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Date : 20111007


Dossier : IMM-7179-10

Référence : 2011 CF 1147

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

KAMAL SAIDE ABU GANEM

 

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un Arabe palestinien de 39 ans ayant la citoyenneté israélienne. À son arrivée à Toronto en octobre 2008, il a présenté, avec son épouse et ses quatre enfants, une demande d’asile. Dans une décision datée du 9 novembre 2010, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) concluait que le demandeur était exclu de la protection accordée aux réfugiés au Canada en vertu de la section Fb) de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention) pour avoir commis un grave crime de droit commun. Il a par ailleurs été établi que son épouse et ses quatre enfants avaient qualité de personnes à protéger aux termes du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[2]               Le demandeur sollicite l’annulation de la décision l’ayant exclu du processus de reconnaissance du statut de réfugié en raison de ses antécédents criminels. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de cette décision sera rejetée.

 

 

Le contexte

 

[3]               En 2001, la sœur du demandeur a été assassinée pour avoir refusé d’épouser un certain Zayad Abu Ganem, l’un de ses cousins. Personne n’a été déclaré coupable pour ce meurtre, mais une querelle a ensuite éclaté entre les familles. En 2002, le frère du demandeur a cherché à venger le meurtre de sa sœur sur ses cousins et à tuer ceux qu’il croyait responsables, mais il n’y est pas parvenu. Au cours d’un affrontement avec ses cousins, il en a tué un ainsi que le meilleur ami du demandeur, mais aucune des deux victimes n’était impliquée dans le meurtre de la sœur.

 

[4]               Le demandeur allègue qu’il n’était pas présent lorsque ces meurtres ont été commis. Son épouse l’aurait appelé au travail pour l’informer qu’une bagarre avait éclaté dans la rue en face de chez eux. Il s’est immédiatement rendu sur la scène du crime et a stationné sa voiture dans une allée qui n’était assez large que pour un véhicule. À son arrivée, les victimes étaient déjà décédées : il s’est alors précipité chez un voisin pour appeler la police. À l’arrivée des policiers, le demandeur a été accusé d’avoir délibérément bloqué la route pour aider son frère à fuir les lieux du crime. Il a donc été arrêté et placé en détention.

 

[5]               Le demandeur a été libéré sous caution. C’est alors que ses cousins ont essayé de le tuer et qu'il a reçu deux balles dans une jambe. Le demandeur a ensuite plaidé coupable aux accusations portées contre lui. Il prétend l’avoir fait dans le seul but d’obtenir la protection de la police israélienne.

 

[6]               J'y reviendrai plus en détail, mais l’infraction exacte à laquelle le demandeur a plaidé coupable est contestée. Il a déclaré qu’il avait été déclaré coupable pour complicité d’homicide involontaire; néanmoins, la SPR a conclu qu’il avait été déclaré coupable d’homicide involontaire. Quoi qu’il en soit, le demandeur a été condamné par le tribunal israélien à six ans de prison. Son frère a été déclaré coupable de meurtre et condamné à vingt-cinq ans d’emprisonnement.

 

[7]               Cependant, le conflit ne s’est pas arrêté là. Les cousins du demandeur ont fait vœu d’assassiner tous les membres de sa famille immédiate. Le demandeur a affirmé que son père avait ensuite été assassiné dans une attaque punitive orchestrée par ses cousins. Alors qu’il était en prison, l’épouse et les enfants du demandeur ont donc été relogés et placés sous la protection de la police israélienne.

 

[8]               En 2008, le demandeur a été remis en liberté après avoir purgé presque quatre des six années de sa peine. Il a pris l’avion avec son épouse et ses quatre enfants pour la Roumanie; ils y sont restés un mois, puis sont arrivés au Canada, où ils ont présenté une demande d’asile.

 

 

L’instance devant la Section de l’immigration

 

[9]               Le demandeur a fait l'objet d'une enquête par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada destinée à trancher la question de son admissibilité au Canada. Son avocat et celui du ministre ont convenu alors qu’il avait été déclaré coupable de complicité d’homicide involontaire. Le commissaire de la Section de l’immigration a souscrit à cette dénomination et estimé que l’infraction israélienne correspondait à l’alinéa 21(1)b) (participants à une infraction) et à l’article 234 (homicide involontaire coupable) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46 (le Code criminel). Il a donc été établi que le demandeur était interdit de territoire au Canada aux termes de l’alinéa 36(1)b) de la LIPR, pour avoir été déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

 

L’instance devant la Section de la protection des réfugiés

 

[10]           La SPR a conclu que le demandeur avait commis l’infraction d’homicide involontaire en Israël, et estimé qu’elle équivalait à celle qui est énoncée à l’article 234 du Code criminel; la peine maximale prévue à l’article 236, si la déclaration de culpabilité avait été prononcée au Canada, aurait été l’emprisonnement à perpétuité. La SPR a examiné ensuite la section Fb) de l’article premier de la Convention, intégré à la législation canadienne en vertu de l’article 98 de la LIPR, qui prévoit :

 

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

 

[11]           La section Fb) de l’article premier de la Convention figure dans une annexe de la LIPR :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

[…]

 

b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that :

 

 

(b) he has committed serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

 

[12]           La SPR a noté que la plupart des pays dans le monde envisageaient l’homicide involontaire comme étant un crime grave, et que la peine de six ans imposée au demandeur était raisonnable. La SPR a considéré la gravité de l’infraction, la peine maximale prévue en Israël pour ce crime, la peine d’emprisonnement à laquelle il a été condamné, le pays dans lequel il a été déclaré coupable et condamné et les circonstances qui ont entouré l’acte. La SPR n’était pas convaincue que des circonstances atténuantes ou aggravantes liées à la déclaration de culpabilité puissent plaider contre une conclusion d’exclusion.

 

[13]           Ayant conclu que les vendettas ne pouvaient se rapporter à aucun motif de la Convention, la SPR a néanmoins reconnu que l’épouse et les quatre enfants du demandeur étaient des personnes à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

 

 

Les questions en litige

 

[14]           Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

a.       La SPR a-t-elle écarté des preuves de circonstances atténuantes liées à la déclaration de culpabilité?

b.      La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur avait été déclaré coupable d’homicide involontaire plutôt que de complicité d’homicide involontaire?

c.       Le principe de préclusion empêchait-il la SPR de conclure que le demandeur avait été déclaré coupable d’homicide involontaire?

d.      Les motifs de la décision sont-ils adéquats?

 

 

[15]           La première question doit être examinée suivant la norme de raisonnabilité, tout comme la deuxième, qui fait intervenir des éléments de fait et de droit. La troisième est une question de droit qui doit être soumise à la décision correcte comme norme de contrôle. Il en va de même du caractère satisfaisant des motifs, qui est une question d’équité procédurale.

 

 

Le cadre juridique

 

[16]           En l’espèce, l’intégrité de la décision des tribunaux israéliens n’est pas contestée. Le demandeur ne plaide pas non plus la contrainte, la provocation ou la légitime défense, mais fait plutôt valoir devant la Cour que la SPR a commis une erreur en écartant la preuve qu’il a présentée relativement aux circonstances atténuantes suivantes :

·         il est arrivé sur la scène du crime après les meurtres et n’y a pas pris directement part;

·         il n’a plaidé coupable que pour obtenir la protection de la police;

·         il a été déclaré coupable de complicité d’homicide involontaire et non d’homicide involontaire;

·         il a purgé sa peine en Israël;

·         il a été libéré plus tôt pour bonne conduite.

 

[17]           Le demandeur invoque un certain nombre d’articles d'universitaires traitant de l’objectif de la section Fb) de l’article premier de la Convention pour étayer l’argument selon lequel ces facteurs auraient dû militer contre son exclusion. Dans l’ouvrage Law of Refugee Status (Toronto, Ont. : Butterworths, 1991), le professeur James Hathaway émet l’avis que la clause d’exclusion ne devrait pas s’appliquer lorsque l’intéressé a purgé sa peine ou qu’il s’est autrement acquitté de ses obligations au titre du droit criminel. Dans l’ouvrage The Refugee in International Law, 2e éd. (Toronto, Ont. : Oxford University Press, 1996), le professeur Guy Goodwin-Gill avance que le fait d'avoir purgé la peine, la bonne réputation générale, le caractère isolé de l’infraction et le fait que le coupable n’était qu’un complice sont des facteurs susceptibles de réfuter une présomption de grande criminalité. Finalement, le demandeur renvoie au Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le Guide de l’UNHCR), qui confirme que les circonstances aggravantes et atténuantes sont pertinentes relativement à la décision portant exclusion. Comme le précise le paragraphe 157 de ce Guide, les circonstances atténuantes peuvent inclure le fait pour un individu d’avoir purgé sa peine ou d’avoir été gracié, alors que les circonstances aggravantes peuvent porter sur d'autres déclarations de culpabilité inscrites au casier judiciaire. Le demandeur reconnaît que l’argument voulant que le fait que l'individu ait purgé sa peine s’oppose à une décision portant exclusion a été rejeté à deux reprises par la Cour d’appel fédérale.

 

[18]           Le demandeur s’appuie également sur la décision Rihan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 123, dans laquelle le juge Leonard Mandamin a conclu que la SPR avait commis une erreur susceptible de contrôle en écartant des éléments de preuve qui donnaient à penser que le demandeur était innocent des crimes pour lesquels il avait été déclaré coupable. Dans cette affaire, la SPR s’était fondée sur des éléments de preuve émanant d’Interpol qui montraient que le demandeur avait été déclaré coupable de fraude et d’autres infractions. En annulant la décision, le juge Mandamin a noté que le commissaire avait écarté les éléments de preuve établissant que les accusations avaient été fabriquées de toutes pièces pour forcer le remboursement d’un investissement, et que le plaignant avait retiré sa plainte une fois la dette remboursée. De plus, le commissaire avait confondu restitution (du fait d’une déclaration de culpabilité) et remboursement d’une dette civile, et n’avait pas reconnu que le droit canadien ne permet pas de recourir aux procédures du droit criminel pour faire exécuter une obligation en droit civil. Le juge Mandamin a estimé que la preuve des déclarations de culpabilité était réfutable et que les éléments présentés par le demandeur, son épouse et son avocat pour établir son innocence, devaient être pris en compte.

 

[19]           Dans la décision Hernandez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1323, le juge Michel Beaudry a estimé qu’il était déraisonnable de la part du commissaire de rejeter l’allégation de la demandeure d'asile selon laquelle elle était victime d’un système judiciaire corrompu. Le commissaire avait conclu que la Colombie avait pris des mesures pour remédier à la corruption, sans aborder les faits particuliers avancés par la demandeure. Il n’était pas disposé à examiner les éléments de preuve qu’elle avait présentés relativement aux circonstances atténuantes.

 

[20]           À mon avis, les décisions Rihan et Hernandez se distinguent toutes deux de la présente affaire. Contrairement à l’affaire Hernandez, l’intégrité de la déclaration de culpabilité du demandeur ou  système judiciaire israélien n’est pas contestée. Dans Rihan, l’audience relative à la demande d’asile du demandeur était décousue (trois commissaires ont présidé à tour de rôle) et a été perturbée par des problèmes de traduction. Qui plus est, le juge Mandamin avait accordé un poids considérable au fait que, en plus des erreurs évoquées plus tôt, le commissaire était parvenu à des conclusions de fait erronées.

 

[21]           Dans l’arrêt Jayasekera c. Canada (MCI), 2008 CAF 404, la Cour d’appel fédérale a estimé que la section Fb) de l’article premier de la Convention exigeait que « l’on évalue les éléments constitutifs du crime, le mode de poursuite, la peine prévue, les faits et les circonstances atténuantes et aggravantes sous-jacentes à la déclaration de culpabilité ». Cette analyse concerne avant tout la nature de l’acte criminel en soi et ne suppose pas que l’on mette « […] en balance des facteurs étrangers aux faits et aux circonstances sous-jacents à des déclarations de culpabilité comme, par exemple, le risque de persécution dans le pays d’origine […] » (juge Létourneau, au paragraphe 44).

 

[22]           Par conséquent, la SPR n’est pas tenue d’aller au-delà du plaidoyer de culpabilité et de la déclaration de culpabilité pour établir si le demandeur a commis le crime, et la section Fb) de l’article premier de la Convention n’impose pas au ministre de prouver la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. Il lui incombe plutôt d’établir la gravité du crime; lorsqu’il l’a fait, celle-ci peut être réfutée par la preuve de circonstances ou de facteurs atténuants. Conformément à son arrêt précédent dans l’affaire Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, la Cour d’appel a également estimé qu’un individu peut être frappé d’exclusion même s’il a purgé sa peine, quoique cela reste un facteur pertinent dans l’analyse ayant trait à l’exclusion. De la même manière qu'il n'est pas nécessaire d'établir l’élément constitutif de l’infraction, les entraves ou les facteurs disculpatoires comme la contrainte ou la légitime défense peuvent être invoqués à titre de circonstances atténuantes, encore qu’il soit possible qu’ils faillissent à la norme requise en droit criminel ou bien qu’ils soient inapplicables dans un procès au criminel.

 

[23]           Une grande partie des arguments présentés devant la Cour se rapportaient surtout à l’objectif de la section Fb) de l’article premier de la Convention. On a fait valoir que cette disposition visait à empêcher les fugitifs recherchés par la justice de s’abriter derrière la Convention. Par conséquent, l’exclusion aux termes de la section Fb) de l’article premier est déraisonnable lorsque le demandeur a purgé sa peine, comme dans le cas présent. Dans la décision Arevalo Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 454, aux paragraphes 24 et 25, la juge Johanne Gauthier a examiné l’objet et le but de la section Fb) de l’article premier de la Convention, et a conclu :

 

Enfin, il est bon de citer le passage suivant des motifs du juge Décary dans Zrig au paragraphe 129 :

 

[…] Il s’ensuit que l’article 1Fb) permet d’exclure tout autant les auteurs de crimes graves de droit commun qui cherchent à utiliser la Convention pour échapper à la justice locale, que les auteurs de crimes graves de droit commun qu’un État juge indésirable d’accueillir sur son territoire, qu’ils cherchent ou non à fuir une justice locale, qu’ils aient ou non été poursuivis pour leurs crimes, qu’ils aient ou non été reconnus coupables de ces crimes ou qu’ils aient ou non purgé la sentence qui leur aurait été imposée relativement à ces crimes.
[Non souligné dans l’original.]

 

Cela paraît logique étant donné que les inculpations peuvent être rejetées pour diverses raisons, notamment des questions de procédure, le rejet de preuves essentielles pour des raisons procédurales ou simplement parce que l’accusé a soulevé un doute raisonnable. La Convention n’a pas adopté la norme stricte applicable aux poursuites pénales et la SPR peut fort bien estimer que les preuves présentées par le ministre, qui ne seraient peut‑être pas admissibles devant une cour de justice, sont suffisantes pour donner de sérieuses raisons de penser que le demandeur a effectivement commis un crime grave.

 

 

[24]           L’analyse de la juge Gauthier est convaincante. Aucune raison valable, découlant du libellé de la section Fb) de l’article premier ou de la jurisprudence, n’appuie une interprétation qui limiterait cette disposition à un objectif unique, ainsi qu’on l’a prétendu. Ni la déclaration de culpabilité ni le fait que la peine a été purgée ne peuvent être décisifs pour l’analyse ayant trait à l’exclusion.

 

[25]           On soutient que le demandeur s’est acquitté de sa dette à l’égard de la société et que la conclusion relative à son exclusion est déraisonnable, compte tenu de l’objectif de la section Fb) de l’article premier. L’argument présenté devant la Cour est erroné en cela qu’il limite cette disposition à l’objectif unique d’empêcher les auteurs de graves crimes de droit commun de se servir du droit d’asile pour échapper à la justice. La section Fb) de l’article premier défend plusieurs objectifs, qu’il faut garder à l’esprit au moment d’évaluer la raisonnabilité de l’exclusion d’un demandeur d’asile du processus de reconnaissance du statut de réfugié. Dans l’arrêt Jayasekera, au paragraphe 28, la Cour d’appel a adopté l’analyse concernant les objectifs de la section Fb) de l’article premier faite par le juge Décary dans l’arrêt Zrig :

 

L’objectif déclaré dans l’arrêt Chan n’est ni le seul ni, comme le soutient l’appelant, nécessairement le principal objectif visé par l’exclusion prévue à la section Fb) de l’article premier de la Convention, ainsi qu’il ressort clairement de l’arrêt subséquent rendu par notre Cour dans l’affaire Zrig. À cet égard, notre collègue le juge Décary écrit ce qui suit, aux paragraphes 118 et 119 de l’arrêt Zrig :

 

Objectifs de la section F de l’article premier de la Convention en général, et de la section Fb) de l’article premier en particulier

 

  Ma lecture de la jurisprudence, de la doctrine et, bien sûr, quoi qu’il ait souvent été négligé, du texte même de la section F de l’article premier de la Convention, m’amène à conclure que cette section vise à réconcilier différents objectifs que je me permets de résumer comme suit : s’assurer que les auteurs de crimes internationaux ou d’agissements contraires à certaines normes internationales ne puissent se réclamer du droit d’asile; s’assurer que les auteurs de crimes ordinaires commis pour des motifs foncièrement politiques puissent trouver refuge dans un pays étranger; s’assurer que le droit d’asile ne soit pas utilisé par les auteurs de crimes ordinaires graves afin d’échapper au cours normal de la justice locale; et s’assurer que le pays d’accueil puisse protéger sa propre population en fermant ses frontières à des criminels qu’il juge indésirables en raison de la gravité des crimes ordinaires qu’il les soupçonne d’avoir commis. C’est ce quatrième objectif qui est véritablement en cause dans ce litige. (Je note, en passant, que les expressions « crimes ordinaires » et « crimes non politiques » sont synonymes de l’expression « crimes de droit commun » et sont employées indistinctement dans la doctrine et la jurisprudence.)

 

Ces objectifs sont complémentaires. Le premier indique que la communauté internationale n’a pas voulu que ceux par qui la persécution arrivait profitent d’une Convention qui vise à protéger les victimes de leurs crimes. Le second indique que les signataires de la Convention acceptent ce principe fondamental du droit international que l’auteur d’un crime politique, même d’une extrême gravité, a le droit d’échapper aux autorités de l’État où il a commis son crime, la prémisse étant que cette personne ne saurait être jugée équitablement dans cet État et serait persécutée. Le troisième indique que les signataires n’acceptent pas que le droit d’asile soit transformé en garantie d’impunité au profit de criminels de droit commun dont la crainte réelle n’est pas d’être persécutés, mais d’être jugés par le pays qu’ils cherchent à fuir. Le quatrième indique que les signataires, s’ils sont prêts à sacrifier leur souveraineté, voire leur sécurité, quand il s’agit d’auteurs de crimes politiques, entendent au contraire les préserver, pour des raisons de sécurité et de paix sociale, quand il s’agit d’auteurs de crimes ordinaires graves. Ce quatrième objectif indique aussi que les signataires ont voulu s’assurer que la Convention soit acceptée par la population d’accueil qui ne risque pas d’être forcée, sous le couvert du droit d’asile, à côtoyer des individus particulièrement dangereux. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[26]           La Cour d’appel a souligné que ces objectifs étaient complémentaires et d’égale importance. Donc, le fait que l’appelant ait en l’occurrence purgé sa peine et qu’il ait été « seulement » complice n’annule pas le quatrième principe, par lequel le Canada, un signataire de la Convention, a conservé le droit, par le biais de l’article 98 de la LIPR, de refuser l’entrée aux personnes indésirables du fait de leurs antécédents criminels.

 

[27]           En somme, aux termes de la section Fb) de l’article premier, il suffit de démontrer l’existence de « raisons sérieuses de penser » que le demandeur a commis un grave crime de droit commun. Il a été établi que cette norme équivalait aux « motifs raisonnables », ou qu’elle se rapportait à l’existence d’éléments de preuve crédibles indiquant de manière objective qu’il y a raisonnablement lieu de croire que la personne a commis le crime : Rihan, précitée, au paragraphe 76. Comme je l'ai mentionné, le ministre n’est pas tenu d’établir les éléments constitutifs du crime selon la prépondérance de la preuve.

 

[28]           À mon avis, le plaidoyer de culpabilité et la déclaration de culpabilité en Israël satisfont amplement à la norme de preuve requise pour démontrer qu’il y a là de sérieuses raisons de penser que le demandeur a commis un grave crime de droit commun : Sing c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, au paragraphe 25. Ceci est vrai, qu’il s’agisse de l’infraction d’homicide involontaire, de complicité d’homicide involontaire ou de complicité de meurtre, car tous ces crimes sont assez graves pour tomber sous le coup de l’article 98 de la LIPR et de la section Fb) de l’article premier de la Convention.

 

          La SPR n’a pas écarté d’éléments de preuve

[29]           L’analyse qui précède définit le cadre juridique dans lequel la Cour doit examiner la décision de la SPR ayant trait à l’insuffisance des circonstances atténuantes. Je ne suis pas convaincu que la SPR n’ait pas tenu compte des circonstances atténuantes en l’espèce. Bien qu’elle ne les ait pas toutes mentionnées dans ses motifs, ceux-ci montrent que « les circonstances à l’origine de l’acte et les facteurs pertinents » ont été pris en compte; le tribunal a néanmoins conclu que ces circonstances et ces facteurs n’écartaient pas une conclusion d’exclusion. Il ressort également de la transcription que le commissaire de la SPR a examiné en détail l’ensemble des circonstances atténuantes à l’audience et qu’il a envisagé et saisi les facteurs pertinents entourant l’infraction. Après avoir lu ensemble les motifs et la transcription de l’audience, je suis convaincu que le commissaire de la SPR a bien compris tous les faits se rapportant à la perpétration de l’infraction et qu’il a pleinement tenu compte des circonstances atténuantes, comme l’exige la jurisprudence.

 

[30]           Étant donné l’extrême gravité du crime, la conclusion de la SPR était raisonnable. Il était loisible au commissaire de la SPR d’accorder le poids qui lui a paru opportun à la preuve touchant les motifs du plaidoyer de culpabilité du demandeur pour déterminer si le demandeur devait être exclu. Par ailleurs, il est important d’être précis au sujet des facteurs et des circonstances censés atténuer la gravité du crime. Les cinq facteurs présentés à la Cour comme convaincants, au point de rendre la décision de la SPR déraisonnable, ne résistent pas à un examen minutieux. Encore une fois, les circonstances atténuantes étaient les suivantes :

·         le demandeur est arrivé sur la scène du crime après les meurtres et n’y a pas pris directement part;

·         il n’a plaidé coupable que pour obtenir la protection de la police;

·         il a été déclaré coupable de complicité d’homicide involontaire et non d’homicide involontaire;

·         il a purgé sa peine en Israël;

·         il a été libéré plus tôt pour bonne conduite.

 

[31]           La première (il n’a pas été directement impliqué dans le meurtre) et la troisième (il a été déclaré coupable pour complicité) sont essentiellement les mêmes. La première est le fondement factuel de la troisième. La seconde circonstance, à savoir qu’il n’a plaidé coupable que pour obtenir une protection, se rapporte au mobile : le commissaire de la SPR pouvait la considérer et la pondérer à sa guise. Il lui était loisible de ne lui accorder que peu de poids puisque des éléments de preuve émanant du demandeur donnaient à penser qu’il avait plaidé coupable dans le cadre d’une entente de plaidoyer. Finalement, le quatrième facteur, voulant qu’il ait purgé sa peine, est conforme à l'arrêt Zrig de la Cour d'appel, précité; il s’agit d’un facteur pertinent, mais non déterminant. De ce point de vue, les circonstances atténuantes favorables au demandeur étaient insuffisantes, et la décision de la SPR entre bien dans le cadre des paramètres de la raisonnabilité.

 

          La conclusion selon laquelle le demandeur avait été déclaré coupable d’homicide involontaire plutôt que de complicité d’homicide involontaire n’était pas erronée.

[32]           Le demandeur fait valoir que la conclusion de la SPR voulant qu’il ait été déclaré coupable d’homicide involontaire était erronée.

 

[33]           Le témoignage que le demandeur a livré devant la SPR concernant sa déclaration de culpabilité était incohérent. Il a d’abord déclaré qu’il avait été déclaré coupable pour homicide involontaire :

[traduction


COMMISSAIRE : Bien, M. Saide, est-il exact que vous avez été déclaré coupable en Israël d’homicide involontaire en vertu de leur code criminel?

 

DEMANDEUR D’ASILE (M. K. Saide) : Oui.

 

 

[34]           Le demandeur a ensuite affirmé que les procureurs israéliens lui avaient proposé une entente de plaidoyer : s’il plaidait coupable à l’accusation de complicité d’homicide involontaire, il verrait sa peine réduite :

 

[traduction


COMMISSAIRE : Très bien. Donc, ils ont présenté au tribunal – la police ou le procureur présent – des éléments de preuve selon lesquels vous étiez impliqué dans le meurtre?

 

DEMANDEUR D’ASILE (M. K. SAIDE) : L’avocat et le procureur général, la police – le rôle de la police était terminé à ce stade.

 

COMMISSAIRE : Donc, c’est – c’est oui? Ils ont présenté des éléments de preuve selon lesquels vous étiez impliqué?

 

DEMANDEUR D’ASILE (M. K. SAIDE) : Ils se sont mis d’accord pour que je sois déclaré coupable d’assistance ou de complicité dans cet homicide involontaire et donc que ma peine soit commuée. Il y avait beaucoup de circonstances aggravantes – ou de facteurs – il y avait beaucoup de facteurs qui entraient en ligne de compte – […] – qui ont influencé cela. L’un de ces facteurs – c’est que je reste en vie. C’est pour ça que l’avocat m’a recommandé d’accepter l’offre. Et puis, avec le temps, les gens oublieraient et nous serions loin du problème.

 

COMMISSAIRE : À présent, je –

 

DEMANDEUR D’ASILE (M. K. SAIDE) : Et en même temps, il y aurait une tentative de réconciliation.

 

 

[35]           Interrogé par son propre avocat sur l’accusation exacte à laquelle il avait plaidé coupable, le demandeur a déclaré :

[traduction


CONSEIL DE L’INTÉRESSÉ : — semble qu’il s’agissait de complicité de meurtre. Peut-on alors dire qu’il s’agissait vraiment d’homicide involontaire, de complicité d’homicide involontaire ou de complicité de meurtre?

 

DEMANDEUR D’ASILE : Assistance ou complicité. Aide dans la perpétration d’un homicide involontaire.

 

CONSEIL DE L’INTÉRESSÉ : D’accord. Très bien.

 

COMMISSAIRE : Donc, aide dans la perpétration d’un homicide involontaire?

 

DEMANDEUR D’ASILE : Oui.

 

COMMISSAIRE : D’accord.

 

DEMANDEUR D’ASILE : Aide dans la perpétration d’un homicide involontaire.

 

COMMISSAIRE : Je ne peux accepter que ce qui est écrit dans les documents, et rien de plus malheureusement.

 

CONSEIL DE L’INTÉRESSÉ : Le —

 

COMMISSAIRE : D’après ce document, vous avez été déclaré coupable du crime grave de complicité de meurtre. Mais d’après le document du ministre à la page – la deuxième page de sa lettre, vous avez été déclaré coupable d’homicide involontaire à Ramla.

 

 

[36]           Ayant examiné les diverses pièces, les parties ont poursuivi :

CONSEIL DE L’INTÉRESSÉ : Bien. Mais à la page – si vous regardez la page 1 de la pièce M-2 –

 

COMMISSAIRE : Oui.

 

CONSEIL DE L’INTÉRESSÉ : – c’est de là que provient l’information.

 

COMMISSAIRE : D’accord.

 

CONSEIL DE L’INTÉRESSÉ : Il s’agit de – l’ambassade a contacté –

 

COMMISSAIRE : Oui.

 

CONSEIL DE L’INTÉRESSÉ : – INTERPOL Israël. Donc, d’après le document réel, le document judiciaire, il s’agit de complicité.

 

COMMISSAIRE : Oui, je le vois. Et vous savez, je ne peux que me fier – le document est mentionné, mais je ne peux que – les documents de l’État israélien sont plus concrets.

 

À présent, monsieur, vous avez affirmé que vous aviez été déclaré coupable pour avoir aidé à la perpétration d’un homicide involontaire. Le – dans la pièce M-2, à la page 3, ce document provient de l’État israélien. Il y est affirmé que vous avez été déclaré coupable pour l’acte délictueux grave de complicité de meurtre. Je dois alors consulter le code pénal israélien pour établir la peine dont cette infraction est assortie ou ce qu’elle comprend. Très bien. Mais je vais laisser votre avocat poursuivre ses questions.

 

[37]           La SPR a noté dans les motifs de sa décision que la preuve au dossier concernant la nature de l’infraction était contradictoire. Cela a notamment à voir avec l’imprécision du témoignage du demandeur et de la preuve documentaire touchant l’infraction dont il a été accusé ou à laquelle il a plaidé coupable. Le comité israélien de remise en liberté, l’équivalent de notre Commission nationale des libérations conditionnelles, a qualifié l’infraction de complicité de meurtre. Un courriel provenant de l’ambassade du Canada à Tel-Aviv disait également ce qui suit : [traduction] « J’ai reçu les renseignements suivants de la part d’Interpol Israël : l’intéressé a été déclaré coupable d’homicide involontaire (et non d’assistance dans un homicide involontaire). » La preuve dont disposait la SPR, qu’il s’agisse du témoignage du demandeur ou de la preuve documentaire, était contradictoire.

 

[38]           Cependant, le témoignage du demandeur n’a pas été déterminant dans l’analyse de la SPR concernant la nature exacte de l’infraction. Le commissaire a accordé une importance considérable à la preuve documentaire. Après l’avoir examinée et pondérée dans son ensemble, la SPR a conclu que le demandeur avait été déclaré coupable d’homicide involontaire, et non de complicité de meurtre. Compte tenu de l’incohérence de la preuve au dossier et des informations provenant d’Interpol Israël, la SPR pouvait raisonnablement conclure que le demandeur avait été déclaré coupable d’homicide involontaire.

 

[39]           Quoi qu’il en soit, la distinction entre les infractions est dénuée de pertinence, tant d’un point de vue juridique que factuel. Qu’il ait été déclaré coupable de complicité d’homicide involontaire ou d’homicide involontaire, le demandeur pouvait toujours se voir exclu au titre de l’article 98 et de la section F de l’article premier et être jugé, à première vue, interdit de territoire aux termes de l’alinéa 36(1)b) de la LIPR pour avoir été déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans. Qu’il était été déclaré coupable d’homicide involontaire (si l’on se fie à Interpol Israël et à son témoignage), de complicité de meurtre (au comité israélien de remise en liberté) ou de complicité d’homicide involontaire (d’après la Section de l’immigration et son témoignage) n’est donc pas déterminant lorsqu’il s’agit de savoir si la SPR a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.

 

[40]           Comme je l'ai mentionné, en vertu de l’article 463 du Code criminel, l’infraction de complicité suit l’infraction principale. Il suffit à la SPR de conclure qu’il existe des « motifs raisonnables » de croire que le demandeur a commis un crime grave. Quelle que soit la désignation particulière de l’infraction, le commissaire de la SPR a compris tous les faits qui s’y rapportaient et quel rôle le demandeur a joué dans sa perpétration. La SPR a noté que deux personnes avaient été assassinées, que le demandeur avait plaidé coupable et qu’il avait été condamné à une peine d’emprisonnement de six ans. La SPR pouvait raisonnablement conclure, à partir de là, qu’il existait de sérieuses raisons de penser que le demandeur avait commis un grave crime de droit commun, ce qui est le critère juridique décisif.

 

 

          Le principe de préclusion n’empêche pas la SPR de conclure que le demandeur a été déclaré coupable d’homicide involontaire

[41]           Comme je l'ai mentionné, le demandeur a fait l’objet d’une enquête devant la Section de l’immigration. Celle-ci a conclu qu’il était, en tant que complice d’homicide involontaire, interdit de territoire au Canada en vertu du paragraphe 36(1) de la LIPR.

 

[42]           Le demandeur fait valoir que la doctrine de la chose jugée ou de la préclusion pour question déjà tranchée s’applique en l’espèce. Il soutient que la SPR n’avait pas la liberté de conclure que le demandeur avait été déclaré coupable d’homicide involontaire car la Section de l’immigration avait déjà décidé qu’il avait été déclaré coupable pour complicité d’homicide involontaire. En d’autres mots, le demandeur allègue que la SPR ne peut pas réviser la conclusion de la Section de l’immigration ayant établi qu’il avait été déclaré coupable de complicité. Je note que la Section de l’immigration affirme quelque part dans sa décision que le demandeur a été déclaré coupable de [traduction] « complicité de meurtre », mais celui-ci affirme que le mot « meurtre » est une erreur typographique, attendu que le reste de la décision, et notamment l’analyse sur l’équivalence, parle d’homicide involontaire.

 

[43]           La Cour d’appel a estimé que les décideurs mandatés par la loi devaient exercer leur pouvoir discrétionnaire et leur jugement de façon indépendante, même à l’égard de questions étroitement liées, et parvenir à leurs propres conclusions : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89. Le fait que la séquence des décisions soit ici inversée (la décision de la Section de l’immigration est antérieure à celle de la SPR) n’est pas une raison valide pour distinguer la présente affaire de la décision Zazai, ou pour s’écarter des directives de la Cour d’appel. Finalement, les affaires d’admissibilité et d’exclusion font intervenir des critères juridiques différents et appellent une analyse juridique distincte. En ce sens, bien que leurs conclusions respectives constituent des éléments de preuve susceptibles d’être pris en compte, la SPR et la Section de l’immigration ne peuvent se contraindre mutuellement. De toute façon, l’argument est sans conséquence car les deux infractions entrent dans le champ de l’exclusion.

 

          Les motifs sont suffisants

[44]           Le demandeur fait valoir que les motifs fournis par la SPR sont en deçà de la norme juridique requise, compte tenu des questions dont elle était saisie. Je ne suis pas d’accord.

 

[45]           La Cour d’appel fédérale a formulé le critère qui sert à évaluer le caractère sufficant des motifs, aux paragraphes 21 et 22 de la décision Via Rail Canada Inc c. Lemonde, [2001] 2 CF 25. L’appréciation du caractère adéquat des motifs dépend des circonstances particulières de chaque affaire. Les décideurs ne peuvent se contenter de reprendre les observations et la preuve présentée par les parties puis d’énoncer une conclusion. Ils doivent exposer leurs conclusions de fait et la preuve sur laquelle elles se fondent, aborder les questions importantes et expliquer le raisonnement adopté.

 

[46]           Les motifs servent plusieurs fins : montrer aux parties que les questions ont été examinées, leur permettre d’exercer tout droit d’appel ou de contrôle judiciaire et informer la partie concernée qu’elle a perdu. La Cour suprême du Canada a souligné que l’exigence liée aux motifs ne procédait pas d’un droit isolé, et que leur caractère suffidant devait plutôt être évaluée au regard de leur fonction et de leur objet : R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, aux paragraphes 18, 19 et 24.

 

[47]           Après avoir examiné les motifs à la lumière de ces principes, s’agissant d’une question de droit, j’estime que ceux-ci sont conformes à la norme requise. Ils permettent au demandeur de savoir comment la SPR est parvenue à sa conclusion, sans enfreindre sa capacité de solliciter un contrôle judiciaire et de présenter tous ses arguments. Les motifs de la SPR sont détaillés, ils exposent clairement les conclusions de fait, abordent les questions importantes et expliquent le raisonnement suivi par le commissaire. Ils ne traitent pas en détail des circonstances atténuantes et aggravantes, comme il aurait été souhaitable, mais la SPR n’est pas tenue de s’étendre sur chacune des circonstances atténuantes pour que les motifs remplissent leur objet et leur fonction. Je rappellerai également que, si l’on y regarde de plus près, les circonstances atténuantes présentées comme multiples sont redondantes, et donc qu’il n’y a pas lieu de se répéter.

 

 

Conclusion

 

[48]           Le demandeur n’a pas établi que la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle. Sa conclusion voulant que le demandeur ait commis un grave crime de droit commun était raisonnable. Je ne vois aucune erreur dans la conclusion de la SPR voulant que le demandeur ait été déclaré coupable d’homicide involontaire, et je suis convaincu que le commissaire de la SPR a saisi et envisagé toutes les circonstances atténuantes pertinentes.

 

[49]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[50]           Les parties ont demandé un délai pour déterminer si la décision qui leur sera communiquée en l’espèce soulève une question à certifier. J’accorderai au demandeur cinq jours à partir de la date de la présente décision pour envisager et proposer une question certifiée. Le défendeur disposera alors de cinq jours pour y répondre. Leurs observations ne doivent pas dépasser cinq pages.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire est par la présente rejetée. Le demandeur dispose de cinq jours à partir de la date de la présente décision pour envisager et proposer une question certifiée. Le défendeur disposera alors de cinq jours pour y répondre. Leurs observations ne doivent pas dépasser cinq pages.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7179-10

 

INTITULÉ :                                       KAMAL SAIDE ABU GANEM

                                                            c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 22 JUIN 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 OCTOBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Poulton

POUR LE DEMANDEUR

 

Gregory George

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Poulton Law Office

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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