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Date : 20111025

Dossier : T‑2128‑10

Référence : 2011 CF 1220

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

BANDE INDIENNE DE LOWER NICOLA

 

demanderesse

 

et

 

CHARLENE JOE, MARCY GARCIA, DAVID CLAYTON,
STUART JACKSON, ROBERT STERLING fils et
MARY JUNE COUTLEE

défendeurs

 

et

 

CONSEIL DES AÎNÉS DE LA BANDE INDIENNE
DE LOWER NICOLA

intervenant

 

Dossier : T‑2127‑10

 

ET ENTRE :

 

MARY JUNE COUTLEE

demanderesse

 

et

 

CONSEIL DES AÎNÉS DE LA BANDE INDIENNE
DE
LOWER NICOLA et
LA BANDE INDIENNE DE LOWER NICOLA

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision et ordonnance du 1er décembre 2010, par laquelle le Conseil ad hoc des aînés de la bande indienne de Lower Nicola (le CAA) a tranché deux contestations d’élection, et conclu que les trois conseillers Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling fils, n’étaient pas admissibles à se présenter à l’élection, tenue le 2 octobre 2010, du chef et du conseil de la bande indienne de Lower Nicola (BILN), aux termes des [traductionRègles coutumières d’élection de la bande indienne de Lower Nicola (les RCE). Le CAA a décidé que les trois conseillers défaits, Charlene Joe, Marcy Garcia et David Clayton, ont été élus de façon rétroactive le 2 octobre 2010 (la décision).

 

[2]               Deux demandes de contrôle judiciaire ont été déposées relativement à cette affaire. La demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour no T‑2128‑10 a été déposée par la demanderesse, la BILN, et la demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour no T‑2127‑10 l’a été par la demanderesse, Mary June Coutlee, qui agissait en qualité de défenderesse dans le dossier précédent. Le protonotaire Lafrenière a ordonné ce qui suit :

[traduction] L’instruction des demandes de contrôle judiciaire se rapportant aux dossiers de la Cour nos T‑2127‑10 et T‑2128‑10 se poursuivra dans le cadre d’une instance réunie dans le dossier de la Cour no T‑2128‑10 (instance réunie).

 

 

[3]               La demanderesse demande :

1.                  une ordonnance de certiorari annulant la décision, et en particulier les paragraphes 2, 5 à 10 et 12 à 19 de cette dernière;

2.                  une ordonnance déclarant que le CAA n’a pas la compétence ou le pouvoir, en vertu des articles 25 à 30 des RCE, ou à aucun autre titre, de déroger aux articles 12 et 22 de ces règles et de déclarer un poste au conseil de la BILN vacant rétroactivement;

3.                  une ordonnance déclarant que le CAA n’a pas la compétence ou le pouvoir, en vertu des articles 25 à 30 des RCE, ou à aucun autre titre, de déroger à l’article 24 de ces règles et de pourvoir à une vacance de sièges au conseil de la BILN, que cette vacance découle ou non du résultat d’une contestation d’élection;

4.                  une ordonnance déclarant que compte tenu de la compétence et des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 25 à 30 des RCE, le CAA doit s’en tenir à déterminer si les motifs allégués dans les contestations soumises au fonctionnaire électoral en vertu de l’article 25 des RCE constituent des [traduction] « manœuvres corruptrices » ou des manquements auxdites règles; et que les questions ou les personnes n’ayant pas été soulevées ou nommées dans les contestations soumises au fonctionnaire électoral conformément à l’article 25 des RCE ne relèvent pas de la compétence du CAA d’effectuer des enquêtes, de rendre des décisions, et de formuler des commentaires ou des recommandations;

5.                  les dépens.

 

[4]               La défenderesse, Mary June Coutlee, demande :

1.                  une déclaration portant que le CAA a été irrégulièrement constitué, attendu qu’au moins l’un de ses membres ne répondait pas à l’exigence prévue à l’article 27 des RCE de la BILN, à savoir [traduction] « ne pas être en situation de conflit d’intérêts », et donc que l’ordonnance et la décision du CAA est sans effet;

2.                  subsidiairement, une ordonnance pour que les points 2 et 5 à 14 de l’ordonnance du CAA soient entièrement annulés;

3.                  les dépens de la présente instance, sur la base avocat‑client.

 

[5]               Les défendeurs Charlene Joe et David Clayton demandent :

1.                  que la décision du CAA soit confirmée;

2.                  ou, subsidiairement, que la décision soit renvoyée au même CAA;

3.                  ou encore, subsidiairement, si la décision est renvoyée à un CAA différemment constitué, que le chef de la BILN exerce tous les pouvoirs nécessaires à l’accomplissement des fonctions de la bande, jusqu’à ce qu’une décision concernant l’éligibilité des conseillers soit rendue;

4.                  que la(es) personne(s) agissant pour le compte de la BILN et ayant intenté cette poursuite soit(ent) condamnée(s) à payer leurs dépens sur la base d’une indemnisation complète.

 

Contexte

 

[6]               La BILN est une bande qui échappe à l’application de l’article 74 de la Loi sur les Indiens, L.R. 1985, c I‑5 (la Loi sur les Indiens), car ses RCE l’emportent sur cette loi en ce qui a trait à la tenue d’élections.

 

[7]               La BILN comprend environ 800 électeurs admissibles. Le RCE régit les élections du conseil de cette bande. Le conseil est composé du chef et de sept conseillers.

 

[8]               La BILN a déjà été partie à d’autres instances judiciaires devant la Cour. En 2008, son ancien chef, Donald Moses, avait nommé le Comité d’enquête des aînés (le CEA) pour qu’il enquête sur le chef et le conseil en poste de 2004 à 2007. La décision du CEA de 2009, aux termes de laquelle les conseillers Clyde Sam, Mary June Coutlee et Stuart Jackson ont été destitués et déclarés inéligibles aux prochaines élections, a fait l’objet d’un contrôle judiciaire instruit par la juge Danièle Tremblay‑Lamer dans l’affaire Basil c. Bande indienne de la basse Nicola, 2009 CF 741, 96 Admin LR (4th) 17. La juge Tremblay‑Lamer a fait droit au contrôle judiciaire, estimant entre autres que le CEA pouvait, dans le cadre de ses fonctions, formuler des recommandations et faire des enquêtes, mais qu’il n’avait pas de pouvoir décisionnel et que la destitution des conseillers était invalide. Au paragraphe 148 de ses motifs, la juge Tremblay‑Lamer recommandait que la BILN procède à un référendum sur les questions qui restaient à trancher. Ce référendum n’a jamais eu lieu.

 

[9]               Le 2 octobre 2010, la BILN a organisé une élection pour les postes de chef et de conseillers (l’élection). Le fonctionnaire électoral de la BILN (le fonctionnaire électoral) a déclaré après l’élection que Dick York avait été élu chef de la bande, et que Harold Joe, Mary June Coutlee, Lucinda Seward, Joanne Lafferty, Stuart Jackson, Robert Sterling fils et Molly Toodlican avaient été élus conseillers.

 

[10]           Les candidats défaits dans cette élection étaient Charlene Joe, Marcy Garcia, Arthur Dick, David Clayton, Clyde Sam, Norma Hall, Robin Coutlee, Austin Sterling et Joshua Dick.

 

[11]           Le 17 octobre 2010, la candidate défaite et défenderesse, Charlene Joe, soumettait une requête en contestation d’élection, en vertu de l’article 25 des RCE. Cette requête était signée par Charlene Joe, Charlotte Joe, Gene Moses, John Isaac et Robert (Butch) Sahara (l’appel Joe). Cette procédure était fondée sur les allégations suivantes :

1.                  Stuart Jackson, Mary June Coutlee, Robert Sterling fils, Arthur Dick et Clyde Sam ont contrevenu à l’alinéa 34b) des RCE en manquant à leurs obligations de fiduciaire pendant leur mandat de conseiller entre 2004 et 2007, comme l’a conclu le CEA en février 2009; ils étaient donc inéligibles et leurs noms ne pouvaient pas figurer sur le bulletin de vote;

2.                  Stuart Jackson, Mary June Coutlee, Robert Sterling fils, Arthur Dick et Clyde Sam ont contrevenu à l’alinéa 3d) des RCE en ne faisant pas savoir au fonctionnaire électoral qu’ils étaient endettés envers la BILN au moment de leur nomination et durant le processus électoral;

3.                  le fonctionnaire électoral a commis une erreur en permettant que les noms de Stuart Jackson, Mary June Coutlee, Robert Sterling fils, Arthur Dick et Clyde Sam figurent sur le bulletin de vote en vue de l’élection.

 

[12]           Une seconde requête en contestation d’élection a été soumise le 18 octobre 2010 par un autre membre de la BILN, Leesa Mike (l’appel Mike). Il se fondait sur les allégations suivantes :

            1.         David Clayton et Victor York ont posté leurs pamphlets électoraux gratuitement par l’entremise de NAIK News, une entreprise appartenant à la BILN;

            2.         cinq candidats dont le nom n’a pas été divulgué ont publié dans le Meritt Herald une publicité utilisant le logo de la BILN;

            3.         un grand panneau concernant Victor York a été installé près du bureau de vote le jour de l’élection;

            4.         l’ancien chef Don Moses a chargé des membres de la BILN [traduction] « de développer la plate‑forme de sa campagne »;

4.         l’ancien chef Don Moses, le conseiller Harold Joe et l’ancienne conseillère Connie Joe se sont entendus le 30 septembre 2010 pour verser à un ancien employé un montant supérieur à celui que recommandait l’avocate de la BILN;

5.         l’ancien chef Don Moses et Victor York ont coécrit une lettre contenant des allégations mensongères contre le candidat défait au poste de chef, Aaron Sam, et contre Molly Toodlican;

6.         l’ancien chef Don Moses, le conseiller Harold Joe et l’ancienne conseillère Connie Joe ont tenté d’obtenir des votes en faveur de candidats dont le nom n’a pas été divulgué en promettant de distribuer per capita aux membres de la BILN une somme de 1 900 $;

7.         des messages texte auraient été envoyés aux membres de la BILN, offrant à chacun d’eux une somme de 100 $ s’ils votaient pour Victor York.

 

[13]           Le 1er novembre 2010, le fonctionnaire électoral a convoqué une assemblée des aînés de la BILN afin qu’au moins cinq d’entre eux soient choisis pour former le CAA ad hoc chargé d’enquêter sur les appels Joe et Mike, conformément à l’article 26 des RCE. Huit aînés ont été désignés par tirage au sort : Joe Starrs, Len Stirling, John Isaac, Charlotte Joe, Robert (Butch) Sahara, Vonnet Hall, Donna Sterling et Gene Moses. Les aînés Gene Moses, Vonnet Hall et Donna Sterling ont démissionné pendant les discussions préliminaires.

 

[14]           Le 1er décembre 2010, le CAA rendait sa décision relativement aux appels Mike et Joe.

 

[15]           Cette demande de contrôle judiciaire concerne l’équité procédurale de cette enquête et de cette décision, car plusieurs parties allèguent que le CAA a fait preuve de partialité réelle ou qu’il y a eu partialité apparente. Les parties soulèvent également des questions au sujet de la compétence du CAA.

 

La décision du CAA

 

[16]           Le CAA a rejeté l’appel Mike, estimant que la preuve était insuffisante pour corroborer les allégations.

 

[17]           En ce qui concerne l’appel Joe, le CAA a conclu que :

1.                  Stuart Jackson, Mary June Coutlee, Robert Sterling fils, Arthur Dick et Clyde Sam avaient contrevenu à l’alinéa 34b) des RCE, étant donné que la Cour fédérale avait établi qu’ils avaient violé leur serment professionnel, fait un usage impropre des fonds de la bande et contrevenu aux lois et aux politiques de la BILN entre 2004 et 2007;

2.                  Stuart Jackson, Mary June Coutlee, Robert Sterling fils, Arthur Dick et Clyde Sam avaient contrevenu à l’alinéa 3d) des RCE en ne déclarant pas leurs dettes envers la BILN;

3.                  le fonctionnaire électoral a commis une erreur en permettant que les noms de Stuart Jackson, Mary June Coutlee, Robert Sterling fils, Arthur Dick et Clyde Sam figurent sur le bulletin de vote, et que ces candidats auraient dû reconnaître qu’ils devaient de l’argent à la BILN;

4.                  les élections de Stuart Jackson, Mary June Coutlee et Robert Sterling fils étaient [traduction] « frappées de nullité » dès le 2 octobre 2010 en raison de la malhonnêteté dont ils ont fait preuve en signant leur déclaration de nomination à l’intention du fonctionnaire électoral et de manœuvres corruptrices en rapport avec une élection – ils ont dissimulé leurs dettes envers la BILN et ont accepté leur nomination comme candidats à l’élection alors qu’ils connaissaient les conclusions d’ordre financier du CEA;

5.                  les trois conseillers défaits ayant remporté le plus grand nombre de votes après eux, à savoir Charlene Joe, David Clayton et Marcy Garcia, ont été déclarés élus conseillers de la BILN en date du 2 octobre 2010.

 

[18]           Le CAA a également émis des conclusions au sujet de trois autres conseillers vainqueurs à l’élection – elles ne sont pas mentionnées dans les requêtes en contestation d’élection.

 

[19]           Le 8 février 2011, le juge Simon Noël délivrait une ordonnance provisoire suspendant la décision rendue par le CAA en attendant que la présente demande de contrôle judiciaire soit instruite et qu’une décision soit rendue (Lower Nicola Indian Band c Joe, 2011 CF 147, [2011] ACF no 168). L’ordonnance prévoit :

[traductionLA COUR ORDONNE que :

 

1.         les questions telles que l’administration quotidienne, la prestation de services essentiels, les comptes payables ordinaires, la gestion du personnel administratif, les mesures urgentes de protection des droits des membres, les couvertures d’assurance et autres affaires semblables soient réglées par le conseil, tel qu’il est composé depuis l’élection du 2 octobre 2010 et conformément à la [traduction] Politique et aux lignes directrices de la bande indienne de Lower Nicola relatives au chef et aux conseillers;

 

2.         les trois (3) « conseillers » nommés soient avisés à l’avance de chaque réunion du conseil et autorisés à y assister sans être harcelés ou persécutés. Ils jouiront d’un droit restreint de participation dans les affaires susmentionnées, mais ne pourront voter sur les éléments énumérés plus haut au paragraphe 33 ni sur des questions analogues;

 

3.         les questions importantes touchant les intérêts à long terme des membres de la BILN soient tranchées par un conseil spécial constitué du conseil élu le 2 octobre 2010 et des trois (3) « conseillers » nommés par le CAA;

 

4.         les questions tranchées par le conseil entre le 2 octobre 2010 et aujourd’hui le soient à nouveau conformément à la présente ordonnance;

 

5.         les défendeurs Charlene Joe et David Clayton reçoivent signification à leurs adresses courriel, telles qu’elles apparaissent sur une lettre de M. Rolf datée du 2 février 2011;

 

6.         les présents motifs d’ordonnance et l’ordonnance soient largement publicisés, de toutes les manières jugées adéquates;

 

7.         l’instance se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale;

 

8.         le calendrier suivant soit respecté :

 

a)         la demande de contrôle judiciaire sera instruite à Vancouver (Colombie‑Britannique) les 22 et 23 mars 2011 de manière accélérée;

 

b)         les éléments de preuve déposés à l’appui de la requête en suspension provisoire et de l’injonction pourront être utilisés dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire;

 

c)         la demanderesse complétera son dossier conformément à l’article 306 des Règles en signifiant tout autre affidavit ou pièce documentaire d’ici le vendredi 11 février 2011;

 

d)         l’intervenant devra signifier tout affidavit ou pièce documentaire servant à expliquer le dossier du conseil des aînés d’ici le mercredi 16 février 2011;

 

e)         les défendeurs devront chacun compléter leur dossier conformément à l’article 307 des Règles en signifiant tout autre affidavit ou pièce documentaire d’ici le vendredi 18 février 2011;

 

f)          en l’absence d’ordonnance ultérieure de la Cour, aucun auteur d’affidavit ne sera contre‑interrogé;

 

g)         la demanderesse signifiera et déposera les éléments de son dossier visés à l’article 309 des Règles d’ici le mardi 22 février 2011;

 

h)         la défenderesse Coutlee signifiera et déposera les éléments de son dossier visés à l’article 310 des Règles d’ici le mercredi 2 mars 2011, lequel dossier devra contenir les observations écrites et tout affidavit ou pièce documentaire sur lesquels se fonde la défenderesse et qui ne figurent pas déjà dans le dossier de la demanderesse;

 

i)          les défendeurs Clayton et Joe signifieront et déposeront leur dossier conformément à l’article 310 des Règles d’ici le mercredi 9 mars 2011;

 

j)          l’intervenant pourra signifier et déposer un dossier d’ici le mercredi 16 mars 2011 : il devra contenir ses observations écrites conformément à l’ordonnance de la Cour lui octroyant le statut d’intervenant, ainsi que tout affidavit ou pièce documentaire sur lesquels il s’appuie et qui ne figurent pas déjà dans les dossiers de la demanderesse ou des défendeurs;

 

9.         la présente ordonnance pourra être modifiée par un juge de la Cour ou la personne que le juge en chef aura choisie pour s’occuper de cette instance;

 

10.       frais à suivre.

 

Le paragraphe 44 des motifs de l’ordonnance et l’ordonnance précisent que les dépens seront adjugés avec la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire.

 

Questions en litige

 

[20]           Les questions en litige sont les suivantes :

1.                  La BILN peut‑elle être partie à la procédure?

2.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

3.                  En rendant son ordonnance et sa décision, le CAA a‑t‑il fait naître une crainte raisonnable de partialité?

4.                  Quelle est la portée de la compétence du conseil des aînés constitué en vertu de l’article 27 des RCE?

5.                  Mesures de réparation.

 

Analyse et décision

 

[21]           Question 1

            La BILN peut‑elle être partie à la procédure?

            Les défendeurs David Clayton et Charlene Joe font valoir que la BILN ne pouvait présenter la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie. Ils mettent en doute la capacité de la BILN de solliciter un contrôle judiciaire à l’égard de l’élection du chef et du conseil tenue le 14 décembre 2010. Et quand bien même ce serait le cas, il n’en demeure pas moins que l’ordonnance rendue par le juge Simon Noël le 8 février 2011 créait un conseil spécial de la BILN appelé à reprendre toutes les décisions prises par le conseil de la BILN après le 2 octobre 2010 au sujet de questions importantes touchant les intérêts à long terme de la bande. D’après eux, comme le conseil spécial n’a pas réexaminé la décision de solliciter un contrôle judiciaire, la BILN n’a pas la qualité requise pour agir dans la présente instance.

 

[22]           Tout d’abord, le procès‑verbal de la réunion du 14 décembre 2010 du chef et du conseil de la BILN autorisait semble‑t‑il la bande à intenter une action en justice contre la décision du CAA. La motion no 9 du procès‑verbal se lit comme suit :

[traduction] Retenir les services de David Rolf du cabinet d’avocats Parlee : 1. Examiner la décision du CAA et sa validité; 2. Formuler des recommandations sur les mesures de réparation que la BILN pourrait obtenir; 3. Intenter toute action en justice qui s’avérerait nécessaire; 4. Obtenir un avis juridique écrit consacré point par point à la décision du CAA.

 

 

Le procès‑verbal nous apprend d’ailleurs que cette motion a été présentée par la conseillère Joanne Lafferty, secondée par la conseillère Molly Toodlican, puis adoptée.

 

[23]           J’y vois une indication suffisante que le chef et le conseil de la BILN étaient autorisés à solliciter un contrôle judiciaire si le cabinet d’avocats Parlee le leur recommandait.

 

[24]           En ce qui concerne le deuxième argument des défendeurs, ils ont raison de noter que le juge Noël a ordonné le 2 février 2011 que :

[traduction
3.         les questions importantes touchant les intérêts à long terme des membres de la BILN soient tranchées par un conseil spécial constitué du conseil élu le 2 octobre 2010 et des trois (3) « conseillers » nommés par le CAA;

 

Cependant, l’ordonnance précise également au paragraphe 8 que :

[traductionla demande de contrôle judiciaire sera instruite à Vancouver (Colombie‑Britannique) les 22 et 23 mars 2011 de manière accélérée;

 

 

[25]           Compte tenu de ce qui précède, le juge Noël n’a certainement pas voulu inclure la décision du chef et du conseil de solliciter un contrôle judiciaire dans celles que le conseil spécial devait réexaminer.

 

[26]           Les défendeurs David Clayton et Charlene Joe ont soumis de la jurisprudence pour étayer leur thèse voulant que la demanderesse n’ait pas qualité pour introduire la demande de contrôle judiciaire, car cela revenait en fait à demander le contrôle judiciaire de sa propre décision, le CAA et elle se confondant pratiquement. J’ai examiné les décisions Bacheli c Alberta Securities Commission, 2007 ABCA 166, [2007] AJ no 520 et Watson c Catney, 2007 ONCA 411, [2007] OJ no 231 (CA Ont.), mais je ne suis pas convaincu qu’elles aident la cause des défendeurs. Dans ces deux décisions, les tribunaux ont conclu que les demandeurs avaient effectivement sollicité le contrôle judiciaire de décisions qui étaient les leurs. Tel n’est pas le cas en l’espèce. La décision d’élire les conseillers initiaux était celle des membres de la bande qui ont voté pour eux, et non celle de la demanderesse, la BILN.

 

[27]           Je suis donc prêt à procéder avec l’intitulé actuel de l’action et la BILN comme partie.

 

[28]           Question 2

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Comme l’a noté le juge Noël en ce qui concerne l’injonction qui précédait le présent contrôle judiciaire, la Cour doit intervenir avec prudence dans les affaires politiques des Premières Nations (voir Première Nation de Sweetgrass c Gollan, 2006 CF 778, [2006] ACF no 969).

 

[29]           Cela dit, le chef et le conseil de la BILN ou des membres de la bande se sont présentés à plusieurs occasions devant la Cour pour demander une intervention judiciaire relativement aux affaires politiques et électorales de la BILN.

 

[30]           En l’espèce, plusieurs parties invoquent une crainte de partialité. La moindre appréhension raisonnable de partialité équivaudrait à un manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale. S’agissant de déterminer si la décision du CAA a été prise dans le respect de l’obligation d’équité procédurale, il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence et la décision sera examinée selon la norme de la décision correcte (voir Canada (Procureur général) c Fetherston, 2005 CAF 111, 332 NR 113, au paragraphe 16).

 

[31]           Dans la mesure où il tire sa légitimement sa compétence des RCE, le CAA est appelé à interpréter les règles de droit régissant la BILN et à prendre des décisions complexes de fait et de droit, comme l’a souligné la juge Tremblay‑Lamer dans Basil, précitée. Ce type de décision est assujettie à la norme de la raisonnabilité (voir Basil, aux paragraphes 37 et 38) :

37.       […] [L]es conclusions découlant de cette enquête constituent des questions mixtes de fait et de droit susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité; la question de savoir si une telle enquête relève bien de la compétence de la bande, toutefois, est assujettie à la norme de la décision correcte (Martselos c. Première nation n° 195 de la Salt River, [2008] A.C.F. n° 1053, 2008 CAF 221 (C.A.F.); Prince c. Première nation de Sucker Creek n° 150A, [2008] A.C.F. n° 1613, 2008 CF 1268 (C.F.)).

 

38.       Le CEA devait interpréter le droit de la [BILN] en vue d’établir quels critères les conseillers étaient tenus de respecter, et tirer de complexes conclusions de fait sur la foi des dossiers de la [BILN]. À ce titre, les questions soulevées dans le cadre de la présente demande sont des questions mixtes de fait et de droit, qui appellent la norme de la raisonnabilité. […]

 

 

[32]           Question 3

            En rendant son ordonnance et sa décision, le CAA a‑t‑il fait naître une crainte raisonnable de partialité?

            La demanderesse et la défenderesse Mary Jane Coutlee font valoir que l’enquête et la décision du CAA soulevaient une crainte raisonnable de partialité et qu’il y a effectivement eu partialité.

 

[33]           La demanderesse soutient que l’existence de liens de parenté entre des personnes siégeant au CAA et les conseillers défaits créait une situation de conflit d’intérêts. Charlotte Joe, aînée du CAA, est la mère de la défenderesse et conseillère défaite Charlene Joe. Elle est aussi la sœur de l’ancien chef Don Moses dont les activités pendant l’élection ont été contestées dans l’appel Mike.

 

[34]           De plus, la demanderesse fait valoir que plusieurs membres du CAA étaient en situation de conflit d’intérêts parce qu’ils avaient signé l’appel Joe. Charlotte Joe, Gene Moses, Robert (Butch) Sahara et John Isaac, tous des aînés membres du CAA, avaient signé l’appel Joe qui a donné lieu à la formation du CAA et à son enquête.

 

[35]           En outre, la demanderesse conteste le fait que Len Stirling du CAA ait déjà siégé au CEA et signé son rapport final de février 2009 par lequel on avait cherché à destituer les défendeurs Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling, qui siégeaient au conseil de la BILN de 2007 à 2010.

 

[36]           La demanderesse souligne également que Sharon McIvor, l’avocate du CAA, agissait aussi en cette qualité pour le CEA, ce qui créait un conflit d’intérêts.

 

[37]           Enfin, la demanderesse et la défenderesse Mary June Coutlee font valoir que des éléments de preuve indiquent que l’aînée, Charlotte Joe, était effectivement partiale. Lors d’une réunion du CAA le 2 novembre 2010, Charlotte Joe a déclaré : [traduction] « Regardez notre requête [l’appel Joe], elle est vraiment soignée et solide; et regardez la leur – elle est tellement insignifiante, ce n’est que du vent. »

 

[38]           Les défendeurs David Clayton et Charlene Joe soutiennent que les observations de la demanderesse sur la partialité ne peuvent, en application du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, c F‑7, être soulevées pour cause de prescription ou, subsidiairement, que le critère lié à la crainte raisonnable de partialité doit tenir compte des circonstances dans lesquelles le CAA s’acquitte de ses fonctions. Par exemple : près de 800 électeurs de la BILN sont éligibles; les aînés doivent être âgés de plus de 60 ans; peu d’aînés ont assisté à la réunion pendant laquelle le CAA a été constitué.

 

[39]           Les défendeurs David Clayton et Charlene Joe font également valoir que le fait qu’un aîné ait signé une requête en contestation d’élection ne justifie pas une crainte raisonnable de partialité, puisque la requête soulève des questions qui concernent l’ensemble de la BILN.

 

[40]           Ils soutiennent aussi que le fait qu’un aîné ait siégé au CEA ne soulève pas de crainte raisonnable de partialité. Compte tenu de la taille de la collectivité et du rôle important qu’y jouent les aînés, il est déraisonnable de s’attendre à ce que ces derniers n’aient pas une certaine expérience des problèmes délicats que doit traiter la BILN. Les défendeurs soutiennent aussi que les allégations de partialité fondées sur le fait que le CEA et le CAA avaient la même avocate ne sont pas pertinentes.

 

[41]           Enfin, les défendeurs David Clayton et Charlene Joe font valoir que le fait que Charlotte Joe ait siégé au CAA qui s’est prononcé sur la contestation initiée par Charlene Joe (l’appel Joe) n’entraînait pas l’existence d’une situation de partialité.

 

[42]           Tout d’abord, les observations de la demanderesse n’ont pas été soumises en dehors des délais prescrits. Le CAA a rendu sa décision le 1er décembre 2010. La demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire le 22 décembre suivant, ce qui était nettement à l’intérieur du délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[43]           La véritable question est de savoir s’il existait une crainte raisonnable de partialité. Le critère pertinent a été énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[…] [L]la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

 

[44]           Ce critère est repris par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au paragraphe 111 :

[…] C’est ce critère qui a été adopté et appliqué au cours des deux dernières décennies. Il comporte un double élément objectif : la personne examinant l’allégation de partialité doit être raisonnable, et la crainte de partialité doit elle‑même être raisonnable eu égard aux circonstances de l’affaire.

 

 

[45]           Ce critère ne s’appliquera pas nécessairement de façon stricte à la BILN. Comme il s’agit d’une bande d’environ 800 électeurs, il est difficile de constituer un conseil des aînés à l’abri de tout lien de parentés ou de relations d’affaires.

 

[46]           Dans la décision Sparvier c Bande indienne Cowessess no 73 (1993), [1994] 1 CNLR 182 (C.F. 1re inst.), le requérant qui sollicitait le contrôle judiciaire d’une décision rendue par un tribunal d’appel électoral, alléguait que celui‑ci avait fait preuve de partialité, car l’un de ses membres avait une relation d’affaires avec le demandeur qui avait comparu devant lui. Le juge Marshall Rothstein notait à ce propos que le critère en matière de partialité ne pouvait pas s’appliquer strictement à une petite bande de 408 électeurs participants; il déclarait aux pages 198 et 199 :

[…] il ne me semble pas réaliste de s’attendre à ce que les membres du tribunal d’appel, qui résident dans la réserve, n’aient eu aucun contact social, familial ou commercial avec un candidat à une élection. […]

 

Si on devait appliquer rigoureusement le critère de la crainte raisonnable de partialité, la légitimité des membres d’organismes décisionnels comme tribunal d’appel, dans les bandes peu nombreuses, serait constamment contestée pour des motifs de partialité découlant des liens de parenté qu’un membre de l’organisme décisionnel avait avec l’un ou l’autre des candidats éventuels. Une application aussi rigoureuse des principes relatifs à la crainte de partialité risque de mener à des situations où le processus électoral serait constamment menacé par de telles allégations. Comme l’a affirmé l’avocat des intimés, une telle paralysie de la procédure pourrait compromettre l’élection autonome des gouvernements de bandes.

 

 

[47]           Dans l’application du critère relatif à la crainte raisonnable de partialité, la Cour doit garder à l’esprit le contexte de la BILN, et plus particulièrement l’importance des aînés dans cette collectivité et de leur rôle. Je conviens avec les défendeurs David Clayton et Charlene Joe qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce que les aînés n’aient pas été confrontés aux problèmes de la BILN en ayant déjà siégé à des conseils d’aînés.

 

[48]           Cependant, il reste important que les conseils d’aînés ne provoquent pas de crainte de partialité. Qui plus est, l’article 27 des RCE prévoit expressément que les aînés siégeant à un conseil des aînés, tel que le CAA, ne doivent pas être en en situation de conflit d’intérêts.

 

[49]           Dans la décision sous examen, le fait que Charlotte Joe, une aînée du CAA, soit la mère de Charlene, la conseillère défaite ayant déposé la requête en contestation, suffit à créer une crainte raisonnable de partialité de la part du CAA. Suite à la décision du CAA, trois conseillers ont été destitués et remplacés par ceux qui ont remporté le plus grand nombre de votes après eux. La conseillère Charlene Joe était parmi ceux‑ci. L’argument des défendeurs selon lequel les agissements de Charlene Joe n’ont été contestés dans aucune requête en contestation d’élection est sans pertinence. La décision du CAA lui était favorable et son lien de parenté avec l’aînée Charlotte Joe créait à cet égard une crainte raisonnable de partialité.

 

[50]           Ce problème est aggravé par le fait que plusieurs autres aînés du CAA ont également signé l’appel Joe. Ils soutenaient de la sorte les allégations contenues dans ledit appel, ce qui créait à mon avis une crainte raisonnable de partialité parce qu’ils pouvaient croire, « consciemment ou non, [que le CAA] ne rendr[ait] pas une décision juste » (voir Committee for Justice and Liberty, précité, à la page 394). Charlotte Joe a elle‑même parlé de l’appel Joe comme s’il s’agissait du sien en déclarant à une réunion du CAA le 2 novembre 2010 : [traduction] « Regardez notre requête [l’appel Joe], elle est vraiment soignée et solide; et regardez la leur – elle est tellement insignifiante, ce n’est que du vent. »

 

[51]           La combinaison de ces facteurs a de toute évidence créé une crainte raisonnable de partialité telle qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale dans l’enquête et quant à la décision du CAA. Par conséquent, celle‑ci ne peut être confirmée.

 

[52]           Dès lors, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et l’ordonnance du 1er décembre 2010 du CAA est annulée, notamment les paragraphes 2, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19. L’affaire se rapportant à l’appel Joe est renvoyée à un nouveau conseil des aînés pour qu’il rende sa décision. Le montant des dépens reste à déterminer. La question des dépens sera tranchée suivant mon jugement du 23 septembre 2011.

 

[53]           La défenderesse Mary June Coutlee conteste le fait que les conclusions du CAA n’ont pas fait l’objet d’un scrutin secret. Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur cette question compte tenu de l’analyse ci‑dessus concernant la partialité et de la nécessité de renvoyer la décision du CAA pour ce motif.

 

[54]           Compte tenu de mes conclusions sur la question 3, je ne traiterai pas des autres questions soulevées dans la demande.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Le 25 octobre 2011

Ottawa (Ontario)

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

[traduction

Règles coutumières d’élection de la bande indienne de Lower Nicola

 

12 :      Les élections seront organisées tous les trois ans, le premier samedi d’octobre. Le chef et le conseil sortants resteront en fonction jusqu’à ce qu’un nouveau chef et un nouveau conseil soient désignés par le fonctionnaire électoral, conformément aux présentes règles.

 

Suite à cette désignation, le chef et l’ensemble des conseillers démissionneront de leur poste, quelle que soit la durée restante de leur mandat.

 

24 :      Si le poste du chef ou d’un conseiller devenait vacant plus d’un an avant la date prévue pour la prochaine élection, une élection partielle sera tenue dans les 90 jours de cette vacance de manière à pourvoir ce poste pour la durée restante du mandat. L’élection partielle devra être menée conformément aux présentes règles à tous les autres égards.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑2128‑10

 

INTITULÉ :                                                   BANDE INDIENNE DE LOWER NICOLA

‑ et ‑

CONSEIL DES AÎNÉS DE LA BANDE DE LOWER NICOLA ET AL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Les 22 et 23 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 25 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David C. Rolf

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jana McLean

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bull, Housser Tupper LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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