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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111014

Dossier : IMM-691-11

Référence : 2011 CF 1152

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2011

En présence du juge en chef par intérim

 

 

ENTRE :

 

RIZWANA ANSAR, VAHID ANSAR,
AROSA ANSAR, NAVID ANSAR
ET HAMARA ANSAR

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 26 (la LIPR), le contrôle judiciaire et l’annulation d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) en date du 10 décembre 2010. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de « réfugié[s] au sens de la Convention » ni celle de « personne[s] à protéger » selon les articles 96 et 97 de la LIPR.

I. Faits allégués par les demandeurs

[2]               Les demandeurs, Rizwana Ansar (la demanderesse principale) et ses quatre enfants, Vahid Ansar, Arosa Ansar, Navid Ansar et Hamara Ansar, sont tous citoyens du Pakistan. Le 11 avril 2003, ils sont entrés au Canada munis de visas délivrés sur la base de la croyance erronée que le mari de la demanderesse principale, Ansar Iqbal, avait déjà obtenu le statut de résident permanent. Dans la demande de résidence permanente de M. Iqbal, les demandeurs étaient considérés comme des personnes à charge et ont donc été autorisés à demeurer au Canada.

[3]               Le 12 mars 2008, la SPR a annulé la décision d’accorder le statut de réfugié à M. Iqbal. Elle a jugé que ce statut lui avait été octroyé sur la foi d’une fausse identité, de documents contrefaits et d’allégations inventées. En conséquence, les demandeurs demandent désormais l’asile pour eux‑mêmes; ils ont déposé des Formulaires de renseignements personnels (FRP) le 20 février 2009.

[4]               La demanderesse principale craint qu’elle-même et ses enfants ne soient persécutés par Altaf Choudhry, son cousin et l’oncle de son mari, s’ils rentrent au Pakistan. Mme Ansar estime que les problèmes entre sa famille et M. Choudhry remontent à 1995, alors que circulaient des rumeurs selon lesquelles la femme de M. Choudhry entretenait des relations inappropriées avec d’autres hommes. Dans son témoignage, Zulfiqar Ali, le frère de Mme Ansar, a déclaré que leur père était l’auteur des rumeurs, qu’elles étaient fondées et que par conséquent, M. Choudhry et sa femme avaient été exclus de la famille et qu’il était interdit de communiquer ou de traiter avec eux.

[5]               En 2000, il semble qu’un membre de la famille vivant aux États-Unis ait aidé M. Ali et M. Choudhry à se réconcilier. En mars de la même année, M. Iqbal s’est rendu aux États-Unis et pendant plus d’une année, il a vécu avec M. Choudhry. Mme Ansar prétend que durant cette période, M. Choudhry a profité de son mari, qu’il l’a manipulé, qu’il l’a traité en otage et qu’il a caché son passeport et ses autres pièces d’identité. M. Choudhry aurait exigé que M. Iqbal divorce d’avec Mme Ansar et que leur fille, Arosa Ansar, épouse un cousin. Dans son témoignage, Mme Ansar a déclaré que M. Choudhry avait même menacé de faire enlever Arosa et de la marier de force si cela était nécessaire.

[6]               Mme Ansar affirme qu’en mai 2001, M. Iqbal, incapable de tolérer davantage d’être traité ainsi par M. Choudhry, a trouvé refuge au sein d’une communauté pakistanaise de Montréal. Elle explique que son mari avait été forcé d’obtenir de faux documents parce que M. Choudhry refusait de lui rendre son passeport et qu’il avait utilisé une fausse identité pour que M. Choudhry ne puisse pas le retracer.

[7]               Puis, en janvier 2002, M. Ali a acheté une station-service de M. Choudhry, faisant du coup preuve d’un jugement discutable. Six mois plus tard, M. Choudhry a exigé que la station‑service lui soit restituée. La dispute s’est envenimée à un point tel que M. Ali a fait arrêter M. Choudhry. M. Ali a fait appel à la police une deuxième fois en 2003 parce que M. Choudhry continuait de le menacer et depuis, il a intenté une action en justice pour que soit réglé leur différend commercial.

[8]               En octobre 2006, alors qu’il rendait visite à son père malade au Pakistan, M. Ali a été agressé par deux hommes qui auraient été envoyés par M. Choudhry. Au cours d’un autre séjour effectué en juillet 2007, pas moins de quinze hommes sont venus pour voir M. Ali, à trois occasions distinctes. À la suite d’une altercation, deux hommes ont été arrêtés : ils auraient avoué avoir été payés par M. Choudhry qui, selon leurs dires, avait également orchestré l’agression qui avait eu lieu en 2006.

[9]               Mme Ansar allègue que M. Choudhry a menacé les demandeurs sans relâche, même après leur départ du Pakistan en 2003. Ils craignent maintenant que M. Choudhry mette finalement ses menaces à exécution s’ils sont contraints de rentrer au pays.

II. Décision contestée

[10]           La SPR a tiré plusieurs conclusions défavorables quant à la crédibilité du récit, dont les suivantes :

1.      Puisque la demande d’asile présentée par M. Iqbal en 2001 ne reposait sur aucune des allégations maintenant formulées à l’endroit de M. Choudhry, il faut en conclure que ces événements ne se sont vraisemblablement pas produits ou du moins, qu’ils n’étaient pas suffisamment importants pour constituer une crainte fondée de persécution.

2.      La SPR s’est demandé pourquoi les demandeurs n’avaient subi aucun préjudice ni reçu aucune menace dans les années précédant leur départ du Pakistan en 2003, et ce, malgré le supposé refus de M. Iqbal de donner sa fille en mariage en 2000.

3.      Le tribunal a conclu que dans son témoignage, Mme Ansar s’était contredite en omettant de mentionner, dès le début, les menaces les plus récentes proférées par M. Choudhry. Il en a conclu qu’elle avait inventé ces dernières dans le but d’étayer sa demande.

4.      En ce qui concerne le témoignage de M. Ali voulant que M. Choudhry ait payé des hommes pour l’agresser au Pakistan, le tribunal a conclu que, peu importe qu’il soit vrai ou non, ce témoignage n’avait aucun rapport avec la question de savoir si les demandeurs craignaient avec raison d’être persécutés par M. Choudhry.

[11]           En conséquence, la SPR a mis en doute la crédibilité du récit principal des demandeurs et a conclu que la crainte de persécution de ces derniers n’était pas fondée. Le tribunal a aussi souligné qu’Arosa avait dit qu’elle préférerait rentrer au Pakistan plutôt que de rester seule au Canada sans sa famille. Cela signifiait que subjectivement, elle n’avait pas de motifs de craindre d’être persécutée au Pakistan.

[12]           Se fondant sur cette analyse et sur la preuve produite par les demandeurs, le tribunal n’a pas jugé vraisemblable que M. Choudhry puisse s’en prendre aux demandeurs si M. Iqbal et Mme Ansar refusaient de divorcer ou de donner leur fille en mariage. Il n’a pas non plus jugé vraisemblable que M. Choudhry puisse enlever Arosa Ansar et la forcer à épouser son neveu.

[13]           Enfin, la SPR a conclu qu’aucune preuve ne permettait de penser que les demandeurs ne bénéficieraient pas d’une protection adéquate de l’État. Le tribunal a donc conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de « réfugié[s] au sens de la Convention » ni celle de « personne[s] à protéger » selon les termes de la LIPR.

III. Position des parties

[14]           Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis plusieurs erreurs de droit susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Premièrement, ils font valoir que son examen des faits entourant la demande d’asile falsifiée de M. Iqbal constituait un abus de pouvoir. Ils allèguent que le tribunal s’est fondé sur les conclusions qu’il a tirées quant à la crédibilité de M. Iqbal pour rejeter l’ensemble des allégations des demandeurs et rejeter sommairement leur demande. Deuxièmement, les demandeurs estiment que le tribunal n’a pas tenu compte du bagage culturel d’Arosa Ansar lorsqu’il a tenté d’expliquer son refus de rester seule au Canada, et notamment, qu’il a fait abstraction des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) et du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

[15]           De son côté, le défendeur affirme que la demande présentée par les demandeurs était intrinsèquement incohérente et invraisemblable, que la conclusion de la SPR ne repose donc sur aucune erreur et que la seule question que la Cour doit examiner est celle de savoir si le tribunal a fondé sa décision sur une appréciation erronée de la crédibilité des demandeurs.

IV. Analyse

A. Norme de contrôle

[16]           La Cour est d’avis que la question déterminante en l’espèce est de savoir si la SPR a commis une erreur dans les conclusions qu’elle a tirées au sujet de la crédibilité. L’appréciation de la crédibilité relève du domaine d’expertise du tribunal et commande une retenue de la part de la Cour : la norme de contrôle applicable est donc la décision raisonnable (Aguirre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, [2008] A.C.F. no 732). Lorsqu’il faut déterminer si le tribunal a tenu compte comme il se doit des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, celles-ci deviennent subsumées sous la norme de la décision raisonnable, telle qu’elle s’applique aux conclusions sur la crédibilité (A.M.E. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 444, au paragraphe 8, [2011] A.C.F. no 589). L’analyse qui suit visera donc à établir si les conclusions de la SPR appartiennent « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir)).

B. La SPR a-t-elle commis une erreur en mettant en doute la crédibilité du récit principal des demandeurs?

[17]           D’entrée de jeu, il importe d’établir une distinction entre les conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité et sa conclusion voulant que le danger posé par M. Choudhry soit « invraisemblable ». Le tribunal doit être attentif à l’emploi qu’il fait de ce terme et de ses conséquences. Il ne peut conclure à l’invraisemblance que « dans les cas les plus évidents » (Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, au paragraphe 7, [2001] A.C.F. no 1131). Les inférences faites par le tribunal doivent être raisonnables et ses motifs doivent être formulés en termes clairs et explicites (R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 9, [2003] A.C.F. no 162). Ainsi que l’explique le juge Richard Mosley au paragraphe 15 de la décision Santos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 937, [2004] A.C.F. no 1149 :

[L]es conclusions sur la vraisemblance reposent sur un raisonnement distinct de celui des conclusions sur la crédibilité et peuvent être influencées par des présomptions culturelles ou des perceptions erronées. En conséquence, les conclusions d’invraisemblance doivent être fondées sur une preuve claire et un raisonnement clair à l’appui des déductions de la Commission et devraient faire état des éléments de preuve pertinents qui pourraient réfuter lesdites conclusions.
[Non souligné dans l’original.]

[18]           Dans l’affaire qui nous occupe, la SPR a apparemment conclu à l’invraisemblance du danger auquel les demandeurs se disaient exposés « [à] la lumière de l’analyse des éléments de preuve et des documents qui ont été présentés au nom des demandeurs d’asile » (dossier des demandeurs, à la page 11 (DD), décision de la SPR, au paragraphe 20), mais le tribunal a omis de faire état d’éléments précis de la preuve ou de son analyse. L’affirmation générale du tribunal ne satisfait pas à la norme exigeant qu’il déploie un raisonnement clair et mentionne les éléments de preuve pertinents, conformément à ce qu’énonce la jurisprudence citée précédemment. Nous sommes forcés de présumer que son « analyse » renvoie à ses conclusions relatives à la crédibilité des demandeurs, lesquelles forment la majeure partie de sa décision. Si elles étaient raisonnables, ces conclusions suffiraient à elles seules à justifier la conclusion d’ensemble de la SPR. Malheureusement, j’estime en fait qu’elles ne le sont pas.

[19]           Premièrement, je ne souscris pas à la conclusion du tribunal voulant que, parce que Arosa a déclaré qu’elle préférerait rentrer au Pakistan que de rester seule au Canada sans sa famille, « [elle] ne craint pas subjectivement d’être persécutée » (DD, à la page 1, décision de la SPR, au paragraphe 20). Que le tribunal interprète ainsi le désir d’une jeune fille de dix-neuf ans de ne pas être séparée de ses parents et de ses quatre frères et sœurs est déraisonnable. De plus, le fait pour un commissaire d’interroger de la sorte une jeune femme pakistanaise fait preuve d’un mépris total des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe de la CISR et de la preuve documentaire dont il est saisi. Dans les réponses aux demandes d’information (RDI) de la CISR (PAK102656.EF), publiées le 4 décembre 2007, on peut lire qu’il est très difficile aux jeunes femmes de toutes les classes de vivre seules au Pakistan. Il est incontestablement déraisonnable que le tribunal n’en ait pas tenu compte lorsqu’il a interrogé Arosa et qu’il n’ait pas non plus cherché à comprendre pourquoi elle ne souhaitait pas rester seule au Canada, étant donné son âge et son bagage culturel. Le tribunal aurait dû, à tout le moins, vérifier si Arosa comprenait que la situation d’une jeune femme vivant seule au Canada était très différente de celle à laquelle elle pouvait s’attendre au Pakistan, comme en témoignent les RDI de la CISR.

[20]           J’aborderai maintenant un deuxième aspect problématique des conclusions sur la crédibilité en ce qui concerne la demande d’asile de M. Iqbal. Dans son analyse, la toute première conclusion tirée par le tribunal est que, puisque la demande de M. Iqbal ne s’appuie sur aucune des allégations faites contre M. Choudhry, « il y a lieu de croire, selon toute vraisemblance, qu[e les incidents allégués] ne se sont jamais produits ou du moins que leur ampleur ne permettrait pas d’établir que la crainte de persécution est fondée » (DD, à la page 8, décision de la SPR, au paragraphe 10). Par cette seule affirmation, le tribunal semble discréditer la majeure partie, sinon la totalité du récit des demandeurs : les rumeurs lancées en 1995 et le fait qu’on ait exigé de M. Iqbal qu’il divorce d’avec Mme Ansar et qu’il donne sa fille Arosa en mariage. Il n’est pas étonnant qu’en conséquence, les demandeurs estiment que le tribunal a rejeté sommairement leur demande en se fondant uniquement sur la précédente demande d’asile de M. Iqbal; il n’est pas non plus étonnant qu’ils mettent en doute l’objectivité des conclusions qu’il a tirées par la suite quant à la crédibilité, ayant constaté que leurs principales allégations semblaient déjà avoir été écartées. Que le tribunal ait eu ou non cette intention, la déclaration par laquelle le tribunal a sommairement rejeté les allégations des demandeurs ne satisfait pas à la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Dunsmuir, précité. Dans le même ordre d’idées, il était tout aussi déraisonnable de conclure, sans autres explications, qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte du fait que M. Choudhry payait les hommes qui s’attaquaient à M. Ali au Pakistan pour déterminer si les demandeurs craignaient avec raison d’être persécutés par M. Choudhry.

[21]           Il est une autre erreur de la SPR qui ne peut être ignorée, soit le fait qu’elle ait affirmé que les demandeurs n’avaient reçu aucune menace au cours des années précédant leur départ du Pakistan en 2003, malgré le refus de M. Iqbal de donner sa fille en mariage en 2000 (DD, à la page 8, décision de la SPR, au paragraphe 12). La SPR semble faire abstraction des déclarations faites par Mme Ansar tant dans son FRP (DD, à la page 18, FRP, aux lignes 79 à 87) qu’à l’audience (dossier du tribunal, à la page 367, transcription de l’audience, à la page 17), déclarations qui indiquent clairement qu’elle a été menacée par M. Choudhry avant son départ.

[22]           Enfin, j’estime qu’il est erroné de la part de la SPR de conclure que Mme Ansar avait inventé les menaces dans le but d’étayer sa demande en s’appuyant sur une contradiction dans son témoignage (DD, à la page 8, décision de la SPR, au paragraphe 14). La contradiction alléguée porte sur le fait qu’elle a dit que sa belle-mère avait reçu des menaces de M. Choudhry six mois auparavant. Le commissaire a demandé à Mme Ansar pourquoi elle n’avait pas fait état des menaces plus tôt : [traduction] « Pouvez-vous expliquer pourquoi cela n’est pas désigné comme étant une modification ou pourquoi vous ne l’avez pas dit dès le départ lorsque nous vous avons demandé, lorsque le commissaire vous a demandé si vous aviez quoi que ce soit à ajouter? » [Non souligné dans l’original.] À cette question, l’interprète à répondu : [traduction] « Je vous demande pardon, elle a dit : “je ne m’en souvenais pas”. Elle a employé le mot, le mot anglais [correspondant à] connaissance […] » (Dossier du tribunal, à la page 391, transcription de l’audience, à la page 41.) Le tribunal s’est appuyé sur cette réponse pour affirmer ce qui suit : « Priée de préciser la raison pour laquelle elle n’avait pas mentionné cet incident au début de l’audience lorsque la question lui a été posée, [Mme Ansar] a répondu qu’elle [ne] s’en […] souven[ait pas]. Le tribunal met en doute la véracité de cette réponse et croit que la demandeure d’asile principale essayait de renforcer sa demande d’asile […] » [Non souligné dans l’original.] (DD, à la page 9, décision de la SPR, au paragraphe 14.)

[23]           D’abord, les faits sur lesquels le tribunal fonde sa conclusion sont inexacts. Contrairement à ce que le commissaire a déclaré et à ce que le tribunal a écrit dans ses motifs, ce n’est pas à Mme Ansar que l’on a demandé de faire mention des récents incidents, mais plutôt à son conseil. À la lecture de la transcription, on se demande même si le conseil a bien compris la question (dossier du tribunal, à la page 360, transcription de l’audience, à la page 10). De plus, l’échange a eu lieu à l’ouverture de l’audience lors d’une discussion sur la procédure entre le président de l’audience et les conseils, et rien ne me permet de conclure que Mme Ansar a compris que cette discussion se soit transformée en une invitation à témoigner qui lui était adressée. J’estime déraisonnable que le tribunal ait conclu, à partir de ce seul échange, que Mme Ansar avait tenté d’étayer sa demande.

[24]           Par ailleurs, Mme Ansar a fait allusion de façon constante aux menaces continuelles qu’elle recevait de M. Choudhry. Elle en a traité dans son FRP : [traduction] « [A]ujourd’hui encore, il crie après la mère de mon mari parce qu’elle nous a permis de quitter le Pakistan et il continue de jurer sur un ton menaçant qu’il entend veiller à ce que notre vie au Canada soit misérable. » (DD, à la page 19, affidavit de la demanderesse principale, aux lignes 103 à 105.) À l’audience, quand on l’a interrogée au sujet de M. Choudhry, Mme Ansar a été tout aussi cohérente et franche, déclarant qu’elle restait en contact avec sa belle-famille et que celle-ci lui avait dit que M. Choudhry continuait de proférer des menaces lorsqu’il se rendait au Pakistan (dossier du tribunal, aux pages 368 à 370, transcription du tribunal, aux pages 18 à 20). Au vu du FRP de la demanderesse principale et de son témoignage oral, il était déraisonnable de conclure qu’elle avait inventé les dernières menaces alors que ces dires sont compatibles avec le récit qu’elle a donné jusqu’à présent. À mon avis, ces nouvelles menaces n’ont pas une grande incidence sur la demande de Mme Ansar, mais il est certain que les conclusions erronées du tribunal lui ont nui.

[25]           L’analyse que la SPR a faite de la crédibilité des demandeurs était incomplète et déraisonnable. La demande est accueillie et l’affaire sera renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour une nouvelle décision. L’affaire ne soulève aucune question à certifier et les parties n’en ont proposé aucune.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision. Aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                                  « Simon Noël »

Juge en chef par intérim

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-691-11

 

INTITULÉ :                                       RIZWANA ANSAR ET AL. c. M.C.I.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 4 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Noël, juge en chef par intérim

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dan Bohbot

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Leticia Mariz

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dan M. Bohbot

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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