Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20111006

Dossier : T‑667‑10

Référence : 2011 CF 1139

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2011

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

HENRY J. FELIX SR.

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

STURGEON LAKE FIRST NATION,

« LA BANDE »

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire d’une décision préliminaire rendue par le Sturgeon Lake First Nation Appeal Tribunal (le tribunal d’appel), le 12 avril 2010. Le tribunal d’appel a rejeté l’avis d’appel déposé par le demandeur, contestant le résultat de l’élection du conseil de bande tenue le 26 mars 2010. Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande est accueillie.

 

I. Contexte

 

[2]               Le demandeur était l’un des cinq candidats au poste de chef du conseil de bande de la Sturgeon Lake First Nation (la Bande) qui se présentaient à l’élection du 26 mars 2010. À l’issue du dépouillement du scrutin, le demandeur était deuxième, avec 238 voix; trois voix le séparaient du vainqueur, qui avait recueilli 241 voix. Comme il s’agissait d’un résultat serré, un recomptage a eu lieu le 30 mars 2010. L’écart entre les deux candidats s’est rétréci à deux voix; le vainqueur avait reçu 238 voix, et le demandeur, 236.

 

[3]               L’élection en cause est régie par la Sturgeon Lake First Nation Election Act, 2009 [Loi électorale], adoptée au mois de mai 2009. Il s’agit de la codification récemment modifiée des coutumes de la Bande en matière d’élection.

 

[4]               La Loi électorale établit la procédure régissant la tenue d’élections et le règlement de toute contestation de résultats électoraux. Le contrôle de la conformité des élections à la loi relève de trois instances : le directeur général des élections (le DGÉ), le directeur adjoint des élections (DAÉ) et un tribunal d’appel constitué de trois personnes. Ces personnes sont toutes nommées au cours d’une assemblée spéciale tenue avant l’élection du chef et des membres du conseil de bande, et leur mandat est de même durée que celui du chef et des membres du conseil (art. 3.1, 3.3(a) et 11.1 de la Loi électorale). Le DGÉ et le DAÉ sont chargés de veiller à la conformité des élections à la Loi électorale, et le tribunal d’appel statue sur toute contestation élevée par un intéressé au sujet des résultats électoraux ou du processus électoral. Le tribunal d’appel ayant rendu la décision en cause a été constitué par la Bande le 23 décembre 2009; il est composé de Larry Daniels, Irene Ermine et Elaine Naytowhow.

 

[5]               Les articles 11.3 et 11.4 de la Loi électorale définissent ainsi les attributions du tribunal d’appel :

 

[traduction] 11.3 Le tribunal d’appel supervise et administre tous les appels relatifs à une élection ou élection partielle conformément à la Loi électorale. Il peut siéger de nouveau pour statuer sur toute question disciplinaire se posant au cours du mandat d’un élu conformément aux dispositions de la Sturgeon Lake First Nation Executive Act, 2009.

 

11.4     Il incombe au tribunal d’appel d’attester le résultat de l’élection ou de l’élection partielle du conseil de la Première nation si un appel est formé après la tenue de l’une ou l’autre.

 

[Texte mis en évidence dans l’original]

 

[6]               Le 7 avril 2010, le demandeur a contesté l’élection devant le tribunal d’appel en déposant l’avis d’appel prévu à l’article 12 de la Loi électorale, dans lequel il alléguait que les infractions suivantes à la Loi électorale avaient été commises :

1.      le DGÉ et le DAÉ ont omis de déterminer si des candidats étaient inéligibles par application de l’alinéa 2.5(e) de la Loi électorale, en raison de sommes dues à la Bande;

2.      le DGÉ et le DAÉ ont, en contravention de l’article 8.10 de la Loi électorale, exclu ses agents du bureau de scrutin anticipé de Saskatoon le 24 mars 2010 de sorte qu’ils n’ont pu observer la manipulation des bulletins de vote et des urnes électorales;

3.      le DGÉ et le DAÉ n’ont pas nommé de « facilitateurs » compétents, impartiaux et équitables pour prêter assistance aux électeurs qui avaient besoin d’aide pour voter, contrairement aux articles 8.9 et 2.7 de la Loi électorale;

4.      contrairement à l’alinéa 3.4(b) de la Loi électorale, le bureau de la Bande a continué à effectuer des paiements aux membres de la Bande et à agir au nom de celle‑ci après le jour de la déclaration des candidatures, accordant ainsi un avantage aux conseillers en poste.

 

[7]               Compte tenu des infractions à la Loi électorale qu’il a alléguées, le demandeur veut obtenir la tenue d’une nouvelle élection.

 

II. La décision soumise au contrôle

 

[8]               Le 12 avril 2010, le tribunal d’appel s’est réuni pour examiner l’appel du demandeur et il l’a rejeté[1]. Il a exposé les motifs de sa décision dans un document intitulé « Preliminary Hearing » (la décision). On peut y lire : [traduction] « après avoir examiné attentivement la preuve documentaire et s’être informé auprès de personnes directement concernées, le tribunal rejette tous les motifs d’appel invoqués ». Bien qu’il ait rejeté l’appel, le tribunal a formulé plusieurs recommandations visant à répondre aux préoccupations exposées par le demandeur et à améliorer le processus électoral.

 

[9]               Relativement aux allégations du demandeur, le tribunal a formulé les conclusions suivantes :

 

·      S’agissant de l’allégation selon laquelle les conditions d’éligibilité des candidats n’avaient pas été adéquatement vérifiées, le tribunal d’appel a estimé que le DGÉ et le DAÉ avaient examiné avec soin toutes les déclarations d’intention soumises. Il a indiqué qu’ils avaient communiqué avec le directeur des finances de la Bande pour vérifier si l’un quelconque des candidats devait de l’argent à la Bande, mais que ce dernier n’avait pas été en mesure de se faire une idée juste sur ce point à cause du piètre état des documents financiers de la Bande. Le tribunal d’appel a recommandé que le directeur des finances tienne un meilleur compte des sommes dues à la Bande pour qu’un tel problème ne se reproduise pas à l’avenir.

 

  • Relativement à l’allégation voulant que les agents du demandeur aient été exclus du bureau de scrutin anticipé de Saskatoon, le tribunal d’appel a indiqué que ce bureau était trop exigu pour que les électeurs, les préposés aux élections et les agents puissent s’y trouver ensemble. Il a souligné que les agents étaient présents lorsque les urnes électorales ont été verrouillées avant l’ouverture du scrutin et lorsqu’elles ont été scellées à la fin de la journée. Lorsque le bureau était trop occupé pour que les agents puissent demeurer dans la pièce elle‑même, ils ont été invités à observer depuis l’entrée. Le tribunal d’appel a recommandé de modifier la Loi électorale pour exiger que les bureaux de scrutin soient assez grands pour accueillir les agents.

 

  • Pour ce qui est de la question de savoir si des « facilitateurs » compétents, impartiaux et équitables avaient été nommés, le tribunal d’appel a conclu que l’Ancienne qui avait été nommée pour aider les électeurs comprenait la responsabilité attachée à cette fonction et qu’elle était compétente, impartiale, équitable et respectueuse du droit de chaque électeur à ce que son bulletin de vote soit rempli comme il le voulait. Le tribunal d’appel a recommandé qu’à l’avenir, lorsqu’un électeur a besoin d’aide physique pour faire remplir son bulletin, un membre du tribunal, un membre de la famille ou le DGÉ vérifie que le bulletin de vote est rempli comme il se doit.

 

  • Enfin, à l’égard de l’allégation concernant l’utilisation des ressources de la Bande après le jour de la déclaration des candidatures, le tribunal d’appel a conclu que ce jour a été le dernier où les conseillers en poste ont agi au nom de la Bande ou en ont utilisé les ressources.

 

[10]           Le tribunal d’appel a également examiné l’allégation du demandeur selon laquelle le DGÉ et le DAÉ n’avaient pas protégé l’intégrité du processus électoral, des bulletins de vote et des urnes électorales. Il a indiqué que [traduction] « le DGÉ et le DAÉ ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour protéger l’intégrité du processus électoral et qu’ils ont droit à des félicitations pour le bon travail qu’ils ont accompli ».

 

[11]           Deux membres du tribunal d’appel, Irene Ermine et Elaine Naytowhow, ont signé la décision; le troisième membre ne l’a pas signée, mais une troisième signature figure sur le document, celle d’un dénommé Roy Kingfisher.

 

III. Question préliminaire

 

[12]           Selon la défenderesse, le tribunal d’appel n’étant pas un « office fédéral » au sens de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch. F‑7 [LCF], la Cour fédérale n’a pas compétence pour contrôler sa décision.

 

[13]           La défenderesse soutient que, suivant la Loi sur les Indiens, LRC 1985, ch. I‑5, l’élection du chef et du conseil d’une Première nation est régie soit par la Loi sur les Indiens soit par le droit coutumier de la Bande et que, depuis 1993, la Bande élit son conseil conformément au droit coutumier. Elle affirme que la Loi électorale a codifié le droit coutumier de la Bande, qu’elle rend compte de l’intention de la Bande de préserver sa culture et sa langue et qu’elle a pour objet de faire correspondre la gouvernance de la Bande à l’esprit et aux traditions de ses membres. Elle soutient en outre que l’adoption de la Loi électorale relevant de l’exercice du droit inhérent de la Bande en tant que Première nation il s’ensuit que le tribunal d’appel tire sa compétence de la coutume non d’une loi fédérale et qu’il n’est donc pas un « office fédéral » et ne peut être assujetti au contrôle judiciaire prévu à l’article 18.1 de la LCF.

 

[14]           L’alinéa 18.1(3)b) de la LCF, que le demandeur invoque en l’espèce, autorise la Cour fédérale à annuler ou infirmer toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte d’un « office fédéral ». Pour que notre Cour ait compétence, il faut que le demandeur ait préalablement démontré que la décision qu’il attaque émane d’un « office fédéral » au sens du par. 2(1) de la LCF :

 

Définitions

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

...

 

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Definitions

2. (1) In this Act,

 

...

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867;

 

[15]           Il est largement accepté qu’un conseil de bande est un « office fédéral » au sens du paragraphe 2(1) de la LCF. Dans la décision Gabriel c. Canatonquin, [1978] 1 CF 124, 9 CNLC 74, confirmée par la Cour d’appel fédérale dans Canatonquin et al. c. Gabriel et al., [1980] 2 CF 792, [1981] 4 CNLR 61, notre Cour a statué que même un conseil de bande élu en application du droit coutumier et non sous le régime de la Loi sur les Indiens est un office fédéral au sens du paragraphe 2(1) de la CAF. Ce principe a été réitéré par le juge Martineau dans Francis c. Conseil mohawk de Kanesatake, 2003 CFPI 115, [2003] 4 CF 1133. Dans Sparvier c. Bande indienne Cowessess, [1993] 3 CF 142, 63 FTR 242, le juge Marshall Rothstein a conclu, au paragraphe 14, que puisqu’un conseil de bande élu suivant le droit coutumier autochtone est un office fédéral, le tribunal d’appel élu suivant le même droit coutumier est logiquement lui aussi un office fédéral au sens de la LCF.

 

[16]           De la même façon, notre Cour a statué dans Parisier c. Première nation d’Ocean Man (1996), 108 FTR 297, 61 ACWS (3d) 2, et Okeymow c. Nation Crie Samson, 2003 CFPI 737, 235 FTR 87, que puisqu’un conseil de bande constitue un « office fédéral » les préposés ou organismes électoraux nommés par le conseil de bande et censés « exercer leur pouvoir sur les membres d’une bande indienne » ont également ce statut.

 

[17]           Le tribunal d’appel, en l’espèce, a été officiellement nommé par le conseil de bande le 3 décembre 2009 en application de l’article 4.1 de la Loi électorale de la Bande. En me fondant sur le raisonnement tenu par notre Cour dans les décisions susmentionnées, je conclus que le tribunal d’appel est un « office fédéral » au sens de la LCF, de sorte que notre Cour a compétence pour connaître de la présente demande.

 

IV. Questions litigieuses en cause

 

[18]           Les parties ont soulevé plusieurs points, qui peuvent résumer les deux questions suivantes :

 

A. Le tribunal d’appel a‑t‑il mal interprété ou appliqué la procédure d’appel établie par la Loi électorale et, plus particulièrement, par l’article 12.3 de cette loi?

Cette question pose également celle de savoir si le tribunal d’appel a manqué à son obligation d’équité procédurale en examinant des éléments de preuve étrangers aux allégations du demandeur sans lui fournir la possibilité d’y répondre.

 

B. Le tribunal d’appel était‑il régulièrement formé lorsqu’il a rendu sa décision?

 

V. Norme de contrôle

 

[19]           La première question concerne l’interprétation de la Loi électorale par le tribunal d’appel et, plus précisément, celle de l’article 12.3 de cette loi. En outre, comme le demandeur allègue que le tribunal d’appel a outrepassé sa compétence lors de la première étape de la procédure d’appel en se fondant sur une preuve étrangère aux motifs d’appel sans lui donner la possibilité de répondre à cette preuve, se pose également la sous‑question de l’équité procédurale.

 

[20]           L’interprétation de sa loi habilitante par un organisme administratif spécialisé appelle habituellement l’application la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, par. 54, [2008] 1 R.C.S. 190). La défenderesse invoque le texte de l’article 12.10 de la Loi électorale :

[traduction] 12.10 La décision du tribunal d’appel est définitive.

 

[Texte en italique dans l’original.]

 

 

[21]           Elle soutient qu’il s’agit là d’une disposition d’inattaquabilité et que les autres dispositions de la Loi électorale expriment l’intention de la Bande que les décisions du tribunal d’appel soient définitives et obligatoires. Elle fait donc valoir que ces facteurs militent aussi en faveur de l’application de la norme déférente de la raisonnabilité. Je ne suis pas de cet avis.

 

[22]           L’analyse relative à la norme de contrôle m’amène en l’espèce à conclure que la décision du tribunal d’appel doit être contrôlée suivant la norme de la décision correcte, en dépit de l’article 12.10 de la Loi électorale. Premièrement, j’estime qu’une question de droit est en cause, celle de savoir si, lors de la première étape d’un appel, l’article 12.3 de la Loi électorale autorise le tribunal d’appel à s’appuyer sur une preuve extrinsèque ou sur sa connaissance personnelle. Cette question requiert l’interprétation de dispositions procédurales de la Loi électorale et non une appréciation factuelle. Deuxièmement, la preuve n’établit pas que les membres du tribunal d’appel étaient expérimentés dans l’interprétation de la procédure prévue par la Loi électorale. Ce tribunal est constitué de membres nommés pour un mandat circonscrit dans le temps, bien qu’en l’espèce un de ses membres ait déjà fait partie d’une formation antérieure du tribunal. Les membres ne possèdent aucune expertise particulière. Il convient d’ailleurs de signaler que l’avocat de la défenderesse était présent pendant les délibérations du tribunal pour assister les membres. J’en conclus donc que c’est la norme de la décision correcte qui doit être appliquée. Dans Bill c. Thomas, 2007 CF 1152, 319 FTR 182, le juge Noël a lui aussi statué que la « façon dont le comité d’appel aurait exercé sa compétence » est une question contrôlable suivant la norme de la décision correcte.

 

[23]           L’élément d’équité procédurale imbriqué à la question me conforte dans cette conclusion. Il est bien établi que l’équité procédurale commande l’application de la norme de la décision correcte (Dunsmuir, par. 50; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, par. 43, [2009] 1 R.C.S. 339; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, par. 53, [2006] 3 R.C.F. 392).

 

VI. Analyse

 

Le tribunal d’appel a‑t‑il mal interprété ou appliqué la procédure d’appel établie par la Loi électorale et, plus particulièrement, par l’article 12.3 de cette loi? Le tribunal d’appel a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale en examinant des éléments de preuve étrangers aux allégations du demandeur sans lui fournir la possibilité d’y répondre?

 

[24]           Comme on l’a vu, l’élection du conseil de bande est régie par la Loi électorale de la Bande. Rappelons l’article 11.3 de cette loi, qui établit le mandat du tribunal d’appel :

[traduction] 11.3            Le tribunal d’appel supervise et administre tous les appels relatifs à une élection ou élection partielle conformément à la Loi électorale. Il peut siéger de nouveau pour statuer sur toute question disciplinaire se posant au cours du mandat d’un élu conformément aux dispositions de la Sturgeon Lake First Nation Executive Act, 2009.

 

[Texte mis en évidence dans l’original]

 

[25]           La Loi électorale établit également la procédure d’appel applicable à la contestation du résultat d’une élection. Le tribunal d’appel suit une procédure à deux étapes. Aux termes de l’article 12.3, il doit d’abord déterminer s’il entendra l’appel, en fonction de la suffisance de la preuve présentée dans la plainte :

[traduction] 12.3 Dans les sept (7) jours suivant la réception de la plainte, le tribunal d’appel détermine s’il y a lieu d’entendre la plainte compte tenu de la suffisance de la preuve qui y est présentée.

 

[Texte mis en évidence dans l’original]

 

Cette décision initiale est appelée « décision préliminaire ».

 

[26]           Les articles 12.5 à 12.8 de la Loi électorale décrivent la deuxième étape, qui intervient lorsque la décision préliminaire conclut à l’audition de la plainte. L’article 12.6, en particulier, prévoit qu’à la suite d’une décision préliminaire favorable, l’appelant est entendu, les intimés ont le droit de présenter une défense complète et l’appelant a la possibilité de présenter une contre‑preuve :

[traduction] 12.6 À l’audition de l’appel, l’appelant présente sa preuve. Les intimés en bonne et due forme ont le droit de soumettre une réponse et une défense complètes. L’appelant a alors la possibilité de présenter une contrepreuve. Les parties [appelantes et intimées] peuvent être représentées par un avocat ou par un conseiller à leurs propres frais. Le tribunal d’appel peut recourir à un conseiller juridique dont les honoraires sont payés par la Bande.

 

[Texte mis en évidence dans l’original]

 

[27]           Cette procédure garantit à toutes les parties en cause la possibilité de présenter une preuve, de réfuter celle des autres parties et de soumettre des observations avant qu’une décision définitive soit rendue.

 

[28]           Selon le demandeur, le tribunal d’appel a enfreint la procédure prévue par la Loi électorale en examinant des preuves autres que celles qui étaient soumises dans la plainte.

 

[29]           La défenderesse concède que le tribunal d’appel a examiné des éléments de preuve étrangers aux allégations de l’appel. Le tribunal a indiqué dans sa décision qu’il rejetait l’appel [traduction] « après avoir examiné attentivement la preuve documentaire et s’être informé auprès de personnes directement concernées ». La défenderesse fait valoir que l’examen du tribunal s’est limité aux connaissances empiriques des membres du tribunal. On peut lire à cet égard au paragraphe 28 de son mémoire des faits et du droit :

 

[traduction] 28. Le tribunal d’appel a pris connaissance et a examiné attentivement chacune des allégations des deux appelants en fonction de la preuve empirique dont il disposait du fait que ses membres avaient été présents dans tous les bureaux de scrutin de l’ouverture à la fermeture ainsi que pour le décompte et le recomptage des bulletins de vote.

 

Il appert clairement de la décision du tribunal d’appel, toutefois, qu’il s’est appuyé à la fois sur la connaissance personnelle de ses membres et sur des renseignements provenant de tiers.

 

[30]           La défenderesse soutient qu’il était raisonnable pour les membres du tribunal d’appel de se fier à leur connaissance personnelle pour parvenir à leur conclusion. Voici ce qu’elle déclare à ce sujet au paragraphe 63 de son mémoire des faits et du droit :

 

[traduction] 63 (...) Rien dans la preuve n’indique que les membres ont agi de façon déraisonnable dans les circonstances. Ils ont exposé avec soin leurs conclusions et leurs recommandations dans la décision préliminaire et, après avoir tenu compte des éléments de preuve qui leur avaient été présentés et de leur connaissance empirique des allégations faites et des faits qui leur avaient été décrits, ils ont estimé que l’appel était dépourvu de fondement factuel.  

 

[31]           Selon la défenderesse, en outre, l’adoption de la Loi électorale par la Bande a investi le tribunal d’appel d’un pouvoir discrétionnaire qu’il a exercé dans les limites imposées par cette loi. Elle ajoute qu’aucun élément de preuve n’indique que les membres du tribunal aient fait preuve de mauvaise foi, agi pour des fins ou motifs illégitimes, tenu compte de facteurs non pertinents ou omis de tenir compte de facteurs pertinents.

 

[32]           La défenderesse signale également que certaines questions soulevées par l’appel portent sur des points qui ne pourraient être corrigés par une élection partielle, tandis que d’autres n’ont eu aucune incidence sur le résultat de l’élection (par. 65 du mémoire de la défenderesse). Ces éléments n’ont pas été abordés dans la décision du tribunal d’appel et n’ont été invoqués que dans le mémoire de la défenderesse et dans sa plaidoirie. Il est fort possible que le tribunal en ait tenu compte, mais sa décision n’en traite pas. Lors d’un contrôle judiciaire, la décision examinée ne peut être complétée ex post facto. Par conséquent, la Cour ignorant si le tribunal d’appel a examiné ou non ces éléments, elle ne tiendra pas compte des arguments de la défenderesse relatifs à leurs incidences sur le résultat de l’élection.

 

[33]           À l’argument du demandeur selon lequel le tribunal d’appel n’a pas respecté les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, la défenderesse oppose qu’il était loisible à ce dernier, avant de déposer son avis d’appel, de consulter un avocat et d’obtenir son opinion au sujet de la suffisance des documents qui l’étayaient (par. 73 du mémoire de la défenderesse).

 

[34]           Bien que l’avocat de la défenderesse ait insisté à plusieurs reprises sur la bonne foi des membres du tribunal d’appel, cet élément n’est pas en cause. Le demandeur n’a pas invoqué la mauvaise foi et la preuve n’indique pas qu’il y ait eu mauvaise foi de la part des préposés aux élections ou des membres du tribunal. La question que la Cour doit trancher est si le tribunal d’appel a observé la procédure prévue par la Loi électorale. J’estime qu’il ne l’a pas fait.

 

[35]           Le processus d’appel comporte deux étapes. À la première étape, le tribunal d’appel se borne à déterminer si l’appel est étayé d’une preuve suffisante justifiant la tenue d’une audience. L’article 12.3 de la Loi électorale énonce clairement les critères devant fonder cette décision initiale : le tribunal détermine s’il y a lieu d’entendre la plainte en se fondant sur la suffisance de la preuve qui y est présentée. Il importe de se rappeler que la première étape du processus d’appel n’est pas de nature contradictoire. Le tribunal doit rendre sa décision en se fondant uniquement sur les allégations contenues dans la plainte. D’ailleurs, l’article 12.3 mentionne expressément la preuve présentée dans la plainte et non la preuve recueillie par le tribunal d’appel.

 

[36]           Dans Abbott c. Comité d’Appel de la Bande du Lac Pélican, 2003 CFPI 340, 231 FTR 69 [Abbott], les faits et le droit en cause étaient presque identiques à ceux de la présente espèce. La juge Danièle Tremblay‑Lamer a indiqué, au paragraphe 21 de sa décision, que la procédure d’appel comportait deux étapes, dont la première portait exclusivement sur le contenu de la plainte :

... l’appel est une procédure en deux étapes. À l’étape initiale, le comité doit examiner la plainte et déterminer dans un délai de sept jours « si l’appel doit être entendu compte tenu de la suffisance de la preuve présentée dans la plainte [...] ». Cette décision est uniquement fondée sur la plainte...

 

[37]           Dans Bill c. Bande du Lac Pélican, 2006 CF 679, 294 FTR 189 [Bill], confirmé par Bill c. Première Nation du Lac Pélican (Comité d’appel), 2006 CAF 397, 154 ACWS (3d) 259, le juge O’Keefe a examiné lui aussi la fonction d’un tribunal d’appel à la première étape du processus d’appel. Il a indiqué ce qui suit :

47. Pour résumer, la procédure d’appel prévue dans la Loi comporte deux étapes. En premier lieu, le comité d’appel détermine, après réception d’une plainte, si l’appel doit ou non être entendu compte tenu de la suffisance de la preuve. En deuxième lieu, si le comité décide d’entendre l’appel, toutes les parties concernées doivent être avisées de la date de l’audience, laquelle doit avoir lieu dans les 14 jours qui suivent la réception de la plainte. Les appelants doivent présenter leurs arguments lors de l’audition de l’appel et les intimés ont le droit de soumettre une réponse.

 

[38]           Je fais mien cet exposé des principes fait par mes collègues.

 

[39]           J’estime que le tribunal d’appel n’a pas respecté la procédure et les paramètres établis par l’article 12.3 de la Loi électorale. Pour déterminer si la preuve était suffisante pour justifier de procéder à la deuxième étape du processus, le tribunal d’appel est allé au‑delà de la preuve mentionnée dans l’avis d’appel et l’affidavit du demandeur. Le tribunal aurait dû limiter son analyse à la preuve mentionnée dans ces documents; la loi ne lui permet pas à ce stade de se fonder sur la connaissance personnelle de ses membres ou sur des éléments de preuve obtenus de tiers.

 

[40]           Je considère également qu’en ne respectant pas les limites imposées par l’article 12.3 de la Loi électorale, le tribunal d’appel a agi irrégulièrement et a manqué à son obligation d’équité. Si le tribunal d’appel voulait examiner d’autres éléments que ceux qui avaient été déposés par le demandeur, il aurait dû fournir à ce dernier la possibilité d’entendre et de réfuter cette preuve dans le cadre d’une audience tenue conformément à l’article 12.6 de la Loi électorale.

 

[41]           L’affaire Lavallée c. Louison, 91 ACWS (3d) 337, [1999] ACF no 1350 (QL) [Lavallée], ressemble elle aussi beaucoup à la présente espèce. Les membres du tribunal d’appel se sont fondés sur leur connaissance personnelle pour statuer sur la demande d’appel sans fournir au demandeur la possibilité de répondre aux éléments de preuve contradictoire. La juge Sharlow a statué que le tribunal n’avait pas agi de façon équitable, indiquant :

63.       Je ne veux pas suggérer qu’on aurait dû interdire aux membres du tribunal d’assister à l’élection et au décompte des votes. Toutefois, comme ils ont assisté, il n’était pas équitable de leur part de s’appuyer ensuite sur leur connaissance personnelle en décidant que les appels de M. Lavallée n’étaient pas fondés, sans lui donner d’abord un avis raisonnable quant à la preuve à l’encontre de ses allégations. Le tribunal aurait dû lui permettre de répondre à cette preuve contraire avant de décider si l’un ou l’autre de ses trois appels justifiait la tenue d’une audience.

 

64.       J’irai plus loin en déclarant que, même si la preuve contradictoire avait été présentée par d’autres personnes que les membres du tribunal, par exemple par un observateur neutre comme le directeur des élections, M. Louison, l’équité exigeait que le tribunal informe M. Lavallée de cette preuve et lui donne l’occasion d’y répondre avant de déterminer si la tenue d’une audience d’appel était justifiée.

 

 

[42]           Une question semblable se posait à la juge Tremblay‑Lamer dans Abbott, où le directeur des élections et la scrutatrice étaient présents à la réunion initiale du tribunal d’appel et y avaient présenté des observations. La juge a conclu que le tribunal d’appel n’avait pas observé la procédure prévue par la Loi électorale et avait manqué à son obligation d’équité procédurale en permettant au directeur des élections et à la scrutatrice de prendre part à la réunion. Elle s’est exprimée ainsi :

 

24.       ... Le point litigieux ne se rapporte pas à la substance de la décision elle‑même, mais plutôt à la façon dont le comité y est arrivé. Sur ce point, contrairement à l’argument du défendeur, le fait que la Loi comporte une clause privative n’a rien à voir avec la question de savoir si le comité à agi d’une façon équitable.

 

25.       À mon avis, il ne convenait pas pour le DE et pour la scrutatrice d’être présents et de soumettre des observations à la réunion initiale du comité. La présence du DE et de la scrutatrice ne peut pas être considérée comme neutre ...

 

26.       En outre, M. Turner a remis à chaque membre du comité un document intitulé : [traduction] « Réponse à l’avis d’appel relatif à l’élection générale tenue le 28 février 2001 ». Ce document énonçait l’avis de M. Turner, à savoir que l’appel n’était pas fondé et qu’il devait être rejeté sommairement en l’absence d’une audience formelle. Ce type de renseignement aurait uniquement dû être communiqué à l’audition formelle de l’appel, au cours de laquelle les demandeurs auraient eu la possibilité de présenter leur preuve et auraient également eu la possibilité de répondre.

 

 

[43]           Après s’être reportée aux propos de la juge Sharlow dans Lavallée, la juge Tremblay‑Lamer a conclu elle aussi qu’il « ne convenait pas pour le comité d’entendre l’avis de M. Turner sans donner aux demandeurs la possibilité de répondre » (par. 28).

 

[44]           C’est la situation inverse qui se présentait dans Bill. Le tribunal d’appel avait accueilli l’appel sans que toutes les parties n’aient été adéquatement avisées de la tenue de l’audience, et le juge O’Keefe a conclu que le tribunal avait enfreint la procédure prescrite par la loi et les principes d’équité procédurale, indiquant ce qui suit :

50.       Ainsi, en rendant sa décision du 15 mars 2004, le comité d’appel n’a pas suivi la procédure prévue par la Loi.

 

51.       Le comité d’appel a en outre mené la procédure d’appel d’une manière soulevant des inquiétudes quant à l’équité procédurale ...

 

52.       Puisque le comité d’appel n’a pas dûment suivi la procédure d’appel prévue dans la Loi et qu’il n’a pas donné aux demandeurs un avis suffisant de l’audience d’appel (de sorte que les demandeurs n’ont pas eu l’occasion de répliquer aux allégations portées contre eux), les décisions du comité d’appel relatives à l’élection du 5 mars devraient être annulées.

 

 

[45]           Ces conclusions s’appliquent également en l’espèce.

 

[46]           À l’audience, l’avocat du demandeur a fait état de préoccupations tenant au rôle que les membres du tribunal d’appel avaient joué dans le processus électoral. Il a notamment signalé que ceux‑ci étaient présents dans les bureaux de scrutin et ont été témoins de faits sur lesquels ils se sont prononcés par la suite. La Cour juge elle aussi ces faits préoccupants.

 

[47]           La défenderesse a reconnu que les membres du tribunal d’appel avaient pris part à différentes étapes du processus électoral. Il appert de la preuve, par exemple, qu’ils ont pris part à la décision concernant l’emplacement du bureau de scrutin anticipé à Saskatoon. La preuve indique aussi qu’ils étaient présents lorsque l’Ancienne/interprète Margaret Ermine a aidé des électeurs. Or l’emplacement du bureau de scrutin anticipé à Saskatoon et la question de l’aide fournie par l’Ancienne Margaret Ermine étaient en cause dans l’appel. Les membres du tribunal d’appel se sont placés dans une situation très délicate. L’on ne peut être juge, témoin et partie. Les membres du tribunal d’appel doivent se tenir à une distance prudente du processus électoral afin de rester neutres et de toujours montrer qu’ils font preuve de la neutralité qu’on attend d’eux.

 

[48]           En résumé, j’estime que, dans son examen relatif à l’existence d’une preuve suffisante pour entendre l’appel, le tribunal d’appel a outrepassé sa compétence et qu’en tenant compte d’éléments de preuve étrangers à la plainte et en ne donnant pas au demandeur la possibilité de répondre à la preuve contradictoire, il a manqué à son obligation d’équité procédurale.

 

[49]           Je suis également d’avis qu’il convient d’étudier la question de la participation des membres du tribunal d’appel au processus électoral afin de veiller à ce qu’ils ne prennent pas part à des décisions qui pourraient par la suite être contestées dans le cadre d’un appel.

 

B. Le tribunal d’appel était‑il régulièrement formé lorsqu’il a rendu sa décision?

 

[50]           Le défendeur conteste aussi le fait que la décision du tribunal était signée par Irene Ermine, Elaine Naytowhow et Roy Kingfisher, alors que les membres de la Bande qui avaient été désignés le 3 décembre 2009 pour le former étaient Irene Ermine, Elaine Naytowhow et Larry Daniels. Il soutient en conséquence que le tribunal d’appel n’était pas régulièrement formé lorsqu’il a rejeté son appel.

 

[51]           L’affidavit soumis par Elaine Naytowhow et Irene Ermine déclare que Larry Daniels était présent lorsque le tribunal a examiné l’appel et que Roy Kingfisher a signé comme témoin, non comme membre du tribunal. Leur témoignage indique que M. Daniels a souscrit à chaque énoncé de la décision du tribunal, et que ce n’est qu’à la fin du processus qu’il a refusé de signer la décision, sans motiver ce refus.

 

[52]           En accordant à la défenderesse le bénéfice du doute, le mieux qu’on puisse dire est que l’appel a été examiné par la formation complète du tribunal et que M. Daniel a décidé à la dernière minute de ne pas approuver la décision. La Loi électorale n’indique pas que les décisions du tribunal doivent être unanimes. Toutefois, comme la juge Tremblay‑Lamer l’a signalé dans Abbott, précité, au paragraphe 21, l’objection d’un membre du tribunal « indiquerait fortement qu’il existe suffisamment d’éléments de preuve pour procéder à une audience formelle et qu’il ne convient pas de rejeter sommairement l’appel eu égard aux circonstances ».

 

[53]           J’estime que le tribunal d’appel n’était pas irrégulièrement constitué. Je considère cependant que le refus de l’un de ses membres d’entériner la décision préliminaire rejetant l’appel du demandeur est une forte indication de l’existence d’une preuve suffisante pour justifier la tenue d’audience en bonne en due forme sous le régime des articles 12.5 à 12.8 de la Loi électorale.

 

[54]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

VII. Réparation recherchée

 

[55]           Le demandeur prie la Cour d’annuler la décision rendue par le tribunal d’appel et d’ordonner la tenue d’une nouvelle élection. Il s’appuie sur les règles 3 et 4 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles). À titre subsidiaire, il demande que l’appel soit renvoyé à une nouvelle formation du tribunal d’appel ou, en dernier recours, qu’il soit renvoyé au tribunal d’appel actuel accompagné de directives de la Cour, pour que celui‑ci l’examine conformément à la Loi électorale.

 

[56]           La Cour n’a pas compétence pour annuler les résultats d’une élection et ordonner la tenue d’une nouvelle élection. Les règles 3 et 4 des Règles n’habilitent pas la Cour à élaborer une réparation substantielle qui n’est pas prévue par la Loi électorale. La règle 3 est une règle d’interprétation, et la règle 4, souvent appelée « règle des lacunes », est de nature procédurale et ne permet pas à la Cour d’inventer un recours non prévu par la loi applicable. C’est au tribunal d’appel qu’il appartient de décider s’il convient d’annuler les résultats de l’élection et d’ordonner la tenue d’une nouvelle élection, et la Cour doit se garder d’usurper ce rôle.

 

[57]           Bien que je sois d’avis que la justice serait mieux servie si l’affaire était renvoyée devant une nouvelle formation du tribunal d’appel, la Cour n’a pas non plus compétence, selon moi, pour ordonner un tel renvoi puisque la Loi électorale ne prévoit pas la désignation d’une nouvelle formation hors de la situation où les membres en poste indiquent qu’ils ne peuvent ou ne veulent accomplir la totalité de leur mandat (article 3.3 de la Loi électorale). Le juge O’Keefe était parvenu à la même conclusion dans Bill (par. 59). J’exhorte toutefois la Bande à envisager une modification de la Loi électorale permettant à la Cour de constituer un nouveau tribunal d’appel lorsqu’une telle mesure protégerait les intérêts des parties en cause et servirait la saine administration de la justice et du processus électoral.

 

[58]           L’affaire sera renvoyée au tribunal d’appel. J’estime toutefois qu’il serait déraisonnable, dans les circonstances, de demander au tribunal de recommencer l’étape préliminaire du processus d’appel et qu’il convient en conséquence d’ordonner que le processus reprenne à l’étape de l’audition de l’appel et se déroule conformément aux dispositions de la Loi électorale et de façon équitable pour toutes les parties en cause.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         la demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.         la décision du tribunal d’appel en date du 12 avril 2010 rejetant l’appel du demandeur est annulée;

3.         l’appel est renvoyé au tribunal d’appel;

4.         le tribunal d’appel doit entendre l’appel en application de l’article 12.3 de la Loi électorale dans les 30 jours de la date du présent jugement;

5.         l’audition de l’appel doit avoir lieu conformément aux articles 12.5 à 12.8 de la Loi électorale;

6.         aucuns dépens ne sont adjugés étant donné que la Bande a accepté d’acquitter les honoraires de l’avocat du demandeur.

 

 

« Marie‑Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑667‑10

 

INTITULÉ :                                                   HENRY J. FELIX SR. c.
STURGEON LAKE FIRST NATION, « LA BANDE »

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 7 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 6 octobre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ron Cherkewich

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Victoria E. Elliott‑Erickson

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

Philip E. West, c.r.

 

POUR LE DIRECTEUR ADJOINT DES ÉLECTIONS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ron Cherkewich Legal Services

Prince Albert (Saskatchewan)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Zatlyn Law Office

Prince Albert (Saskatchewan)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

West‑Siwak

Prince Albert (Saskatchewan)

POUR LE DIRECTEUR ADJOINT DES ÉLECTIONS

 

 



[1] Au cours de la même séance, le tribunal a examiné un appel interjeté par le candidat qui avait été élu comme chef et l’a rejeté lui aussi.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.