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Date : 20110914

Dossier : P‑3‑10

Référence : 2011 CF 1071

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2011

En présence de monsieur le juge Russell, évaluateur adjoint

 

 

ENTRE :

 

RICK ALSAGER

 

 

 

appelant

(ou M. Alsager)

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE DU CANADA

 

 

 

 

intimé

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

 

[1]               Il s’agit de l’appel interjeté par M. Rick Alsager (M. Alsager ou l’appelant), en application du paragraphe 56(1) de la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21 (la Loi), de l’indemnité définitive accordée à l’appelant (la décision) pour l’abattage de son troupeau de cerfs, fixée conformément à l’évaluation, datée du 6 mai 2010, effectuée par la Dre Betty Althouse (la Dre Althouse), présidente du Comité d’évaluation, Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) (le rapport d’évaluation). M. Alsager estime que la Dre Althouse et l’ACIA ont sous‑évalué bon nombre de cerfs de son troupeau qui ont été abattus le 27 mai 2010. Les animaux ont été détruits conformément à un décret de destruction pris par le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada (le ministre) à la suite de résultats d’analyse indiquant la présence, chez un des cerfs de M. Alsager, d’une maladie débilitante chronique (MDC), confirmés par le Laboratoire national à Ottawa. Le ministre a indemnisé M. Alsager conformément à la décision, mais M. Alsager estime que certains de ses animaux ont été sous‑évalués de façon déraisonnable et il interjette appel du montant de l’évaluation.

 

CONTEXTE

 

[2]               L’appelant est propriétaire‑exploitant d’une ferme cynégétique située près de Maidstone, en Saskatchewan. Les clients viennent à la ferme de l’appelant et paient pour pratiquer la chasse au gibier à trophée dans un environnement naturel.

 

[3]               Il a été confirmé le 16 avril 2010 qu’on avait diagnostiqué chez un des cerfs de l’appelant une MDC, soit une encéphalopathie spongiforme transmissible à l’origine d’une maladie neurologique évolutive chez le cerf et d’autres cervidés. On pense habituellement que la MDC est causée par des protéines anormales appelées prions qui touchent le système nerveux central de l’animal. Cette maladie est toujours fatale.

 

[4]               La MDC est une maladie déclarable aux termes de la Loi et du Règlement sur les maladies déclarables, DORS/91‑2.

 

[5]               Le 16 avril 2010 également, l’ACIA a transmis à l’appelant un avis de mise en quarantaine conformément à l’article 6 du Règlement sur la santé des animaux, C.R.C., ch. 296, qui mettait en quarantaine tous les cervidés de l’appelant se trouvant sur certaines parcelles de sa propriété.

 

[6]               Le 23 avril 2010, l’ACIA a envoyé à l’appelant un avis de disposition en application du paragraphe 48(1) de la Loi, précisant que le troupeau serait détruit au plus tard le 31 mai 2010.

 

[7]               Le ministre a communiqué avec l’appelant au sujet de l’évaluation de ses animaux afin de fixer une indemnité aux termes du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux, DORS/2000‑233.

 

[8]               Il a été décidé de constituer une équipe d’évaluation formée de la Dre Althouse, présidente représentant l’ACIA, Roger Holland, représentant de l’industrie nommé par l’appelant, et le Dr Robert Hope, représentant de l’ACIA.

 

[9]               Le 27 avril 2010, une réunion d’indemnisation (la réunion d’indemnisation) a été tenue à North Battleford. L’appelant, ses fils Jan et Lane, Roger Holland, le Dr Hope et la Dre Althouse y ont assisté. La Dre Althouse était la présidente de l’équipe d’évaluation et avait reçu le pouvoir délégué nécessaire pour s’acquitter de ses fonctions. Au cours de la réunion, des questions générales concernant l’évaluation ont été abordées et il a été décidé que Roger Holland et le Dr Hope prépareraient chacun leur propre rapport sur l’évaluation des cerfs. Au moment de la réunion d’indemnisation, l’inventaire des cerfs n’était pas disponible; le nombre de cerfs à abattre et à évaluer a donc été choisi de façon approximative pour les fins des rapports.

 

[10]           Selon le système de notation du Safari Club International (SCI) utilisé par l’industrie, les cerfs sont évalués d’après leur panache. En l’espèce, les bois des cerfs n’avaient pas encore atteint leur taille maximale pour la saison 2010; en général, les bois atteignent leur taille maximale à l’automne. Dans l’impossibilité de noter les bois et compte tenu du peu de documents indiquant la valeur des animaux, il a été difficile de procéder à une évaluation dans la présente affaire.

 

[11]           Roger Holland et M. Holt ont terminé leurs rapports respectifs et les ont remis pour examen à la Dre Althouse. Le 5 mai 2010, Dre Althouse a achevé son rapport d’évaluation préliminaire, qui était basé sur une estimation de l’inventaire.

 

[12]           Le 27 mai 2010, les cerfs de l’appelant ont été abattus sur ordre du ministre. Les daims, qui appartenaient au fils de l’appelant Lane Alsager ont également été abattus. Les cerfs de Virginie et les cerfs mulets n’ont pas été abattus pour que la ferme cynégétique puisse continuer ses activités à l’automne avec ces animaux, après quoi ils ont tous été abattus. Au cours de l’abattage des cerfs de l’appelant, des inventaires exacts ont été établis, qui confirmaient l’âge des animaux, la gravidité des femelles et le nombre d’animaux.

 

[13]           Les 16 et 21 juin 2010, conformément au rapport d’évaluation préparé par la Dre Althouse, ainsi qu’aux chiffres exacts de l’inventaire, le ministre a transmis à l’appelant des avis d’indemnité. Des ordonnances d’indemnisation ont également été rendues à l’égard de Lane Alsager pour l’abattage des daims.

 

[14]           L’appelant a reçu au total 227 899,50 $ pour l’abattage de son troupeau de cerfs. Les analyses pratiquées sur les animaux après l’abattage ont donné au total 24 cas de MDC. Des ordonnances d’indemnisation n’avaient pas été rendues à l’égard des cerfs de Virginie ni des cerfs mulets à ce moment‑là, étant donné qu’ils n’avaient pas encore été abattus.

 

[15]           L’appelant a déposé un avis d’appel vers le 28 juillet 2010, en application de l’article 56 de la Loi. Dans cet avis d’appel, il déclarait souhaiter [traduction] « interjeter appel de l’indemnité accordée pour les animaux qui ont été abattus sur [sa] ferme le 31 mai 2010 ». Ces animaux étaient les cerfs de M. Alsager. L’ordonnance d’indemnisation concernant les cerfs de Virginie a été rendue le 1er mars 2011; les cerfs de Virginie n’étaient pas au nombre des animaux qui ont été abattus le 31 mai 2010. Ainsi, M. Alsager n’a pas déposé d’avis d’appel à l’égard des cerfs de Virginie et, à strictement parler, ils ne sont pas visés par le présent appel. Il affirme que son désaccord concernant l’évaluation de trois cerfs de Virginie soulève les mêmes questions que celles visant ses cerfs, mais l’intimé n’avait pas été avisé de façon appropriée du fait que M. Alsager souhaitait interjeter appel des évaluations des trois cerfs de Virginie. Ce n’est qu’à l’audience qu’il a été constaté que M. Alsager souhaitait contester les évaluations des trois cerfs de Virginie. L’intimé n’avait pas été informé de ce fait et n’a pas eu la possibilité de déposer des documents ou de préparer sa preuve concernant cette question distincte; M. Alsager n’a pas respecté la Loi et les règlements régissant l’appel des évaluations des trois cerfs de Virginie.

 

DÉCISION

 

[16]           Les ordonnances d’indemnisation rendues conformément au rapport d’évaluation de la Dre Althouse constituent la décision dont appel.

 

QUESTIONS

 

[17]           La question en litige en l’espèce se limite à celle de savoir si l’indemnité versée à M. Alsager était raisonnable dans la mesure où elle vise les animaux particuliers qui sont identifiés dans la pièce A‑1 déposée par M. Alsager.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[18]           Les dispositions législatives suivantes trouvent application dans le présent appel :

Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990, ch. 21

Mesures de disposition

 

 

 

48. (1) Le ministre peut prendre toute mesure de disposition, notamment de destruction, — ou ordonner à leur propriétaire, ou à la personne qui en a la possession, la responsabilité ou la charge des soins, de le faire — à l’égard des animaux ou choses qui :

 

a) soit sont contaminés par une maladie ou une substance toxique, ou soupçonnés de l’être;

 

b) soit ont été en contact avec des animaux ou choses de la catégorie visée à l’alinéa a) ou se sont trouvés dans leur voisinage immédiat;

 

 

 

 

c) soit sont des substances toxiques, des vecteurs ou des agents causant des maladies, ou sont soupçonnés d’en être.

 

...

 

Indemnisation : animal

 

 

51. (1) Le ministre peut ordonner le versement, sur le Trésor, d’une indemnité au propriétaire de l’animal :

 

 

a) soit détruit au titre de la présente loi, soit dont la destruction a été ordonnée par l’inspecteur ou l’agent d’exécution mais mort avant celle‑ci;

 

b) blessé au cours d’un examen ou d’une séance de traitement ou d’identification effectués, au même titre, par un inspecteur ou un agent d’exécution et mort ou détruit en raison de cette blessure;

 

c) affecté à des expériences au titre du paragraphe 13(2).

 

 

Montant de l’indemnité

 

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l’indemnité payable est égale à la valeur marchande, selon l’évaluation du ministre, que l’animal aurait eue au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de son cadavre.

 

 

 

 

 

Plafond

 

(3) La valeur marchande ne peut dépasser le maximum réglementaire correspondant à l’animal en cause.

 

 

 

Indemnité supplémentaire

 

(4) L’indemnisation s’étend en outre, lorsque les règlements le prévoient, aux frais de disposition, y compris de destruction.

 

...

 

Appel

 

56. (1) Il peut être interjeté appel devant l’évaluateur soit pour refus injustifié d’indemnisation, soit pour insuffisance de l’indemnité accordée.

 

 

 

 

 

 

Délai d’appel

 

 

(2) L’appel doit être interjeté dans les trois mois suivant la notification à l’intéressé de la décision ministérielle contestée ou dans le délai plus long que l’évaluateur peut exceptionnellement accorder.

Disposal of affected or contaminated animals and things

 

48. (1) The Minister may dispose of an animal or thing, or require its owner or any person having the possession, care or control of it to dispose of it, where the animal or thing

 

 

 

 

 

(a) is, or is suspected of being, affected or contaminated by a disease or toxic substance;

 

 

(b) has been in contact with or in close proximity to another animal or thing that was, or is suspected of having been, affected or contaminated by a disease or toxic substance at the time of contact or close proximity; or

 

(c) is, or is suspected of being, a vector, the causative agent of a disease or a toxic substance.

 

 

...

 

Compensation to owners of animals

 

51. (1) The Minister may order compensation to be paid from the Consolidated Revenue Fund to the owner of an animal that is

 

(a) destroyed under this Act or is required by an inspector or officer to be destroyed under this Act and dies after the requirement is imposed but before being destroyed;

 

(b) injured in the course of being tested, treated or identified under this Act by an inspector or officer and dies, or is required to be destroyed, as a result of the injury; or

 

 

(c) reserved for experimentation under paragraph 13(2)(a).

 

Amount of compensation

 

(2) Subject to subsections (3) and (4), the amount of compensation shall be

 

(a) the market value, as determined by the Minister, that the animal would have had at the time of its evaluation by the Minister if it had not been required to be destroyed

Minus

 

(b) the value of its carcass, as determined by the Minister.

 

Maximum value

 

(3) The value mentioned in paragraph (2)(a) shall not exceed any maximum amount established with respect to the animal by or under the regulations.

 

Additional compensation

 

(4) In addition to the amount calculated under subsection (2), compensation may include such costs related to the disposal of the animal as are permitted by the regulations.

...

 

Appeal

 

56. (1) A person who claims compensation and is dissatisfied with the Minister’s disposition of the claim may bring an appeal to the Assessor, but the only grounds of appeal are that the failure to award compensation was unreasonable or that the amount awarded was unreasonable.

 

Time limit for bringing appeal

 

(2) An appeal shall be brought within three months after the claimant receives notification of the Minister’s disposition of the claim, or within such longer period as the Assessor may in any case for special reasons allow.

 

 

[19]           L’article 2 du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux est également pertinent :

2. Pour l’application du paragraphe 51(3) de la Loi, la valeur marchande d’un animal qui est détruit ou qui doit l’être en application du paragraphe 48(1) de la Loi ne peut dépasser :

 

 

a) le montant prévu à la colonne 3 de l’annexe, pour tout animal visé à la colonne 1;

 

 

 

39. Cerf (Cervus elaphus) mâle non castré âgé d’un an ou plus Cervidés 8000

 

40. Cerf (Cervus elaphus) autre que celui visé à l’article 39 Cervidés 4000

...

 

43.  Cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) mâle non castré âgé d’un an ou plus Cervidés 8000

 

44.  Cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) autre que celui visé à l’article 43 Cervidés 4000

2. For the purpose of subsection 51(3) of the Act, the amount that is established as the maximum amount with respect to an animal that is destroyed or required to be destroyed under subsection 48(1) of the Act is

 

(a) if the animal is set out or included in column 1 of an item of the schedule, the amount set out in column 3 of that item; and

 

39. Elk (Cervus elaphus) Bull, 1 year and older Cervidae 8,000

 

40. Elk (Cervus elaphus) All elk other than those referred to in item 39 Cervidae, 4,000

...

 

43. White­tailed Deer (Odocoileus virginianus) Buck, 1 year and older Cervidae8,000

 

44. White­tailed Deer (Odocoileus virginianus) All White­tailed Deer other than those referred to in item 43 Cervidae 4,000

 

 

 

ARGUMENTS

La thèse de l’appelant

                        Introduction générale

 

[20]           L’appelant (M. Alsager) estime que le régime d’indemnisation actuel prévu par la Loi et le Règlement accorde trop de pouvoir à des fonctionnaires qui ne connaissent pas les industries du cerf et du cerf de Virginie et qui ont tendance à sous‑évaluer les animaux qui doivent être abattus. Il en résulte que les producteurs sont indemnisés de façon insuffisante afin de réaliser l’objectif du gouvernement de faire disparaître cette industrie. Selon lui, la décision attaquée illustre très bien ce problème général.

 

[21]           M. Alsager affirme que l’approche adoptée en matière d’évaluation dans la présente affaire ne reflète pas les activités d’une ferme cynégétique comme celle dont il s’occupe et ne prend pas en compte les aspects particuliers de ses activités commerciales.

 

[22]           En particulier, M. Alsager affirme que l’évaluation n’a pas tenu compte des caractéristiques génétiques supérieures de son troupeau de cerfs. Depuis plusieurs années, il poursuit un programme de sélection qui vise à produire des cerfs de première qualité pour sa ferme d’élevage de gibiers à trophée qu’il exploite sur sa propriété. Il affirme qu’il n’élève pas d’animaux ayant une note inférieure à 400 selon le barème du SCI et qu’il ne possède pas d’animaux ayant une note inférieure à 380 sur sa propriété, de sorte que les faibles notes du SCI utilisées pour évaluer ses cerfs n’étaient aucunement applicables à sa ferme cynégétique.

 

[23]           M. Alsager a expliqué à la Cour qu’après avoir procédé à un premier abattage de ses animaux en 2010, il a redémarré avec un noyau de cerfs de qualité supérieure de façon à constituer un bassin cerfs ayant des gènes de première qualité. Il affirme que les gènes relatifs aux bois proviennent principalement des femelles, même si ce sont les cerfs que l’on chasse pour obtenir leurs panaches.

 

[24]           Sur une période de près de 10 ans, M. Alsager affirme qu’il a appris à prévoir le genre de bois qu’un cerf acquerrait, ce qui lui permettait de savoir quelles étaient les femelles qui produisaient des mâles à trophée. Lorsqu’un mâle portait des bois de qualité, il conservait à la fois la mère et le faon. Lorsque le mâle ne portait pas des bois de qualité, il abattait alors la mère et le faon. Les femelles qui ne produisaient pas des petits possédant les caractéristiques recherchées étaient supprimées. Progressivement, il a réduit son troupeau à un groupe de biches possédant les gènes nécessaires à la production des cerfs à trophée qu’il souhaitait obtenir. À son avis, cela veut dire que la plupart des cerfs de son troupeau obtiennent une note supérieure à 400 selon le barème du SCI, et cet élément n’a pas été pris en compte dans les évaluations de 2010 effectuées par l’ACIA. Il affirme qu’il n’avait ni conservé ni fourni des documents établissant le statut de première catégorie de ses cerfs, mais les Drs Althouse et Hope auraient dû savoir que ces animaux possédaient des gènes à trophée et qu’il fallait donc leur attribuer les notes élevées qu’il leur avait données.

 

[25]           Pour ce qui est des femelles, M. Alsager affirme qu’elles auraient dû être évaluées comme des animaux de première qualité même si seulement sept d’entre elles étaient gravides et que 17 ne l’étaient pas au moment de leur abattage. C’est à cause du cerf de reproduction qu’il avait utilisé cette année particulière que certaines biches n’étaient pas gravides; la situation n’était pas attribuable aux biches. Celles‑ci auraient produit des faons par la suite et le fait qu’elles n’en aient pas produit en 2010 ne diminue d’aucune façon les gènes et les caractéristiques de première qualité qu’elles possédaient. Les biches n’auraient pas dû être évaluées à leur prix d’abattage pour la seule raison qu’elles n’étaient pas gravides.

 

[26]           M. Alsager s’oppose également à la réduction de la valeur des animaux qui découle du fait que la Dre Althouse a estimé que [traduction] « la valeur d’un gibier n’est pas identique à celle d’un animal tué. Il y a des dépenses associées à la chasse, comme le transport, le logement, les repas, les guides, les cadavres et la préparation des trophées qui sont compris dans le prix de la chasse à ce gibier. » M. Alsager affirme qu’il ne se trouve pas dans la même situation qu’un pourvoyeur qui guide les chasseurs à la recherche d’animaux en milieu naturel et public. Il vend à ses clients des animaux privés qui ont été élevés et croisés dans le but de fournir des trophées, qu’ils chassent sur des terres privées. Il affirme qu’il vend uniquement l’animal de sorte qu’il n’est pas justifié de réduire sa valeur de 55 % de façon à refléter la valeur des services offerts dans les autres fermes cynégétiques. Il fait remarquer qu’il a réussi à convaincre Revenu Canada qu’il n’était pas tenu de payer la TPS parce qu’il ne fournit pas de service. Il ne fait que vendre des animaux.

 

[27]           Dans l’ensemble, M. Alsager ne conteste pas l’approche qu’a adoptée le ministre en matière d’évaluation lorsque cette approche s’applique à d’autres contextes commerciaux, plus courants. Le problème, d’après lui, est que la méthode d’évaluation utilisée ne permet pas de tenir compte de la valeur génétique particulière qu’il a réussi à obtenir en suivant un processus long et difficile qui lui permet d’élever et de réformer, de façon sélective, ses animaux, ni de l’approche qu’il a adoptée pour commercialiser à l’intention des chasseurs ses animaux à trophée.

 

[28]           Pour ce qui est des trois cerfs de Virginie qui ont été, d’après lui, sous‑évalués, M. Alsager affirme que l’évaluation ne tient pas compte de la grande qualité des animaux qu’il élève.

 

Aspects particuliers

 

[29]           M. Alsager affirme qu’il y a deux principaux points litigieux pour ce qui est de l’évaluation de ses cerfs. Le premier est que l’ACIA ne reconnaît pas la valeur génétique particulière de ses cerfs et n’en tient pas compte.

 

[30]           Il affirme que l’ACIA part du principe que tous les cerfs sont identiques et que tous les troupeaux sont identiques. Cette approche a débouché sur l’élaboration d’un tableau ou d’une grille d’évaluation qui a été appliqué à ses animaux. Son troupeau était un troupeau spécial de bêtes à trophée. Tous ses mâles atteignaient une note supérieure à 400 selon le barème du SCI. Toutes les bêtes de petite taille et de piètre qualité étaient abattues lorsqu’elles atteignaient l’âge de deux ans. Il possédait uniquement des femelles dont les caractéristiques génétiques étaient de 400+; toutes les femelles qui ne possédaient pas ces caractéristiques génétiques étaient abattues. C’est la raison pour laquelle M. Alsager affirme que le tableau de l’ACIA ainsi que la valeur attribuée aux mâles ayant une note inférieure à 380 ne s’appliquait pas à ses animaux.

 

[31]           Il soutient que le prix moyen payé par l’ACIA pour les femelles ne s’appliquait pas non plus à son troupeau parce qu’il avait abattu toutes les femelles qui produisaient des mâles de qualité moyenne. Il fait valoir que les femelles produisent régulièrement le même genre de bois et de faons et que c’est principalement la femelle qui détermine les caractéristiques génétiques relatives aux panaches. En outre, l’hypothèse de départ de l’ACIA, selon laquelle une femelle non gravide n’a de valeur que pour sa viande, montre que cet organisme cherche délibérément à le tromper. Il est fréquent que l’on vende des femelles non gravides à des fins de reproduction. S’il devait remplacer ces 30 femelles, il les achèterait probablement non gravides et avant qu’elles aient un petit, comme cela se fait habituellement. Ces femelles de qualité ne peuvent s’acheter qu’auprès de quelques producteurs établis qui ont sélectionné ces bêtes pendant 10 à 20 ans pour obtenir les caractéristiques génétiques nécessaires. Il faut du temps pour créer un troupeau homogène comme le sien.

 

[32]           M. Alsager affirme que ce n’est pas parce qu’une femelle n’est pas gravide (non gestante) que son bagage génétique est modifié. M. Alsager a connu un problème avec le mâle de reproduction au cours de l’automne 2009, ce qui veut dire qu’il n’a pas eu de faons cette année‑là. Il affirme qu’il a eu un problème de santé grave personnel cet automne‑là et qu’il n’a pas surveillé de suffisamment près le mâle de reproduction. Les femelles de toutes les autres races possédant des caractéristiques génétiques de qualité se vendent au même prix qu’une femelle gestante. Les femelles que possédait M. Alsager étaient toutes des femelles en bonne santé. En 2009, ses 29 femelles ont donné 30 faons. Ce n’est pas parce qu’une femelle n’est pas gravide qu’elle vaut uniquement le prix de son poids de viande. L’ACIA n’a pas démontré que ces femelles n’étaient pas des reproductrices au moment où elles ont été abattues; elles avaient toutes des utérus sains. L’ACIA a examiné toutes les femelles au moment de l’abattage; elles avaient toutes donné naissance à des faons les années précédentes. Les dernières années, M. Alsager examinait toujours les femmes non gravides avant de les mettre à la reproduction pour s’assurer qu’elles étaient en bonne santé. C’est ce que faisait le vétérinaire de Turtleford, le Dr Miles Johnson.

 

[33]           M. Alsager affirme que la plupart de ces aspects ont été expliqués au cours de la réunion d’évaluation qui a eu lieu à North Battleford, le 27 avril 2010; cependant, ces aspects n’ont tout simplement pas été pris en compte par les Drs Hope et Althouse. Il affirme que ces personnes n’ont pas compris ce qu’il disait, ou ont décidé de ne pas négocier ou agir de bonne foi. M. Alsager pense que les Drs Hope et Althouse n’ont pas compris ses explications parce qu’ils ne connaissent ni les cerfs ni les daims des fermes cynégétiques. On n’aurait pas obtenu ce résultat si l’évaluation avait été effectuée, comme cela se faisait auparavant, par des gens de l’industrie qui comprennent les aspects génétiques. Les intéressés seraient arrivés à une valeur acceptable à la réunion qui a été tenue ce jour‑là, et l’indemnité n’aurait pas été établie après l’abattage des animaux.

 

[34]           M. Alsager affirme que l’approche actuellement retenue pour les évaluations est à l’origine de tous ces litiges et fait gaspiller du temps et de l’argent aux contribuables. Il ne faudrait pas confier ce genre d’évaluation à des personnes qui n’ont aucune connaissance des questions pertinentes.

 

[35]           M. Alsager affirme qu’il n’y avait pas une véritable équipe d’évaluation. En outre, les montants n’ont jamais fait l’objet de négociation. Il pense que les représentants de l’ACIA sont arrivés à la réunion en ayant déjà fixé la valeur de ses animaux à un montant qui convenait à l’ACIA. Il pense également que cette façon de procéder vise à appuyer l’objectif du gouvernement de mettre les producteurs en faillite et de détruire l’industrie qui menace le monopole que le gouvernement possède dans le secteur de la chasse aux cervidés. Le Dr Hope n’est pas un expert de cette industrie et il se trouve en situation de conflit d’intérêts puisqu’il est un employé de l’ACIA. Ses commentaires montrent qu’il est partial et qu’il ne connaît absolument rien à ces activités commerciales. La Dre Althouse ne devrait pas être en mesure d’imposer des valeurs; elle se trouve également en situation de conflit d’intérêts parce qu’elle ne connaît aucunement les animaux ni l’industrie. Le Dr Hope a tout simplement obtenu quelques chiffres au sujet des notes moyennes qu’obtiennent les cerfs en Saskatchewan. Il n’a pas évalué les animaux de M. Alsager ni leurs caractéristiques génétiques particulières.

 

[36]           M. Alsager affirme que les Drs Hope et Althouse sont venus assister à la réunion d’évaluation avec leurs propres chiffres. L’ACIA avait déjà décidé du montant qu’elle allait verser et les représentants de cet organisme n’ont pas tenu compte des observations présentées par M. Alsager. Les commentaires de M. Alsager n’ont pas fait l’objet de discussion; les représentants de l’ACIA ont simplement écouté ce qu’il a dit et lui ont ensuite demandé, à lui et à son équipe, de quitter la salle. M. Alsager pense qu’ils n’ont pas compris ce dont son équipe (Roger Holland, Lane, Jan et lui‑même) parlait.

 

[37]           M. Alsager est d’avis que le Dr Hope pense que tous les troupeaux de cerfs sont identiques, ce qui est tout à fait faux. Le Dr Hope ne comprend pas les aspects génétiques. La plupart (80 %) des cerfs de cette industrie sont des animaux commerciaux élevés sur des exploitations nouvelles par des personnes qui ont des connaissances limitées comme le Dr Hope. Ces animaux sont élevés pour la production de bois de velours. Le tableau qu’a présenté le Dr Hope à des fins d’évaluation le démontre. Quatre‑vingts pour cent de ces animaux ne sont même pas susceptibles de fournir des trophées. Un bon nombre de producteurs ont abandonné cette industrie parce qu’ils possédaient des mâles pour vendre leurs bois de velours mais ces mâles n’étaient pas utilisés par les fermes cynégétiques. C’est ce qui explique le faible niveau des prix. Cette industrie a connu une bonne croissance principalement entre 1996 et 2000. De nombreux nouveaux producteurs ont acheté des animaux en se basant sur le registre du Programme d’évaluation génétique dans le seul but de produire des bois de velours. Le velours dominait le marché à cette époque. Seul un petit pourcentage des éleveurs (principalement des personnes qui pratiquaient l’élevage depuis le début des années 1990) commençait à sélectionner les bêtes en fonction de leurs caractéristiques génétiques liées à leur panache. Le grand mâle recherché pour son velours possède un andouiller‑maître court, un surandouiller et des chevillures ainsi qu’un merrain droit; c’est habituellement un dix ou douze cors réguliers. Ces caractéristiques ne donnent pas de bons trophées; ce sont là des mâles qui font partie de la catégorie des 375 et moins selon le barème du SCI. Ce n’est qu’après l’effondrement du marché du velours en 2000 que les producteurs ont commencé à porter leur attention sur la configuration génétique nécessaire aux trophées. C’est la raison pour laquelle 90 % des mâles ont été vendus à l’époque aux prix de la viande. Quelques fermes d’élevage de gibiers à trophée pensaient pouvoir profiter de ces mâles bon marché, mais leurs propriétaires ont très rapidement constaté qu’il n’y avait pas de marché pour les petits panaches.

 

[38]           M. Alsager dit qu’il fait l’élevage commercial des daims et des cerfs depuis 30 ans. Il affirme que ses cerfs et leurs panaches ont obtenu de nombreux prix et ont gagné de nombreux concours; ses animaux se vendent à des prix supérieurs à ceux de tous les autres éleveurs.

 

[39]           M. Alsager indique que sa ferme cynégétique attire l’élite des chasseurs parce que son troupeau a la réputation de comprendre des cerfs portant des panaches de grande qualité. Il compte parmi ses clients des membres de la haute direction de Pepsi‑Cola, des administrateurs de la Bank of America, des propriétaires de plusieurs casinos à Las Vegas, Hank Williams Junior, Tommy Wilcox, Johnny Lee, John Stone, Rhett Atkins, des joueurs de la Ligue américaine de football, Steve Mott et Kenny Stabler ainsi que d’autres dirigeants de nombreuses autres grandes sociétés.

 

[40]           Ces clients ne chassent pas des cerfs ayant une note SCI inférieure à 380, non plus que des daims ayant une note inférieure à 170. M. Alsager ne possède pas sur sa propriété des cerfs mâles qui n’atteignent pas une note de 380+ selon le barème du SCI, et la plupart d’entre eux ont un classement bien supérieur à 400. Ils sont sélectionnés à deux ans. Il a des femelles de race qui ont des caractéristiques génétiques de plus de 400; il lui arrive rarement d’avoir à abattre des cerfs de deux ans. Il en va de même pour ses daims.

 

[41]           M. Alsager a été critiqué par la Dre Althouse parce qu’il ne tient pas de registres, il n’a pas le pedigree de ses bêtes et il n’utilise pas l’insémination artificielle. La Dre Althouse en a déduit qu’il ne savait pas ce qu’il faisait.

 

[42]           M. Alsager affirme avoir vendu des cerfs de reproduction dans le monde entier et que ces animaux dominent l’industrie, que ce soit aux États‑Unis, en Nouvelle‑Zélande, en Australie ou dans l’ensemble du Canada. Il ne vend que des mâles de reproduction de première qualité. Il pense que les Drs Althouse et Hope estiment qu’il a obtenu ces animaux par chance. Les pedigrees et les registres étaient principalement utilisés pour suivre le poids des animaux et la production de bois de velours par les producteurs qui s’en servaient comme outils de commercialisation de leurs animaux. M. Alsager utilisait les registres du Programme d’évaluation génétique lorsqu’il vendait des animaux de reproduction. Depuis 2000, il n’a pas eu accès au marché de la reproduction (pas plus que personne d’autre d’ailleurs). Depuis cette année‑là, sa méthode d’élevage vise uniquement l’obtention de bêtes susceptibles de donner des trophées de chasse et il n’avait pas besoin pour cela des registres du Programme d’évaluation génétique. Il affirme avoir appris il y a 25 ans comment il est possible d’évaluer un mâle en examinant son premier andouiller pour savoir s’il a le potentiel d’atteindre une note SCI supérieure à 400. Toutes ces femelles étaient sélectionnées pour produire des mâles qui obtiendraient des panaches de plus de 400 points SCI.

 

[43]           Un mâle doit avoir des chevillures très allongées et un bon merrain en forme de cloche avec au moins sept cors. Sans ces éléments, un mâle ne peut obtenir qu’une note se situant entre 300 et 380. M. Alsager affirme qu’il ne conservait pas plus de deux ans les mâles qui n’avaient pas le panache souhaité.

 

[44]           M. Alsager tenait un registre de ses femelles et de leur descendance jusqu’à ce que le mâle ait atteint deux ans. Si le mâle n’avait pas les chevillures souhaitées, le merrain allongé et sept cors, il était alors abattu et la tête de sa mère était également coupée. Les femelles produisent toujours des mâles ayant des panaches semblables. Lorsque ces femelles sont accouplées à des grands mâles (note SCI 460 à 520), mais ne possèdent pas les gènes appropriés, elles ne produiront pas toujours des grands mâles puisque ce sont les femelles qui déterminent le type de panache.

 

[45]           Lorsque le gouvernement a abattu tous ses cerfs en 2000, M. Alsager a repris son élevage avec 30 femelles. Au cours des 10 années suivantes, il a supprimé plus de 40 % de ces femelles et il les a remplacées par des jeunes qui avaient des gènes représentant une note SCI de 400 et plus.

 

[46]           Il affirme que tous les mâles qu’il a utilisés pour la reproduction avaient des notes de 450 à 520, de sorte qu’il n’avait aucune raison d’utiliser l’insémination artificielle parce que ce procédé ne lui offrait aucun avantage. Cela s’explique par le fait qu’il ne vend pas de bête de reproduction; il produit des bêtes à trophée pour lui‑même et lorsqu’il achète des mâles, il sait le genre d’animal dont il s’agit en l’examinant et non pas en regardant un morceau de papier tout à fait inutile. Tous les mâles élevés sur sa ferme étaient abattus avant d’atteindre l’âge de deux ans s’ils n’avaient pas le potentiel d’atteindre une note SCI de 400 et plus. Cela valait également pour les daims qu’il achetait.

 

[47]           M. Alsager affirme que, lorsqu’un animal a le type et la forme de panache appropriés, il suffit [traduction] « de lui donner à manger ». Il pense que le personnel de l’ACIA n’a pas les connaissances qui lui permettraient de fixer la valeur des animaux. Le tableau d’évaluation élaboré par cet organisme s’applique uniquement aux animaux de qualité moyenne de la province et ne correspond absolument pas au bassin génétique que l’on retrouve dans la ferme de M. Alsager et il est, de toute façon, en retard de 10 ans sur la situation actuelle.

 

[48]           M. Alsager affirme qu’il n’y a que quelques fermes qui possèdent des animaux ayant des caractéristiques génétiques semblables et auxquelles M. Alsager peut s’adresser pour remplacer ses animaux. M. Alsager n’aborde pas la question de la valeur des cerfs mulets, parce qu’il dit qu’il sera désormais interdit [traduction] « d’assassiner des daims sur ma ferme. » Il affirme également ne plus vouloir faire affaire avec l’ACIA. Les Drs Hope et Althouse ont fait des déclarations selon lesquelles le marché du cerf mulet est limité alors qu’en fait la demande est très forte dans ce marché et que les prix représentent le double de ceux des cerfs de Virginie. M. Alsager affirme avoir le meilleur et le plus grand troupeau de cerfs mulets au Canada. Cela n’est pas une question de chance. Cela vient du fait qu’il sait comment s’y prendre. Le Dr Hope a effectué des vérifications auprès d’autres éleveurs de cerfs au sujet de la valeur de leur inventaire, des prix auxquels ils les vendent et le prix auquel M. Alsager les achète, et il a conclu que ces montants étaient déraisonnables. Mais c’est pourtant le Dr Hope et l’ACIA qui ne sont pas raisonnables. Toutes les évaluations que l’ACIA a faites depuis deux ans ont été contestées par les éleveurs.

 

[49]           Le deuxième point litigieux est le fait que la valeur de ses cerfs ait été réduite de 45 % de façon à refléter le coût des services prétendument associés à la ferme cynégétique de M. Alsager. M. Alsager suggère au tribunal de recommander au ministre de modifier le mécanisme d’évaluation pour revenir au mécanisme antérieur et pour que les fonctionnaires s’occupent uniquement de la lutte contre les maladies. Le mécanisme d’évaluation utilisé actuellement est insuffisant et a été conçu pour détruire l’industrie et mettre en faillite les producteurs. L’idée qu’une bête ne représente que 55 % du montant de sa valeur de gibier à trophée est une plaisanterie. L’agriculteur qui vend un taureau ne reçoit pas 55 % de son prix de vente s’il est abattu. Ces agriculteurs ont des coûts de commercialisation et de production; ils reçoivent les acheteurs qui viennent choisir un taureau. L’entreprise de M. Alsager n’est pas différente. Il produit des animaux pour les vendre et il s’attend à recevoir le prix auquel ils sont vendus. Les pourvoyeurs qui guident un chasseur à la recherche de gibier ne sont pas propriétaires des bêtes et ils ne leur en coûtent rien de les produire; ils fournissent uniquement un service, ce qui est complètement différent des producteurs de gibiers comme M. Alsager. Revenu Canada reconnaît cette différence. M. Alsager a fait l’objet d’une vérification sur la question de la TPS et il a été décidé qu’il n’était pas tenu de facturer la TPS. La plupart de ses clients tuent les animaux qu’ils souhaitent tuer le premier jour et ils ne restent pas pendant deux semaines, comme c’est habituellement le cas avec un pourvoyeur de cerfs sauvages.

 

[50]           M. Alsager estime que le mécanisme d’évaluation utilisé antérieurement était équitable. Les évaluateurs étaient choisis parmi des membres de l’industrie qui connaissaient le domaine, qui ne se trouvaient pas en situation de conflit d’intérêts et n’entretenaient aucun lien avec l’ACIA et le producteur.

 

[51]           Ces personnes se rencontraient et s’entendaient sur des montants équitables; cela se faisait en un après‑midi. Cette étape franchie, les représentants de l’ACIA intervenaient et s’occupaient des questions ayant trait aux maladies. Si le producteur n’était pas satisfait ou estimait qu’il n’avait pas été tenu compte d’un aspect particulier, il pouvait toujours s’expliquer avec eux à ce moment‑là.

 

[52]           Selon M. Alsager, certains employés de l’ACIA ont modifié le mécanisme, non pas à la demande du ministre, mais de leur propre chef, de façon à réaliser leur objectif qui consiste à détruire cette industrie. Ils imposent une valeur ridicule, ils placent les producteurs dans une situation difficile en les obligeant à porter une simple évaluation devant les tribunaux, ils ne connaissent pas l’industrie et sont financés intégralement par les contribuables au détriment financier du producteur. Le présent litige dure déjà depuis plus d’un an et on peut se demander combien de temps il va encore durer. M. Alsager affirme vouloir obtenir une compensation équitable pour ses bêtes et il ajoute qu’il devrait obtenir une indemnité pour les retards et les difficultés qu’a causés ce mécanisme.

 

 

La thèse de l’intimé

 

[53]           L’intimé soutient que la question en litige dans la présente demande se limite à celle de savoir si l’indemnité versée à l’appelant pour les cerfs qui ont été abattus est raisonnable. L’article 56 de la Loi énonce ce qui suit :

Appel

 

56. (1) Il peut être interjeté appel devant l’évaluateur soit pour refus injustifié d’indemnisation, soit pour insuffisance de l’indemnité accordée.

Appeal

 

56. (1) A person who claims compensation and is dissatisfied with the Minister’s disposition of the claim may bring an appeal to the Assessor, but the only grounds of appeal are that the failure to award compensation was unreasonable or that the amount awarded was unreasonable.

 

[54]           Dans Siclo c Canada (Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2004 CF 871, le juge Edmond Blanchard indique au paragraphe 54, concernant le caractère approprié de l’indemnité versée aux termes de la Loi, qu’« on doit se fonder sur le critère de ce qui est raisonnable ».

 

[55]           Dans Ferme Avicole Héva Inc. c Canada (Ministre de l’Agriculture), [1998] ACF no 1021, la juge Danièle Tremblay‑Lamer a déclaré, au paragraphe 38, que la perte de revenu ou la valeur pour le propriétaire ne peut être assimilée à la valeur marchande lorsqu’il s’agit d’établir le montant de l’indemnité :

Il a été établi dans la jurisprudence que la valeur pour le propriétaire ne correspond pas à la juste valeur marchande et que l’indemnité n’avait pas pour but de compenser le propriétaire pour ses pertes de profits en le remettant dans la même situation avant l’abattage des animaux.

 

 

[56]           Dans la décision Siclo, précitée, le juge Blanchard décrit les dispositions légales applicables, à partir du paragraphe 22 de sa décision, en ce qui touche le pouvoir du ministre d’ordonner la destruction d’animaux et son pouvoir discrétionnaire d’accorder une indemnité correspondant à la juste valeur marchande de l’animal au moment où il a été détruit :

L’article 48 de la Loi sur la santé des animaux permet au ministre d’ordonner la destruction des animaux qui sont contaminés ou soupçonnés d’être contaminés par une maladie. Lorsque les animaux du propriétaire sont détruits, le ministre, en vertu de l’article 51 peut ordonner le versement d’une indemnité au propriétaire. Par contre, selon le paragraphe 51(2), l’indemnité payable au propriétaire doit correspondre à la valeur marchande de l’animal moins la valeur marchande de son cadavre, basée sur l’évaluation du ministre, au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée.

 

 

[57]           Le paragraphe 48(1) de la Loi énonce ce qui suit :

Mesures de disposition

 

 

 

48. (1) Le ministre peut prendre toute mesure de disposition, notamment de destruction, — ou ordonner à leur propriétaire, ou à la personne qui en a la possession, la responsabilité ou la charge des soins, de le faire — à l’égard des animaux ou choses qui :

 

a) soit sont contaminés par une maladie ou une substance toxique, ou soupçonnés de l’être;

 

b) soit ont été en contact avec des animaux ou choses de la catégorie visée à l’alinéa a) ou se sont trouvés dans leur voisinage immédiat;

 

 

 

 

c) soit sont des substances toxiques, des vecteurs ou des agents causant des maladies, ou sont soupçonnés d’en être.

 

Disposal of affected or contaminated animals and things

 

48. (1) The Minister may dispose of an animal or thing, or require its owner or any person having the possession, care or control of it to dispose of it, where the animal or thing

 

 

 

 

 

(a) is, or is suspected of being, affected or contaminated by a disease or toxic substance;

 

 

(b) has been in contact with or in close proximity to another animal or thing that was, or is suspected of having been, affected or contaminated by a disease or toxic substance at the time of contact or close proximity; or

 

(c) is, or is suspected of being, a vector, the causative agent of a disease or a toxic substance.

 

[58]           L’article 51 de la Loi traite de l’indemnité accordée aux propriétaires d’animaux :

51. (1) Le ministre peut ordonner le versement, sur le Trésor, d’une indemnité au propriétaire de l’animal :

 

 

a) soit détruit au titre de la présente loi, soit dont la destruction a été ordonnée par l’inspecteur ou l’agent d’exécution mais mort avant celle‑ci;

 

b) blessé au cours d’un examen ou d’une séance de traitement ou d’identification effectués, au même titre, par un inspecteur ou un agent d’exécution et mort ou détruit en raison de cette blessure;

 

c) affecté à des expériences au titre du paragraphe 13(2).

 

 

Montant de l’indemnité

 

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l’indemnité payable est égale à la valeur marchande, selon l’évaluation du ministre, que l’animal aurait eue au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de son cadavre.

 

 

 

 

 

Plafond

 

(3) La valeur marchande ne peut dépasser le maximum réglementaire correspondant à l’animal en cause.

 

 

 

Indemnité supplémentaire

 

(4) L’indemnisation s’étend en outre, lorsque les règlements le prévoient, aux frais de disposition, y compris de destruction.

51. (1) The Minister may order compensation to be paid from the Consolidated Revenue Fund to the owner of an animal that is  

 

(a) destroyed under this Act or is required by an inspector or officer to be destroyed under this Act and dies after the requirement is imposed but before being destroyed;

 

(b) injured in the course of being tested, treated or identified under this Act by an inspector or officer and dies, or is required to be destroyed, as a result of the injury; or

 

 

(c) reserved for experimentation under paragraph 13(2)(a).

 

Amount of compensation

 

(2) Subject to subsections (3) and (4), the amount of compensation shall be

 

(a) the market value, as determined by the Minister, that the animal would have had at the time of its evaluation by the Minister if it had not been required to be destroyed

Minus

 

(b) the value of its carcass, as determined by the Minister.

 

Maximum value

 

(3) The value mentioned in paragraph (2)(a) shall not exceed any maximum amount established with respect to the animal by or under the regulations.

 

Additional compensation

 

(4) In addition to the amount calculated under subsection (2), compensation may include such costs related to the disposal of the animal as are permitted by the regulations.

 

[59]           Le pouvoir discrétionnaire que possède le ministre d’accorder une indemnité est limité par les plafonds fixés par le Règlement sur l’indemnité en cas de destruction d’animaux. L’article 2 de ce règlement énonce :

2. Pour l’application du paragraphe 51(3) de la Loi, la valeur marchande d’un animal qui est détruit ou qui doit l’être en application du paragraphe 48(1) de la Loi ne peut dépasser :

 

 

a) le montant prévu à la colonne 3 de l’annexe, pour tout animal visé à la colonne 1;

 

 

 

b) 30 $, dans tout autre cas.

 

2. For the purpose of subsection 51(3) of the Act, the amount that is established as the maximum amount with respect to an animal that is destroyed or required to be destroyed under subsection 48(1) of the Act is

 

(a) if the animal is set out or included in column 1 of an item of the schedule, the amount set out in column 3 of that item; and

 

(b) in any other case, $30.

 

 

[60]           Dans le cas particulier du cerf, l’annexe fixe, conformément à l’alinéa 2a) du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux reproduit ci‑dessus, le plafond de l’indemnité que le ministre peut accorder :

39. Cerf (Cervus elaphus) mâle non castré âgé d’un an ou plus Cervidés 8000

 

40. Cerf (Cervus elaphus) autre que celui visé à l’article 39 Cervidés 4000

 

39. Elk (Cervus elaphus) Bull, 1 year and older Cervidae 8,000

 

40. Elk (Cervus elaphus) All elk other than those referred to in item 39 Cervidae, 4,000

 

 

[61]           Dans Donaldson c Canada (Ministre de l’Agriculture), 2006 CF 842, le juge Michael Kelen déclare, au paragraphe 16, que la méthode appropriée pour calculer l’indemnité raisonnable pour un animal détruit au titre de la Loi est la valeur marchande que l’animal avait au moment de sa destruction, sous réserve des plafonds mentionnés au paragraphe 51(3) de la Loi.

 

[62]           L’appelant s’est vu accorder 226 750 $ pour les cerfs et 1 149,50 $ pour diverses dépenses, soit un montant total de 227 899,50 $. Ce montant a été calculé sur le fondement d’un certain nombre d’éléments, dont le coût de remplacement, la qualité génétique, l’âge, le sexe, la gravidité, les restrictions en matière de déplacement et l’utilisation de l’animal.

 

[63]           L’évaluation des cerfs a également tenu compte du système de notation de l’industrie qui est fondé sur les bois des mâles (SCI). En l’espèce, les bois des cerfs n’avaient pas eu le temps de se développer au moment de l’abattage des cerfs; c’est la raison pour laquelle la note attribuée était fondée sur la courbe statistique normale d’un troupeau de cerfs ayant une excellente valeur génétique. Ce barème de notation a été élaboré en consultation avec les producteurs de cerfs de l’industrie pour veiller à ce que l’indemnité soit juste et raisonnable.

 

[64]           L’évaluation des cerfs a été encore compliquée dans la présente affaire en raison du peu de documentation qu’a fournie l’appelant, laquelle aurait normalement facilité l’établissement de la valeur de ses cerfs.

 

[65]           L’indemnité octroyée à l’appelant n’était pas déraisonnable.

 

[66]           Aux termes de l’article 51 de la Loi, l’appelant a obtenu 227 899,50 $ en indemnité pour l’abattage de ses cerfs en mai 2010 en raison des résultats positifs concernant une MDC. L’évaluation de ses animaux a tenu compte du système de notation SCI de l’industrie. Étant donné que les bois des cerfs n’avaient pas encore poussé pour la saison 2010, l’évaluation était fondée sur un barème élaboré en consultation avec des producteurs de cerfs ainsi que sur un certain nombre d’éléments, dont le sexe, l’âge, la gravidité, les caractéristiques génétiques et l’utilisation de l’animal. Les cerfs de l’appelant ont été évalués sur le fondement d’une étude de commercialisation, de pourcentages statistiquement justifiés relatifs aux notes SCI et de deux rapports portant sur l’industrie.

 

[67]           L’appelant n’a pas démontré que l’indemnité accordée était déraisonnable. L’évaluation de ses cerfs et l’indemnité accordée étaient fondées sur les renseignements disponibles et reflétaient la juste valeur marchande des animaux au moment de l’abattage.

 

 

LES TÉMOINS

 

[68]           Dans le présent appel, la preuve a été présentée oralement ou au moyen de pièces produites à l’audience. M. Alsager s’est représenté lui‑même et a été son seul témoin; il a également présenté un certain nombre de pièces. L’avis d’appel de M. Alsager, reçu le 16 juillet 2010, était si bref que ce n’est qu’à l’audience du 7 juin 2010, tenue à Battleford, que l’intimé et la Cour ont pris connaissance de l’ampleur des motifs de désaccord au sujet de l’évaluation effectuée, voire qu’il souhaitait contester l’évaluation des trois cerfs de Virginie en plus de celle des cerfs. C’est la raison pour laquelle l’intimé n’a pas été en mesure de fournir des observations écrites ni même de nombreux éléments de preuve au sujet de l’évaluation contestée des cerfs de Virginie.

 

[69]           Le seul avis d’appel déposé par M. Alsager et accepté par la Cour est la lettre manuscrite datée du 13 juillet 2010, reçue par la Cour le 16 juillet 2010 et acceptée à titre d’avis d’appel par le juge en chef Allan Lutfy le 28 juillet 2010. L’avis d’appel énonce très clairement que M. Alsager interjette uniquement appel de l’indemnité qu’il a reçue [traduction] « pour les animaux qui ont été abattus sur [sa] ferme le 31 mai 2010 ». Aucun cerf de Virginie n’a été abattu ce jour‑là ou vers cette date. La Cour n’est donc pas saisie d’un appel visant l’indemnité versée pour les cerfs de Virginie.

 

[70]           Les témoins du ministre étaient la Dre Althouse, vétérinaire diplômée et présidente du Comité d’évaluation de l’ACIA, qui a préparé le rapport d’évaluation sur lequel est fondé le montant de l’indemnité visée par l’appel, et le Dr Hope, représentant de l’ACIA choisi par l’industrie pour le processus d’évaluation et une des personnes chargées de l’élaboration du système d’évaluation de l’ACIA qui a été appliqué dans la présente affaire. La Dre Althouse, qui est une spécialiste de la lutte contre les maladies pour l’ACIA, a également huit ans d’expérience comme agricultrice, productrice et vendeuse de bétail. Elle a honnêtement déclaré à la Cour que l’évaluation des cervidés de M. Alsager était sa première évaluation, bien qu’elle ait participé à au moins 12 abattages de bétail depuis 2002, à divers titres.

 

[71]           Le Dr Hope, vétérinaire de district pour l’ACIA à Swift Current, s’occupe par contre activement d’élevage de cerfs depuis le début des années 1990, et il a même été propriétaire d’un troupeau de cerfs; il a lui‑même mis en œuvre son propre programme d’élevage de ce gibier. Il a notamment vendu des mâles de reproduction à l’industrie cynégétique. Le Dr Hope a participé à de nombreuses évaluations de cervidés ces dernières années et a démontré, à l’audience, une grande connaissance de l’industrie ainsi que des méthodes d’évaluation et d’établissement des prix. Avec le Dr Jim Harvey, le Dr Hope a été chargé d’élaborer la méthode d’évaluation appliquée aux cerfs dans la présente affaire et a lui‑même étroitement participé au processus d’évaluation. Il était présent à la réunion d’évaluation du 27 avril 2010 tenue à North Battleford; il a réuni des renseignements au sujet de l’entreprise de M. Alsager, et a élaboré un des rapports dont la Dre Althouse s’est servi en partie pour préparer son propre rapport d’évaluation.

 

[72]           Les Drs Althouse et Hope ont produit toute une série de documents détaillés à titre de pièces, qui montrent comment a été conçu le processus d’évaluation et comment il a été appliqué dans la présente affaire aux animaux de M. Alsager.

 

[73]           M. Alsager avait choisi M. Roger Holland de Maidstone, en Saskatchewan, un ancien éleveur de cerfs et une personne très active dans l’industrie des cervidés en Saskatchewan, comme expert de l’industrie pour le processus d’évaluation. M. Holland a préparé un rapport d’évaluation qui a également été examiné par la Dre Althouse dans le cadre de son processus d’évaluation et avant qu’elle ne présente son rapport d’évaluation.

 

[74]           La Cour a soigneusement examiné le rapport de M. Holland. Il est quelque peu laconique pour ce qui est des motifs et de la méthodologie utilisée :

[traduction]
Aux termes de l’article 51 de la Loi sur la santé des animaux, l’indemnité correspond à la « juste valeur marchande », selon l’évaluation du ministre, que l’animal aurait eue si sa destruction n’avait pas été ordonnée. Le programme d’élevage IKR [M. Alsager] est de loin supérieur à celui des autres éleveurs de la province de la Saskatchewan. Il est tout à fait impossible d’acheter d’une ferme d’élevage de la Saskatchewan des animaux ayant la même qualité que ceux qui sont élevés sur la ferme IKR. Tous les cervidés élevés sur la ferme IKR ont une valeur supérieure aux autres en raison de leurs caractéristiques génétiques, de leur taille, de leur intelligence et des rendements obtenus, comme le démontrent leurs registres. Il est encore facile d’acheter en Saskatchewan et en Alberta des cerfs et des cerfs de Virginie. Il est par contre pratiquement impossible de remplacer les cerfs mulets et les daims en raison du très petit nombre d’éleveurs dans cette région. Il s’agit ici d’élevages de très petite taille. La valeur qui nous paraît la plus exacte est basée sur les prix actuels, tout en sachant qu’il sera impossible de remplacer ces cervidés par des bêtes de même qualité.

 

[75]           M. Holland poursuit :

[traduction]
Les dossiers de l’ACIA indiquent les caractéristiques génétiques des cerfs de l’entreprise d’élevage Ryan Clark et Blue Spruce sont reconnus comme étant les meilleures que l’on puisse trouver en Saskatchewan. Les caractéristiques génétiques des cerfs de la ferme d’élevage Blue Spruce sont identiques à 100 % à celles des cerfs d’IKR, pour que la situation soit décrite plus clairement. Les caractéristiques génétiques des animaux d’IKR et de Ryan Clark sont celles du meilleur bassin génétique de la Saskatchewan, élément que l’ACIA a reconnu et qui figure dans ses propres dossiers concernant un cas antérieur de la MDC.

 

Mon rapport contient des renseignements qui m’ont été fournis par la ferme IKR et les éléments que m’a indiqués le plus important éleveur de daims de la Saskatchewan.

 

[76]           Le rapport de M. Holland contient de nombreuses affirmations, mais peu d’éléments touchant la méthodologie et peu d’éléments de preuve objectifs. On peut y lire que les animaux de M. Alsager ont [traduction] « une valeur supérieure aux autres en raison de leurs caractéristiques génétiques, de leur taille, de leur intelligence et des rendements obtenus tels qu’établis dans leurs registres. » [Non souligné dans l’original.]. Malheureusement, M. Holland n’explique pas quels sont les « registres » auxquels il fait référence, il ne les a pas produits et n’a pas expliqué pourquoi il ne l’a pas fait. M. Holland répète pour l’essentiel ce que M. Alsager a affirmé devant la Cour à l’audience d’appel tenue le 7 juillet 2011 à Battleford. M. Alsager n’a pas fait comparaître M. Holland. Le rapport de M. Holland manque de rigueur et de méthodologie. Il ne fait pratiquement que répéter et confirmer la thèse de M. Alsager selon laquelle les évaluations devraient être confiées à des gens de l’industrie qui comprennent la façon dont les prix sont fixés et qui connaissent, par expérience ou en raison de leur association étroite avec d’autres éleveurs, les caractéristiques génétiques et la valeur marchande d’un groupe de cerfs ou de daims particuliers. Comme M. Alsager l’a répété à plusieurs reprises, les membres d’un tel groupe sauraient ce que l’Idanell Korner Ranch (IKR) représente et il ne serait pas nécessaire d’utiliser des registres et de procéder à des discussions sur les méthodologies comme celles qu’a élaborées et utilisées l’ACIA dans la présente affaire.

 

 

ANALYSE

 

[77]           M. Alsager n’est pas satisfait du régime d’indemnisation actuel prévu par la Loi. Il estime que ce mécanisme accorde trop de pouvoirs à des fonctionnaires qui ne connaissent pas son industrie et n’assure pas un niveau d’indemnisation qui permettrait aux éleveurs de redresser leur entreprise après les abattages lorsqu’une maladie frappe leurs bêtes. En fait, M. Alsager a clairement indiqué qu’à son avis, le gouvernement (ou du moins certaines personnes en faisant partie) voulait absolument détruire son industrie.

 

[78]           Ce sont là des questions politiques complexes et controversées. D’après la preuve présentée par M. Alsager dans le présent appel, il n’est pas possible de savoir si les points de vue généraux exprimés par M. Alsager au sujet du régime d’indemnisation de la Loi reposent sur quoi que ce soit. De toute façon, ces aspects relèvent de l’arène politique et je suis convaincu que M. Alsager, qui a été à la fois convaincant et direct lorsqu’il s’est représenté lui‑même devant moi, sait parfaitement qu’il convient d’examiner ces opinions générales dans l’arène politique. La Cour peut uniquement ici décider si, compte tenu du régime créé par le législateur, ainsi que des méthodologies et des critères utilisés pour évaluer les animaux abattus dans la présente affaire, l’indemnité accordée était raisonnable. Selon la preuve qui m’a été présentée, les Drs Hope et Althouse ont exercé leurs fonctions respectives conformément au cadre législatif et réglementaire applicable. M. Alsager n’a présenté aucune preuve susceptible d’appuyer sa théorie d’un complot ou de donner à penser que le Dr Hope, la Dre Althouse et l’équipe de l’ACIA avaient un autre objectif que celui d’arriver à une évaluation appropriée de l’indemnité dans la présente affaire. Il convient également de rappeler que ces personnes ont procédé à ces évaluations alors qu’elles faisaient face à des difficultés importantes découlant de l’aversion apparente de M. Alsager pour les registres et la production de documents et de sa décision d’abattre son troupeau de cerfs avant que les panaches des mâles (la base du système de notation SCI) aient eu le temps de pousser complètement pour la prochaine saison. M. Alsager invite la Cour à tenir pour acquis que les caractéristiques génétiques supérieures de ses cerfs auraient nécessairement débouché sur une bonne notation des panaches, qui constitue un aspect important de l’évaluation, mais il n’a présenté à la Cour aucune preuve en ce sens et il n’a pas fait en sorte que le bien‑fondé de sa position puisse être vérifié avant que les cerfs soient abattus. M. Alsager peut bien soutenir que l’ACIA (et les Drs Hope et Althouse en particulier) a effectué une évaluation erronée ou déraisonnable, mais il n’existe aucun élément de preuve indiquant qu’ils aient eu un autre objectif que celui d’établir le montant de l’indemnité que la Loi accordait à M. Alsager.

 

[79]           Compte tenu du fait que M. Alsager a déjà connu deux abattages, ses frustrations sont parfaitement compréhensibles et la Cour peut concevoir qu’il soit déçu de l’indemnité qu’il a reçue. La Cour ne peut toutefois se fonder que sur la preuve présentée, et pour ce qui est de la thèse de M. Alsager, il existe très peu d’éléments de preuve objectifs susceptibles d’appuyer ses principales affirmations.

 

 

Le droit

 

[80]           Comme l’indique clairement l’article 56 de la Loi, la personne qui n’est pas satisfaite de la décision prise par le ministre au sujet de la demande d’indemnisation peut interjeter appel devant un évaluateur. Les motifs de l’appel se limitent toutefois à un refus injustifié d’indemnisation et à l’insuffisance de l’indemnité accordée. M. Alsager se plaint du fait que le montant octroyé par le ministre pour certains de ses cerfs et trois de ses cerfs de Virginie était déraisonnable. Comme cela a été expliqué précédemment, j’estime que je ne suis saisi d’aucun appel concernant les cerfs de Virginie.

 

[81]           L’article 2 de la Loi définit « évaluateur » de la façon suivante :

L’évaluateur ou tout évaluateur adjoint nommé sous le régime de la partie II de la Loi sur l’indemnisation du dommage causé par des pesticides.

 

Assessor means the Assessor or any Deputy Assessor appointed under Part II of the Pesticide Residue Compensation Act;

 

[82]           Le paragraphe 14(1) de la partie II de la Loi sur l’indemnisation du dommage causé par des pesticides, L.R.C. (1985), ch. P‑10 autorise le gouverneur en conseil à nommer un évaluateur parmi les juges d’un certain nombre de tribunaux, dont la Cour fédérale, pour instruire des appels des décisions d’indemnisation prises sous le régime de la Loi sur l’indemnisation du dommage causé par des pesticides ou « de toute autre Loi à laquelle la présente partie [partie II] s’applique [...] ». Cela comprend la Loi sur la santé des animaux.

 

[83]           Le juge en chef Allan Lutfy de la Cour fédérale a été nommé évaluateur et, conformément au paragraphe 14(3) de la partie II de la Loi sur l’indemnisation du dommage causé par des pesticides, il m’a désigné à titre d’évaluateur adjoint pour instruire l’appel de M. Alsager.

 

[84]           Dans la décision Siclo, précitée, le juge Blanchard de notre Cour a présenté un résumé des principales dispositions législatives applicables à ce genre d’appel ainsi que des grands principes que les tribunaux ont appliqués pour décider si une indemnité donnée était raisonnable :

22     L’article 48 de la Loi sur la santé des animaux permet au ministre d’ordonner la destruction des animaux qui sont contaminés ou soupçonnés d’être contaminés par une maladie. Lorsque les animaux du propriétaire sont détruits, le ministre, en vertu de l’article 51 peut ordonner le versement d’une indemnité au propriétaire. Par contre, selon le paragraphe 51(2), l’indemnité payable au propriétaire doit correspondre à la valeur marchande de l’animal moins la valeur de son cadavre, basé sur l’évaluation du ministre, au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée.  L’article 48 prévoit :

 

48. (1) Le ministre peut prendre toute mesure de disposition, notamment de destruction, ‑ ou ordonner à leur propriétaire, ou à la personne qui en a la possession, la responsabilité ou la charge des soins, de le faire ‑ à l’égard des animaux ou choses qui: a) soit sont contaminés par  une maladie ou une substance toxique, ou soupçonnés de l’être; b) soit ont été en contact avec des animaux ou choses de la catégorie visée à l’alinéa a) ou se sont trouvés dans leur voisinage immédiat; c) soit sont des substances toxiques, des vecteurs ou des agents causant des maladies, ou sont soupçonnés d’en être.

 

23     L’article 51 prévoit :

 

51.(1) Le ministre peut ordonner le versement, sur le Trésor, d’une indemnité au propriétaire de l’animal :

 

a) soit détruit au titre de la présente loi, soit dont la destruction a été ordonnée par l’inspecteur ou l’agent d’exécution mais mort avant celle‑ci;      

 

b) blessé au cours d’un examen ou d’une séance de traitement ou d’identification effectués, au même titre, par un inspecteur ou un agent d’exécution et mort ou détruit en raison de cette blessure;

 

c) affecté à des expériences au titre du paragraphe 13(2).

 

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l’indemnité payable est égale à la valeur marchande, selon l’évaluation du ministre, que l’animal aurait eue au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de son cadavre.

 

(3) La valeur marchande ne peut dépasser le maximum réglementaire correspondant à l’animal en cause.

 

(4) L’indemnisation s’étend en outre, lorsque les règlements le prévoient, aux frais de disposition, y compris de destruction.

 

[...]

 

53     L’article 56 de la Loi donne droit à l’appelante d’interjeter appel du montant accordé par le ministre devant un évaluateur. L’article stipule que les appels sont limités aux questions de l’insuffisance de l’indemnité ou de la justification du refus de l’indemnité :

 

56.  (1) Il peut être interjeté appel devant l’évaluateur soit pour refus injustifié d’indemnisation, soit pour insuffisance de l’indemnité accordée.

 

54     Pour ce qui en est de l’insuffisance de l’indemnité, on doit se fonder sur le critère de ce qui est raisonnable. La juge Tremblay‑Lamer, Évaluateur dans Ferme Avicole Héva Inc. c. Canada (Ministre de l’Agriculture) [1998] A.C.F. no 1021 indique au paragraphe 9 :

 

En ce qui a trait à l’insuffisance de l’indemnité, la jurisprudence interprétant l’article 56 a retenu, en se fondant sur le libellé anglais de l’article, le critère de ce qui est “raisonnable”.

 

55     De plus, le juge Strayer, aussi cité par la Juge Tremblay‑Lamer dans Ferme Avicole Héva Inc., précité, confirme le critère de raisonnabilité dans Nelson c. Canada (Minister of Agriculture) [1991] F.C.J. No. 1003 :

 

The appeal is in effect a trial of the issue of whether the compensation ordered by the Minister was “unreasonable”, presumably having regard to the criteria laid down for the Minister whereby he is to determine what in his opinion is the market value that the animal ... would have had immediately before it was destroyed under this Act ...

 

[85]           Outre les dispositions reproduites par le juge Blanchard dans la décision Siclo, précitée, l’article 2 du Règlement sur l’indemnisation en cas de destruction d’animaux fixe un plafond à l’indemnité que le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’accorder. L’article 2 de ce Règlement est rédigé comme suit :

2. Pour l’application du paragraphe 51(3) de la Loi, la valeur marchande d’un animal qui est détruit ou qui doit l’être en application du paragraphe 48(1) de la Loi ne peut dépasser :

 

 

a) le montant prévu à la colonne 3 de l’annexe, pour tout animal visé à la colonne 1;

 

 

 

b) 30 $, dans tout autre cas.

 

2. For the purpose of subsection 51(3) of the Act, the amount that is established as the maximum amount with respect to an animal that is destroyed or required to be destroyed under subsection 48(1) of the Act is

 

(a) if the animal is set out or included in column 1 of an item of the schedule, the amount set out in column 3 of that item; and

 

(b) in any other case, $30.

 

 

[86]           Aux termes de l’alinéa 2a) du Règlement, l’annexe pertinente énonce que le ministre peut accorder une indemnité pour les cerfs qui est plafonnée de la façon suivante :

39. Cerf (Cervus elaphus) mâle non castré âgé d’un an ou plus Cervidés 8000

 

40. Cerf (Cervus elaphus) autre que celui visé à l’article 39 Cervidés 4000

 

39. Elk (Cervus elaphus) Bull, 1 year and older Cervidae 8,000

 

40. Elk (Cervus elaphus) All elk other than those referred to in item 39 Cervidae, 4,000

 

 

[87]           Pour ce qui est des cerfs de Virginie, l’annexe contient les montants maximaux suivants :

43.  Cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) mâle non castré âgé d’un an ou plus Cervidés 8000

 

44.  Cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) autre que celui visé à l’article 43 Cervidés 4000

43. White­tailed Deer (Odocoileus virginianus) Buck, 1 year and older Cervidae 8,000

 

44. White­tailed Deer (Odocoileus virginianus) All White­tailed Deer other than those referred to in item 43 Cervidae 4,000

 

 

[88]           Dans la décision Donaldson ci‑dessus, le juge Kelen a déclaré, au paragraphe 16, que la méthode appropriée pour fixer le montant raisonnable qu’il convient d’accorder une indemnité en cas d’abattage d’un animal aux termes de la Loi est la valeur marchande que l’animal aurait eu au moment de sa destruction, sous réserve du maximum réglementaire visé au paragraphe 51(3) de la Loi.

 

[89]           Est également pertinent l’article 57 de la Loi :

Pouvoirs de l’évaluateur

 

57. (1) L’évaluateur qui entend l’appel peut confirmer ou modifier la décision du ministre ou renvoyer l’affaire à celui‑ci pour qu’il y soit donné suite de la manière que lui‑même précise.

 

Frais

 

(2) Les frais peuvent être accordés au ministre ou mis à sa charge.

 

Dernier ressort

 

(3) Les décisions de l’évaluateur ne sont pas susceptibles d’appel ou de révision.

Powers of Assessor

 

57. (1) On hearing an appeal, the Assessor may confirm or vary the Minister’s disposition of the claim or refer the matter back to the Minister for such further action as the Assessor may direct.

 

Costs

 

(2) Costs may be awarded to or against the Minister in an appeal.

 

Decisions final

 

(3) The decision of the Assessor on an appeal is final and conclusive and not subject to appeal to or review by any Court.

 

 

[90]           Conformément au cadre et aux principes susmentionnés, je dois décider si l’indemnité accordée par le ministre à M. Alsager pour ses cerfs, que ce dernier conteste, était raisonnable, à savoir qu’elle était, conformément aux paragraphes 51(2) et 51(3) de la Loi, égale à la valeur marchande que les animaux auraient eue au moment de leur destruction si celle‑ci n’avait pas été ordonnée (moins la valeur des cadavres et sous réserve des maximums réglementaires.)

 

 

Les principes et les processus d’évaluation utilisés

 

[91]           Le Dr Hope a été en mesure de fournir à la Cour des éléments de preuve très importants sur la façon dont le Dr Harvey, un autre vétérinaire, et lui‑même avaient élaboré, en collaboration avec des producteurs de premier plan de l’industrie de l’élevage du cerf, le système d’évaluation qui a été utilisé dans la présente affaire. Il a également été en mesure d’expliquer à la Cour comment ont été évalués les animaux de M. Alsager. Ces éléments de preuve n’ont pas vraiment été contestés. En fait, M. Alsager a clairement indiqué à la Cour qu’il ne contestait pas le barème et la méthodologie élaborés par les Drs Hope et Harvey; il estime toutefois que cette méthodologie ne peut s’appliquer qu’à des entreprises commerciales conventionnelles et non pas aux animaux de grande qualité, aux gibiers à trophée qu’il a élevés en appliquant pendant plusieurs années des techniques d’élevage et d’abattage proactives.

 

[92]           M. Alsager a affirmé au cours de sa plaidoirie qu’aucun membre de l’ACIA ne savait comment évaluer des cerfs et des cerfs de Virginie, mais il n’a pas véritablement essayé de contester le témoignage du Dr Hope qui a déclaré être un expert en matière d’évaluation des cervidés et en avoir déjà effectué onze. Au cours du contre‑interrogatoire, M. Alsager a présenté des photographies de divers cerfs et les a fait examiner par le Dr Hope et il est apparu clairement, à partir de ses réponses, que le Dr Hope connaissait très bien la façon dont étaient élevés et notés les cerfs dans les fermes cynégétiques de gibiers à trophée et pourquoi les bois revêtaient une telle importance. Le seul véritable point de désaccord constaté portait sur la façon dont les animaux de M. Alsager avaient été évalués.

 

[93]           Il est apparu au cours du témoignage et du contre‑interrogatoire que M. Alsager avait posé aux Drs Hope et Althouse et à l’équipe d’évaluation de l’ACIA deux graves problèmes : il a décidé d’abattre ses cerfs au printemps 2010, avant qu’il soit possible de savoir quel genre de bois ses cerfs auraient possédés; il a également présenté très peu de documents écrits pouvant servir à des fins d’évaluation.

 

[94]           Il est possible que M. Alsager ait eu d’excellentes raisons de décider d’abattre son troupeau de cerfs avant que les bois des mâles soient complètement poussés et durcis et il a peut‑être eu d’excellentes raisons de ne pas tenir de registres; mais quelles que soient ces raisons, elles ne sont d’aucun secours pour ce qui est du processus d’évaluation. Il n’est pas possible de procéder à des évaluations à partir de rien. Même M. Alsager a reconnu que la méthodologie et l’approche élaborées par l’ACIA en matière d’évaluation étaient légitimes; il affirme simplement qu’elles ne peuvent s’appliquer à ses animaux qui sont des gibiers à trophée. Les seuls éléments qu’il a présentés pour établir ses valeurs supérieures étaient ses propres affirmations et l’appui de certaines autres personnes qui étaient disposées à confirmer qu’il élevait des cerfs en vue d’obtenir les meilleures caractéristiques génétiques possibles pour obtenir des notes SCI aussi élevées que possible.

 

[95]           L’ACIA a accepté des éléments de preuve non scientifiques concernant les caractéristiques génétiques supérieures des cerfs de M. Alsager et intégré ces données dans les notes d’évaluation accordées à ces animaux. M. Alsager soutient cependant que ces notes ne sont pas suffisamment élevées.

 

[96]           M. Alsager a produit les notes et les valeurs que ces animaux devraient, d’après lui, obtenir. Le problème est que les notes et les valeurs qu’il attribue à ses animaux ne reposent sur aucune preuve. Il y a des éléments de preuve concernant le programme d’élevage et de réforme de M. Alsager ainsi que son objectif de produire des mâles de première catégorie pour sa ferme cynégétique de gibiers à trophée. Ces éléments ont été fournis directement par le témoignage de M. Alsager et n’ont pas été contestés. Toutefois, un programme d’élevage n’est pas, en soi, une preuve directe de la valeur des animaux qui ont été abattus.

 

[97]           Si j’ai bien compris la preuve, la valeur marchande des cerfs en cause dépend, dans une très large mesure, de la qualité de leurs panaches au moment où ils sont prêts à être abattus par un chasseur. Personne ne sait quelle apparence aurait eu à ce moment‑là le panache d’un mâle particulier. Et la raison pour laquelle personne ne le sait est que M. Alsager a décidé de tuer ses cerfs au printemps 2010, bien avant que les bois des mâles soient arrivés à maturité; il n’a pas non plus de dossier indiquant comment étaient leurs bois les années précédentes ni la note qu’un animal particulier aurait obtenue selon le barème de notation SCI.

 

[98]           M. Alsager soutient donc qu’il a élevé ses animaux de façon proactive pour produire le genre de caractéristiques génétiques qui amélioreraient la qualité des panaches et la valeur de son troupeau, de sorte que ses mâles devraient être évalués comme s’ils avaient porté le genre de panache trophée que ses méthodes d’élevage visaient à produire.

 

[99]           Il me semble que le problème que soulève cet argument est qu’en l’absence de preuve indiquant que les animaux en question auraient probablement porté des panaches méritant une note élevée, la thèse de M. Alsager demeure non étayée. La Cour dispose de très peu d’éléments de preuve indiquant que ces animaux en particulier auraient obtenu, si on les avait laissés pousser leurs bois à leur taille maximale, les notes SCI que M. Alsager affirme qu’ils devraient recevoir à des fins d’évaluation. En fait, la seule preuve que la Cour possède à ce sujet va à l’encontre des conclusions que M. Alsager aurait aimé que la Cour tire de la description qu’il a fournie de ses techniques d’élevage et de réforme.

 

[100]       En réponse aux questions que lui a posées M. Alsager sur la technique d’élevage proactive visant à obtenir des mâles à trophée et à la demande qu’a faite la Cour au Dr Hope d’expliquer comment les animaux de M. Alsager se situaient dans le régime de l’ACIA et la grille des valeurs élaborée par l’ACIA à des fins d’évaluation, le Dr Hope a répondu ce qui suit au sujet du lien qui existe entre un troupeau ayant de bonnes caractéristiques génétiques et les notes SCI.

[traduction]

Le Dr Hope :    Je veux dire que si nous pouvions – si nous avions un système qui nous permettrait de faire engrosser 100 biches par un cerf de reproduction et si tous leurs faons mâles étaient des animaux obtenant une note parfaite de 450, ce serait phénoménal, mais ce n’est pas comme cela que fonctionne la génétique.

 

M. Alsager :     Mais cela...

Le Dr Hope :    Vous pouvez sauter...

M. Alsager :     Un instant, mais c’est ce qui arrive dans un groupe moyen de 100 biches.

Le Dr Hope :    C’est ce qui se produit dans tous les troupeaux.

 

[101]       M. Alsager n’a pas fourni d’éléments de preuve à l’équipe d’évaluation de l’ACIA; il n’a pas non plus fourni à la Cour d’éléments de preuve qui indiqueraient comment son programme génétique déboucherait, selon la prépondérance des probabilités, sur les notes SCI qu’il attribue à chacun des mâles en question, ou remonterait les moyennes SCI pour un groupe particulier d’animaux. La preuve indique que les mâles n’ont pas eu le temps de laisser pousser leurs panaches entièrement et que l’équipe d’évaluation a dû s’en remettre à une sorte d’approche globale.

 

[102]       L’ACIA a évalué les animaux de M. Alsager en prenant en compte (en se basant uniquement sur sa parole) le fait qu’il possédait un troupeau de qualité supérieure à la moyenne. Il lui a été demandé de fournir des documents pour étayer cette affirmation, mais il n’en a fourni aucun d’utile. Il a reçu le bénéfice du doute pour ce qui est de la qualité de ses animaux. Ni M. Alsager, ni son représentant désigné, M. Holland, n’ont proposé une méthode d’évaluation de rechange que l’équipe de l’ACIA pourrait utiliser dans les cas où le mâle visé est abattu bien avant que l’on puisse déterminer sa note SCI réelle.

 

[103]       Comme le Dr Hope l’a fait remarquer dans son témoignage, sans disposer de panaches à mesurer et sans document susceptible de l’aider à établir ces valeurs, l’équipe d’évaluation de l’ACIA était [traduction] « bloquée ». Il a ajouté : « Je veux dire que c’est la raison pour laquelle nous avons élaboré ces tableaux ».

 

[104]       Si M. Alsager estimait que le barème d’évaluation de l’ACIA ne devait pas s’appliquer à ses animaux, il aurait dû fournir à l’équipe d’évaluation les moyens d’établir les valeurs qu’il y avait eu lieu d’attribuer, d’après lui, à chacun de ses animaux. Les trois cerfs de Virginie ne sont pas concernés par le présent appel, mais ils soulèvent le même problème puisque M. Alsager affirme qu’il aurait dû recevoir une indemnité plus élevée pour ces trois bêtes. M. Alsager semble s’attendre à ce que l’ACIA accepte de fixer une indemnité en fonction de la taille des panaches qu’auraient eu, d’après lui, ses cerfs ainsi que des notes SCI si les cerfs avaient possédé les panaches de qualité trophée qu’il s’efforçait d’obtenir au moyen de son programme d’élevage. M. Alsager aurait pu régler de façon péremptoire cette question en laissant ses cerfs développer leurs panaches avant de les abattre. Mais il a décidé de ne pas procéder ainsi et a ensuite omis de fournir des éléments de preuve objectifs susceptibles de justifier les notes SCI élevées qu’auraient obtenues, d’après ses prévisions, ses animaux.

 

[105]       Après avoir examiné la preuve, il me semble clair que la méthode d’évaluation, élaborée avec des représentants crédibles de l’industrie, et son application dans la présente affaire, était (à une exception près que je vais examiner plus loin) appropriée et raisonnable dans les circonstances. M. Alsager avait déployé beaucoup d’efforts pour mettre en œuvre son programme d’élevage, et il avait déjà connu un premier abattage; il est compréhensible qu’il ait été déçu de ne pas recevoir une indemnité supplémentaire, compte tenu de tout le travail accompli. Mais l’indemnité prévue par ce régime légal ne repose pas sur des critères de travail et de déception.

 

[106]       M. Alsager affirme que le personnel de l’ACIA ne sait pas comment faire des évaluations et qu’il existe un complot qui a pour but de faire disparaître son industrie. Les faits qui m’ont été présentés indiquent que M. Alsager a détruit son troupeau de cerfs avant que l’on puisse mesurer les panaches et ainsi attribuer une valeur à chaque animal et qu’il a ensuite produit peu de documents écrits pouvant servir à l’évaluation des animaux. Tout ceci ne constitue pas une preuve du complot contre M. Alsager ou qui que ce soit.

 

[107]       Le rapport du Dr Hope a été transmis à la Dre Althouse, qui l’a utilisé pour élaborer son propre rapport d’évaluation à partir duquel a été établie l’indemnité versée. La Dre Althouse présidait l’équipe d’évaluation qui a évalué les animaux de M. Alsager. C’était la première fois qu’elle établissait le montant d’une indemnité pour des cervidés, mais sa méthode et le fondement de l’évaluation sont clairement expliqués dans le dossier.

 

[108]       Lorsqu’elle a témoigné devant la Cour, la Dre Althouse a clairement indiqué qu’elle avait suivi le Manuel des procédures communes de l’ACIA et, en particulier, les sections traitant de l’évaluation des animaux. Elle fait remarquer à la Cour ce qui suit :

[traduction]
La section 4.4 [du Manuel] traite de la valeur marchande et du fait que l’indemnité accordée est fondée sur la valeur marchande actuelle, et non pas sur les valeurs antérieures – futures ou antérieures – et traite des façons de fixer cette indemnité en utilisant des actes de vente, des reçus, des renseignements justifiant la valeur marchande actuelle et la section 4 – et je crois que la section 4.4 traite en détail de la valeur marchande et la section 4.5 de l’évaluation des animaux et des choses; il ne s’agit donc pas ici uniquement d’animaux, mais on pourrait également viser, à mon avis, les bois de velours, les embryons, les semences ou d’autres choses que des animaux dont la destruction aurait été ordonnée à des fins de lutte contre la maladie; la section 4.5 traite également, vous le savez, des experts de l’industrie et des éléments sur lesquels ils fondent leur opinion.

 

 

[109]       La Dre Althouse savait fort bien que M. Alsager [traduction] « exploitait une ferme cynégétique où les gens venaient pour tuer, moyennant paiement d’une somme, des animaux à trophée, je dirais autant des cerfs que des daims. »

 

[110]       Encore une fois, la Dre Althouse mentionne le fait que M. Alsager a fourni très peu de documents, même s’il lui avait été signalé que cela était nécessaire pour les fins de l’évaluation :

[traduction]
J’avais parlé à Roger [M. Roger Holland était l’évaluateur désigné par M. Alsager] avant la réunion [la réunion du 27 avril 2010 tenue à North Battleford] et j’avais tenté d’insister sur le fait que, s’ils avaient d’autres documents, reçus, contrats de vente, factures ou information sur les notes obtenues par les animaux chassés, il serait bon qu’ils les apportent à la réunion pour appuyer leur évaluation.

 

 

[111]       La preuve indique que les principes fondamentaux du processus d’évaluation, y compris les notes en pourcentage et le barème d’évaluation élaboré par les Drs Hope et McClean ont été expliqués à M. Alsager à la réunion du 27 avril et la Dre Althouse a déclaré que [traduction] « d’une façon générale, ils étaient d’accord avec – les principes fondamentaux déterminant la valeur – de cette note ».

 

[112]       Cela confirme ce que dit M. Alsager : il pensait que le processus d’évaluation était bon en théorie. Il le conteste par contre en disant qu’il n’était pas applicable à ses animaux à cause de leurs caractéristiques génétiques supérieures. Il est difficile de comprendre cette objection parce que le barème d’évaluation prend en compte les animaux obtenant de bonnes notes et a récemment été appliqué à des abattages effectués au Willow Hollow Game Ranch en 2009, qui était également une « ferme cynégétique ».

 

[113]       La Dre Althouse indique également clairement qu’elle n’a pas aveuglement accepté la méthode d’évaluation de l’ACIA et les chiffres contenus dans le rapport du Dr Hope. Elle a procédé à ses propres vérifications et a fait enquête :

[traduction]

J’ai pensé qu’en tant que présidente, je ne devais pas accepter le document de l’ACIA sans faire quelques vérifications indépendantes pour savoir si les chiffres qu’on y trouvait correspondaient à l’état actuel de l’industrie de sorte que...

 

Oui, j’étais à l’aise avec le volet pourcentage parce que c’est une sorte de courbe de Gauss, représentant les variations biologiques. J’ai pensé que la répartition était bonne et avait déjà été examinée par un certain nombre de représentants de l’industrie, mais je voulais voir si la valeur attribuée aux animaux selon leur note SCI était – actuelle et pertinente, de sorte que j’ai – j’ai fait un peu de recherche en ligne chez diverses fermes cynégétiques et – j’ai imprimé des renseignements, effectué des comparaisons et examiné diverses situations pour voir si ces chiffres correspondaient en gros au prix auquel s’effectuaient les chasses actuelles – et cela semblait très bien correspondre à tout ceci.

 

 

[114]       Elle a également apporté des modifications aux chiffres du Dr Hope et au barème de notes dans un sens favorable à M. Alsager.

 

[115]       Au cours de son témoignage, la Dre Althouse a décrit en détail les facteurs qui ont joué un rôle important dans son évaluation :

[traduction]

Q.  Très bien. Voici donc votre rapport; lorsque vous avez élaboré votre rapport – et nous avons déjà parlé en détail de cet aspect, mais quel est le genre de choses – quel est le genre de facteurs que vous avez pris en compte pour la préparation du rapport?

R.   Je dirais des choses comme – vous savez, le temps – le fait que c’était, qu’il exploitait une ferme cynégétique depuis plusieurs années. C’est une des plus grandes fermes cynégétiques de la Saskatchewan. Elle fonctionnait – elle fonctionnait très bien. En examinant les évaluations et les renseignements, j’ai dû penser encore une fois que les inventaires exacts n’étaient pas – n’étaient pas accessibles de sorte que les chiffres définitifs devraient être fixés au – moment de l’abattage, commentaire selon lequel les animaux doivent être indemnisés à leur valeur de remplacement dans les conditions du marché actuel sous réserve de l’existence d’un plafond. Les valeurs antérieures ou futures n’ont pas été prises en considération. Nous avons demandé qu’on nous fournisse des documents justifiant l’attribution de valeurs supérieures aux normes de l’industrie. Il a été demandé à IKR de fournir des copies des contrats de vente de certains des derniers animaux déplacés conformément à des permis de déplacement de cervidés ainsi que des reçus. Un certain nombre de reçus ont été fournis et la référence ci‑dessous. Aucune preuve concernant les montants payés pour les animaux achetés n’a été fournie. Il a été convenu que les deux évaluateurs me remettraient un rapport d’évaluation écrit et que je les examinerais. Encore une fois, j’ai reçu les rapports. Voulez‑vous passer en revue ce que j’ai dit à propos des cerfs?

Q.  Eh bien, vous savez, nous en avons déjà pas mal parlé et –

R.   Je dirais que certains renseignements dont nous avons parlé – je veux dire que nous avons tenu compte du fait que les biches qui ont été achetées avaient les caractéristiques génétiques originales de la ferme IKR. Elles étaient l’élément essentiel du programme d’élevage. C’étaient les filles d’Apollo Cree, qui était un – comme je l’ai compris, un mâle ayant une note SCI de 480, ainsi que des petites‑filles d’Angus, qui était le cerf de reproduction initial de la ferme IKR et la moitié qui avait été vendue pour ce montant élevé. Je dirais que, lorsqu’il a été vendu à la foire de Lloydminster en décembre 1995, l’industrie du cerf avait atteint un sommet et la demande de mâles de reproduction était forte; les prix des bois de velours étaient également élevés. Depuis lors, le prix du bois de velours a chuté énormément. L’industrie du cerf est en train de se contracter et un grand nombre de cerfs ont été abattus. Les fermes cynégétiques n’éprouvent aucune difficulté à se procurer des mâles. Le troupeau principal de biches a été inséminé par un géniteur 512, et elles ont donné naissance à des mâles qui ont obtenu des notes SCI allant de 382 à 470, d’après les propriétaires. Aucun registre n’a été fourni. La lignée femelle n’a pas fait l’objet d’autres mesures de sélection. Les jeunes biches sont abattues à l’automne. Il n’y a pas d’autres mesures de sélection et on ne pratique par l’IA; aucun pedigree ou dossier génétique n’a été fourni et ce sont les raisons pour lesquelles j’ai pensé que ce troupeau n’avait pas le statut de troupeau de première qualité, même s’il est admis qu’il est de qualité supérieure à la moyenne. Pour l’élevage, les cerfs sont identifiés par des étiquettes d’oreille, mais on retire ces étiquettes lorsque les animaux sont classés parmi le gibier à chasser.

Nous avons demandé à plusieurs reprises ce qui arrivait aux jeunes biches, et on nous a dit qu’elles étaient tuées – tuées pour donner de la viande aux chasseurs qui voulaient en ramener chez eux. Je crois que cela a cessé lorsque nous avons rencontré Rick [M. Alsager] le 10 ou le 12 mai – le 14 mai, je pense, après qu’on ait rapporté que l’on procédait à certaines mesures de sélection dans le – du côté des femelles, mais cela n’a été mentionné d’aucune façon au cours de la réunion ou dans – dans le rapport de Roger [M. Holland], et lorsque nous avons demandé ce qui arrivait aux jeunes biches, on nous a simplement dit qu’elles étaient toujours tuées, j’étais donc sans doute – sous l’impression que l’on ne prenait pas de mesures de sélection du côté des femelles et cet élément – cet élément a joué un rôle dans – dans l’évaluation.

LA COUR :     Cet élément a joué un rôle?

Q.  Oui.

LA COUR :     Oui.

R.   Oui. Parce qu’on s’attendrait à ce que les animaux ayant des caractéristiques génétiques de première catégorie – on continuerait d’améliorer et de renforcer la sélection au sein du troupeau de biches.

LA COUR :     Est‑ce cela – est‑ce cela qui vous a amené à conclure que les animaux n’avaient pas atteint le statut de gibier de première catégorie?

R.   Oui, le fait qu’aucun dossier ne nous a été fourni, qu’aucune note SCI ne nous a été fournie sur les animaux qui avaient été chassés ainsi que le fait que j’estimais qu’aucune mesure de sélection n’avait été prise à l’égard des femelles.

 

[116]       La relation des faits qu’a fournie la Dre Althouse est confirmée par les éléments de preuve documentaire qui ont été présentés à titre de pièces à l’audience.

 

[117]    Un problème important s’est posé à l’égard de l’évaluation des biches, et il est important de mentionner ici le témoignage qu’a livré la Dre Althouse sur cet aspect de la décision :

Q.  Pour les femelles, qu’avons‑nous constaté à propos des femelles?

R.   Je crois que la grosse surprise a été que, lorsque nous avons effectué le – lorsque nous avons procédé à l’abattage, nous avons constaté qu’il n’y en avait beaucoup plus qui n’étaient pas gravides que nous le pensions, et certainement, si l’on examine le nombre de – des mâles d’un an qu’il avait eu d’autres années, je – je pensais qu’il y avait un bon taux de gravidité ou que la plupart des biches auraient eu un faon. Il y avait, je peux dire, environ 15 mâles d’un an, ce qui m’indique qu’il y avait probablement 27 à 28 petits l’année dernière, mais lorsque nous avons vérifié la gravidité, nous avons été surpris de constater qu’il y en avait beaucoup qui n’étaient pas gravides et c’était – lorsque j’ai – lorsque j’en ai entendu parler, je l’ai mentionné – à Jan et j’en ai parlé à Alex, qui, je pense, en a informé Rick immédiatement à ce moment‑là, qu’il y avait un certain nombre de femelles non gravides pour le cas où il aimerait les examiner lui‑même et simplement – et simplement les voir parce que nous étions surpris de voir autant d’animaux non gravides; de sorte que cela voulait dire que les femelles matures gestantes valaient 2 000 $ et nous pensions qu’il y aurait 27 bêtes gravides; en fait, au moment de l’abattage final, il y avait seulement sept femelles gravides correspondant à un prix de 2 000 $; il y avait 17 femelles matures non gravides, que nous avons alors évaluées au prix d’abattage de 750 $. Nous avons également trouvé quatre femelles de deux ans non gravides et elles ont également été évaluées à un prix de 750 $. Elles ne – elles ne figuraient pas vraiment sur le – il n’y en avait aucune de mentionnée sur le – avant l’abattage sur l’inventaire fourni.

Q.  Pourquoi les avez‑vous qualifiées d’animaux d’abattage?

R.   Je dirais que c’est parce qu’elles n’étaient pas gravides, elles ne portent pas de jeune animal qui – cette année, de sorte qu’elles – elles n’avaient pas vraiment de valeur supplémentaire à ce que serait leur valeur pour la viande.

Q.  Aviez‑vous des documents, des reçus ou des papiers qui indiquaient la valeur des femelles qui n’étaient pas gravides?

R.   Excusez‑moi. Vous voulez savoir ce que serait la valeur d’une femelle non gravide?

Q.  Oui.

R.   C’est bien ce que vous voulez dire? Je – Je – c’est quelque chose – il y a la valeur marchande d’après ce qui est publié dans le Western Producer, et les abattoirs peuvent vous indiquer quel est le prix du marché actuel ou le prix d’abattoir actuel. C’est – c’est une des rares valeurs que l’on trouve dans l’industrie du cerf où les renseignements concernant la valeur d’une bête d’abattoir sont faciles à obtenir.

 

 

Les motifs de plainte particuliers

 

[118]       D’une façon générale, M. Alsager ne conteste pas le barème d’évaluation élaboré par les Drs Hope et Harvey. Il affirme toutefois qu’il a été utilisé et appliqué de façon déraisonnable par la Dre Althouse dans son évaluation de ses animaux particuliers, parce qu’elle n’a pas tenu compte des caractéristiques génétiques de première catégorie de ses cerfs et qu’elle a en outre réduit leur valeur de 45 % étant donné que [traduction] « la valeur d’un gibier n’est pas identique à la valeur de l’animal qui est tué ». La Dre Althouse a conclu qu’il y avait [traduction] « des dépenses associées à la chasse, comme le transport, le logement, les repas, les guides, les cadavres, et la préparation des trophées, qui sont compris dans le prix de la chasse. » M. Alsager affirme que ce n’est pas le cas avec sa ferme de gibiers à trophée.

 

[119]       Les pratiques commerciales adoptées par M. Alsager ont causé des problèmes graves à l’équipe d’évaluation dans la présente affaire. Il n’a pas fourni de preuve documentaire suffisante concernant la valeur génétique ou la valeur marchande de ses animaux. Il semble qu’il ne tient pas de registre de ce genre ou qu’il est réticent à les communiquer pour une raison qu’il n’a pas expliquée. À l’audience, lorsqu’il a été contre‑interrogé, il a effectivement reconnu que certaines dépenses étaient associées à la chasse, mais il a refusé d’accepter qu’elles avaient quoi que ce soit à voir avec la valeur marchande d’un mâle qui, à son avis, devrait être égal à son prix comme gibier. À cause de la position qu’il a adoptée, il n’a pas fourni d’éléments de preuve à la Dre Althouse ni à l’équipe d’évaluation, ni à la Cour, qui leur permettraient d’évaluer la différence qui existe entre le prix d’un gibier et la valeur marchande d’un cerf.

 

[120]       Le fait que M. Alsager ait décidé d’abattre son troupeau de cerfs avant l’automne a constitué un autre problème grave; en effet, de cette façon, il a été impossible de mesurer la taille des panaches et d’obtenir les notes SCI en vue de l’évaluation. Il est possible que M. Alsager a eu de bonnes raisons pour prendre cette décision, mais il est incontestable qu’elle a empêché que les panaches soient mesurés et cela a voulu dire, inévitablement, que les évaluateurs ont dû s’en remettre au barème d’évaluation de l’ACIA ainsi qu’à la grille des pourcentages (telle qu’elle a été appliquée à d’autres fermes de chasse de gibiers à trophée) alors qu’il était reconnu que ce gibier avait des caractéristiques génétiques supérieures à la moyenne. La Dre Althouse a expliqué pourquoi, compte tenu du manque de documents et d’information dans ce dossier, elle n’a pas été en mesure d’accorder aux animaux de M. Alsager le statut d’animaux de première catégorie qu’il estimait être justifié, ni les notes SCI qui y sont associées et que ses bêtes auraient dû obtenir d’après M. Alsager. Celui‑ci a expliqué pourquoi il n’acceptait pas les conclusions de la Dre Althouse, mais il n’a fourni aucune preuve susceptible de permettre à la Cour de conclure que les évaluations de la Dre Althouse étaient déraisonnables parce qu’elle avait appliqué cette grille.

 

[121]       Comme la preuve l’indique clairement, même en l’absence de documents appropriés, les évaluateurs ont écouté ce que M. Alsager avait à dire au sujet des caractéristiques génétiques supérieures de ses animaux et [traduction] « les valeurs accordées aux mâles tiennent compte de caractéristiques génétiques supérieures à la moyenne ou de première catégorie ».

 

[122]       Pour ce qui est des biches, M. Alsager estimait que ses animaux possédaient des caractéristiques génétiques supérieures et n’auraient pas dû faire l’objet d’une réduction de prix et être évalués à un prix d’abattage parce qu’il se trouvait que 17 femelles n’étaient pas gravides, en raison des erreurs qu’il avait commises dans son programme de reproduction pour cette année‑là. M. Alsager ne tient toutefois pas compte, à mon avis, du libellé exact de l’alinéa 51(2)a) de la Loi qui énonce que l’indemnité est égale « à la valeur marchande [...] que l’animal aurait eue au moment de l’évaluation si sa destruction n’avait pas été ordonnée [...] ». M. Alsager n’a pas présenté de preuve indiquant que la Dre Althouse a pris une décision déraisonnable lorsqu’elle a évalué la valeur des femelles non gravides comme elle l’a fait, ni de preuve susceptible de démontrer à la Cour qu’il existe un marché dans lequel ces biches, même non gravides, auraient pu, à l’époque en cause, être vendues pour une valeur supérieure à leur valeur d’abattage. S’il existait effectivement un marché où les femelles auraient pu être vendues à des fins d’élevage à un prix supérieur à leur valeur d’abattage, et dans lequel des caractéristiques génétiques supérieures leur auraient donné une valeur supérieure au prix d’abattage, la Cour n’a vu aucune preuve de ce genre. Encore une fois, M. Alsager n’a pas présenté à la Cour de preuve susceptible d’appuyer les autres valeurs qu’il propose. Le fait que ces biches auraient dû être gravides ou l’auraient été au cours des années suivantes ne modifie pas le fait qu’à l’époque en cause, elles ne l’étaient pas, et donc qu’il fallait se baser sur leur valeur marchande à cette époque pour établir le montant de l’indemnité.

 

[123]       À part ce qui touche la question de la réduction pour les services offerts, aspect que je vais examiner plus loin, aucun élément n’a été présenté à la Cour qui indique que la méthode d’évaluation utilisée en l’espèce était déraisonnable ou que les évaluateurs aient omis de tenir compte d’aspects pertinents, ou ont pris en compte des aspects non pertinents, pour arriver à fixer la valeur marchande des cerfs conformément aux paragraphes 51(2) et (3) de la Loi. Selon la preuve, M. Alsager a obtenu des montants supérieurs à la moyenne se situant dans la gamme des montants accordés pour d’autres troupeaux de cerfs de qualité semblable qui ont été abattus.

 

[124]       En outre, M. Alsager n’a pas fourni de preuve indiquant qu’il n’est pas en mesure de remplacer les cerfs abattus par des cerfs de qualité semblable avec l’indemnité obtenue. Il existe des éléments de preuve indiquant qu’il a récemment acheté un mâle, mais force est de constater qu’il a refusé de fournir à la Cour les reçus ou l’information pertinente touchant la qualité de la bête et ses caractéristiques génétiques.

 

[125]       Ma seule préoccupation concerne la réduction de 45 % relative aux services qui a été appliquée aux grands mâles. Encore une fois, l’évaluation de cet aspect est compliquée par l’absence de documentation. La Cour peut fort bien comprendre que le genre de ferme cynégétique de gibiers à trophée qu’exploite M. Alsager n’exige pas que l’on réduise de 55 % la valeur des bêtes comme cela a été fait dans d’autres situations, mais il existe peu d’éléments susceptibles d’aider la Cour à établir le montant approprié de l’ajustement pour les services offerts, le cas échéant.

 

[126]       Lorsqu’elle a abordé cette question dans son rapport d’évaluation, la Dre Althouse s’est contentée de dire [traduction] « la valeur d’un gibier n’est pas identique à la valeur de la bête tuée. Il y a des dépenses qui sont associées à la chasse comme le transport, le logement, les repas, les guides, les cadavres et la préparation des trophées qui sont compris dans le prix de la chasse ». Dans le témoignage qu’elle a livré à l’audience, la Dre Althouse a toutefois fourni une description détaillée de sa façon d’aborder cette question et M. Alsager a décidé de ne pas la contre‑interroger sur ce point. Premièrement, la Dre Althouse connaissait fort bien les arguments que M. Alsager avait soulevés sur ce point avant d’achever son évaluation :

[traduction]

Je ne faisais qu’enregistrer les choses qu’il nous disait pendant la réunion pour espérer pouvoir m’en souvenir. Il a donc déclaré que les mâles ayant une note inférieure à 270 constituaient des mâles de gestion. Au‑dessus de 380, c’étaient les mâles destinés à la chasse. La valeur d’un mâle – des mâles varie sans doute et c’est à ce moment‑là que – la note au sujet de Revenu Canada, et je – je ne suis pas sûre que mes notes aient été bien prises, mais les remarques qu’a faites Rick selon lesquelles Revenu Canada avait essayé de dire que 40 % du prix de la chasse était – oui, égal à la TPS, de sorte que cela aurait été considéré comme un service plutôt que comme un animal et qu’ils avaient prouvé qu’ils étaient – qu’ils vendaient du bétail, qu’ils se convertissaient à l’engraissement à l’herbe et qu’ils avaient – ils avaient – des gens qui n’étaient là que pendant deux jours pour prendre leur – prendre leur trophée et que leur situation était différente de celle du pourvoyeur, à peu près comme il l’a dit ici, qu’il s’agissait en fait d’une vente de bétail domestique – des ventes, vente de bétail, pas de TPS à payer et que Revenu Canada avait accepté la chose et qu’il affirmait qu’il vendait des animaux. Ils ne vendaient pas tout ce qui était associé à la chasse.

 

[127]       Encore une fois, la Dre Althouse a fait sa propre recherche sur ce point et a témoigné ce qui suit :

[traduction]

Il y a également des notes qui montrent que ces chasses comprennent le logement, les repas, le camping, la rémunération des guides, le transport entre la ferme et l’aéroport. Certaines d’elles étaient encore une fois – essayer de distinguer la partie qui correspond à la chasse et la partie qui – correspond à l’animal, et j’ai trouvé certains endroits qui parlaient, en les comparant, de certains des coûts associés à – avec un – disons une chasse avec guide qui était une chasse guidée en milieu naturel pour voir quelle proportion avait trait au service du guide, au logement et ce genre de chose et par rapport à – par rapport à l’animal, et là encore, on parlait de quelque 5 000 $ pour sept jours et de 100 $ pour – ou 1 000 $ pour deux jours et deux nuits avec transport et simplement – cela variait, mais encore une fois, pour se faire une idée de ce – de ce montant de 55 % – à peu près et quelle – quelle proportion serait la – les services supplémentaires non compris dans la valeur de l’animal qui seraient inclus dans tout cela.

 

[128]       M. Alsager insiste beaucoup sur le fait que sa ferme d’élevage de gibiers à trophée est différente des autres fermes du genre. Il a adopté comme position, comme il l’a fait avec Revenu Canada, qu’il n’offre aucun service et qu’il vend tout simplement des bêtes. M. Alsager a certes mentionné à la Dre Althouse ses discussions avec Revenu Canada et l’issue de ses discussions, mais il ne lui a fourni aucun document ni aucune information (pas plus qu’à la Cour) indiquant le coût des services qu’il offre à ses clients. En contre‑interrogatoire, il a admis qu’un certain nombre de coûts étaient associés à sa ferme d’élevage de gibiers à trophée :

a.                   Ses fils et lui font de la publicité et assistent à des foires : [traduction] « Il faut le faire – il faut commercialiser la ferme » même si cela ne se fait plus beaucoup parce que [traduction] « 90 % de nos clients sont des habitués ou ont été envoyés par des gens qui sont déjà venus chez nous ».

b.                  Nos clients viennent (principalement) des États‑Unis, mais aussi d’Espagne, d’Italie, d’Australie et du Japon. Il arrive que M. Alsager et son fils aillent chercher un client à Calgary ou Edmonton, mais [traduction] « ils ne le font pas habituellement ».

c.                   Il y a des chambres à la ferme où les gens peuvent dormir : [traduction] « Certains y logent. D’autres préfèrent loger en ville ».

d.                  Les repas sont fournis aux personnes qui logent à la ferme : [traduction] « Ils discutent, ils boivent une bière ou deux, ils prennent un dîner, passent la nuit ici, comme ils veulent ».

e.                   Il y a [traduction] « des dépenses découlant de l’élevage et de la production de ces animaux, de la mise au point de la lignée sanguine et ce genre de chose [...] ».

f.                    Ils paient des taxes foncières pour la ferme cynégétique.

g.                   Ils n’embauchent pas de guides, mais M. Alsager et son fils fournissent ce genre de services.

 

[129]       M. Alsager fait remarquer que, même s’il y a peut‑être des dépenses associées à ses activités, il n’exploite pas une ferme cynégétique de gibiers à trophée comme les autres. Comme il l’explique dans son témoignage :

[traduction]

C’est la raison pour laquelle nous – vous savez, nous avons eu cette discussion avec Revenu Canada. Nous ne fournissons pas un service. Nous vendons des animaux. Nous vendons des trophées et c’est – c’est important que nous prouvions cela à – à Revenu Canada que nous sommes une exploitation d’élevage. Que nous avons modifié nos activités pour qu’elles soient un peu différentes de celles des autres, mais il faut quand même reconnaître que nous sommes une entreprise privée et agricole, pas des gens qui vont dans le bois, qui logent des chasseurs dans un pavillon, qui embauchent des cuisiniers et ce genre de choses pendant deux semaines et qui les laissent chasser et tuer des animaux appartenant à quelqu’un d’autre. C’est totalement différent. Ils l’ont admis et nous ne sommes pas obligés de payer la TPS, et pour moi c’était important, pas l’aspect administratif parce que tout cela est exporté. Ils le récupèrent de toute façon.

 

[130]    La Dre Althouse était tenue d’établir la valeur marchande des animaux de M. Alsager conformément aux dispositions pertinentes de la Loi. C’est la raison pour laquelle il me semble que les dépenses associées à la chasse, quelles qu’elles puissent être, ne sont pas un élément non pertinent. La Dre Althouse a réduit la valeur des cerfs de 45 % comme cela est fait pour d’autres fermes cynégétiques. M. Alsager affirme que ces entreprises ne sont pas comparables à la sienne. La Cour admet que M. Alsager pouvait démontrer que son entreprise ne devait pas être assimilée aux exemples mentionnés par la Dre Althouse. Il a eu toute latitude pour démontrer quelles étaient ses dépenses réelles, et leur pertinence, ou absence de pertinence, pour la valeur de gibier de ses cerfs.

 

[131]    La Cour a interrogé la Dre Althouse sur les éléments qui lui ont été fournis et qui lui ont permis d’établir le montant relatif des dépenses. M. Alsager n’a fourni aucun élément démontrant comment, dans la présente affaire, il ne fallait tenir aucun compte des dépenses. La Dre Althouse a déclaré que :

[traduction]

J’espérais trouver davantage de choses dans le dossier de Roger [M. Holland], mais cela n’était pas là.

 

 

[132]    Il semble donc que la Dre Althouse ait procédé par voie d’analogie avec d’autres fermes cynégétiques à cause de ce qu’elle a qualifié d’absence de documentation et d’information sur les aspects financiers des opérations de la ferme d’élevage de gibiers à trophée de M. Alsager.

 

[133]    J’estime que l’approche de la Dre Althouse à l’égard de cette question pose problème parce que, s’il a été reconnu que M. Alsager ne fournissait pas un service aux fins de la TPS, il n’est pas vraiment surprenant qu’il ne conservait pas de traces de ce qui étaient, selon son témoignage, des activités beaucoup plus réduites que celles des fermes cynégétiques habituelles ou de la situation des pourvoiries que la Dre Althouse semble avoir prises en considération par analogie. La Dre Althouse n’a aucunement expliqué pourquoi, étant donné qu’il avait été reconnu que M. Alsager ne fournissait pas un service aux fins de la TPS, la valeur de ses cerfs devait être réduite de 45 % parce que la valeur d’un gibier n’est pas identique à la valeur de l’animal abattu à cause des dépenses associées à la chasse. La Dre Althouse n’indique nulle part si les fermes cynégétiques qu’elle a examinées pour justifier une réduction de 55 % étaient des entreprises qui payaient la TPS ou si, comme pour M. Alsager, la nature de leurs activités ne justifiait pas le paiement de la TPS. Il me semble que, dans le cas de M. Alsager, ses clients ne faisaient que se présenter à la ferme, choisissaient un cerf pour ses bois, le tuaient et quittaient la ferme. Il a pu avoir certaines dépenses connexes à des services accessoires associés à ce processus, mais je n’ai pas entendu quoi que ce soit qui justifierait une réduction de 45 % de la valeur des bêtes en raison du coût des services. Autrement dit, j’estime que cette question particulière du coût des services offerts n’a pas été examinée de façon raisonnable dans le cas de M. Alsager.

 

[134]    Je sais que cette question pose problème parce que M. Alsager n’a pas produit de document justifiant le coût de ses services et le pourcentage qu’ils représentent par rapport à la valeur de gibier des cerfs. Cette omission me paraît toutefois compréhensible dans les circonstances puisque M. Alsager avait convaincu les autorités fiscales que ses activités n’exigeaient pas le paiement de la TPS. L’aspect TPS a été clairement expliqué à la Dre Althouse, qui l’a parfaitement compris; elle semble pourtant n’en avoir tenu aucun compte et n’a pas fourni de véritables explications ni évalué les aspects particuliers des services offerts par la ferme cynégétique de gibiers à trophée qu’exploitait M. Alsager.

 

[135]    La Cour fait face à un problème avec le présent appel parce que je ne dispose pas de preuve qui me permettrait de savoir si l’entreprise de M. Alsager (sur le fondement de son statut relatif à la TPS) ou les activités réelles de M. Alsager ont été comparées de façon raisonnable à d’autres fermes cynégétiques ou activités et si la réduction de la valeur de gibier d’un cerf à cause du coût des services associés à la chasse est justifiée. Tout ce que je peux dire, c’est que j’estime que la Dre Althouse n’a pas expliqué de façon adéquate ou raisonnable l’approche qu’elle a retenue à l’égard de cette question particulière.

 

 

Conclusion

 

[136]    L’indemnité accordée pour les cerfs de M. Alsager est peut‑être déraisonnable si la décision qu’a prise la Dre Althouse de ne pas tenir compte de la preuve concernant la TPS veut dire qu’elle a assimilé de façon inappropriée la ferme cynégétique de M. Alsager aux autres fermes cynégétiques pour lesquelles un montant équivalant à 55 % de la valeur des gibiers a été accordé en raison du coût des services offerts.

 

[137]    L’article 57 de la Loi autorise l’évaluateur à « confirmer ou modifier la décision du ministre ou renvoyer l’affaire à celui‑ci pour qu’il y soit donné suite de la manière que lui‑même précise ».

 

[138]    Comme je l’ai mentionné précédemment, je confirme tous les aspects de la décision qu’a prise le ministre au sujet de la demande de M. Alsager, comme étant raisonnable, compte tenu des faits et du contexte particulier de la présente affaire, à part la décision du ministre de ramener la valeur des cerfs de M. Alsager à 55 % de leur valeur de gibier de façon à refléter le coût des services associés à la chasse. Le ministre doit examiner à nouveau cet aspect particulier de sa décision pour veiller à ce que, compte tenu du statut de l’entreprise à l’égard de la TPS et de son mode de fonctionnement actuel, il soit raisonnable de réduire la valeur attribuée à ses cerfs pour tenir compte du coût des services associés à la chasse, et si c’est le cas, selon quel pourcentage.

 

 

Dépens

 

[139]    Le ministre n’a pas demandé que l’appelant assume les dépens et demande que chaque partie assume ses propres frais. M. Alsager a demandé des dépens, mais j’ai rejeté la plus grande partie de son appel et l’indemnité à laquelle il pourrait avoir droit éventuellement n’a pas encore été fixée. En outre, M. Alsager a décidé de se représenter lui‑même dans cette affaire. Dans les circonstances, il me paraît approprié que les parties assument leurs propres frais.

 


JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  Sauf indication contraire dans les motifs, l’appel est rejeté. Cependant, conformément à l’article 57 de la Loi, l’affaire est renvoyée au ministre pour qu’il décide s’il était raisonnable, dans le cadre de l’évaluation des cerfs de l’appelant, compte tenu de l’exemption de la TPS accordée à la ferme cynégétique de gibiers à trophée de l’appelant et de son mode de fonctionnement actuel, de ramener leur valeur à 55 % de leur valeur de gibier ou à un autre montant.

2.                  L’appelant aura 30 jours à partir de la date des présents motifs pour fournir au ministre des éléments de preuve ou arguments supplémentaires sur ce point et une décision définitive à cet égard sera prise dans les 30 jours suivant l’expiration de ladite période de 30 jours.

3.                  L’indemnité supplémentaire susceptible de découler de la nouvelle évaluation de la valeur des cerfs de l’appelant sera versée à l’appelant.

4.                  Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

« James Russell »

Évaluateur adjoint

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    P‑3‑10

 

INTITULÉ :                                                   RICK ALSAGER

et

LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE DU
CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             North Battleford (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 7 juin 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                           LE JUGE RUSSELL

ET JUGEMENT

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 14 septembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rick Alsager

 

POUR L’APPELANT

(se représentant lui‑même)

Marlon Miller

Sarah Bird

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rick Alsager

 

POUR L’APPELANT

(se représentant lui‑même)

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

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