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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110921


Dossier : IMM-1569-11

Référence : 2011 CF 1085

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2011

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

ENTRE :

 

JEFFREY HEMLIN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION et

LE CONSEIL DE DISCIPLINE DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête du demandeur en vue d’obtenir :

a)         une ordonnance sursoyant aux procédures disciplinaires actuelles entreprises par les défendeurs à l’encontre du demandeur en attendant les résultats de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur;

 

b)         une ordonnance interdisant aux défendeurs d’entreprendre d’autres procédures disciplinaires à l’encontre du demandeur en attendant les résultats de la demande de contrôle judiciaire du demandeur;

 

c)         une ordonnance de mandamus, ordonnant à la SCCI de retirer tous les avis publics de procédures disciplinaires à l’encontre du demandeur de son site Web et ordonnant à la SCCI ainsi qu’à ses employés de divulguer des renseignements au public à propos des procédures.

 

 

[2]               À l’audition de la présente affaire, le redressement demandé à l’alinéa a) a constitué l’essentiel de l’argument soulevé. Les redressements demandés aux alinéas b) et c) ont été mentionnés comme faisant partie de la requête.

 

Faits

 

[3]               Le demandeur est un conseiller en immigration depuis mars 1985.

 

[4]               Le mandat de la Société canadienne des consultants en immigration (SCCI) est de réglementer ses membres. La SCCI a été fondée en vertu de lettres patentes délivrées le 8 octobre 2003.

 

[5]               Les objets de la société comprennent les suivants :

[traduction]

 

1.         Réglementer dans l’intérêt public les personnes admissibles qui sont membres de la société, et informer ou représenter les personnes, les groupes et les entités participant au processus d’immigration canadien (« consultants en immigration »), établi conformément aux politiques et procédures publiées par la société de temps à autre.

 

2.         Établir un code de conduite à suivre par les consultants en immigration assujettis à la réglementation de la société.

 

3.         Établir une procédure de traitement des plaintes et une procédure disciplinaire à l’égard de la conduite des consultants en immigration assujettis à la réglementation de la société.

 

[…]

 

9.         Faire tout ce qui est nécessaire ou accessoire à l’avancement des objets et des buts qui précèdent.

 

 

[6]               Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, dispose que seuls des membres de barreaux provinciaux, des étudiants en droit ou des membres de la SCCI peuvent représenter une personne dans des affaires d’immigration moyennant des honoraires.

 

[7]               La SCCI a instauré une politique sur les plaintes et disciplinaire afin de traiter les plaintes contre ses membres.

 

[8]               Les plaintes déposées à l’encontre du demandeur ont fait l’objet d’une enquête. En raison de cette enquête, le gestionnaire du service des plaintes, de la conformité et de la discipline de la SCCI a renvoyé les affaires au conseil de discipline pour la tenue d’une audience.

 

[9]               Le conseil disciplinaire est un tribunal qui se distingue du service d’enquête de la SCCI. Un à trois membres du conseil de discipline sont choisis pour constituer un tribunal en vue de trancher les affaires disciplinaires. En l’espèce, un tribunal de trois membres a été constitué (le tribunal).

 

[10]           L’audience du tribunal a eu lieu les 8, 9, 14 et 15 septembre 2010 en vue de trancher les allégations à l’encontre du demandeur.

 

[11]           Le tribunal a publié ses motifs de décision le 29 octobre 2010 et a conclu que les allégations étaient bien fondées.

 

[12]           La décision du tribunal n’abordait pas la question relative à la sanction des conclusions.

 

[13]           Le demandeur a porté la décision du tribunal en appel. Les parties ont convenu que cet appel sera entendu après l’audition de la question relative à la sanction des conclusions (audition pour déterminer la décision à rendre).

 

[14]           L’audition pour déterminer la décision à rendre a eu lieu le 15 mars 2011, mais aucune décision n’a été publiée en ce qui concerne la question relative à la sanction de l’affaire.

 

[15]           Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du tribunal le 9 mars 2011, qui a été signifiée à la SCCI le 10 mars 2011.

 

[16]           La SCCI a informé le demandeur aux environs du 11 février 2011 qu’elle a accepté de surseoir à l’imposition d’une quelconque sanction qui a été imposée au demandeur en attendant l’issue de son appel. En outre, elle a accepté de surseoir à l’imposition d’une sanction jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire.

 

[17]           Le demandeur a soulevé un certain nombre de questions qui, selon lui, étaient sérieuses à trancher.

 

Question en litige

 

[18]           Devrait-on accorder au demandeur une suspension de l’instance?

 

Discussion et décision

 

[19]           Le demandeur a présenté à la Cour le 7 avril 2011 l’affidavit de Dianne Toth, établi sous serment le même jour. J’autoriserai le dépôt de l’affidavit, mais je ne le considère pas comme pertinent aux fins de la présente requête. La question en litige dans le contrôle judiciaire qui sous‑tend la requête avait déjà été tranchée avant le dépôt ultérieur de la demande de contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, même si j’avais examiné le document pertinent, il n’aurait pas suffi à modifier ma décision à l’égard de la requête.

 

[20]           La Cour d’appel fédérale dans Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF) a décrit, à la page 305, les exigences qui doivent être respectées afin d’obtenir une suspension de l’instance :

Notre Cour, tout comme d’autres tribunaux d’appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énonce par la Chambre des lords dans l’arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 […] Ainsi que l’a déclaré le juge d’appel Kerans dans l’affaire Black précitée :

 

[traduction]

 

Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu’une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu’il a soulevé une question sérieuse à trancher, deuxièmement, qu’il subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance n’était pas accordée et troisièmement, que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l’octroi de l’ordonnance.

 

 

 

[21]           J’aimerais d’abord examiner la question du préjudice irréparable.

 

[22]           Le demandeur a fait valoir qu’il subira un préjudice irréparable, car il subira une perte de revenus et que cela portera atteinte à sa réputation professionnelle.

 

[23]           En ce qui concerne la perte de revenus, la SCCI a entrepris de surseoir à l’imposition d’une sanction quelconque qui peut être imposée après l’issue de l’appel du demandeur et de la présente demande de contrôle judiciaire. Il me semble que cela répond à l’argument avancé du demandeur quant à la perte de revenus.

 

[24]           Le demandeur fait également valoir que, dans l’éventualité où la suspension d’instance n’est pas accordée, cela portera atteinte à sa réputation, ce qui équivaudrait à un préjudice irréparable.

 

[25]           Dans Butterworth v College of Veterinarians of Ontario [2001] OJ no 5265 (SCJ), une affaire dans laquelle le demandeur a demandé une suspension de l’instance avant la tenue d’une audience disciplinaire, alléguant que sa réputation professionnelle et personnelle subirait un préjudice irréparable, la Cour a déclaré aux paragraphes 14 à 17 :

[traduction]

 

14     La deuxième question concerne le préjudice irréparable – un préjudice qui ne peut être quantifié sur le plan monétaire ou qui ne peut être corrigé.

 

15     La base de cet argument est que l’atteinte prospective à la réputation personnelle et professionnelle du demandeur constitue un préjudice irréparable.

 

16     Si cet argument l’emporte, alors le même argument pourrait être formulé dans toute affaire disciplinaire contre un professionnel. Les allégations demeurent ce qu’elles sont – de simples allégations et rien de plus jusqu’à ce qu’elles soient prouvées. Le comité disciplinaire n’a rendu encore aucune décision (à l’exception de la demande de sursis et d’une autre affaire interlocutoire – qui n’ont rien à voir avec la présente demande). Je ne suis pas d’accord que le simple fait de faire l’objet d’une audience disciplinaire causera un préjudice irréparable à la réputation du demandeur. Les allégations contre le Dr Butterworth en l’espèce sont d’une nature extrêmement sérieuse, mais, comme je le dis, il ne s’agit que de simples allégations.

 

17     De toute façon, si l’affaire suit son cours, il est possible que le comité disciplinaire accepte l’argument du demandeur selon lequel il n’a pas compétence et il est possible qu’aucune audience ne soit tenue. Je ne suis pas convaincu que le demandeur subira un préjudice irréparable si l’audience ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

 

 

[26]           Enfin, dans Marler v Law Society of Upper Canada [2009] OJ no 654 (SCJ), au paragraphe 9, la Cour a statué ce qui suit :

[traduction]

 

[…] À mon avis, le demandeur n’a pas montré qu’il subira un préjudice irréparable. Il continue à exercer le droit. Si, à la fin de l’audience disciplinaire, il est déclaré coupable d’inconduite professionnelle, il dispose d’un droit d’appel devant le Tribunal d’appel. Si, en fin de compte, il est déclaré non coupable, il n’aura subi aucun préjudice de toute façon. S’il devait être déclaré coupable et qu’il a été privé de son droit à une audience équitable, tous les efforts qui peuvent s’avérer avoir été gaspillés peuvent faire l’objet d’une adjudication des dépens si les circonstances de l’affaire le justifient.

 

 

 

[27]           Après avoir examiné les documents du dossier et pour les motifs susmentionnés, le demandeur ne m’a pas convaincu qu’il subira un préjudice irréparable si la suspension de l’instance n’est pas accordée. Je ne crois pas que la poursuite d’une audience disciplinaire causera un préjudice irréparable à la réputation du demandeur, d’après les faits de l’espèce. En outre, le demandeur serait autorisé à travailler en tant que consultant en immigration jusqu’à ce que les procédures disciplinaires et les procédures de contrôle judiciaire soient terminées.

 

[28]           Étant donné que le demandeur doit satisfaire aux trois volets du critère pour obtenir une suspension de l’instance, la requête en sursis doit être rejetée. Je n’examinerai pas les deux autres volets du critère.

 

[29]           Je ne suis pas disposé, selon les documents portés à ma connaissance, à accorder le redressement demandé aux alinéas b) et c) de la requête. Ce redressement peut toujours être demandé par voie de demande.

 

[30]           La requête du demandeur est rejetée avec dépens.

 


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur soit rejetée avec dépens.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1569-11

 

INTITULÉ :                                       JEFFREY HEMLIN

 

                                                            – et –

 

                                                            LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES CONSULTANTS          EN IMMIGRATION et LE CONSEIL DISCIPLINAIRE             DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES CONSULTATS                                   EN IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 mars 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 septembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gerald J. Fahey

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me John E. Callaghan

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MacDonald Fahey

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Gowlings

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

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