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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20111014

Dossier : IMM-1790-11

Référence : 2011 CF 1165

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2011

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

TATYANA LEBEDEVA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), rendue le 24 novembre 2010, qui lui a refusé la qualité de réfugiée au sens de la Convention et la qualité de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). La Commission a estimé que la demanderesse disposait d’une possibilité acceptable de refuge intérieur (PRI).

 

I. Le contexte

 

[2]               C’est une triste histoire. La demanderesse est de nationalité russe et elle est une fidèle de l’Église orthodoxe russe. Elle craint d’être persécutée par des groupes de skinheads en Russie qui l’ont ciblée, l’ont harcelée et l’ont agressée en raison de ses liens avec le peuple juif et avec Israël.

 

[3]               En 1999, la fille de la demanderesse a épousé un juif et s’est installée en Israël. En octobre 2004, la demanderesse s’est rendue en Israël pour visiter sa fille. Durant son absence, son mari a été tué au domicile familial d’Orenbourg. Les agresseurs n’ont pas été identifiés.

 

[4]               Peu après le meurtre du mari de la demanderesse, les collègues de celle-ci au travail se sont mis à l’éviter et à lui montrer de l’hostilité. Ils murmuraient « juive » derrière son dos. La demanderesse a perdu son emploi en janvier 2005.

 

[5]               En septembre 2006, elle s’est rendue à Moscou, où elle a vécu avec un ami durant une période de huit mois tout en suivant un cours. Durant son séjour à Moscou, elle n’a pas eu d’ennuis. Elle est retournée à Orenbourg en avril 2007.

 

[6]               En mai 2007, la demanderesse est allée en Israël pour être auprès de sa fille, qui était en train de divorcer. À son retour à Orenbourg six mois plus tard, elle a remarqué que ses voisins ne s’adressaient plus à elle. Elle a commencé de recevoir des menaces par téléphone, et des ordures ont été jetées dans son entrée. Des jeunes gens lui criaient « juive » lorsqu’elle passait dans la rue.

 

[7]               Le 3 décembre 2007, la demanderesse est tombée sur un groupe de skinheads. Elle a voulu les éviter, mais l’un d’eux lui a fait un croche-pied et elle est tombée par terre. Le groupe s'est moqué d'elle et l'a ridiculisée.

 

[8]               Le 31 janvier 2008, elle rentrait chez elle après avoir visité sa tante lorsqu’elle fut approchée par un autre groupe de skinheads. Ils l’ont encerclée en disant : [TRADUCTION] « Tiens, voici notre étrangère. Nous voulons vous dire bonjour d’Israël ». Le groupe s’est mis à la frapper. Ils ont cessé lorsqu’un groupe de passants ont remarqué la scène. Avant de quitter les lieux, ils lui ont dit qu’ils reviendraient. Elle a déposé une plainte auprès de la police locale.

 

[9]               Le 10 février 2008, le fils de la demanderesse a été battu par un groupe de jeunes gens qui lui avaient demandé [TRADUCTION] « du feu de sa cigarette juive ». Ils lui ont fracturé la mâchoire et il a subi une commotion cérébrale. Il a passé cinq jours à l’hôpital.

 

[10]           La demanderesse, terrifiée, est retournée voir la police. Un agent lui a dit, en confidence, que le service de police n’avait pas les moyens de la protéger 24 heures par jour et qu’elle devrait retirer sa plainte pour éviter un danger encore plus grave. L’agent lui a expliqué qu’il y avait dans la ville un important groupe de skinheads à qui l’on imputait de nombreuses agressions et meurtres. Il lui a conseillé de partir.

 

[11]           Le 3 mars 2008, la demanderesse a été frappée à l’arrière de la tête alors qu’elle retournait chez elle depuis l’épicerie de son quartier. Elle a été battue et a dû passer la journée dans la salle des urgences.

 

[12]           Le 21 mars 2008, l’ambassade du Canada en Russie a délivré à la demanderesse un visa de visiteur pour qu’elle puisse aller au Canada visiter son ami à Toronto. La demanderesse s’est rendue au Canada le 19 avril 2008.

 

[13]           En juin 2009, le fils de la demanderesse fut mêlé à un autre incident en Russie. Lui et sa famille furent poursuivis alors qu’ils se rendaient en voiture chez la mère de la demanderesse. Le fils a perdu la maîtrise de son véhicule, qui s’est retrouvé dans un fossé. Personne ne fut gravement blessé, mais les enfants ont été traumatisés.

 

[14]           Quand la demanderesse fut informée qu’elle ne pouvait pas prolonger son séjour au Canada, elle a sollicité l’asile le 21 décembre 2009. Elle disait craindre d'être constamment agressée si elle devait retourner en Russie.

 

II. La décision contestée

 

[15]           Le 15 décembre 2010, la Commission a rendu sa décision sur la demande de protection formulée par la demanderesse. Elle n’a nullement mis en doute la crédibilité de la demanderesse ni la véracité de son récit, mais elle a conclu qu’elle n’était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger, compte tenu qu’elle disposait en Russie d’une PRI acceptable – à savoir la ville de Iekaterinbourg.

 

[16]           Examinant le premier volet du critère applicable aux PRI, la Commission a estimé que le risque couru par la demanderesse était un risque localisé car il découlait de renseignements diffusés dans son voisinage à propos de sa fille et à propos des voyages que la demanderesse avait faits en Israël.

 

[17]           Selon la Commission, la demanderesse n’avait pas établi qu’un tel ciblage par association se produirait dans une autre ville. Le commissaire a reconnu que, selon la preuve des conditions ayant cours dans le pays, les juifs de Russie subissaient encore des agressions à caractère raciste. Il a jugé cependant que la demanderesse ne présentait pas les facteurs habituels de risque puisqu’elle-même n’était pas juive, ajoutant qu’il n’avait « trouvé aucun autre élément de preuve d’antisémitisme contre des non-Juifs fondé sur le fait qu’un membre de la famille a épousé un Juif ou sur le fait qu’un Juif a fait un voyage en Israël ».

 

[18]           La Commission concluait que, « [b]ien qu’un groupe de skinheads à Orenbourg semble avoir étiqueté et intimidé la demandeure d’asile pour ce motif, il n’y a aucun motif de croire que la perception selon laquelle la demandeure d’asile est juive la suive dans une autre ville en Russie ». Le commissaire ajoutait que ses conclusions étaient confirmées par le fait que la demanderesse avait témoigné n’avoir connu aucune difficulté lorsqu’elle vivait à Moscou de septembre 2006 à mai 2007.

 

[19]           La Commission a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son obligation de prouver qu’elle serait exposée à un risque dans la région visée par la PRI.

 

[20]           Examinant le deuxième volet du critère de la PRI, c’est-à-dire le point de savoir si, vu la situation de la demanderesse, il serait raisonnable pour elle de se réinstaller à Iekaterinbourg, la Commission a estimé que la demanderesse serait en mesure de s’enregistrer dans cette ville et d’y chercher un travail. Elle a reconnu que la demanderesse ne gagnerait peut-être pas autant d’argent en Russie qu’elle pourrait en gagner comme gouvernante au Canada, et aussi qu’elle n’avait ni amis ni proches à Iekaterinbourg. Cependant, selon la Commission, ce genre de difficulté ne rendait pas la PRI déraisonnable.

 

[21]           Finalement, la Commission a considéré les directives intitulées Revendicatrices du statut de réfugiées craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe). S’agissant du premier volet du critère de la PRI, la Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé que les difficultés qu’elle craignait étaient fondées sur son sexe, « étant donné qu’elle [avait] affirmé que son fils [était] victime d’un ciblage similaire à Orenbourg ». La Commission a aussi considéré les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe pour savoir si le recours de la demanderesse à la PRI envisagée était raisonnable, et elle a conclu que, eu égard à sa situation, la demanderesse ne connaîtrait pas de difficultés liées à son sexe en s’établissant à un autre endroit en Russie.

 

III. Le point litigieux

 

[22]           Le point principal à décider dans la présente demande est le suivant :

La Commission a-t-elle commis une erreur en disant que la demanderesse disposait d’une PRI en Russie?

 

[23]           Au cours de l’audience, l’avocat de la demanderesse a soulevé aussi, pour la première fois, une question d’équité procédurale; il alléguait que le droit de la demanderesse à l’assistance d’un avocat avait été dénié au cours de l’audience tenue devant la Commission parce qu’elle avait été empêchée de poser des questions à son avocat. Le défendeur a fait valoir que la Cour ne devrait pas admettre ce nouvel argument, qui n’avait pas été soumis dans l’exposé des faits et du droit de la demanderesse. Il a souligné qu’il subirait un préjudice si la Cour devait laisser la demanderesse soulever ce nouvel argument au cours de l’audience, puisqu’il n’avait pas été à même de préparer des observations s’y rapportant, ou de recueillir des preuves propres à démentir l’allégation.

 

[24]           Ce nouveau point n’a rien de commun avec les points pour lesquels l’autorisation a été accordée. Par ailleurs, le paragraphe 309(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, dispose que les allégations des parties devraient être soumises dans l’exposé des faits et du droit. Cela ne signifie pas cependant que la Cour ne peut jamais autoriser une partie à avancer un nouvel argument.

 

[25]           Dans la décision Al Mansuri c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 22, 314 F.T.R. 54, la juge Dawson, maintenant juge de la Cour d'appel fédérale, devait se prononcer sur un nouvel argument avancé pour la première fois dans l’exposé complémentaire des faits et du droit présenté par le demandeur. Elle a rejeté l’idée qu’il existait un droit d’avancer de nouveaux arguments à un stade si tardif de la procédure, tout comme l’idée qu’un tel droit n’existait absolument pas. Elle a expliqué que, selon la jurisprudence, c’est à la Cour qu’il appartient dans tous les cas de dire s’il convient ou non d’autoriser le nouvel argument. La Cour exercera son pouvoir discrétionnaire à la lumière des circonstances particulières à l'affaire considérée.

 

[26]           Dans la décision Al Mansuri, la juge Dawson a énuméré, au paragraphe 12, les facteurs susceptibles de guider la Cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire :

 

(i)        Les faits et éléments intéressant les nouveaux arguments étaient‑ils tous connus (ou raisonnablement accessibles) à l’époque où la demande d’autorisation fut déposée et/ou mise en état?

 

(ii)        Est‑il possible que la partie adverse subisse un préjudice si les nouveaux arguments sont étudiés?

 

(iii)       Le dossier révèle‑t‑il tous les faits à l’origine des nouveaux arguments?

 

(iv)       Les nouveaux arguments sont‑ils apparentés à ceux au regard desquels fut accordée l’autorisation?

 

(v)        Quelle est la force apparente des nouveaux arguments?

 

(vi)       Le fait de permettre que les nouveaux arguments soient invoqués retardera‑t‑il indûment l’audition de la demande?

 

 

[27]           Il ne faut pas oublier que, dans la décision Al Mansuri, ces facteurs étaient énoncés à propos d’un nouvel argument avancé dans l’exposé complémentaire des faits et du droit du demandeur. Lorsque le nouvel argument est avancé pour la première fois au cours de l’audience, le défendeur n’ayant dès lors pas la possibilité de réagir au nouveau point soulevé, la Cour doit être encore plus circonspecte dans l’application de ces facteurs.

 

[28]           En l’espèce, aucun de ces facteurs ne justifie que le nouveau point soulevé soit plaidé, même s’il se rapporte à l’équité procédurale.

 

[29]           D’abord, c’est un point entièrement nouveau, qui ne présente aucun lien avec les points soulevés dans la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Deuxièmement, la demanderesse n’a jamais avancé cet argument dans son exposé des faits et du droit, ni dans sa réponse. Troisièmement, le défendeur a eu raison d’affirmer qu’il subissait un préjudice puisqu’il n’avait pas eu l’occasion de déposer des preuves et/ou des arguments en réponse à ce nouveau point.

 

[30]           Dans la décision Al Mansuri, au paragraphe 16, la juge Dawson soulignait l’importance d’évaluer le bien-fondé ou la solidité apparente d’un argument lorsque le point soulevé est entièrement nouveau :

Finalement, comme on peut le voir à la lecture des arguments présentés dans la demande d’autorisation et dans l’exposé initial des faits et du droit, les nouveaux arguments n’ont rien de commun avec les arguments qui avaient conduit la Cour à accorder l’autorisation. Il s’agit d’un dossier totalement nouveau. Vu que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés stipule qu’une demande de contrôle judiciaire ne peut être présentée que sous réserve d’une autorisation, il faut à mon avis se montrer prudent avant de permettre que soient invoqués de nouveaux arguments qui ne l’étaient pas dans la demande d’autorisation. Cela signifie qu’il faut évaluer le bien‑fondé ou l’apparente solidité des nouveaux arguments. […]

 

 

[31]           En l’espèce, je suis d’avis que le nouveau point soulevé par la demanderesse est dépourvu de bien-fondé. J’ai lu la transcription intégrale de l’audience tenue par la Commission, et je suis persuadée que l’équité procédurale n’a pas été déniée à la demanderesse. Il est vrai que, à un moment donné, la demanderesse a prié le commissaire de l’autoriser à conférer avec son avocat avant de répondre à une question que le commissaire lui avait posée. Le commissaire a répondu que, pour l’instant, c’est lui qui l’interrogeait et que son conseil serait plus tard à même de l’interroger. Elle a décidé de ne pas répondre à la question, et la Commission ne l’a pas forcée d’y répondre ni n’a trouvé à redire à son silence. Par ailleurs, il ressort clairement de la transcription que la demanderesse ne fut pas empêchée de donner sa version des faits au commissaire. Je suis donc d’avis que la demanderesse ne saurait prétendre que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale.

 

IV. La norme de contrôle

 

[32]           Les parties ne contestent pas qu’une décision portant sur l’existence ou non d’une PRI doit être contrôlée d’après la norme de raisonnabilité (Rodriguez Diaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1243, au paragraphe 24, [2009] 3 R.C.F. 395). Les conclusions qui touchent l’existence ou non d’une PRI appellent la retenue de la Cour parce qu’elles concernent non seulement l’évaluation des circonstances propres au demandeur, circonstances relatées par son témoignage, mais également une compréhension intime de la situation qui règne dans le pays concerné (Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 741, au paragraphe 26, 52 A.C.W.S. (3d) 136 (1re inst.)).

 

[33]           Pour savoir si la décision de la Commission est raisonnable, la Cour s’attachera à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

V. Analyse

 

A. La Commission a-t-elle commis une erreur en disant que la demanderesse disposait d’une PRI en Russie?

 

[34]           La question de savoir s’il existe ou non une PRI fait partie intégrante de la décision touchant une demande d’asile (Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), [1992] 1 C.F. 706, 140 N.R. 138 (CA)). Lorsqu’une PRI est invoquée, il appartient alors au demandeur de prouver que cette PRI n’existe pas ou qu’elle est déraisonnable compte tenu de sa situation (Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), [1994] 1 C.F. 589, au paragraphe 12, 109 D.L.R. (4th) 682 (C.A.)). L’examen d’une PRI comporte deux parties. D’abord, la Commission doit être persuadée, selon la prépondérance de la preuve, qu’il n’est pas vraisemblable que le demandeur d’asile sera persécuté, exposé à la torture, à une menace pour sa vie, ou à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités dans la région envisagée comme PRI. Deuxièmement, il doit être raisonnable pour le demandeur d’asile de trouver refuge dans ladite région, compte tenu des conditions de la PRI envisagée (arrêt Rasaratnam, précité; arrêt Thirunavukkarasu, précité).

 

[35]           La demanderesse désapprouve uniquement l’analyse que fait la Commission du premier volet du critère de la PRI. Elle affirme que la Commission a conclu à tort qu’il n’était pas vraisemblable qu’elle serait persécutée ou exposée à un risque dans la région envisagée comme PRI.

 

[36]           L’argument principal de la demanderesse sur ce point est que la Commission a eu tort d’affirmer que « rien n’indiqu[ait] » qu’elle serait considérée comme juive à Iekaterinbourg. Elle affirme que, au contraire, le fait qu’elle était considérée comme juive à Orenbourg [traduction] « indiquait assez » qu’elle pourrait être considérée comme juive ailleurs en Russie. Elle soutient que les raisons pour lesquelles elle était considérée comme juive à Orenbourg – sa fille avait épousé un juif, sa fille vit en Israël, et la demanderesse a visité sa fille en Israël – vaudraient tout autant si elle vivait ailleurs en Russie. Finalement, elle dit que la Commission a conclu à tort à une absence de preuve en ce sens, alors qu’il existait de telles preuves.

 

[37]           Il est vrai que la Commission a admis qu’un groupe de skinheads à Orenbourg avait « étiqueté et intimidé » la demanderesse parce que sa fille avait épousé un juif et parce que la demanderesse elle-même avait visité Israël. Il est vrai aussi que, selon la Commission, « rien n’indique que cette dernière [la demanderesse] serait prise pour cible par association dans une autre ville », et qu'il n’y avait « aucun motif de croire que la perception selon laquelle la demandeure d’asile est juive la suive dans une autre ville ». Cependant, si ces propos sont lus dans leur contexte intégral, il est clair que la Commission n’a pas considéré l’expérience de la demanderesse à Orenbourg comme hors de propos pour la question de savoir à quoi elle pourrait s’attendre dans la région envisagée comme PRI. La Commission écrivait plutôt que ce qui était arrivé à la demanderesse et à son fils à Orenbourg était exceptionnel, c’est-à-dire que les documents décrivant les conditions qui régnaient dans le pays ne laissaient pas voir d’autres exemples d’une persécution de cette nature en Russie. En outre, les épreuves qu’avait connues la demanderesse étaient localisées, c’est-à-dire qu’elles s’expliquaient par le fait que certains bruits la concernant s’étaient répandus dans son voisinage. La Commission a donc estimé que, hormis les expériences localisées et exceptionnelles vécues par la demanderesse à Orenbourg, rien ne laissait supposer qu’elle subirait les mêmes mauvais traitements si elle s’installait dans une autre région de Russie.

 

[38]           Puisque les motifs de la Commission doivent être évalués dans leur globalité, plutôt que d’une manière microscopique (Medina c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 120 N.R. 385, 23 A.C.W.S. (3d) 797 (C.A.F.); Ahmed c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 156 N.R. 221, 42 A.C.W.S. (3d) 113 (C.A.F.)), il m’est impossible de dire que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle du seul fait qu’elle a employé les mots « rien n’indique » plutôt que l’expression « rien d’autre n’indique ». Le raisonnement suivi par la Commission ressort clairement d’une lecture intégrale de ses motifs.

 

[39]           La demanderesse soutient aussi que la Commission a présumé à tort qu’elle pouvait s’installer ailleurs et s’affranchir de la perception fautive qui faisait qu’on la considérait comme juive. Elle prétend que [TRADUCTION] « les rumeurs se répandent » et que les gens sauront un jour que sa fille vit en Israël et qu’elle-même s’est rendue dans ce pays pour la visiter. Elle affirme, dans ses observations écrites, que [TRADUCTION] « des renseignements inoffensifs donnés aux amis peuvent être communiqués à des gens qui ne sont pas des amis ».

 

[40]           Je reconnais avec le défendeur que l’opinion de la demanderesse touchant la possibilité de voir les rumeurs se répandre ne constitue pas un motif d’annulation de la décision de la Commission. Outre les faits survenus à Orenbourg, qui, pour la Commission, étaient par nature des faits exceptionnels et localisés, rien ne permettait d’affirmer que les renseignements se rapportant aux liens de la demanderesse avec Israël se répandraient en dehors d’Orenbourg, que la perception fautive résultant de tels renseignements subsisterait en dehors d’Orenbourg ou que la persécution fondée sur cette perception fautive suivrait la demanderesse.

 

[41]           Sur ce point, la demanderesse affirme que, pour présenter à la Commission la preuve que celle-ci souhaitait obtenir, il lui aurait fallu s’installer dans une autre région en Russie et attendre d’être la cible de médisances, de perceptions fautives et de persécutions. Elle invoque l’arrêt Thirunavukkarasu, précité, pour affirmer qu’une personne n’a pas à s’exposer au danger à seule fin d’établir le bien-fondé de sa demande d'asile. Elle invoque aussi la décision Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 600, au paragraphe 9 (accessible sur CanLII), au soutien de son argument selon lequel un demandeur d’asile n’a pas l’obligation de vérifier personnellement la l'acceptabilité d’une PRI avant de rechercher au Canada une protection de substitution.

 

[42]           Je reconnais qu’un demandeur d’asile n’a pas l’obligation de vérifier personnellement l'acceptabilité d’une PRI, mais je ne crois pas que c’est ce que la Commission priait la demanderesse de faire. Il appartenait à la demanderesse de prouver qu’elle serait, en dehors d’Orenbourg, exposée au même risque que celui qu’elle courait à Orenbourg. À cette fin, la demanderesse aurait pu produire une preuve montrant que des personnes dans la même situation qu’elle, et professant la foi orthodoxe, avaient été persécutées par des groupes de skinheads en Russie. Elle aurait pu produire une preuve de la situation ayant cours dans le pays montrant que les groupes de skinheads en Russie s’échangeaient des renseignements sur leurs cibles. Elle aurait pu produire une preuve montrant que les rumeurs et les perceptions fautives à son sujet s’étaient répandues en dehors de la ville d’Orenbourg, ou qu’elle avait subi de mauvais traitements en dehors d’Orenbourg. Aucune preuve de cette nature n’a été apportée.

 

[43]           La preuve montrait plutôt que la demanderesse avait passé huit mois à Moscou entre 2006 et 2007 et qu’elle n’y avait été nullement inquiétée. Durant l’audience tenue devant la Commission, la demanderesse a dit qu’elle s’était sentie « vraiment bien » durant la période qu’elle avait passée à Moscou. Priée de dire si elle pourrait retourner s’installer à Moscou, elle a répondu par la négative en affirmant non pas qu’elle serait exposée au même genre de mauvais traitements, mais qu’il lui serait impossible de trouver un travail.

 

[44]           Selon la Commission, les huit mois que la demanderesse avait passés à Moscou l’autorisaient à dire qu’il n’y avait aucune raison de croire qu’elle serait persécutée en dehors d’Orenbourg. La demanderesse affirme que, pour que la Commission puisse tirer de ce fait une conclusion quelconque, il lui faudrait d’abord vivre à Moscou bien plus que huit mois, en raison du temps requis pour que les rumeurs se répandent. Finalement, je crois que ce que voudrait la demanderesse, c’est que la Cour apprécie à nouveau la preuve. Ce n’est pas là le rôle de la Cour. Il m’est impossible de dire qu’il était déraisonnable pour la Commission de considérer les huit mois passés par la demanderesse à Moscou sans qu’elle y soit inquiétée et d’en conclure que ses difficultés étaient circonscrites à Orenbourg.

 

[45]           La demanderesse soutient aussi que la Commission s’est montrée [TRADUCTION] « trop pointilleuse » lorsqu’elle a écrit qu’elle n’avait trouvé, outre les expériences personnelles de la demanderesse à Orenbourg, « aucun autre élément de preuve d’antisémitisme contre des non-Juifs fondé sur le fait qu’un membre de la famille a épousé un Juif ou sur le fait qu’un Juif a fait un voyage en Israël ». Je reconnais avec la demanderesse que c’est là un point très particulier. Cependant, il ne constituait que l’un des éléments de la conclusion globale de la Commission, pour qui « aucun des facteurs de risque indiqués dans la documentation ne s’appliqu[ait] à la demandeure d’asile ». La demanderesse avait la peau claire et elle était de religion orthodoxe, et la Commission a donc estimé que les mauvais traitements auxquels elle était exposée à Orenbourg étaient circonscrits et, en quelque sorte, inusités. Il m’est impossible de dire que la Commission s’est fourvoyée ici.

 

[46]           La demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur en concluant qu’elle n’était exposée à aucun des « facteurs de risque » mentionnés dans la documentation objective décrivant les conditions qui avaient cours dans le pays. Elle fait remarquer que le fait d’être juif était un facteur de risque mentionné dans le rapport du Département d’État des États-Unis et que, même si elle n’est pas juive, le risque qu’elle court doit être considéré selon le point de vue de ses persécuteurs. Ses persécuteurs, affirme-t-elle – c’est-à-dire les skinheads d’Orenbourg – croyaient qu’elle était juive. Ainsi, la demanderesse affirme qu’il était excessif pour la Commission de [TRADUCTION] « s’en rapporter aux renseignements sur la situation ayant cours dans le pays, renseignements qui faisaient état d’un antisémitisme, pour ensuite affirmer qu’ils n’en faisaient pas état ».

 

[47]           Il m’est tout aussi impossible de trouver quelque bien-fondé que ce soit dans cet argument. Il est vrai que les skinheads d’Orenbourg croyaient que la demanderesse était juive – ou, à tout le moins, ils avaient décidé de la persécuter en raison de ses liens avec le peuple juif et avec Israël – mais la Commission estimait que l’image qu’on avait d’elle était limitée à Orenbourg et résultait de la manière dont les rumeurs à propos de sa fille et à propos de ses voyages en Israël s’étaient répandues dans sa collectivité. Pour savoir si la demanderesse connaîtrait la persécution à Iekaterinbourg, à l’extérieur d’Orenbourg, il était utile de remarquer que la demanderesse ne présentait aucun des « facteurs de risque » évoqués dans la documentation.

 

[48]           Finalement, la demanderesse fait valoir que la Commission a appliqué d’une manière incomplète et inexacte les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Plus précisément, elle prétend que la Commission s’est fourvoyée lorsqu’elle a conclu que les ennuis qu’elle craignait à Orenbourg n’étaient pas fondés sur son sexe, tout simplement parce que son fils s’était heurté à un ciblage de même nature. Cela, de dire la demanderesse, montre que la Commission n'a pas tenu compte du fait que, en tant que femme, elle était nettement plus vulnérable que ne l’était son fils.

 

[49]           Je ne suis malheureusement pas de cet avis. D’abord, à aucun moment la demanderesse n’a prétendu qu’elle avait été persécutée en raison de son sexe. Les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe précisent que, lorsque le facteur de risque ne réside pas dans l’identité sexuelle, alors « l’analyse essentielle ne varie pas en fonction du sexe de la personne ». Tel est le cas ici. Deuxièmement, la Commission a écrit qu’elle avait considéré la situation personnelle de la demanderesse pour savoir si la PRI était raisonnable :

[19] […] Au cours de mon examen susmentionné du caractère raisonnable de la PRI pour la demandeure d’asile, j’ai tenu compte de la situation personnelle de cette dernière, et j’estime que la demandeure d’asile ne se heurterait pas à des difficultés du fait de son sexe en déménageant en Russie, de manière qu’un déménagement serait jugé déraisonnable dans sa situation.

 

[50]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[51]           L’avocat de la demanderesse a proposé les questions suivantes à certifier :

 

1.             La preuve qu’un demandeur d’asile a une crainte fondée de persécution à un endroit au moins est-elle une preuve de l’inexistence d’une possibilité de refuge intérieur quand il n’y a rien de véritablement local dans la preuve que le demandeur d’asile a une crainte fondée de persécution au premier endroit?

 

2.             Lorsqu’une personne, à un endroit donné, se voit attribuer, par les agents de persécution qu’elle craint, une race, une religion, des opinions politiques, une nationalité ou une appartenance à un groupe social, faut-il de quelque manière en déduire que cette personne sera perçue par eux de la même manière à un autre endroit, quand il n’y a rien de véritablement local dans les facteurs qui, au premier endroit, ont conduit les agents de persécution à la considérer de cette manière?

 

3.             Le droit à l’assistance d’un avocat est-il dénié si, au cours d’une audience, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié empêche le demandeur d’asile de poser une question à son conseil?

 

4.             Un commissaire qui refuse de laisser un conseil poser une question qu’il juge suggestive, dans un cas où le conseil n’est pas avocat, doit-il reformuler la question d’une manière qui ne soit pas suggestive afin de se conformer à l’obligation d’équité?

 

5.             La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié doit-elle, pour savoir si les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe s’appliquent, tenir compte de la vulnérabilité en fonction du sexe, ou suffit-il à la Commission de dire si le préjudice que craint la candidate à l’asile est ou non fondé sur son sexe?

 

[52]           Le défendeur s’oppose à ce que ces cinq questions soient certifiées. Il affirme que les deux premières ne remplissent pas la condition d'être des questions d'ordre général car ce sont [TRADUCTION] « des conclusions qui sont tributaires des faits et qui ne sauraient avoir une application quelconque en dehors de ceux dont il s’agit ici ». Il ajoute que les troisième et quatrième questions ne seraient pas déterminantes dans l’appel car elles concernent toutes les deux des points qui n’ont été soulevés qu'à l'audience devant la Cour fédérale. Le défendeur affirme aussi que la cinquième question ne serait pas déterminante dans l’appel parce que la Commission a bien examiné la question de savoir si la crainte de la demanderesse était précisément fondée sur son sexe, de même que la question de la « vulnérabilité en fonction du sexe ».

 

[53]           L’alinéa 74d) de la LIPR dispose que seules les « questions graves de portée générale » peuvent être certifiées. Dans l’arrêt Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, 129 A.C.W.S. (3d) 578, la Cour d'appel fédérale exposait ainsi, au paragraphe 11, le critère à appliquer pour savoir si une question peut ou non être certifiée : « Y a-t-il une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel? » S’agissant de la notion de « portée générale », la Cour d'appel fédérale expliquait, au paragraphe 8 de l’arrêt Boni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 68, 152 A.C.W.S. (3d) 902, que la question doit « transcende[r] [...] la décision particulière à l’égard de laquelle elle se pose ». Dans un arrêt antérieur, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Liyanagamage, 51 A.C.W.S. (3d) 910, au paragraphe 4, 176 N.R. 4, la Cour d'appel fédérale écrivait :

Lorsqu’il certifie une question […], le juge des requêtes doit être d’avis que cette question transcende les intérêts des parties au litige, qu’elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale […]

 

[54]           En l’espèce, je suis d’avis qu’aucune des questions proposées ne répond au critère.

 

[55]           Les deux premières questions ne sauraient être examinées dans l’abstrait. Elles ne peuvent être dissociées d’un ensemble précis de faits. Par ailleurs, elles ne seraient pas déterminantes dans la présente demande. La Commission a jugé que la preuve ne permettait pas de conclure que les ennuis passés de la demanderesse se répéteraient dans la région visée par la PRI, mais on ne saurait dire que la Commission n’a pas tenu compte des ennuis passés de la demanderesse quand elle s’est interrogée si la demanderesse serait ou non exposée à un risque dans la région de la PRI. La demanderesse exprime simplement son désaccord quant au poids que la Commission a donné à la preuve, ce qui montre que la question est tributaire des faits.

 

[56]           Vu ma conclusion selon laquelle la Cour n’a pas à examiner les questions d’équité procédurale qui ont été soulevées pour la première fois au cours de l’audience, les questions 2 et 3 ne sauraient être déterminantes dans l’affaire. En outre, je suis d’avis que, comme les deux premières questions, les deux questions sont tributaires des faits et ne sauraient être tranchées dans un contexte théorique.

 

[57]           Je considère aussi que la cinquième question ne permettrait pas elle non plus de trancher la présente demande. La demanderesse affirme que les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe obligent la Commission à considérer la vulnérabilité en fonction du sexe dans l’examen du premier volet du critère de la PRI, même si la demande d’asile ne procède pas d’une crainte de persécution fondée sur le sexe. Malheureusement, je suis d’avis que l’argument de la demanderesse équivaut à obliger la Commission à s’interroger si le demandeur d’asile est vulnérable en raison de son sexe toutes les fois qu’il s’agit d’une femme, quand bien même elle ne prétendrait pas que sa crainte de persécution tient à son sexe. À mon humble avis, j'estime que les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne sauraient autoriser une telle affirmation. Il est clair que, pour que lesdites Directives entrent en jeu, la demanderesse doit donner à entendre que sa crainte est d’une manière ou d’une autre liée à son sexe. Cette position s’accorde avec la jurisprudence de la Cour sur la question (Walcott c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 505 (disponible sur CanLII); Plaisimond c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 998, 92 Imm. L.R. (3d) 275). En l’espèce, la demanderesse n’a jamais dit qu’elle craignait la persécution en raison de son sexe, et aucune preuve n’a été produite en ce sens. Au contraire, la demanderesse dit que son fils et sa famille ont subi les mêmes traitements. À un certain moment durant l’audience tenue devant la Commission, elle a même ajouté qu’elle craignait davantage pour son fils que pour elle-même.

 

[58]           Une mise en garde s’impose. Selon les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, la Commission doit, dans l’examen d’une PRI, tenir compte de l’aptitude des femmes, en raison de leur sexe, à se rendre en sécurité dans la région visée par la PRI et à rester dans cette région sans y rencontrer de difficultés excessives. C’est exactement ce que la Commission a fait ici. Elle a tenu compte du sexe de la demanderesse pour savoir si la région visée par la PRI était raisonnable, et la demanderesse n’a pas contesté cette conclusion.

 

[59]           Je suis donc d’avis que la cinquième question proposée ne peut être certifiée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1790-11

 

INTITULÉ :                                       TATYANA LEBEDEVA c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

 

POUR LA DEMANDERESSE

Alexander Menticoglou

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

David Matas

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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