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Date : 20110926

Dossier : IMM‑7572‑10

Référence : 2011 CF 1098

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2011

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

WANG JING HUI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA citoyenneté
ET DE l’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

        MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Wang Jing Hui à l’égard de la décision par laquelle un agent des visas de l’ambassade canadienne à Beijing, en Chine, a rejeté sa demande de visa de résident permanent. La décision contestée a été rendue le 27 septembre 2010 et reposait sur une conclusion de fausses déclarations au sens de l’article 40 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR]. M. Hui soutient que l’agent des visas a manqué à son endroit à l’obligation d’équité procédurale et que la conclusion de fausses représentations était déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de M. Hui.

 

[2]               M. Hui était un candidat approuvé dans le cadre du Programme des candidats immigrants de la Saskatchewan en qualité de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Le 17 décembre 2008, il a présenté une demande de résident permanent auprès de l’ambassade canadienne à Beijing. Sa demande faisait état d’une offre d’emploi réservé à titre de chef cuisinier au Husky Family Restaurant à Rosetown, en Saskatchewan. M. Hui a aussi déclaré qu’il travaillait comme chef cuisinier en Chine depuis 1996 et qu’il était actuellement employé au restaurant Shenglin à Dalian, en Chine.

 

[3]               Le 11 juin 2009, l’ambassade a écrit à M. Hui pour lui demander notamment une lettre d’emploi récente et une copie de son diplôme d’études. M. Hui a fourni des lettres confirmant son emploi et ses études, mais il a allégué que son diplôme avait été perdu. L’agent des visas a alors cherché à vérifier ces renseignements en téléphonant à l’école où aurait étudié M. Hui et à son employeur. Ces vérifications étayaient les renseignements, mais les personnes jointes étaient des voisins ou des parents de M. Hui. En conséquence, l’agent des visas a décidé qu’il était nécessaire que l’Unité antifraude de l’ambassade se rende sur les lieux pour une visite.

 

[4]               L’enquêteur de l’Unité antifraude s’est rendu à l’endroit où travaillait M. Hui et a discuté avec le chef principal, M. Yu. Celui‑ci a indiqué qu’il travaillait au restaurant depuis deux à trois mois, mais qu’il ne connaissait pas le nom de son prédécesseur. Seulement un des cinq autres membres du personnel de cuisine a dit connaître M. Hui. La gérante du restaurant (une parente de M. Hui qui avait signé la lettre d’emploi) a déclaré à l’enquêteur que M. Hui avait travaillé au restaurant, mais qu’il avait quitté. Elle a également dit qu’il n’existait pas de dossier documentaire de l’emploi qu’avait occupé M. Hui. L’enquêteur a alors téléphoné à M. Hui, qui lui a dit qu’après avoir été employé pendant dix ans au restaurant Shenglin, il avait quitté son emploi, six semaines plus tôt, pour travailler au restaurant Jinlin voisin. L’enquêteur a indiqué que si cela était vrai, l’emploi de M. Hui au restaurant Shenglin aurait chevauché celui de l’actuel chef principal, M. Yu, qui alléguait ne pas connaître M. Hui. L’enquêteur a conclu son rapport comme suit :

[traduction] Conclusion : Fraude avec collusion. Le demandeur a dit qu’il avait travaillé au restaurant Shenglin pendant dix ans et qu’il était chef principal jusqu’à ce qu’il quitte un mois et demi avant la visite sur les lieux. L’actuel chef principal du restaurant a commencé à travailler à cet endroit deux à trois mois avant la visite sur les lieux et y travaillait à titre de chef cuisinier pendant que le demandeur déclare qu’il y était chef cuisinier. Le chef principal ne connaissait pas le demandeur et tous les membres du personnel, sauf une personne, ont dit qu’ils ne connaissaient pas le demandeur. Aucun document ne montre que le demandeur a travaillé à cet endroit ‑ la seule confirmation d’emploi provenait de la gérante du restaurant, qui a déclaré que le demandeur et elle sont « parents ».

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[5]               Le 28 avril 2010, l’agent des visas a écrit à M. Hui pour l’informer qu’il existait des motifs de croire qu’il avait fait de fausses déclarations concernant son emploi de chef cuisinier au restaurant Shenglin. L’agent des visas a aussi fourni les détails de l’enquête de l’Unité antifraude, qui démontrait, selon lui, de façon convaincante l’existence de fausses déclarations. L’agent des visas a à juste titre invité M. Hui à répondre, ce qu’il a fait en expliquant en détail les contradictions apparentes dans ses antécédents de travail. Il a notamment nié que son emploi ait chevauché celui de M. Yu et il a imputé la conclusion contraire de l’enquêteur de l’Unité antifraude à la possibilité d’une erreur de transcription. Il n’a offert aucune explication sur l’incapacité de la plupart des autres membres de la brigade de cuisine de reconnaître son emploi, se contentant d’inviter l’agent des visas à appeler un employé actuel, M. Weng. M. Hui a complété sa réponse au moyen de photographies le montrant à l’extérieur du restaurant et participant à un anniversaire à l’intérieur du restaurant. Il a également produit une enveloppe qui lui était adressée au restaurant Shenglin, ainsi qu’un dossier médical indiquant qu’il travaillait à cet endroit. Il a également fourni des renseignements pour communiquer avec plusieurs personnes qui, selon lui, pouvaient confirmer ses antécédents de travail.

 

[6]               Malgré la réponse fournie, l’agent des visas a rejeté la demande de M. Hui au motif qu’il avait fait de fausses déclarations. L’agent des visas a reconnu que M. Hui avait présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir un lien avec le restaurant Shenglin, mais qu’ils étaient insuffisants pour corroborer la durée d’un emploi ou les niveaux d’expérience professionnelle qu’il avait déclarés. L’agent des visas a conclu ses motifs comme suit:

[traduction]

 

J’ai examiné les observations du demandeur et je ne suis pas convaincu qu’elles répondent à nos préoccupations. Les explications fournies concernant la raison pour laquelle il a quitté temporairement son emploi au restaurant Shenglin entre septembre 2009 et avril 2010 semblent intéressées. Il n’est pas crédible que le demandeur puisse avoir quitté son emploi exactement au moment où nous faisions nos vérifications entre septembre et novembre 2009 et qu’il soit retourné au restaurant par la suite. Il n’est pas non plus crédible qu’à l’exception d’un employé, aucun membre du personnel de cuisine travaillant au restaurant au moment de notre visite ne connaissait le demandeur, même si celui‑ci a déclaré y avoir travaillé jusqu’en septembre 2009.

 

Les autres documents qu’a présentés le demandeur ne dissipent pas le doute soulevé par la vérification téléphonique. Tout le personnel du bureau des visas est d’avis, et cela est conforme à mon expérience, qu’il est très facile d’obtenir en Chine des documents irrégulièrement délivrés et non authentiques, y compris des documents non authentiques notariés et comportant un sceau. Je ne crois pas que demander une vérification de ces documents supplémentaires dissipera mes doutes parce que le demandeur a été mis au courant de la possibilité de vérifications téléphoniques et, dans ces circonstances, il aurait pu s’assurer de la collaboration des autorités pour qu’elles fournissent de fausses vérifications. J’accorde donc moins de poids à ces documents qu’aux renseignements fournis dans le cadre de la vérification téléphonique.

 

Je souligne qu’aucun dossier documentaire n’existait au restaurant pour prouver l’emploi du demandeur depuis 2001, et le demandeur l’a confirmé dans sa réponse. Même si l’agent a déclaré que cela n’était pas inhabituel en Chine, l’absence de tout dossier demeure une préoccupation. Les quelques éléments de preuve fournis par le demandeur dans sa réponse peuvent prouver qu’il avait, à un certain moment, un lien avec le restaurant ou qu’il y travaillait, mais ils ne peuvent témoigner de la durée de l’emploi ni de l’expérience de cuisinier du demandeur déclarées dans le dossier.

 

J’ai noté les références et les numéros fournis par le demandeur dans sa réponse. J’estime toutefois que communiquer maintenant avec ces personnes ne dissiperait pas mes craintes parce que ces renseignements m’ont été fournis par le demandeur après nos vérifications; ces personnes ne peuvent par conséquent être considérées comme des sources fiables de renseignements impartiaux.

 

Compte tenu de la preuve dont je dispose, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a fait une présentation erronée concernant son emploi de cuisinier au restaurant Shenglin. La présentation erronée sur cette information ou la réticence de celle‑ci a fait en sorte que le demandeur paraissait répondre à l’exigence en matière d’antécédents professionnels pour recevoir un certificat de candidat provincial, ce qui lui aurait permis d’obtenir un visa de résident permanent en qualité de candidat provincial.

 

En conséquence, je recommande le rejet de la présente demande sur le fondement des fausses déclarations fournies, conformément à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

 

 

[7]               M. Hui soutient que l’agent des visas a omis d’examiner ses observations de façon équitable et équilibrée et qu’il a essentiellement entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en concluant que les renseignements supplémentaires présentés n’étaient pas fiables et ne pouvaient être vérifiés. Je ne suis pas d’accord. Les documents que M. Hui a produits en réponse à la lettre d’équité de l’agent des visas se sont vu à juste titre accorder peu de poids. Compte tenu des contradictions importantes que l’enquêteur de l’Unité antifraude a identifiées dans le récit de M. Hui, il était de toute évidence nécessaire de fournir plus que deux photographies non concluantes, une enveloppe postale et un dossier médical. Dans sa lettre d’équité, l’agent des visas a expressément avisé M. Hui que les antécédents de travail qu’il avait déclarés soulevaient des doutes. M. Hui avait l’obligation de présenter la preuve corroborante la plus solide possible. Plutôt que de réunir des éléments de preuve utiles, il a tenté de faire passer à l’agent des visas le fardeau de la preuve pour que celui‑ci poursuive son enquête. Même s’il n’était peut‑être pas très prudent de la part de l’agent des visas de déclarer à l’avance qu’il écarterait la fiabilité des sources que M. Hui avait données, il n’en reste pas moins que M. Hui avait l’obligation de présenter ces éléments de preuve. Il n’avait aucun droit d’imposer à l’agent des visas le fardeau d’enquêter et on ne peut reprocher à l’agent des visas d’avoir décliné l’invitation en ce sens de M. Hui.

 

[8]               La prétention relative à l’entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire aurait peut‑être pu être retenue si M. Hui avait présenté des preuves corroborantes solides qui auraient été rejetées de façon sommaire. Or, en l’espèce, les éléments de preuve que M. Hui a présentés avaient une valeur limitée quant aux préoccupations de l’agent des visas. Ces éléments de preuve n’étaient pas concluants et l’agent des visas leur a accordé le poids qu’ils méritaient, c’est‑à‑dire qu’il a reconnu que M. Hui avait établi un lien quelconque avec le restaurant Shenglin, sans plus. Cette conclusion était raisonnable et elle ne peut être attaquée avec succès dans le cadre d’un contrôle judiciaire. 

 

[9]               Les autres éléments dont se plaint M. Hui visent soit le poids accordé à la preuve soit l’interprétation de celle‑ci. Ces questions ne sont pas des questions pertinentes dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Pour cette raison, on ne peut critiquer l’approche retenue par l’agent des visas, même s’il est vrai que certains éléments de preuve pouvaient recevoir une interprétation différente.

 

[10]           Il était aussi loisible à M. Hui de produire des affidavits ou d’autres éléments de preuve fiables pour répondre au point qu’il fait maintenant valoir, soit que les membres du personnel de cuisine n’ont pas nié avoir eu connaissance de son emploi, mais ils sont simplement demeurés muets lorsque la question leur a été posée. De toute évidence, cela n’est pas la façon dont l’enquêteur de l’Unité antifraude a interprété leurs réponses (c’est‑à‑dire [traduction] « Le chef principal ne connaissait pas le demandeur et tous les membres du personnel, sauf une personne, ont dit qu’ils ne connaissaient pas le demandeur »), et il était raisonnable de la part de l’agent d’interpréter ainsi leurs témoignages.

 

[11]           Les fausses déclarations et omissions de M. Hui étaient suffisantes pour étayer une conclusion fondée sur l’article 40 de la LIPR. Le seul fait qu’il n’ait pas pris la peine de signaler son prétendu changement d’emploi, attendant plusieurs semaines alors qu’il a été confronté par l’enquêteur de l’Unité antifraude, est un manquement grave à l’obligation de franchise et permet raisonnablement d’inférer qu’il camouflait les véritables faits concernant son expérience de travail en Chine.

 

[12]           M. Hui prétend également que l’agent des visas a manqué à l’obligation d’équité en omettant de consulter les fonctionnaires de la Saskatchewan avant de rejeter sa demande. Cet argument est sans fondement. En vertu de l’article 4.10 de l’Accord Canada‑Saskatchewan sur l’immigration, le Canada est tenu d’aviser la Saskatchewan des raisons du refus possible d’un candidat provincial. Cela a été fait en l’espèce lorsque le Canada a envoyé à la Saskatchewan une copie de la lettre d’équité de l’agent des visas et la Saskatchewan a préféré de pas intervenir. Le Canada a respecté ses obligations contractuelles et n’avait aucune autre obligation envers M. Hui.

 

[13]           Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[14]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune question de portée générale n’est soulevée en l’espèce.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. 

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑7572‑10

 

Intitulé :                                                   HUI c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 25 août 2011

 

Motifs du jugement :                        le juge BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 26 septembre 2011

 

 

 

Comparutions :

 

Christopher G. Veeman

 

Pour le demandeur

 

Natasha Crooks

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Veeman Law

Saskatoon (Saskatchewan)

 

Pour le demandeur

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

 

Pour le défendeur

 

 

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