contrôle judiciaire, où les Patry affirment qu’il était injuste de leur demander de fournir des observations avant qu’une décision soit prise en ce qui concerne la question des pénalités, dans le présent cas, les Patry disent qu’il est injuste de ne pas leur permettre de formuler des observations avant qu’une décision soit prise en ce qui concerne la question de la pénalité.

 

  • [126]Encore une fois, je ne suis pas convaincue que la mesure provisoire est nécessaire ou appropriée dans le présent cas puisque les pénalités ont maintenant été imposées et que des oppositions ont été produites par les Patry à cet égard. Toute préoccupation quant à l’équité procédurale que les Patry peuvent avoir sera abordée au moment où la présente demande de contrôle judiciaire sera examinée sur le fond, et ils n’ont pas établi qu’ils subiront un préjudice irréparable entre maintenant et ce moment si la mesure provisoire n’est pas accordée.

 

Les demandes devraient-elles être mises en suspens?

 

  • [127]La dernière réparation demandée par les Patry est une [traduction] « [u]ne ordonnance mettant en suspens l’ensemble de ces demandes en attendant le règlement des accusations criminelles visant les demandeurs ».

 

  • [128]Les Patry ont indiqué très clairement à l’audition des requêtes qu’ils souhaitaient que leurs demandes de contrôle judiciaire soient mises en suspens, même s’ils n’obtenaient pas la mesure provisoire qu’ils demandaient, une position qui mine leur prétention selon laquelle une mesure provisoire urgente était requise dans chacun des cas.

 

  • [129]Le défendeur allègue que les 12 demandes de contrôle judiciaire devraient être mises en suspens en attendant l’issue du procès criminel des Patry. Étant donné le consentement des parties sur ce point, une ordonnance à cet égard sera rendue.

 

Dépens

 

  • [130]Aucune raison ne justifie en quoi les dépens ne devraient pas suivre l’issue. Le défendeur demande des dépens de 5 000 $, les débours compris. Il s’agit d’un montant raisonnable, compte tenu du nombre d’affidavits produits en lien avec les requêtes, du nombre de contre-interrogatoires qui ont eu lieu et du fait que l’audition des requêtes a nécessité deux jours.


ORDONNANCE

 

  LA COUR ORDONNE que :

  1.    Les requêtes déposées par les Patry dans chacune des 12 demandes de contrôle judiciaire soient rejetées;

 

  2.  Une copie des présents motifs soit placée dans le dossier de chacune des 12 demandes de contrôle judiciaire des Patry;

 

  3.  Le défendeur ait droit aux dépens des requêtes fixés à 5 000 $, les débours compris;

 

  4.  Les présentes demandes de contrôle judiciaire soient mises en suspens en attendant le règlement des procédures criminelles concernant M. et Mme Patry. Les parties aviseront le protonotaire responsable de la gestion des instances de l’état des présentes affaires dans un délai de dix jours suivant le règlement final des accusations criminelles contre les Patry.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :    T-939-10; T-940-10; T-1361-10; T-1421-10; T-1819-10;

T-1980-10; T-1981-10; T-1982-10; T-2063-10; T-367-11;

T-368-11; T-450-11

 

 

INTITULÉ :  RAYMOND ET TARA PATRY c.

  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 16 août 2011

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  La juge Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :  Le 31 août 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gavin Laird

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Neva Beckie

Me David Everett

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LAIRD & COMPANY

Avocats

Pitt Meadows (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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