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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

 Date : 20111007


Dossier : IMM-6759-11

Référence : 2011 CF 1144

Ottawa, Ontario, le 7 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

TEOFILO GYAMPIE MASSONI VASQUEZ

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défenderesse

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               À travers un parcours criminel menant à l’admission de sa culpabilité d’avoir infligé des lésions corporelles et voies de fait graves, le demandeur, en compagnie de trois sujets au métro de Montréal, agressent deux victimes; une est battue au sol et l’autre est poignardée dans le côté droit du corps et subit une lacération au foie et au rein. Les informations fournies à la police indiquent que le demandeur aurait commis l’agression au couteau. Le demandeur est accusé au criminel suite à cet événement.

 

[2]               Comment, suite aux événements décrits qui découlent du cas, est-ce que la Cour aurait pu décider autrement que selon les considérations suivantes?

 

[3]               Le renvoi du demandeur n’est pas simplement une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité et de l'équité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système (Selliah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261 au para 22).

 

[4]               Selon la législation, primordialement, il y a un facteur qui pèse lourdement en faveur des Ministres en l’espèce : celui de la protection à laquelle la société canadienne a droit à l’égard des individus criminalisés n’ayant pas le droit de demeurer au pays (Thanabalasingham c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 486 aux para 18-19).

 

[5]               La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] a pour objet de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité (alinéa 3(1)h) et 3(2)g) de la LIPR).

 

[6]               L’intégrité du système d’immigration dépend d’une interprétation et d’une administration du droit de l’immigration fiable à la législation; cette législation nécessite que le renvoi des personnes visées par une mesure d’expulsion soit la règle, et que l’octroi d’un sursis en attendant l’issue d’une instance judiciaire, l’exception (Tesoro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 148 au para 47). Comme spécifié avec approbation par la Cour dans Thanabalasingham :

[19]      [...]

 

[traduction]

101      [...] En l'espèce, nous avons affaire à un immigrant qui a eu la chance de se construire une vie meilleure au Canada et de contribuer à la société canadienne. Il a choisi de ne pas le faire et s'est plutôt engagé dans des activités criminelles graves et violentes, violant et mettant en danger la paix et la sécurité du public canadien. Dans les circonstances, octroyer un sursis, à l'humble avis du défendeur, serait contraire à l'esprit, aux principes et aux objectifs de la LIPR, sans parler des principes sous-tendant le pouvoir discrétionnaire de la Cour d'octroyer la réparation demandée. 

 

II.  Introduction

[7]               Le demandeur demande un sursis judiciaire à son renvoi vers le Pérou, prévu pour le 10 octobre 2011.

 

[8]               La Cour est en accord avec la position du défendeur. Le demandeur étant interdit de territoire pour criminalité organisée, et ayant pris part, entre autres, à des actes de violence contre la personne, le demandeur n’a pas les « mains propres ». De plus, il ne répond pas aux critères permettant l’octroi d’un sursis judiciaire.

 

III.  Faits

[9]               Le demandeur a 21 ans et est citoyen du Pérou, né en avril 1990.

 

[10]           En mars 2001, il entre au Canada.  Il revendique l’asile avec sa famille.

 

[11]           En avril 2002, leur demande est rejetée par le tribunal pour non-crédibilité.

[12]           En octobre 2003, cette Cour leur refuse l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision.

 

[13]           En avril 2005, leur demande d’examen des risques avant renvoi [ÉRAR] est refusée.

 

[14]           En juin 2005, le demandeur quitte le Canada, mais y revient subséquemment. 

 

[15]           Entre novembre 2006 et mars 2007, il acquiert la résidence permanente.

 

[16]           Le demandeur s’implique dans le milieu du crime. L’agent ayant témoigné lors de son enquête pour interdiction de territoire relève les points suivants :

a.       En mai 2005, le demandeur est interpelé par la police alors qu’il se trouve sur les lieux d’un repère de gang de rue;

b.      En avril 2006, une enquête policière découvre qu’il a proféré des menaces de mort à un membre d’un gang en utilisant l’Internet;

c.       En mai 2007, il se trouve avec deux sujets alors que l’un deux agresse au couteau et à la machette un passant qu’il croit appartenir à un gang rival. Le lendemain, le demandeur fait un aveu aux policiers à l’effet qu’il est membre du gang « 18th Street »;

d.      En mars 2008, il est interpellé dans le métro alors qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrestation. Les photographies de ses tatouages démontrent sa progression au sein du gang;

e.       En mars 2008, le demandeur se trouve en compagnie de deux chefs du gang dans une chambre d’hôtel non loin d’un dépanneur où s’était produit un vol qualifié. La police se présente à la porte de la chambre d’hôtel et les sujets fuient par la fenêtre;

f.        En avril 2008, le demandeur est arrêté après avoir été pris en flagrant délit, alors qu’il marquait le territoire du gang par des graffitis;

g.       En avril 2008, le demandeur se trouve à Sherbrooke dans un convoi de deux véhicules. Suite à une fouille, les autorités découvrent des gants noirs, une arme à feu tronçonnée de calibre .20, une paire de « vice-grip », un cache-cou, un marteau, un tournevis et un couteau. Bien qu’il n’ait pas été accusé, le demandeur a fait preuve d’une connaissance approfondie du gang lors de son commentaire sur l’incident, qui par ailleurs démontre sa progression au sein du gang;

h.       En mai 2008, le demandeur est en compagnie de trois sujets au métro de Montréal à la rue Berri, où ils agressent deux victimes : une est battue au sol et l’autre est poignardée dans le côté droit du corps et subit une lacération au foie et au rein. Les informations fournies à la police indiquent que le demandeur aurait commis l’agression au couteau. Le demandeur est accusé au criminel suite à cet événement;

i.         En novembre 2008, la police trouve le demandeur avec deux sujets dans un appartement, dont un saigne abondamment. La police soupçonne un règlement de compte entre les deux sujets;

j.        En novembre 2008, un des chefs se fait tuer suite à une scission dans le gang, et l’homicide n’est toujours pas résolu. Le demandeur partageait un appartement avec la victime;

k.      En juillet 2009, le demandeur commet un vol à la SAQ. Il sera reconnu coupable de vol et de deux chefs de bris de conditions.

 

[17]           Le 7 juin 2010, après avoir entendu cette preuve, ainsi que le témoignage du demandeur et ses explications, le tribunal conclut que le demandeur est visé à l’alinéa 37(1)a) de la LIPR en tant que membre d’une organisation de criminalité organisée, et prononce contre lui une mesure d’expulsion.

 

[18]           Le 23 septembre 2010, cette Cour rejette la demande d’autorisation du demandeur à l’encontre de la décision du tribunal.

 

[19]           Le 16 mars 2010, le demandeur plaide coupable à un chef d’avoir infligé des lésions corporelles (al. 267b) du Code criminel) et un chef de voies de fait graves (art. 268 du Code criminel). Le demandeur est condamné à 18 mois d’emprisonnement.

 

[20]           Le 25 mars 2011, le demandeur plaide coupable à une omission de se conformer à une condition d’une promesse de comparaître (para 145(5.1) du Code criminel).  Il est condamné à un jour d’emprisonnement de plus.

 

[21]           Le 2 septembre 2011, l’agent de renvoi au dossier rencontre le demandeur alors qu’il est en détention. Le demandeur lui confirme qu’il n’a pas présenté d’ÉRAR, mais qu’il a déposé une demande pour des considérations d’ordre humanitaire [CH].

 

[22]           Le 30 septembre 2011, l’avocat du demandeur s’entretient au téléphone avec l’agent de renvoi, et lui demande oralement un sursis administratif. Le seul motif à l’appui de cette demande est l’existence d’une demande CH déposée le 15 mars 2011. L’agent refuse la demande.

 

[23]           Le 3 octobre 2011, l’avocat du demandeur envoie une lettre à l’agent de renvoi afin de confirmer cette conversation.

 

[24]           Le même jour, l’agent de renvoi envoie une lettre à l’avocat du demandeur lui confirmant son refus.

 

[25]           Le 4 octobre 2011, le demandeur dépose devant cette Cour la présente requête en sursis, avec le refus de sursis administratif comme décision sous-jacente.

 

IV.  Point en litige

[26]           (1) Le demandeur se présente-t-il devant cette Cour les mains propres?

(2) La requête en sursis du demandeur est-elle fondée, en regard des critères établis par la Cour d’appel fédérale dans Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302, 11 ACWS (3d) 440 (CAF)?

 

V.  Analyse

Mains propres  (« clean hands »)

[27]           Il est établi qu’une requête en sursis est un recours discrétionnaire, et que celui qui s’adresse à la Cour afin d’obtenir un tel remède doit n’avoir rien à se reprocher (Chavez c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 830 au para 13; également, Adams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 256 au para 2).

 

[28]           Le demandeur s’est vu accorder plus d’une chance de démontrer une conduite respectueuse des lois canadiennes. De plus, il a eu plusieurs chances de faire valoir ses droits.

 

[29]           Malgré cela, le demandeur s’est engagé dans l’illégalité et a agi au mépris des lois, du système et de la société, en s’impliquant dans le milieu criminel organisé pendant plusieurs années, y compris dans la criminalité violente.

 

[30]           Cette conduite lui retire toute légitimité pour s’adresser à la Cour et obtenir un remède en equity. Elle constitue un motif suffisant pour rejeter la requête en sursis Jean c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 593 au para 24; Nozarian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 612 aux para 29 et s; Brunton c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 33 aux para 4-5).

 

[31]           Permettre au demandeur de bénéficier d’un sursis à l’issue de la présente procédure porterait davantage atteinte à l’intégrité du système, alors que le demandeur n’a jamais démontré aucun risque que ce soit advenant un retour au Pérou.

[32]           La présente demande de sursis est rejetée.

 

Le test de Toth

[33]           Le demandeur ne satisfait pas aux trois critères permettant l’octroi d’un sursis judiciaire :

                                                               i.      une question sérieuse;

                                                             ii.      un préjudice irréparable;

                                                            iii.      une balance des inconvénients qui penche en sa faveur.

 

[34]           Le test de Toth étant conjonctif, le défaut du demandeur d’établir que les trois critères ci-haut sont rencontrés même au rejet de sa requête en sursis (Jaziri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1086 au para 3; Cruz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 166 au para 3).

 

a) Question sérieuse

[35]           Le demandeur devait démontrer l’existence d’une question sérieuse à débattre relativement à la procédure sous-jacente, c’est-à-dire celle rattachée au refus de l’agent de renvoi de lui accorder un sursis administratif.

 

[36]           De plus, quand la décision sous-jacente est le refus d’accorder un sursis administratif, la Cour ne doit pas simplement appliquer le critère de la question sérieuse, mais aller plus loin en examinant le fond de la demande (Padda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1081 au para 6).

 

[37]           Ainsi, le demandeur a le lourd fardeau de démontrer à la Cour que le refus de reporter son renvoi était déraisonnable.

 

[38]           Or, non seulement le demandeur n’a pas rempli ce fardeau, mais en plus, ses arguments ne démontrent aucune erreur de la part de l’agent de renvoi.

 

[39]           Le demandeur présente un seul argument au niveau de la question sérieuse: que la décision de l’agent de renvoi est déraisonnable car ce dernier n’a pas suffisamment motivé sa décision et n’a pas analysé le dossier.

 

[40]           La jurisprudence nous instruit qu’une décision sous forme de lettre indiquant que la demande a été étudiée, mais qu’elle ne mérite pas d’être accordée constitue des motifs suffisants pour un agent de renvoi (Charles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 799 au para 8; Mann c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1763 au para 4; Boniowski c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1161 au para 11; Wright c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 113 aux para 17-18).

 

[41]           En fait, tel que rappelé par cette Cour dans Charles, même l'absence totale de motifs écrits d'un agent des renvois n'est pas une question sérieuse (Charles, ci-dessus, au para 8).

 

[42]           À cause du rôle de l’agent de renvoi tel que prévu par la loi, la jurisprudence nous instruit que :

[11       [...] Dans ce type de décision, l'agent jouit d'un pouvoir discrétionnaire très limité, et ni la loi ni le règlement n'exigent qu'il rende une décision concrète ou formelle pour surseoir au renvoi. La jurisprudence exige plutôt que l'agent reconnaisse qu'il jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire de surseoir au renvoi, si les circonstances ne permettent pas d'appliquer la mesure de renvoi à un moment en particulier [...]

 

(Boniowski, ci-dessus).

 

[43]           La demande de sursis administratif a été faite par le procureur du demandeur par téléphone. Le contenu de cette demande orale a été confirmé par écrit par une lettre du procureur, d’où il ressort clairement que le seul motif invoqué au soutien de la demande de sursis administratif était l’existence d’une demande CH depuis mars 2011, sans plus de détails.

 

[44]           Rien au dossier n’indique que le demandeur a soumis des preuves ou des questions particulières à l’agent de renvoi démontrant qu’il y avait un obstacle à son renvoi à la date fixée.

 

[45]           Or, un décideur n’est pas tenu d’examiner en profondeur des questions alors que le demandeur ne l’a pas fait (Barrak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 962, 333 FTR 109 au para 37).

 

[46]           De plus, il est bien établi que l’existence d’une demande CH pendante n’est pas un motif pour surseoir à un renvoi (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 CF 682; Mann, ci-dessus, au para 3).

 

[47]           Une exception à ce principe veut qu’un agent de renvoi puisse accepter de surseoir parce qu’une demande CH a été déposée en temps opportun et [qu’elle n’a] pas encore été réglé[e] à cause de l'arriéré auquel le système fait face (Simoes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 FTR 219 au para 12).

 

[48]           Pour se qualifier sous cette description, une demande CH doit avoir été pendante pour une période suffisamment importante. Dans Peters c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 518 (au para 6) et dans Jackson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 201 (au para 6b en combinaison avec la date d’audition), la Cour a refusé d’accorder cette étiquette à une demande pendante depuis seulement 10 mois. Dans Barrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 779 (aux para 2 et 9 en combinaison avec la date d’audience), la Cour a jugé que l’agent n’avait pas commis d’erreur en refusant de reporter un renvoi alors qu’une demande CH était pendante depuis environ 15 mois, et qu’elle le serait pendant 12 ou 14 mois additionnels (Barrera, ci-dessus).

 

[49]           Ce point sera réitéré afin de répondre au demandeur sur le préjudice irréparable, mais pour nos fins notons que de nos jours, un délai normal pour une demande CH peut aller jusqu’à 20 mois (Affidavit de Carole Audette, Pièce « J »). Or, la demande CH du demandeur n’est dans le système que depuis 7 mois.

 

[50]           Lorsqu’une mesure de renvoi prend effet, le renvoi immédiat est la règle et le report est l’exception (Wang, ci-dessus; Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 614 au para 29).

[51]           Le rôle de l’agent est d’évaluer si des obstacles concrets existent au voyage comme tel (Ewang c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1360 au para 22), par exemple, la maladie ou les arrangements de voyage (Pavalaki c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 338 (QL/Lexis); Simoes, ci-dessus; Wang, ci-dessus; Boniowski, ci-dessus). L’agent n’a donc pas compétence pour évaluer des facteurs CH concernant le long terme; ces derniers sont plutôt du ressort d’un agent CH.

 

[52]           En l’absence de toute preuve précise et concrète soumise à l’agent et démontrant une incapacité de voyager à la date fixée, le demandeur ne peut soutenir que l’agent a commis une erreur en gardant la date de départ au 10 octobre 2011.

 

[53]           Il n’existe donc aucune question sérieuse à trancher dans la présente requête en sursis.

 

[54]           Ceci suffit pour conclure au rejet de la requête.

 

b)  Préjudice irréparable

[55]           « Pour les fins d'un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi, le "préjudice irréparable" constitue un critère très strict et suppose l'existence d'une probabilité sérieuse que la vie ou la sécurité du demandeur soit mise en péril. Le préjudice irréparable est très grave. Il doit être plus qu'un fâcheux inconvénient tel qu'une dissolution ou un bouleversement de la famille [...] » (Malyy c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 388 au para 17; également, Sofela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 245; Golubyev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 394; Radji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, 308 FTR 175).

 

[56]           De plus, pour conclure à l’existence d’un préjudice irréparable, la Cour doit avoir devant elle des preuves à cet effet (Atwal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427 au para 14) pour satisfaire que le préjudice en question surviendra si le sursis n’est pas accordé (Akyol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931 au para 7).

 

[57]           Le demandeur allègue d’une façon vague son enracinement au Canada, l’intérêt de son enfant et le fait que si sa demande CH est accordée alors qu’il n’est plus au pays, il n’aura pas les moyens financiers de revenir au Canada.

 

[58]           Le demandeur n’a présenté aucune preuve concrète pour démontrer un préjudice irréparable.

 

[59]           Le demandeur a attendu au 15 mars 2011 pour déposer une demande CH. De nos jours, une demande CH peut prendre jusqu’à 20 mois (Affidavit de Carole Audette). Le demandeur a donc lui-même amoindri ses chances de recevoir une décision CH avant de quitter le pays.

 

[60]           Les motifs invoqués par le demandeur ne sont pas suffisants pour constituer un préjudice irréparable, les bouleversements affectifs, familiaux et économiques étant inhérents au renvoi. Notamment, la séparation de la famille, s’il en est décidé ainsi, n’est pas un préjudice irréparable au sens de la loi, mais un phénomène inhérent au renvoi. En conclure autrement rendrait impraticable le renvoi des individus n’ayant pas le droit de rester au Canada.

 

[61]           La Cour d’appel fédérale a rappelé dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358, que l’intérêt supérieur des enfants, même canadiens, ne saurait faire obstacle au renvoi de leurs parents qui se trouvent illégalement au Canada :

[12]      [...] Ce n'est pas parce que l'intérêt des enfants voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n'a pas voulu, à ce jour, que la présence d'enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d'un parent se trouvant illégalement au pays [...]

 

[62]           Pour toutes ces raisons, le demandeur n’a pas prouvé qu’il subirait un préjudice irréparable advenant son renvoi prévu pour le Pérou, le 10 octobre 2011.

 

[63]           Ce motif également à lui seul justifie le rejet de la requête.

 

c)  Balance des inconvénients

[64]           En l’espèce, le critère de la balance des inconvénients prend toute son importance.

 

[65]           Le paragraphe 48(2) de la LIPR prévoit qu’une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent.

 

[66]           Le renvoi du demandeur n’est pas simplement une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité et de l'équité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système (Selliah, ci-dessus, au para 22).

 

[67]           Selon la législation, primordialement, il y a un facteur qui pèse lourdement en faveur des Ministres en l’espèce : celui de la protection à laquelle la société canadienne a droit à l’encontre des individus criminalisés n’ayant pas le droit de demeurer au pays (Thanabalasingham, ci-dessus, aux para 18-19).

 

[68]           La LIPR a pour objet de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité (alinéa 3(1)h) et 3(2)g) de la LIPR).

 

[69]           Dans Thanabalasingham, ci-dessus, cette Cour a écrit :

[18]      Aussi, les antécédents criminels du demandeur constituent un facteur favorisant fortement le défendeur dans la présente affaire. Les observations du juge John Evans dans Tesoro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 698, 2005 CAF 148 (C.A.F.), au paragraphe 47, s'appliquent de la même manière en l'espèce :

 

47        Cependant, si j'avais décidé que le renvoi de M. Tesoro causerait un préjudice irréparable, parce que les effets de la séparation familiale étaient plus que de simples inconvénients, j'aurais situé ce préjudice au bas de l'échelle de gravité et j'aurais conclu que, selon la prépondérance des inconvénients, il devait céder le pas devant l'intérêt du public dans le renvoi rapide du Canada de ceux jugés interdits de territoire pour cause de grande criminalité. Si l'on veut que l'administration du droit de l'immigration soit crédible, il faut que le renvoi des personnes visées par une mesure d'expulsion soit la règle, et que l'octroi d'un sursis en attendant l'issue d'une instance judiciaire, l'exception.

 

[70]           Pour ces raisons, la balance des inconvénients penche clairement en faveur de l’intérêt public à ce que la sécurité des Canadiens soit garantie et à ce que le processus d’immigration prévu par la loi suive son cours.

 

[71]           Cette raison à elle seule justifie le rejet de la requête en sursis.

 

VI.  Conclusion

[72]           Compte tenu de tout ce qui précède, le demandeur ne satisfait pas les critères établis par la jurisprudence relativement à l’obtention d’un sursis judiciaire. La demande en sursis d’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande en sursis d’exécution de la mesure de renvoi.

 

 

“Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6759-11

 

INTITULÉ :                                       TEOFILO GYAMPIE MASSONI VASQUEZ c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

REQUÊTE CONSIDÉRÉE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 6 OCTOBRE 2011 ENTRE OTTAWA, ONTARIO ET MONTRÉAL, QUÉBEC

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 7 octobre 2011

 

 

 

PRÉTENTIONS ORALES ET ÉCRITES PAR :

 

Éric Taillefer

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bassam Khouri

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Éric Taillefer, avocat

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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