Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111026

Dossier : IMM-214-11

Référence : 2011 CF 1185

Ottawa (Ontario), ce 26e jour d’octobre 2011

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Nelly Yuritzi LABASTIDA GUERRERO

Uriel Arturo CERVANTES JIMENEZ

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, par Nelly Yuritzi Labastida Guerrero et Uriel Arturo Cervantes Jimenez (les demandeurs). Le tribunal a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de « réfugiés » ni celle de « personnes à protéger » et a donc rejeté leur demande d’asile.

 

[2]          Les demandeurs sont jeunes époux et citoyens du Mexique. Le demandeur base sa revendication sur le récit de la demanderesse. Cette dernière travaillait comme analyste dans l’administration de la Police fédérale depuis janvier 2008 et ses fonctions lui donnaient accès à des bases de données concernant les renseignements personnels des policiers.

 

[3]          Une collègue de la demanderesse, Guadalupe, qui travaillait dans un autre département, aurait été approchée par des individus cherchant des renseignements personnels sur les policiers. Guadalupe aurait dénoncé ces individus auprès de la Police fédérale et aurait été transférée ailleurs. Le jour suivant, elle et son mari auraient été tués. Ceci se serait déroulé huit mois avant les événements en l’espèce.

 

[4]          Le 17 février 2009, la demanderesse aurait été menacée par un homme voulant de l’information sur certains policiers. Il aurait dit qu’il faisait partie de Los Zetas, un cartel mexicain puissant. Elle serait restée silencieuse et il serait parti. Le lendemain, les demandeurs auraient été suivis. Le 25 février, l’individu aurait menacé la demanderesse de nouveau en lui serrant le bras très fort et en lui disant que si elle et son mari ne collaboraient pas, ils se feraient tuer. Les demandeurs auraient décidé de faire une dénonciation auprès du Ministère public.

 

[5]          Le 26 février, la demanderesse aurait reçu un appel sur son cellulaire mentionnant la dénonciation et disant que la mort les guettait, elle et son conjoint. Les demandeurs ont donc décidé de quitter le Mexique. Ils sont arrivés au Canada le 2 mars 2009 et ont demandé l’asile le 10 mars.

 

* * * * * * * *

 

[6]          Le tribunal a conclu à un manque de crédibilité de la part de la demanderesse. Il a jugé que cette dernière n’a pas pu expliquer quel genre d’information les Zetas ont voulu qu’elle fournisse. Le tribunal n’a pas cru qu’au cours de trois incidents, les Zetas n’auraient pas mentionné quelles informations ils recherchaient. Comme la preuve documentaire démontre que Los Zetas constituent « le cartel le plus avancé technologiquement, le plus sophistiqué et le plus dangereux du Mexique », les Zetas, d’après le tribunal, auraient été plus spécifiques au sujet de ce qu’ils voulaient de la demanderesse.

 

[7]          De plus, la demanderesse n’a pas présenté une copie de la plainte qu’elle aurait faite auprès du Ministère public. Elle a allégué qu’elle pensait avoir une copie jusqu’au moment où la date de l’audience a été fixée; en rangeant son dossier elle aurait remarqué que la copie de la plainte n’y figurait pas. Elle aurait alors demandé à sa mère (toujours au Mexique) d’obtenir une copie, mais celle-ci aurait trouvé qu’après un an cela n’était plus possible. Le tribunal a jugé cette explication insuffisante, considérant qu’il revient à tout demandeur d’asile de suffisamment préparer son dossier. Le tribunal s’est trouvé justifié d’accorder une grande importance aux documents qui auraient étayé les allégations des demandeurs.

[8]          L’élément majeur qui a affecté la crédibilité de la demanderesse est le fait qu’elle n’a jamais dénoncé à son supérieur au sein de la Police fédérale les menaces qu’elle a reçues. Elle a dit avoir eu peur, surtout à cause de ce qui était arrivé à Guadalupe. Elle a dit en plus qu’elle craignait de compliquer les choses et qu’il s’agissait d’un processus trop long, l’obligeant à une relocation au niveau de son travail; elle ne se sentait pas le courage pour tout ça. Le tribunal a bien noté qu’une plainte auprès du Ministère public est un long procédé, mais que par ailleurs une plainte auprès de la Police fédérale est la façon la plus immédiate d’obtenir de l’aide. Cette omission de la part de la demanderesse a été jugée invraisemblable et a miné sa crédibilité.

 

[9]          Enfin, le tribunal a jugé que bien que la demanderesse a déposé un document au sujet de la mort de Guadalupe et de son mari, elle n’a toutefois pas pu prouver que Guadalupe avait été tuée par les Zetas.

 

* * * * * * * *

 

[10]      La seule question en litige est de savoir si la décision du tribunal est raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 au para 47). À mon sens, le tribunal, en l’espèce, pouvait, à la lumière de la preuve devant lui, raisonnablement conclure comme il l’a fait. Sa décision m’apparaît bien supportée par des éléments de preuve au dossier, notamment le témoignage de la demanderesse elle-même, les notes de l’agent d’immigration (pièce A-2) et le cartable national de documentation sur le Mexique (pièce A-1). Par ailleurs, les demandeurs ne m’ont pas satisfait que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments devant lui (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7).

 

* * * * * * * *

 

[11]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je suis d’accord avec les parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, concluant que les demandeurs n’avaient pas la qualité de « réfugiés » ni celle de « personnes à protéger », est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-214-11

 

INTITULÉ :                                       Nelly Yuritzi LABASTIDA GUERRERO, Uriel Arturo CERVANTES JIMENEZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claudette Menghile                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Catherine Brisebois                        POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claudette Menghile                                                       POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.