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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 Date : 20111006


Dossier : IMM-6714-11

Référence : 2011 CF 1138

Ottawa, Ontario, le 6 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

DIEFF MONDELUS

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               Le demandeur bénéficie depuis son arrivé de la multiplicité des chances accordées aux individus par les lois canadiennes en matière d’immigration pour éviter depuis 2008 jusqu’au quatre octobre 2011 un retour en France. Il est maintenant opportun de procéder au renvoi.

 

[2]               L’intention exprimée par le législateur nécessite une interprétation qui s’accorde avec cette intention à l’égard des personnes qui ont épuisés leurs recours pour rester au Canada. Comme spécifié dans Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311, selon la Cour d’appel fédérale :

[51]      [...] Après avoir examiné attentivement et à fond les dispositions législatives applicables et la jurisprudence s’y rapportant, le juge Pelletier a circonscrit la portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution en matière de report de renvoi. Dans des motifs que je ne puis améliorer, il a expliqué ce qui suit :

 

−          Il existe divers facteurs qui peuvent avoir une influence sur le moment du renvoi, même en donnant une interprétation très étroite à l’article 48. Il y a ceux qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence, notamment le calendrier scolaire des enfants et les incertitudes liées à la délivrance des documents de voyage ou les naissances ou décès imminents.

 

−          La loi oblige le ministre à exécuter la mesure de renvoi valide et, par conséquent, toute ligne de conduite en matière de report doit respecter cet impératif de la Loi. Vu l’obligation qui est imposée par l’article 48, on devrait accorder une grande importance à l’existence d’une autre réparation, comme le droit de retour, puisqu’il s’agit d’une réparation autre que celle qui consiste à ne pas respecter une obligation imposée par la Loi. Dans les affaires où le demandeur a gain de cause dans sa demande CH, il peut obtenir réparation par sa réadmission au pays.

 

−          Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

 

−          Il est possible de remédier aux affaires où les difficultés causées à la famille sont le seul préjudice subi par le demandeur en réadmettant celui-ci au pays par suite d’un gain de cause dans sa demande qui était en instance.

 

 

 

 

II.  Introduction

[3]               Le demandeur, née en Haïti et citoyen de la France, présente devant cette Cour une requête afin d’obtenir le sursis d’une mesure de renvoi émise contre lui vers Saint-Martin (Guadeloupe), laquelle doit être exécutée le 8 octobre 2011, à 06h30.

 

[4]               La présente requête est l’accessoire d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire [DACJ] attaquant la décision rendue le 28 septembre 2011 par l’agent d’exécution de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC], par laquelle il a refusé d’accéder à la demande de report de renvoi présentée par le demandeur le 15 septembre 2011.

 

[5]               La Cour est d’accord avec la position du défendeur que le demandeur ne rencontre pas le test tripartite défini par l’affaire Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302, 11 ACWS (3d) 440 (CAF). Par conséquent, sa requête en sursis est rejetée.

 

III.  Faits

[6]               Le demandeur, monsieur Dieff Mondelus est né en Haïti et détient la citoyenneté française. Il est arrivé au Canada pour la première fois le 5 juillet 2008, à titre de visiteur.

 

[7]               Le 15 décembre 2008, le demandeur a épousé madame Mélanie Forand.

 

[8]               Le 30 mars 2009, la période de séjour du demandeur fut prolongée jusqu’au 30 juin 2009.

 

[9]               Le 28 avril 2009, Citoyenneté et immigration Canada [CIC] a reçu une demande de résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait accompagnée d’une demande de parrainage et d’engagement de madame Forand en faveur du demandeur [DRP #1].

 

[10]           Le même jour, le demandeur a aussi déposé une demande de permis de travail.

 

[11]           Dans les semaines qui ont suivi, autour du mois de mai 2009, le demandeur se serait séparé de son épouse et aurait cessé de faire vie commune avec celle-ci, et aurait ensuite commencé à fréquenter madame Teryka Trudel au cours de l’été 2009.

 

[12]           Quoique le demandeur allègue dans son affidavit qu’il allait de soi pour lui que sa DRP #1 était caduque dès lors qu’il s’était séparé de son épouse, et qu’il aurait omis de communiquer ce fait à CIC par simple oubli, la preuve au dossier démontre que CIC a transmis une demande de renseignements additionnels à celui-ci le 20 juillet 2009 et les renseignements demandés du demandeur ont été reçus le 10 août 2009.

 

[13]           Le 10 décembre 2009, CIC a reçu de madame Forand une demande de retrait du parrainage, dans laquelle elle affirmait que le mariage n’était pas de bonne foi et que le demandeur tentait de l’obliger à maintenir la demande.

 

[14]           Le 19 janvier 2010, CIC a avisé le demandeur que sa DRP #1 était refusée, compte tenu du retrait de la demande de parrainage et des allégations de son épouse. CIC a également refusé sa demande de permis de travail et a informé le demandeur qu’il était désormais sans statut et devait quitter le Canada immédiatement.

 

[15]           Le demandeur n’a pas contesté cette décision.

 

[16]           Le demandeur a attendu jusqu’au 4 avril 2010 avant de quitter le Canada. Il est revenu au pays le 5 mai 2010, et a été admis avec une fiche de visiteur expirant le 25 juin 2010.

 

[17]           Le 25 juin 2010, un agent a émis un rapport en vertu de l’article 44 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre du demandeur, parce qu’il avait des motifs raisonnables de croire que celui-ci était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR, compte tenu qu’il est visé par un mandat de recherche en France pour vol avec usage d’une arme.

 

[18]           Le même jour, le rapport fut déféré pour enquête à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [SI]. L’ASFC a ensuite procédé à l’arrestation du demandeur le 29 juin 2010.

 

[19]           Le 9 juillet 2010, la SI a conclu que, bien que le demandeur soit recherché en France et que son comportement s’apparente à celui d’un fugitif, il n’était pas visé par l’alinéa 36(1)c) de la LIPR. La SI a libéré le demandeur avec conditions le même jour.

 

[20]           Le 5 janvier 2011, CIC a reçu une demande de résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait accompagnée d’une demande de parrainage et d’engagement de madame Trudel en faveur du demandeur [DRP #2].

 

[21]           Le 11 janvier 2011, CIC a avisé le demandeur que la demande de prolongation de la période de séjour qu’il avait déposée le 14 juin 2010 était refusée. CIC a également informé le demandeur qu’il était désormais sans statut et qu’il devait quitter le Canada dans les plus brefs délais.

 

[22]           Le demandeur n’a pas contesté cette décision.

 

[23]           Le 24 février 2011, un agent a émis un rapport en vertu de l’article 44 de la LIPR à l’encontre du demandeur, parce qu’il avait des motifs raisonnables de croire que celui-ci était interdit de territoire en vertu de l’article 41 et du paragraphe 29(2) de la LIPR, pour avoir fait défaut de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

[24]           Le 28 février 2011, le demandeur s’est vu offrir la possibilité de déposer une demande d’examen des risques avant renvoi [ÉRAR] lors d’une entrevue avec un agent d’exécution de la loi, et il a décidé de ne pas s’en prévaloir. L’agent d’exécution de la loi a également accepté de fixer le renvoi après l’accouchement de la conjointe du demandeur, qui était alors prévu pour le 21 avril 2011.

 

[25]           Le 29 avril 2011, lors d’une autre entrevue avec un agent d’exécution de la loi, le demandeur a demandé que son renvoi soit reporté afin qu’il puisse obtenir un passeport pour son fils né le 19 avril 2011. Il affirmait vouloir quitter le Canada avec sa conjointe et son enfant. L’agent d’exécution de la loi a accordé la demande.

 

[26]           Une entrevue fut fixée pour le 31 mai 2011, et reportée ensuite au 27 juin 2011, et encore une fois au 7 juillet 2011. Entre temps, le 6 juillet 2011, le demandeur a confirmé avoir reçu le passeport pour son fils.

 

[27]           Le 7 juillet 2011, le demandeur a rencontré un agent d’exécution de la loi et lui a demandé de lui accorder un sursis administratif en vertu de la Politique d’intérêt public établie en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR pour faciliter le traitement selon les règles de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada [Politique]. L’agent d’exécution de la loi a accepté de lui accorder un délai de 60 jours, tel que prévu à la Politique, et en a informé CIC le même jour.

 

[28]           Le 6 juillet 2011, CIC a transmis une lettre adressée à la conjointe du demandeur, l’informant qu’elle devait déposer sans tarder une demande d’engagement auprès du gouvernement du Québec.

 

[29]           Le 6 septembre 2011, lors d’une entrevue avec le demandeur, l’agent a refusé une demande verbale de sursis administratif en vertu de la Politique, compte tenu qu’il en avait déjà bénéficié.

 

[30]           Le 15 septembre 2011, le demandeur a déposé une demande de sursis administratif par écrit.

 

[31]           Le 20 septembre 2011, l’agent a rencontré le demandeur de nouveau. Son départ fut fixé au 8 octobre 2011 pour Saint-Martin, puisqu’il ne désirait pas se rendre à Paris.

 

[32]           Le 28 septembre 2011, l’agent a refusé la demande de sursis administratif au renvoi du demandeur qui avait été reçue le 15 septembre 2011.

 

[33]           Le 30 septembre 2011, le demandeur a déposé une DACJ à l’encontre de cette décision. Cette demande est sous-jacente à la présente requête en sursis.

 

[34]           Par ailleurs, en date du 3 octobre 2011, le Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du gouvernement du Québec [MICC], n’avait toujours pas reçu de demande d’engagement de la conjointe du demandeur en faveur de ce dernier.

 

IV.  Point en litige

[35]           Est-ce que le demandeur a démontré avoir rencontré les trois éléments nécessaires du test selon la décision Toth, ci-dessus, pour obtenir un sursis judiciaire de l'exécution de la mesure de renvoi le visant?

 

V.  Analyse

[36]           La Cour est en accord avec la position du défendeur. Le demandeur n’a pas rencontré les trois éléments du test Toth, ci-dessus.

 

[37]           Afin que la Cour puisse rendre une ordonnance de sursis de l’exécution de la mesure de renvoi, elle doit déterminer si le demandeur a rencontré chacun des trois critères émis par la Cour d’appel fédérale dans Toth, ci-dessus.

 

[38]           Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a retenu trois critères qu’elle a importés de la jurisprudence en matière d’injonction, plus particulièrement de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Manitoba (Procureur général) c Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110. Ces trois critères sont :

a.       Existe-t-il une question sérieuse à trancher relativement au recours principal;

b.      Le demandeur a-t-il établi qu’il subirait un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé;

c.       La balance des inconvénients penche-elle en faveur du demandeur.

 

[39]           Les trois critères doivent être rencontrés de manière conjonctive afin que cette Cour accorde le sursis demandé. Si un seul d’entre eux n’est pas rencontré, cette Cour ne doit pas accorder le sursis demandé.

 

[40]           En l’espèce, le demandeur n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à être tranchée dans le cadre de sa DACJ à l’encontre de la décision de l’agent, ni l’existence d’un préjudice irréparable et finalement, les inconvénients du demandeur ne sont pas supérieurs à ceux de l’intérêt public qui veut que le renvoi soit exécuté dès que les circonstances le permettent en vertu du paragraphe 48(2) de la LIPR.

 

A.  Question sérieuse

[41]           La norme relative à la question sérieuse est élevée dans le cas où une demande de sursis fait suite au refus de différer le renvoi du demandeur parce que, s’il est octroyé, le sursis accorde dans les faits au demandeur la mesure de redressement qu’il sollicite dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

 

[42]           Par conséquent, au lieu d’appliquer simplement la condition relative à la question sérieuse, la Cour doit déterminer avec soin si, sur le fond, la demande sous-jacente est susceptible d’être accueillie (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 CF 682 au para 11; Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1075 au para 3; Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 683 au para 8).

 

[43]           Le demandeur doit démontrer l’existence d’une cause raisonnablement défendable et qu’il a des chances raisonnables d’avoir gain de cause dans son recours principal, soit sa demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de l’agent :

[32]      Moreover, the Court now has the benefit of the Federal Court of Appeal’s recent decision in Baron v. Canada (Minister of Public Safety and Emergency Preparedness), 2009 FCA 81 (Baron), which involved a judicial review of the exercise of an enforcement officer’s discretion not to defer a family’s removal to Argentina pending the determination of an outstanding H&C application.

 

[33]      In Baron, Justice Nadon confirmed: (1) the standard of review of an enforcement officer’s decision to refuse to defer is assessed on the standard of reasonableness; (2) the scope of an enforcement officer’s discretion to defer is limited; and (3) the gauge for the assessment of serious issue on a stay application is not the lower standard of the issue not being frivolous or vexatious but rather the higher threshold of whether the issue raised is fairly arguable – has a chance of success, i.e. the judge must go further and closely examine the merits of the underlying application (see Baron, at paragraph 67). [La Cour souligne]. (TRADUCTION NON DISPONIBLE).

 

(Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 FC 993; également, Baron, ci-dessus, aux para 66 et 67).

 

(1) Pouvoir discrétionnaire limité de l'agent d’exécution de la loi

[44]           La décision de l’agent de refuser de reporter le renvoi doit être considérée avec déférence par cette Cour. Ce n’est qu’en présence d’une décision déraisonnable que la présente Cour interviendra (Baron, ci-dessus, aux para 25 et 67; Ferraro c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 815, au para 40; Pacia c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 629, au para 6; Vieira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 FC 626, aux para 17 à 19).

 

[45]           La discrétion des agents de renvoi de différer le renvoi est très limitée (Baron, ci-dessus; Adviento c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1430, 242 FTR 295 (CF); Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FCT 614 (CF)).

 

[46]           Ce pouvoir se restreint uniquement aux cas où il existe un obstacle concret et sérieux au renvoi :

[7]        Ainsi que mon collègue le juge Barnes l’a signalé dans le jugement Griffiths c. Canada (Solliciteur général), [2006] A.C.F. no 182, au paragraphe 19, un report est « une mesure temporaire, appliquée pour composer avec un obstacle concret et sérieux à un renvoi immédiat ». [La Cour souligne].

 

(Uthayakumar c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 998).

 

[47]           Dans l’affaire Baron, ci-dessus, la Cour d’appel fédérale citait avec approbation la décision de cette Cour dans l’affaire Simoes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 FTR 219, [2000] ACF no 936 (QL/Lexis), et indiquait que le renvoi prévu en vertu de l’article 48 de la LIPR devait avoir lieu à moins que des raisons telles la maladie, l’impossibilité à voyager et possiblement, l’attente d’une décision pour considérations d’ordre humanitaire [CH] depuis une longue période ne justifiait un report :

[49]      Il est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agents d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est limité. J’ai exprimé cet avis dans la décision Simoes c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. No. 936 (C.F. 1re inst.) (QL), 7 Imm.L.R. (3d) 141, au paragraphe 12 :

 

[12]      À mon avis, le pouvoir discrétionnaire que l’agent chargé du renvoi peut exercer est fort restreint et, de toute façon, il porte uniquement sur le moment où une mesure de renvoi doit être exécutée. En décidant du moment où il est « raisonnablement possible » d’exécuter une mesure de renvoi, l’agent chargé du renvoi peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d’autres raisons à l’encontre du voyage et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire qui ont été présentées en temps opportun et qui n’ont pas encore été réglées à cause de l’arriéré auquel le système fait face. Ainsi, en l’espèce, le renvoi de la demanderesse, qui devait avoir lieu le 10 mai 2000, a pour des raisons de santé été reporté au 31 mai 2000. En outre, à mon avis, l’agent chargé du renvoi avait le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi tant que l’enfant de la demanderesse, qui était âgée de huit ans, n’avait pas terminé son année scolaire. [La Cour souligne].

 

(2) La décision de l’agent est raisonnable

[48]           La décision de l’agent était raisonnable. Ses notes démontrent qu’il a pris compte de tous les éléments pertinents, et que, compte tenu de son pouvoir discrétionnaire limité, il était justifié de refuser la demande de sursis administratif.

 

[49]           Au départ, il importe de rappeler qu’une demande pendante de parrainage ne constitue pas un obstacle au renvoi (Salazar c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 56, au para 24; Duran c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 738, au para 24).

 

a)   L’intérêt supérieur de l’enfant et les conséquences sur la famille

[50]           Premièrement, contrairement à ce qu’allègue le demandeur aux paragraphes 21 à 31 de son mémoire, l’agent a tenu compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et des conséquences alléguées du renvoi sur la famille.

 

[51]           L’agent a noté que le demandeur avait bénéficié de plusieurs sursis administratifs, dont un parce qu’il voulait préparer son départ éventuel en compagnie de sa conjointe et de son fils. Le fait que sa conjointe ait décidé qu’elle resterait au Canada avec l’enfant ne constitue certainement pas un motif permettant l’octroi d’un sursis temporaire au renvoi.

 

[52]           De plus, compte tenu de la preuve soumise par le demandeur, il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure que sa conjointe pourrait compter sur le soutien de son entourage, si nécessaire.

 

[53]           Un agent d’exécution de la loi peut reporter le renvoi en considération d’éléments temporaires, tels que pour permettre à un enfant de terminer l’année scolaire, pour cause de maladie, ou pour s’assurer que des dispositions ont été prises pour s’assurer de la garde des enfants citoyens canadiens qui n’accompagneront pas le parent expulsé (Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, [2006] 2 RCF 164, aux para 39-40).

 

[54]           En l’espèce, la demande de reporter le renvoi afin que le demandeur puisse demeurer auprès de son fils et sa conjointe ne vise pas une situation temporaire. D’autant plus que le demandeur n’a soumis aucune preuve démontrant les conséquences que subirait l’enfant à court terme et qui pourraient constituer des obstacles concrets et sérieux au renvoi.

 

b)   La DRP #2 et la Politique d’intérêt public

[55]           Deuxièmement, tel que l’agent l’a souligné dans ses notes du 6 et du 28 septembre 2011, le demandeur a bénéficié de plusieurs sursis à son renvoi depuis qu’il fait l’objet d’une mesure de renvoi. Un premier sursis lui avait été accordé pour qu’il soit présent lors de l’accouchement de sa conjointe. Un deuxième sursis lui avait été fourni afin qu’il puisse obtenir un passeport pour son fils, sous le motif qu’il prévoyait quitter le Canada avec toute sa famille. Finalement, un troisième et dernier sursis administratif de 60 jours lui avait été octroyé en vertu de la Politique afin que soit étudiée la demande de parrainage.

 

[56]           À cet égard, c’est à bon droit que l’agent a conclu qu’il n’avait pas à accorder un deuxième sursis administratif en vertu de la Politique, étant donné que le demandeur en avait déjà bénéficié.

 

[57]           Dans ses prétentions écrites, le demandeur semble alléguer qu’un sursis administratif en vertu de la Politique devrait s’étendre indéfiniment dans tous les cas, jusqu’à ce que ce soit complétée l’étude d’une demande de parrainage. Or, là n’est pas l’objet visé par la Politique.

[58]           La jurisprudence de cette Cour a constamment reconnu que le sursis administratif prévu à la Politique est limité à la période d’examen d’un ÉRAR ou, à défaut, à 60 jours :

[20]      Je retiens l’observation du défendeur lorsqu’il affirme que la période prévue, aux fins de la suspension administrative sollicitée par le demandeur aux termes de la Politique, serait déjà expirée même si l’agent avait conclu que le demandeur était admissible [...] [La Cour souligne].

 

(Enabulele c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 641).

[30]      La demanderesse n’était donc pas éligible à la politique, puisque sa demande a été déposée après qu’elle ait été convoquée pour l’entrevue préalable au renvoi. Qui plus est, le sursis administratif est d’une durée de 60 jours et, eut-il été applicable, serait aujourd’hui expiré. [La Cour souligne].

 

(Duran, ci-dessus; également : Hosein c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 551, aux para 7-8).

 

[59]           En effet, le libellé de la Politique est clair. L’ASFC a accepté d’octroyer un sursis administratif, limité dans le temps, aux demandeurs visés par la Politique.

F. SUSPENSION ADMINISTRATIVE DU RENVOI

 

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a accepté d’accorder, aux demandeurs qui sont visés par cette politique d’intérêt public, une suspension administrative du renvoi. La suspension ne sera pas accordée aux demandeurs :

 

• qui sont interdits de territoire pour raison de sécurité (L34), pour atteinte aux droits humains et internationaux (L35), pour criminalité et grande criminalité (L36) ou pour crime organisé (L37);

• qui sont exclus par la Section de la protection des réfugiés aux termes de la section F de l’article premier de la Convention de Genève;

• qui font l’objet d’accusations en instance ou contre qui des accusations ont été portées, mais que la Couronne a retirées, si ces accusations ont été abandonnées pour procéder au renvoi;

• qui ont déjà profité d’une suspension administrative découlant d’une demande CH de conjoint;

• qui sont visés par un mandat non exécuté en vue du renvoi;

• qui ont déjà entravé ou retardé le renvoi;

• qui ont déjà été expulsés du Canada et n’ont pas été autorisés à y revenir.

 

Dans le cas des demandeurs qui font l’objet d’un examen des risques avant renvoi (ERAR), la suspension administrative pour le traitement des demandes présentées en vertu de cette politique d’intérêt public sera en vigueur le temps qu’il faudra pour effectuer l’examen en question (R232). Les demandeurs qui ont renoncé à l’ERAR ou qui n’y ont pas droit se verront accorder une suspension administrative de 60 jours.

 

Les demandeurs qui présentent une demande aux termes de cette politique d’intérêt public après avoir été jugés prêts au renvoi par l’ASFC ne bénéficieront pas de la suspension administrative du renvoi, sauf dans les circonstances limitées énoncées ci-dessous (cas visés par les dispositions transitoires).

 

[…]

 

Lorsque la suspension s’applique, CIC déploiera tous les efforts possibles pour prendre une décision à la première étape dans les 60 jours en ce qui concerne les cas de parrainage d’un époux. (Une décision à la première étape est prise après la réception de la demande par CIC lorsque la demande contient la preuve que le demandeur est marié ou en union de fait avec un répondant admissible, qu’il habite avec ce répondant et que l’engagement de parrainage est valide.) Si une décision favorable à la première étape est prise, le sursis énoncé au R233 sera applicable jusqu’à ce que CIC ait rendu une décision définitive relativement à l’octroi de la résidence permanente. D’autres détails sont énoncés ci-dessous. [La Cour souligne].

 

(Dossier du demandeur (DD), Pièce B, aux pp 36, 37, 39 et 40).

 

[60]           Ainsi, durant ce sursis de 60 jours, CIC s’engage à déployer des efforts raisonnables pour rendre une décision, dans la mesure que la demande de parrainage est en bonne et due forme et respecte les exigences législatives.

 

[61]           Le demandeur avait bénéficié du sursis administratif de 60 jours. Il est donc erroné de prétendre que l’agent se devait d’accorder un deuxième sursis en vertu de la Politique. Contrairement à ce qu’allègue le demandeur dans ses prétentions écrites, l’agent était bien au fait de la DRP #2 – il en a tenu compte, mais a raisonnablement conclu qu’elle ne justifiait pas un autre sursis au renvoi, compte tenu de son obligation de procéder au renvoi le plus rapidement possible.

[62]           Malgré qu’une décision à la première étape de la DRP #2 du demandeur n’ait pas encore été rendue, ce résultat n’est nullement attribuable à l’agent, l’ASFC ou CIC. Dès l’octroi du sursis administratif, le 7 juillet 2011, l’agent d’exécution de la loi a averti CIC. Celui-ci venait d’ailleurs d’acheminer une lettre au demandeur pour que sa conjointe dépose une demande d’engagement. À ce jour, cette demande n’a pas été déposée car la DRP #2 ne respectait pas toutes les exigences.

 

(3) La DRP #2 n’était pas en bonne et due forme

[63]           De surcroît, la DRP #2 ne saurait être considérée avoir été déposée en temps utile puisqu’il appert qu’elle était déficiente dès son dépôt. À tout le moins, contrairement à la décision Shase c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 418, que cite le demandeur, il est spéculatif d’avancer qu’une décision pourra être rendue sous peu, compte tenu du défaut du demandeur et de sa conjointe d’avoir déposé une demande de parrainage valide.

 

[64]           En effet, tel que l’admet le demandeur dans son affidavit, sa conjointe n’était pas une répondante admissible, puisqu’elle était prestataire d’aide sociale.

 

[65]           Au paragraphe 22 de son affidavit, le demandeur allègue que sa conjointe et lui n’avaient pas remarqué ce critère lors du dépôt de la DRP #2.

 

[66]           Pourtant, outre le fait qu’il s’agit d’une exigence prévue explicitement à l’alinéa 133(1)k) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR], la conjointe du demandeur avait clairement répondu Oui à la question 5 « Êtes-vous bénéficiaire d'assistance sociale autrement que pour cause d'invalidité? » dans la demande de parrainage.

[67]           Or, la demande de parrainage indique clairement : « Si vous répondez « OUI » à l’une ou l’autre des questions 5 à 13, vous n’êtes pas admissible comme répondant (ni comme cosignataire le cas échéant). Vous NE devriez PAS présenter votre demande. Veuillez vous reporter au guide, à la section Qui peut parrainer? pour des précisions. »

 

[68]           Ainsi, sans vouloir spéculer sur ou préjudicier la décision qui pourrait éventuellement être rendue quant à la DRP #2 du demandeur, l’article 133 du RIPR semble clair quant aux exigences sine qua non d’une demande de parrainage au moment de son dépôt pour qu’une décision favorable soit rendue :

Exigences : répondant

 

133.      (1) L’agent n’accorde la demande de parrainage que sur preuve que, de la date du dépôt de la demande jusqu’à celle de la décision, le répondant, à la fois :

 

 

 

[...]

 

k) n’a pas été bénéficiaire d’assistance sociale, sauf pour cause d’invalidité.

 

[La Cour souligne].

Requirements for sponsor

 

133.      (1) A sponsorship application shall only be approved by an officer if, on the day on which the application was filed and from that day until the day a decision is made with respect to the application, there is evidence that the sponsor

 

[...]

 

(k) is not in receipt of social assistance for a reason other than disability.

 

(Également, Guzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1134, [2007] RCF 411 au para 35 et ss.)

 

[69]           À tout le moins, il est impossible d’affirmer qu’une décision sur la DRP #2 du demandeur est imminente. Alors que le demandeur dans Shase, ci-dessus, avait obtenu son certificat de sélection du Québec, en l’espèce, une demande d’engagement n’a même pas encore été déposée.

 

B.  Préjudice irréparable

[70]           La notion de préjudice irréparable a été définie par la Cour dans l’affaire Kerrutt c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 53 F.T.R. 93, au paragraphe 15, comme étant le renvoi d’une personne vers un pays où il existe un danger pour sa vie et sa sécurité.

 

[71]           La juge Sandra Simpson dans l’affaire Calderon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 92 FTR 107, [1995] ACF no 393 (QL/Lexis), mentionnait d’ailleurs ce qui suit relativement à la définition du préjudice irréparable établie dans Kerrutt :

[22]      Dans l'affaire Kerrutt c. MEI (1992), 53 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay avait conclu que, dans le cadre d'une demande de sursis à exécution, la notion de préjudice irréparable sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d'un requérant. Le critère est très exigeant et j'admets son principe de base selon lequel on entend par préjudice irréparable quelque chose de très grave, c'est-à-dire quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles vont donner lieu une séparation familiale ou un départ. [La Cour souligne].

 

[72]           Le fardeau revient au demandeur de fournir une telle preuve à la Cour au soutien de son allégation de préjudice irréparable.

 

[73]           En l’espèce, dans son mémoire, le demandeur  ne démontre aucunement qu’il subirait un risque grave qui met en cause sa vie ou sa sécurité advenant son renvoi à Saint-Martin. En fait, le demandeur soumet essentiellement les mêmes arguments quant au préjudice irréparable que ceux soulevés pour la question sérieuse.

 

(1) Intérêt supérieur de l’enfant et séparation de la famille

[74]           Le demandeur n’a soumis aucune preuve du préjudice qui lui serait causé s’il devait quitter le Canada.

 

[75]           La jurisprudence nous enseigne que l’intérêt supérieur de l’enfant n’empêche pas le renvoi d’un parent sans statut légal au Canada (Baron, ci-dessus, au para 57).

 

[76]           Il est aussi établi qu’il incombe à la personne qui invoque l’intérêt supérieur de l’enfant de mettre en preuve les éléments qui soutiennent ses allégations. De vagues conjonctures ne sont pas suffisantes (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 RCF 635, aux para 5 et 8; Simoes, ci-dessus, Keppel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1208; John c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 420, 231 FTR 248).

 

[77]           Enfin, il est de jurisprudence constante que la séparation d’un parent avec un enfant ne constitue pas un préjudice irréparable :

[34]      En ce qui concerne la séparation du demandeur avec ses deux enfants au Canada, la jurisprudence est constante sur le principe que la séparation de la famille ne constitue pas un préjudice irréparable, mais bien une conséquence normale d’un renvoi.

 

(Salazar c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 56).

 

[78]           Qui plus est, le fait que le demandeur sera séparé de sa conjointe n’est pas une raison suffisante pour conclure qu’il subirait un préjudice irréparable s’il est renvoyé du Canada, puisqu’il s’agit d’une conséquence directe et inhérente d’un renvoi.

 

[79]           À ce titre, les propos émis récemment par la Cour dans la décision Malagon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1068 :

[2]        En ce qui concerne les bouleversements de la famille et la séparation que devra supporter le conjoint de madame Malagon, il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable, mais plutôt d’un phénomène inhérent au renvoi (Malyy c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 388, 156 A.C.W.S. (3d) 1150 aux par. 17-18; Sofela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 245, 146 A.C.W.S. (3d) 306 aux par. 4 et 5; Radji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, 308 F.T.R. 175 au par. 39). En conclure autrement rendrait impraticable le renvoi des individus n’ayant pas le droit de demeurer au Canada. De plus, tel que rappelé dans Golubyev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 394, 156 A.C.W.S. (3d) 1147 au paragraphe 12 : le critère du préjudice irréparable est un critère sévère qui oblige à démontrer l’existence d’une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité du demandeur. [La cour souligne].

 

(Également, Arturo c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 766, aux para 45-46).

 

[80]           Dans la décision Perry c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 378, il est indiqué que le préjudice irréparable est évalué du point de vue du demandeur et non du point de vue des membres de la famille qui demeurent au Canada :

[30]      Même quand la séparation entraînée par le renvoi risque de causer à la cellule familiale de considérables difficultés économiques ou psychologiques, le critère demeure la question de savoir si le demandeur lui-même subira un préjudice irréparable (Mariona c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. n° 1521 (1re inst.); Carter c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. n° 1011 (1re inst.); Balvinder c. Canada (M.C.I.), décision non publiée, 15 décembre 2005, IMM-7360-05). [La Cour souligne].

 

[81]           De plus, le demandeur et sa conjointe n’étaient pas sans savoir le statut précaire de ce dernier; le défendeur n’est pas tributaire des risques qui ont été volontairement pris par le demandeur en toute connaissance de cause :

[16]      Je ne vois pas en quoi le ministre aurait agi irrégulièrement ou aurait suscité des attentes chez le demandeur; si celui-ci a décidé de se marier alors que sa situation n'avait pas encore fait l'objet d'une décision favorable de la part des autorités canadiennes, c'est à ses propres risques, et non à ceux du ministre qui a l'obligation de faire respecter les lois du Canada.

 

(Banwait c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 522 1re inst (QL/Lexis)).

 

(2) Demande de parrainage pendante

[82]           La prétention du demandeur selon laquelle il perdra le bénéfice de l'application de la Politique du seul fait qu'il sera renvoyé du Canada est contredite par les termes même de cette Politique qui précise que « [C]omme c'est le cas maintenant, les clients ayant une demande CH en attente qui sont renvoyés pendant l'examen de leur demande pourront revenir au Canada si une décision favorable est rendue » (DD, Pièce B à la p 37).

 

[83]           Le traitement de la demande de parrainage se poursuivra après son renvoi, et le demandeur pourra revenir au Canada, si la décision est favorable (Ibrahima c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 607, au para 44; Berki c Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1084, au para 5).

 

[84]           D’ailleurs, le fait que le demandeur ne puisse être présent au Canada durant le traitement de sa DRP #2 ne correspond pas à la définition du préjudice établie dans l’affaire Calderon, ci-dessus, à savoir un danger pour sa vie.

 

[85]           De plus, rien n’empêche que le demandeur puisse se faire parrainer par sa conjointe, et ce, de l’extérieur du Canada.

 

[86]           En principe, il s’agit de la façon de faire habituelle. De plus, l’existence d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en instance n’est pas une raison de reporter le renvoi et ne constitue pas non plus un préjudice irréparable, puisque « le processus de demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire est une exception à l'intention générale du législateur voulant que les personnes présentent des demandes pour vivre au Canada à partir de l'extérieur du pays. » (Gyan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 771, au para 10).

 

[87]           Par ailleurs, il est spéculatif de dire que la conjointe du demandeur aura recours à l’aide sociale si le demandeur est renvoyé, rendant celle-ci inapte à parrainer le demandeur de l’extérieur du Canada.

 

[88]           Il n’y a aucune preuve au dossier que la conjointe du demandeur ne puisse faire appel aux garderies subventionnées par le gouvernement, aux membres de sa famille ou à des amis, ou tout simplement, en dernier recours, aux services de garderies privées comme le font plusieurs autres mères qui sont sur le marché du travail. Quoiqu’il en soit, il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable.

 

(3) Aucun risque à la vie ou à la sécurité allégué

[89]           Finalement, l’affidavit du demandeur et ses prétentions écrites n’allèguent aucun risque à sa vie, advenant son renvoi à Saint-Martin.

 

[90]           La Cour convient qu’un renvoi n’est jamais facile, mais note cependant que le demandeur se trouve dans la même situation que toute personne renvoyée.

 

[91]           Considérant ce qui précède, le demandeur n’a pas satisfait au deuxième volet de l’arrêt Toth, ci-dessus.

 

C.  Balance des inconvénients

[92]           Le paragraphe 48(2) de la LIPR impose l’obligation d’exécuter la mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent :

48.      (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent

48.      (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable

 

[93]           Pour déterminer la prépondérance des inconvénients, la Cour doit décider laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse le sursis (Metropolitan Stores Ltd., ci-dessus).

[94]           En l’espèce, compte tenu de l’absence de question sérieuse et de préjudice irréparable, la balance des inconvénients favorise le Ministre, qui a intérêt à ce que l’ordonnance de renvoi émise contre le demandeur soit exécutée à la date qu’il a fixée.

N'ayant trouvé aucune question sérieuse ni de préjudice irréparable, je n'ai aucune difficulté à conclure que la balance des inconvénients favorise l'exécution de l'ordonnance de renvoi par le ministère selon son obligation en vertu de l'article 48 de la Loi. [La Cour souligne].

 

(Morris c MCI, IMM-301-97, 24 janvier 1997 (J. Lutfy)).

 

[5]        En supposant, sans trancher la question, qu'il existe une question sérieuse à examiner en l'espèce, la Cour refuse néanmoins le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi du Canada demandé par les demandeurs, au motif qu'il n'a pas été établi qu'ils subiraient un préjudice irréparable.

 

[...]

 

[12]      En conclusion, je conclus que l'expulsion des demandeurs n'a pas d'autres conséquences que des conséquences normales (Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 188 F.T.R. 39, au paragraphe 21). Dans ces circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur vu qu'il est dans l'intérêt public que la mesure de renvoi soit exécutée dans les meilleurs délais possible (Celis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1679, 2002 CFPI 1231, au paragraphe 4). [La Cour souligne].

 

(Akyol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931; également, Mobley c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 65 (QL/Lexis)).

 

[95]           Par ailleurs, il importe de souligner que plusieurs facteurs dans l’historique d’immigration du demandeur au Canada font pencher la balance des inconvénients en faveur du ministre :

a.       le demandeur a eu l’occasion de présenter une première demande de résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait qui fut rejetée, son mariage ayant été déterminé être une supercherie, ce que la preuve au dossier semble corroborer;

b.      le demandeur fait l’objet d’un mandat de recherche en France, et évite d’y retourner depuis son arrivée au Canada en 2008. Quoique la SI ne l’ait pas jugé visé par l’alinéa 36(1)c) de la LIPR, elle a mentionné que le comportement du demandeur rencontrait la définition d’un fugitif;

c.       le demandeur a outrepassé sciemment sa période de séjour autorisée à deux reprises, en plus de présenter une deuxième demande de parrainage non conforme, et dont le délai de traitement lui est donc attribuable.

 

[96]           La balance des inconvénients penche entièrement en faveur du Ministre.

 

VI.  Conclusion

[97]           Compte tenu de tout ce qui précède, le demandeur ne rencontre pas les critères établis par la jurisprudence relativement à l’obtention d’un sursis judiciaire. La demande de sursis d’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de sursis d’exécution de la mesure de renvoi.

 

“Michel M.J. Shore”

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6714-11

 

INTITULÉ :                                       DIEFF MONDELUS c

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

REQUÊTE CONSIDÉRÉE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 5 OCTOBRE 2011 ENTRE OTTAWA, ONTARIO ET MONTRÉAL, QUÉBEC

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 6 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mylène Barrière

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Charles Junior Jean

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mylène Barrière, avocate

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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