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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111020


Dossier : IMM-1120-11

Référence : 2011 CF 1199

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2011

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

 

LING LING HE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du 31 janvier 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a estimé que la demanderesse n'avait ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens respectivement des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

I.          Les faits

[3]               La demanderesse, Ling Ling He, est une citoyenne de la République populaire de Chine (la RPC). En septembre 2009, elle est arrivée au Canada et a présenté une demande d'asile. Elle craint d'être persécutée en Chine en raison de sa foi catholique romaine.

 

[4]               La demanderesse résidait à Fu Qing, dans la province du Fujian. Sa grand-mère l'avait initié au catholicisme en octobre 2007. Elle a commencé à dire son chapelet et à prier chez elle. Un mois plus tard, elle a commencé à fréquenter une église clandestine. Elle a reçu le baptême et la confirmation en mars 2008.

 

[5]               Le groupe de fidèles qui fréquentaient l'église de la demanderesse distribuait des dépliants religieux dans des lieux publics. Le 2 août 2008, la demanderesse agissait comme vigie pour les membres du groupe qui plaçaient des dépliants dans un parc. Elle affirme que deux membres de son groupe ont été arrêtés et que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) s'est mis à sa recherche.

 

II.         La décision

[6]               La Commission a conclu que la demanderesse était une pratiquante catholique romaine authentique, mais qu'elle pouvait retourner dans la province du Fujian et continuer à pratiquer sa religion.

 

[7]               Une question de crédibilité se posait quant à savoir si les autorités s'étaient véritablement montrées intéressées à la demanderesse. Vu la présumée arrestation d'autres membres du groupe et des demandes de renseignements formulées par le BSP au sujet de la demanderesse, il était raisonnable de s'attendre à ce qu'un mandat d'arrestation ou une sommation soit laissé aux membres de sa famille. Or, rien ne permet de penser que c'est effectivement ce qui s'est produit.

 

[8]               De plus, la Commission a examiné des éléments de preuve documentaire portant sur la situation à laquelle étaient exposés les catholiques de la province du Fujian et sur les relations entre le gouvernement chinois et le Saint-Siège. La Commission a conclu que l’Église catholique était forte dans la province du Fujian. Les églises non enregistrées comptaient un grand nombre de membres et étaient bien organisées, ce qui permettait donc à la demanderesse de retourner en Chine pour y pratiquer librement sa religion. La Commission a pris acte d'éléments de preuve portant sur des persécutions sporadiques des dirigeants religieux tels que les évêques et les prêtres. Cette situation était toutefois différente de celle de la demanderesse, qui n'était qu'une simple fidèle. En conséquence, la Commission a jugé que la demanderesse ne s'était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'il existait une possibilité sérieuse qu'elle soit persécutée ou qu'elle soit exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements cruels et inusités si elle retournait en RPC.

 

III.       La question en litige

[9]               La demanderesse soulève la question suivante :

a)         L'évaluation que la Commission a faite du fondement objectif de la demande de la demanderesse était-elle raisonnable?

 

IV.       La norme de contrôle

[10]           L'évaluation des risques auxquels serait exposé un demandeur est une question mixte de fait et de droit qui est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (voir, par exemple, le jugement Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 811, 2011 CarswellNat 2540, aux paragraphes 21 à 26).

 

[11]           Ainsi qu'il est précisé dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47, « le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

 

V.        L’analyse

[12]           Il semble que la demanderesse n'a invoqué qu'un seul argument en se fondant sur la décision rendue par le juge Michel Shore dans l'affaire Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 65, 2011 CarswellNat 129. Dans cette affaire, il a été jugé que la Commission n'aurait pas dû se fonder sur la taille du groupe religieux du demandeur, compte tenu des éléments de preuve suivant lesquels des descentes étaient effectuées dans les églises indépendamment de leur taille, pour conclure qu'il n'existait pas de motifs suffisants pour établir le bien-fondé de la crainte de persécution advenant le cas où l'intéressé retournerait en RPC et y pratiquerait sa religion dans une église clandestine.

 

[13]           La demanderesse affirme que la décision rendue par la Commission dans l'affaire Liang, précitée, est presque identique à la sienne et qu'elle est tout aussi déraisonnable. Dans les deux cas, la Commission a convenu que les intéressés étaient d'authentiques catholiques de la province du Fujian. La demanderesse signale que la Cour a fait des déclarations au sujet des difficultés associées à la pratique de la religion dans cette région. Il existe également des éléments de preuve documentaire récents au sujet des risques auxquels sont exposées les églises clandestines. Suivant la demanderesse, il s'ensuit qu'il existe plus qu'une simple possibilité qu'elle soit persécutée pour des motifs religieux. Elle n'a pas été en mesure de pratiquer librement sa foi.

 

[14]           Le défendeur affirme que la demanderesse a tort de se fonder sur le jugement Liang, précité. Dans des décisions subséquentes dans lesquelles la Cour a examiné le jugement Liang, il a été souligné que chaque cas est un cas d'espèce et que l'issue de chaque cas dépend de l'appréciation qu'en fait la Commission (voir, par exemple, le jugement Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 941, 2011 CarswellNat 2977, au paragraphe 47; Yang, précité). Le jugement Yang ne saurait être considéré comme un précédent qui s'applique de façon générale à tous les demandeurs chinois qui affirment être persécutés pour des raisons d'ordre religieux lorsque le litige porte sur la question de savoir si l'on a accordé suffisamment de poids à des renseignements précis portant sur des églises clandestines.

 

[15]           Je suis du même avis que le défendeur. La situation de la demanderesse n'est pas identique à celle du demandeur dans l'affaire Liang, précitée. Elle ne prétend pas que son église a été détruite par le BSP, mais explique que deux membres de son groupe ont été arrêtés pour avoir distribué des feuillets en public. Rien ne permet de penser que la taille de l'église que fréquentait la demanderesse est un élément dont la Commission a tenu compte, contrairement à l'affaire Liang, dans laquelle cet aspect a joué un rôle déterminant.

 

[16]           L'appréciation que la Commission a faite du cas de la demanderesse était raisonnable. La Commission a tenu compte d'éléments de preuve documentaire provenant de diverses sources et a pris acte de divers éléments de preuve concernant les catholiques de la province du Fujian. La Commission a reconnu que les dirigeants religieux avaient été ciblés par les autorités dans le passé, mais que ce facteur revêtait moins d'importance pour la demanderesse, qui n'était qu'un simple membre d'une église clandestine. Il était loisible à la Commission d'accorder une plus grande importance aux éléments de preuve documentaire, compte tenu des réserves qu'elle avait au sujet de la crédibilité du témoignage non corroboré donné par la demanderesse au sujet de l'arrestation de membres de son groupe religieux (voir le jugement Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 310, 2010 CarswellNat 632, aux paragraphes 24 à 38).

 

[17]           Il ne faut jamais oublier que « [c]haque affaire est différente et est composée d’une preuve documentaire unique » et que « [l]a prudence est de mise lorsqu’on applique les conclusions au sujet d’un pays d’une décision de la Cour à une autre décision » (Yu, précité, au paragraphe 22).

 

[18]           Malgré les prétentions de la demanderesse, la Commission a examiné la preuve documentaire et a évalué les risques particuliers auxquels elle était exposée. Notre Cour ne saurait conclure que l'évaluation que la Commission a faite du fondement objectif de la demande était déraisonnable compte tenu de la conclusion tirée dans le jugement Liang, précité.

 

VI.       Conclusion

[19]           C'est de façon raisonnable que la Commission a conclu que la demanderesse n'avait ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Elle pourrait retourner dans la province du Fujian en RPC et continuer à pratiquer sa religion catholique romaine.

 

[20]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1120-11

 

INTITULÉ :                                       LING LING HE c. MCI

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 4 OCTOBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                    LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 20 OCTOBRE 2011

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Lindsey Weppler

 

POUR LA DEMANDERESSE

A. Leena Jaakkimainen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Otis & Korman

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

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