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Date : 20110923


Dossier : T-238-11

Référence : 2011 CF 1092

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

ANN CARROLL

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

[1]               Mme Ann Carroll compose avec des couleurs chroniques au dos, à la hanche et au bassin depuis les quatre dernières années. Ces douleurs découlent d’une blessure qu’elle a subie en travaillant comme préposée aux chambres à un hôtel de Richmond, en Colombie-Britannique (C.‑B.). Elle n’a pas travaillé à temps plein depuis qu’elle s’est infligé cette blessure.

 

[2]               En 2008, Mme Carroll a demandé une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (le RPC). Le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences a rejeté sa demande. Elle a demandé au ministre de revoir sa décision, mais CE dernier a rejeté sa demande à nouveau.

 

[3]               Mme Carroll a ensuite interjeté appel auprès d’un tribunal de révision (le TR), lequel a reconnu qu’elle souffrait de douleurs chroniques, mais a conclu que son état de santé ne répondait pas à la définition d’invalidité au sens du RPC. Le régime prévoit que l’invalidité doit être grave et prolongée pour que celle-ci ouvre droit à des prestations. Selon la preuve, la blessure de Mme Carroll ne répondait pas à ce critère.

 

[4]               Mme Carroll a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision du TR auprès de la Commission d’appel des pensions (la CAP). La CAP a fait droit à sa demande en décembre 2010.

 

[5]               Cependant, le ministre prétend que la décision de la CAP d’accorder à Mme Carroll l’autorisation à Mme Carroll d’interjeter appel était erronée. Plus précisément, le ministre soutient que la CAP a commis une erreur :

 

            (i)         en omettant de rendre une décision officielle quant à la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par Mme Carroll;

 

            (ii)        en omettant de fournir les motifs de sa décision d’accorder l’autorisation;

 

(iii)       en n’appliquant pas le critère approprié en matière d’autorisation d’appel, c’est-à-dire, de savoir si Mme Carroll avait présenté une cause défendable que le TR lui avait refusé à tort le droit aux prestations;

 

            (iv)       en ne rendant pas une décision raisonnable.

 

[6]               Le ministre me demande d’annuler la décision de la CAP par laquelle celle-ci a accordé à Mme Carroll l’autorisation d’interjeter appel et de lui ordonner de rendre une nouvelle décision. Je souscris à l’affirmation du ministre que la décision de la CAP devrait être annulée. Je dois par conséquent accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à la CAP de trancher à nouveau la question de savoir si elle doit autoriser Mme Carroll à interjeter appel.

 

[7]               À mon avis, la CAP a commis une erreur en ne consignant pas sa décision par laquelle elle autorisait la demanderesse à interjeter appel et en ne donnant pas les motifs écrits de sa décision. Par conséquent, il est impossible de savoir si la CAP a appliqué le bon critère. Il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir si la décision de la CAP était déraisonnable.

 

II.         Les obligations de la CAP

 

[8]               Les personnes qui demandent des prestations ne peuvent automatiquement interjeter appel d’une décision du TR : ils doivent obtenir l’autorisation de la CAP. La CAP doit alors trancher la question de savoir s’il y a des motifs suffisants pour accorder l’autorisation d’interjeter appel.

 

[9]               La CAP a l’obligation de consigner, par écrit, une décision par laquelle elle autorise qu’un appel soit interjeté (Canada (Procureur général) c. Montesano, 2011 CF 398, paragraphes 7 et 8).

 

[10]           Lorsque la CAP refuse d’accorder l’autorisation d’interjeter appel, elle a l’obligation de donner, par écrit, les motifs de sa décision (paragraphe 83(3) du RPC – voir dispositions citées à l’annexe). Quand la CAP autorise une personne à interjeter appel, comme c’est le cas en l’espèce, elle peut avoir à donner des motifs écrits justifiant sa décision, selon ce que la demanderesse a inclus dans sa demande d’autorisation.

 

[11]           Lorsqu’un demandeur donne suffisamment de motifs pour se voir accorder l’autorisation d’interjeter appel, la CAP n’est pas obligée de donner les motifs écrits de sa décision d’accorder l’autorisation; la demande présentée par la personne qui sollicite l’autorisation constitue les motifs de la décision de la CAP (Mrak c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement social), 2007 CF 672).

 

[12]           Toutefois, lorsqu’un demandeur ne fournit pas de motifs adéquats pour justifier sa demande d’autorisation d’interjeter appel, la CAP doit donner les motifs écrits pour lesquels elle accorde l’autorisation (Montesano, précitée, aux paragraphes 6, 8 et 10; ; Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement social c. Roy, 2005 CF 1456).

 

[13]           En l’espèce, les motifs de la CAP doivent satisfaire aux divers objectifs fondamentaux pour lesquels des motifs écrits sont exigés (Administration de l’aéroport international de Vancouver c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, au paragraphe 16). Ceux-ci doivent être intelligibles, suffisamment détaillés et faire état du fondement logique de la décision.

 

[14]           La CAP a aussi l’obligation d’appliquer le bon critère pour accorder l’autorisation d’interjeter appel. Ce critère est de savoir si le demandeur sollicitant l’autorisation a présenté une cause défendable (Callihoo c. Canada (Attorney General), [2000] A.C.F. no 612 (1ere inst.)). Un demandeur présentera une cause défendable s’il dépose de nouveaux éléments de preuve ou des éléments de preuve additionnels (sur lesquels ne s’était pas penché le TR), soulève une question qui n’a pas été examinée par le TR ou démontre que la décision du TR est entachée d’une erreur.

 

III.       La CAP s’est-elle acquittée de ses obligations?

 

[15]           La CAP a informé Mme Carroll qu’elle lui donnait l’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue par le TR. Toutefois, cette décision n’est nulle part consignée. One ne connaît pas l’identité de la personne ayant pris la décision.

 

[16]           De plus, la demande d’autorisation d’interjeter appel de Mme Carroll ne respectait pas les exigences prévues à l’article 4 des Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions (prestations), C.R.C. 1978, ch. 390 (voir annexe). La demande ne contenait pas les motifs invoqués pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel, ni un exposé des faits allégués, ni la preuve documentaire que la demanderesse entendait présenter à l’appui de son appel. Par conséquent, le ministre ne savait pas quelle réponse il devait donner quant à l’appel. Dans ses lettres à l’intention de la CAP, Mme Carroll a simplement énoncé qu’elle était en désaccord avec la décision du TR. Cela était insuffisant.

 

[17]           Par conséquent, la CAP avait l’obligation de donner, par écrit, les motifs justifiant sa décision d’accorder l’autorisation, puisque Mme Carroll n’a pas mentionné pourquoi sa demande d’autorisation d’interjeter appel devait être accueillie. Elle n’en a donné aucun.

 

[18]           Finalement, en l’absence de motifs, il est impossible de savoir si la CAP a appliqué le bon critère pour accorder l’autorisation d’appel, ou si elle a appliqué quelque critère que ce soit.

 

[19]           Compte tenu des circonstances, je dois conclure que la décision de la CAP d’accorder à Mme Carroll l’autorisation d’interjeter appel doit être annulée, car la CAP ne s’est pas acquittée de ses obligations légales. Elle n’a pas consigné sa décision par écrit, n’a pas fourni de motifs et n’a pas mentionné quel critère elle a appliqué lorsqu’elle a accordé l’autorisation d’interjeter appel.

 

IV.       Conclusion et dispositif

 

[20]           La CAP n’a ni consigné sa décision, ni fourni les motifs pour lesquels elle a accordé à Mme Carroll l’autorisation d’interjeter appel de la décision du TR. Je dois, par conséquent, accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à la CAP de rendre une nouvelle décision quant à la question de savoir si elle doit accorder à Mme Carroll l’autorisation d’interjeter appel de la décision du TR.

 

[21]           Lorsque la CAP se penchera à nouveau sur la demande d’autorisation d’appel de Mme Carroll, cette dernière aura l’occasion de mentionner en quoi elle est en désaccord avec la décision du TR ainsi que de présenter de nouveaux éléments de preuve ou des éléments de preuve additionnels (qui n’ont pas été examinés par le TR) qu’elle entend invoquer au stade de l’appel.

 

[22]           Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La Commission d’appel des pensions se prononcera à nouveau sur la question de savoir si elle accorde à Mme Carroll l’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision.

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.

 


Annexe

 

Régime de pensions du Canada, L.R.C., 1985, ch. C-8

 

Permission refusée

 

  83(3) La personne qui refuse l’autorisation d’interjeter appel en donne par écrit les motifs.

 

 

 

Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions (prestations), C.R.C. 1978, ch 390

 

Demande d’autorisation d’interjeter appel

 

  4.  L’appel de la décision d’un tribunal de révision est interjeté par la signification au président ou au vice président d’une demande d’autorisation d’interjeter appel, conforme en substance à l’annexe I, qui indique :

 

a) la date de la décision du tribunal de révision, le nom de l’endroit où cette décision a été rendue et la date à laquelle la décision a été transmise à l’appelant;

 

 

b) les nom et prénoms ainsi que l’adresse postale complète de l’appelant;

 

c) le cas échéant, le nom et l’adresse postale complète d’un mandataire ou d’un représentant auquel des documents peuvent être signifiés;

 

d) les motifs invoqués pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel; et

 

 

e) un exposé des faits allégués, y compris tout renvoi aux dispositions législatives et constitutionnelles, les motifs que l’appelant entend invoquer ainsi que les preuves documentaires qu’il entend présenter à l’appui de l’appel.

 

 

Canada Pension Plan, RSC 1985, c C-8

 

 

Where leave refused

 

  83(3) Where leave to appeal is refused, written reasons must be given by the person who refused the leave.

 

 

Pension Appeals Board Rules of Procedure (Benefits), CRC 1978, c 390

 

 

Application for leave to appeal

 

  4.  An appeal from a decision of a Review Tribunal shall be commenced by serving on the Chairman or Vice-Chairman an application for leave to appeal, which shall be substantially in the form set out in Schedule I and shall contain

 

(a) the date of the decision of the Review Tribunal, the name of the place at which the decision was rendered and the date on which the decision was communicated to the appellant;

 

(b) the full name and postal address of the appellant;

 

(c) the name of an agent or representative, if any, on whom service of documents may be made, and his full

postal address;

 

(d) the grounds upon which the appellant relies to obtain

leave to appeal; and

 

(e) a statement of the allegations of fact, including any reference to the statutory provisions and constitutional

provisions, reasons the appellant intends to submit and documentary evidence the appellant intends to rely on in support of the appeal.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-238-11

 

INTITULÉ :                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                            c.

                                                            ANN CARROLL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 23 septembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Stevenson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Ann Carroll

 

LA DÉFENDERESSE

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Ann Carroll

Vancouver (Colombie-Britannique)

LA DÉFENDERESSE

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

 

 

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