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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111101


Dossier : IMM-6206-10

Référence : 2011 CF 1246

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

RAJWINDER MEHMI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision rendue le 22 septembre 2010 (la décision) par le consul en matière d’immigration (le consul) du consulat général du Canada à Chandigarh, en Inde, qui a rejeté sa demande de permis de travail en application de l’article 112 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement).

 

LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est citoyenne de l’Inde. Le 20 novembre 2006, elle a signé un « contrat de travail en tant qu’aide familial » avec son employeure, Rita Mehmi, qui vit à Brampton, en Ontario. Elle devait s’occuper d’un enfant de deux ans, qu’elle serait chargée de surveiller, de laver, d’habiller et de nourrir, en plus de planifier, de préparer et de servir les repas. En 2006, Service Canada a rédigé un avis relatif au marché du travail (AMT) au sujet du contrat. Munie de l’AMT, la demanderesse a présenté une demande de permis de travail au consulat du Canada à Chandigarh dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants (PAFR). Le consulat a reçu sa demande (la demande) le 22 janvier 2007.

[3]               Le 22 septembre 2010, le consul a reçu la demanderesse en entrevue dans le but d’évaluer ses compétences en anglais pour l’application de l’alinéa 112d) du Règlement, qui prévoit qu’un permis de travail ne peut être délivré qu’à l’aide familial pouvant « parler, lire et écouter l’anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée ». Le consul a informé la demanderesse que l’entrevue visait à évaluer ses compétences linguistiques.

[4]               Pendant l’entrevue, le consul a posé plusieurs questions, dont certaines portaient sur les soins des enfants, d’autres sur la situation personnelle de la demanderesse et d’autres encore, sur son éducation et sa connaissance de la langue. La demanderesse a répondu à quelques-unes des questions mais n’a pu répondre aux autres et il lui est arrivé, quelquefois, de donner des réponses qui étaient sans rapport avec les questions posées. Le consul a mis fin à l’entrevue lorsqu’il est devenu évident que la demanderesse ne comprenait pas les questions qui lui étaient posées.

[5]               Ce même 22 septembre 2010, le consul a aussi examiné la demande à la lumière de l’entrevue et des documents présentés par la demanderesse, dont un relevé de notes délivré par l’université Guru Nanak Dev. Il a estimé que la demanderesse ne remplissait pas les conditions prévues à l’alinéa 112d) et a rejeté la demande. La demanderesse a été informée de la décision par lettre datée du 22 septembre 2010.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[6]               La décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire est formée de la lettre remise à la demanderesse et des notes du consul figurant dans le STIDI.

[7]               Le consul n’a pas été convaincu que la demanderesse maîtrisait suffisamment l’anglais pour s’acquitter des fonctions qu’elle devait exercer. Il a signalé que la demanderesse avait obtenu une note de 35 p. 100 en anglais lorsqu’elle étudiait à l’université Guru Nanak Dev et qu’elle avait dit avoir étudié l’anglais pendant trois mois et poursuivre ses leçons. Il a également constaté qu’à l’entrevue, la demanderesse avait de la difficulté à s’exprimer. Le consul a rejeté la demande parce qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse pourrait [traduction] « s’occuper de jeunes enfants dans une situation non supervisée et veiller à leur sûreté » ainsi que l’exigeait l’alinéa 112d) du Règlement.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[8]               La demanderesse soulève les deux questions suivantes :

a.                   Le consul a‑t‑il manqué à l’équité procédurale en se servant de l’entrevue pour évaluer ses compétences linguistiques?

b.                  Était-il raisonnable que le consul conclue qu’elle n’avait pas une connaissance suffisante de l’anglais?

LES DISPOSITIONS LÉGALES

[9]               La disposition suivante de la Loi s’applique en l’instance :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se  conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[10]           S’appliquent également les dispositions suivantes du Règlement :

Catégorie des aides familiaux

 

110. La catégorie des aides familiaux est une catégorie réglementaire d’étrangers qui peuvent devenir résidents permanents, sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

 

Traitement

 

111. L’étranger qui cherche à entrer au Canada à titre d’aide familial fait une demande

de permis de travail conformément à la partie 11, ainsi qu’une demande de visa de résident temporaire si ce visa est requis par la partie 9.

 

Permis de travail : exigences

 

 

112. Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l’étranger se conforme aux exigences suivantes:

 

d) il peut parler, lire et écouter l’anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée;

Live-in caregiver class

 

110. The live-in caregiver class is prescribed as a class of foreign nationals who may become permanent residents on the basis of the requirements of this Division.

 

 

Processing

 

111. A foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver must make an application for a work permit in accordance with Part 11 and apply for a temporary resident visa if such a visa is required by Part 9.

 

Work permits – requirements

 

112. A work permit shall not be issued to a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver unless they

 

 

 

 

(d) have the ability to speak, read and listen to English or French at a level sufficient to communicate effectively in an

unsupervised setting;

 

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]           La Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [200] A.C.S. no 9 (Dunsmuir), a décidé que l’analyse de la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée dans chaque instance. Plutôt, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise présentée à la cour est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent de déterminer la bonne norme de contrôle.

[12]           Dans de Luna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 726, [2010] A.C.F. no 882, le juge Leonard Mandamin s’est demandé s’il y avait eu atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale du fait qu’on lui avait administré un examen SPEAK (« Speaking Proficiency in English Assessment Knowledge », une évaluation de l’anglais parlé et des connaissances) plutôt que de lui faire passer une entrevue pour évaluer ses compétences linguistiques. Il a conclu par la négative. Dans Vila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 627, [2008] A.C.F. no 823, le juge John O’Keefe a conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale du fait que l’agent chargé de l’examen de la demande présentée en vertu du programme des aides familiaux avait omis de tenir compte des documents concernant la compétence de la demanderesse en anglais. Par ailleurs, dans Giacca c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 186, 200 F.T.R. 107, la juge Sandra Simpson a conclu à une atteinte à la justice naturelle parce que les écouteurs de la cabine ayant servi à évaluer les connaissances linguistiques de la demanderesse lors de l’entrevue fonctionnaient mal. Ces affaires montrent que la méthode choisie pour évaluer les compétences linguistiques des demandeurs est une question se rapportant à l’équité procédurale (voir également Kumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 770, [2011] A.C.F. no 970, et Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2006] A.C.F. no 1597, aux paragraphes 28 et 34.) C’est la décision correcte qui est utilisée comme norme de contrôle des questions d’équité procédurale(Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339). La norme de contrôle applicable à la première question en litige est donc la décision correcte.

[13]           Dans Dunsmuir, précité, la Cour suprême du Canada a écrit, au paragraphe 50 :

La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

[14]           Eu égard à la deuxième question en litige, le juge David Near a conclu, dans Kumar, précitée, que l’évaluation faite par un agent des compétences linguistiques d’un demandeur dans le cadre d’une demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés appelait la norme de raisonnabilité. Appliquant les critères de l’analyse pragmatique et fonctionnelle, antérieure à Dunsmuir, le juge Max Teitelbaum a conclu, dans la décision Al-Kassous c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 541, [2007] A.C.F. no 731, que la norme de contrôle applicable à l’évaluation des aptitudes linguistiques du demandeur par un agent était la décision raisonnable simpliciter. En outre, dans Jhattu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 853, [2005] A.C.F. no 1058, le juge O’Keefe a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision rendue par un agent à l’égard d’une demande de permis de travail était la décision raisonnable simpliciter. En l’instance, la demanderesse conteste l’évaluation que le consul a faite de ses compétences linguistiques, de sorte que la norme de contrôle applicable à la deuxième question en litige est la raisonnabilité.

[15]           Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la raisonnabilité, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. » Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

LES ARGUMENTS

La demanderesse

            L’agent a porté atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale

 

[16]           La demanderesse soutient que le consul a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale en s’en remettant uniquement à une entrevue pour évaluer ses connaissances linguistiques. Il s’agit d’un manquement à l’équité procédurale, les entrevues en personne étant subjectives, dénuées de caractère scientifique et peu fiables. Puisqu’on ne peut se fier à l’entrevue, il s’agit d’un manquement à l’équité procédurale en soi.

[17]           La demanderesse signale que selon le manuel OP‑6 de CIC, Travailleurs qualifiés (fédéral), qui traite des demandes présentées dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés (fédéral), les agents devraient recourir à des critères objectifs pour évaluer les connaissances linguistiques. Bien que le manuel OP-14, Traitement des demandes aux termes du programme des aides familiaux résidants, précise que l’agent devrait faire passer une entrevue à un demandeur s’il a des raisons de douter de ses connaissances linguistiques, la demanderesse affirme qu’on aurait dû lui permettre de passer un examen standardisé, tel que l’examen SPEAK. Elle ajoute que, suivant des lignes directrices particulières en vigueur à l’ambassade du Canada à Manille, les personnes qui présentent une demande au titre du PAFR devraient passer l’IELTS, un test d’anglais standardisé. La demanderesse n’a pas eu droit à l’équité procédurale parce qu’on ne lui a pas donné la possibilité de passer un examen standardisé.

[18]           Comme je l’ai dit plus haut, le juge Mandamin a estimé, dans l’affaire de Luna, que la demanderesse en cause n’avait pas été privée de son droit à l’équité procédurale parce qu’elle avait pu faire l’examen SPEAK. En l’espèce, la demanderesse affirme qu’il faut en conclure à une atteinte à son droit à l’équité procédurale parce qu’on ne lui a fait passer qu’une entrevue, et non un test standardisé.

            La décision du consul était déraisonnable

[19]            La demanderesse fait également valoir que la décision du consul selon laquelle elle n’avait pas les connaissances linguistiques nécessaires était déraisonnable parce qu’elle reposait sur des éléments de preuve non pertinents et sur une norme trop exigeante. Elle affirme que la norme appliquée lors de l’évaluation linguistique devrait être établie en fonction de l’objectif poursuivi par l’article 112 du Règlement. Cet article vise à faire en sorte que les aides familiaux aient les compétences voulues pour prodiguer des soins aux personnes au Canada. Puisque la demanderesse est censée prendre soin d’enfants, l’évaluation de ses compétences linguistiques aurait dû se faire en ayant à l’esprit les activités que comporte le soin des enfants. En évaluant ses compétences linguistiques à partir de questions portant sur des sujets non pertinents, comme son état civil, l’endroit où elle avait appris l’anglais et celui où elle vivait à l’époque, le consul a commis une erreur.

[20]           Aux dires de la demanderesse, ses compétences linguistiques auraient dû être jugées plus que suffisantes puisqu’elle a répondu correctement à dix des onze questions se rapportant au soin des enfants. Les questions auxquelles elle n’a pu répondre correctement étaient sans rapport avec sa capacité de prendre soin d’enfants et n’auraient pas dû être prises en compte dans l’évaluation faite par le consul. En obligeant la demanderesse à répondre correctement à des questions qui n’avaient aucun lien avec le travail envisagé, le consul a fixé la barre trop haut. La décision devrait être annulée au motif qu’elle est déraisonnable, parce que l’évaluation des connaissances linguistiques de la demanderesse a été faite en appliquant une norme trop exigeante par rapport à l’objet de l’article 112.

Le défendeur

            Il n’y a pas eu atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale

 

[21]           Le défendeur affirme que le consul n’a pas porté atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale en s’en remettant à l’entrevue. Le manuel OP‑6, Travailleurs qualifiés (fédéral), ne s’applique pas aux demandes présentées dans le cadre du PAFR. S’il est vrai qu’un test standardisé constitue un moyen approprié d’évaluer les connaissances linguistiques aux fins du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral), cela ne signifie pas que c’est également le cas pour le PAFR.

[22]           Le défendeur souligne que le manuel OP‑14, intitulé Traitement des demandes aux termes du programme des aides familiaux résidants, énonce clairement qu’il devrait, au besoin, y avoir une entrevue en vue d’évaluer les compétences linguistiques. Si le ministre a fait le choix d’une méthode d’évaluation – soit, dans le cas du PAFR, une entrevue au besoin – la Cour ne devrait pas intervenir pour modifier ce choix.

[23]           Selon le défendeur, la décision de Luna, précitée, établit simplement que l’examen SPEAK est l’un des moyens de garantir l’équité procédurale lors de l’évaluation des connaissances linguistiques. Dans cette affaire, il s’agissait de déterminer si la demanderesse avait eu la possibilité de dissiper les doutes du décideur concernant ses connaissances linguistiques. Le juge Mandamin a conclu que le fait de passer l’examen SPEAK lui avait donné cette possibilité. Dans la présente affaire, la demanderesse était dans la salle d’entrevue en compagnie du consul et elle a eu la chance de dissiper les doutes qu’il pouvait nourrir. Elle aurait pu alors proposer un autre mode d’évaluation, mais elle n’a pas saisi l’occasion de le faire. De plus, l’entrevue a permis d’évaluer avec justesse sa maîtrise de l’anglais. La décision devrait être maintenue parce qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.

            Il était raisonnable de conclure que les connaissances linguistiques de la demanderesse n’étaient pas suffisantes

[24]           La conclusion du consul selon laquelle la demanderesse ne répondait pas aux exigences de l’alinéa 112d) était raisonnable, même si la principale intéressée n’y adhère pas. Il s’agit d’une conclusion de fait qui commande la retenue judiciaire. À l’entrevue, la demanderesse a répondu incorrectement à un certain nombre de questions du consul; compte tenu de ces réponses, il était raisonnable que ce dernier en arrive à une telle conclusion.

[25]           Puisque la décision était raisonnable et qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, la décision du consul devrait être maintenue.

ANALYSE

[26]           La Cour n’a été saisie d’aucune preuve propre à démontrer que le consul a fait une évaluation inexacte ou inéquitable des connaissances linguistiques de la demanderesse. La demanderesse soutient que le défaut du consul de l’inviter à passer un test standardisé ou d’exiger qu’elle le fasse était en soi inéquitable. Elle insiste sur les pratiques adoptées à Manille et les divers usages qui y sont faits de l’examen SPEAK.

[27]            À mon avis, il se peut que dans certaines situations, l’administration d’un test standardisé puisse être nécessaire pour assurer l’équité de la procédure, mais je ne saurais affirmer que c’est toujours le cas. La demanderesse n’a produit aucune preuve en vue d’établir qu’un test standardisé est nécessaire pour vérifier la maîtrise d’une langue dans tous les cas ou qu’il s’agit d’une méthode d’évaluation préférable à l’entrevue en personne. La Cour peut difficilement dire si cela aurait changé quoi que ce soit en l’espèce parce que la demanderesse n’a pas fourni de preuve de l’inexactitude de l’évaluation du consul ou du fait qu’elle a été privée d’une véritable possibilité de faire la démonstration de ses compétences linguistiques. Elle demande simplement à la Cour de conclure dans l’abstrait qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale parce que le consul s’en est remis aux résultats de l’entrevue qu’elle a passée pour évaluer sa maîtrise de l’anglais.

[28]           C’est à la demanderesse que revenait le fardeau de fournir les renseignements qu’elle jugeait nécessaires pour convaincre le consul qu’elle répondait aux critères d’admissibilité du programme des aides familiaux. Voir Arumugam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 445, au paragraphe 29; Ling c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1030, au paragraphe 5; Hajariwala c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 79, [1998] A.C.F. no 1021. Le consul a senti qu’il ne pouvait poursuivre l’entrevue [traduction] « sans inclure les réponses possibles dans la question même », étant donné que la connaissance de l’anglais de la demanderesse était si faible.

[29]           Il n’y a tout simplement rien qui permette à la Cour de penser, compte tenu des faits de l’espèce, que le consul n’a pas accordé à la demanderesse la possibilité réelle de faire la démonstration de son niveau de compétence en anglais ou qu’il a tiré des conclusions erronées. Vraisemblablement, si la demanderesse estimait qu’elle avait été privée d’une telle possibilité, elle aurait produit des éléments de preuve en ce sens devant la Cour.

[30]           À ma connaissance, il n’existe pas de textes légaux ni de précédents jurisprudentiels portant que l’administration d’un test standardisé est nécessaire dans tous les cas pour assurer l’équité procédurale. Dans certaines situations, un tel test serait inutile. Selon le manuel OP‑14, dans de tels cas, la consigne à suivre est la suivante : « Si un agent a des raisons de douter des connaissances linguistiques du demandeur, il doit lui faire passer une entrevue. » Cette règle semble reconnaître le fait qu’une entrevue en personne constitue une procédure acceptable en ces circonstances. Je ne dis pas que cela sera suffisant dans tous les cas. Il se peut que l’administration d’un test standardisé soit la seule façon équitable d’évaluer les compétences de certains demandeurs. Cela dépendra en grande partie des circonstances de chaque affaire et du fait que l’entrevue a ou non permis au demandeur de se prévaloir de la possibilité de faire la démonstration de ses compétences et à l’agent d’être en mesure de procéder à une évaluation à partir des résultats de l’entrevue. Compte tenu des faits en cause, je ne dispose d’aucune preuve d’iniquité procédurale. Le consul a estimé que le problème de la langue était tel qu’il ne pouvait procéder à une entrevue valable. La demanderesse n’a pas affirmé qu’il a eu tort sur ce point.

[31]           Pour ce qui est du deuxième point soulevé par la demanderesse, il me semble évident que le consul tient compte de la finalité du règlement lors de l’entrevue et de son analyse. Ses conclusions sont sans équivoque : il a cherché avant tout à déterminer si la demanderesse serait capable de prendre soin de jeunes enfants dans une situation non supervisée et de veiller à leur sûreté. Il lui a posé des questions d’ordre général afin d’évaluer ses compétences générales en anglais, de même que des questions davantage ciblées sur le soin des enfants. Comme le précise le manuel OP‑14, les demandeurs doivent être en mesure de faire davantage que de composer avec une situation strictement interne. Ils doivent en outre :

-                     faire face aux situations d’urgence en appelant un médecin, l’ambulance, la police ou les pompiers;

-                     lire l’étiquette d’un médicament;

-                     répondre au téléphone et à la porte;

-                     communiquer avec d’autres personnes hors du foyer, notamment à l’école, au magasin ou dans d’autres établissements.

 

[32]           Peut-être la demanderesse n’est-elle pas d’accord avec l’évaluation du consul, mais la Cour ne dispose d’aucune preuve donnant à penser que cette évaluation est déraisonnable ou erronée. La Cour ne peut réévaluer la preuve et elle doit permettre aux agents d’exercer les pouvoirs discrétionnaires que le législateur leur a confiés. Voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] A.C.S. no 3, aux paragraphes 29, 34 et 37, et Aoanan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2009 CF 734, au paragraphe 42.

[33]           Les avocats ont convenu qu’il n’y avait aucune question à certifier et la Cour est du même avis.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE comme suit :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6206-10

 

INTITULÉ :                                       RAJWINDER MEHMI

                                           

                                                            -   c.   -

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION                                                                                 

                                                          

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 28 septembre 2011

                                                           

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      le 1er novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Asiya Hirji                                                                                            DEMANDERESSE

                                                                                                                    

Neal Samson                                                                                        DÉFENDEUR

 

                              

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Mamann Frankel Sandaluk s.r.l.                                                            DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario) 

                                                                                                                  

John H. Sims, c.r.                                                                                 DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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