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Cour fédérale

Federal Court

 

 Date : 20111108


Dossier : IMM-1350-11

Référence : 2011 CF 1277

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 8 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

GNANATHAS RAJAGOPAL

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION et
LE MINISTRE DE
LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET
DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, citoyen du Sri Lanka, est un jeune Tamoul d’âge adulte. Il a quitté son pays et est entré aux États-Unis, où il a présenté un certain nombre de demandes qui ne sont pas pertinentes en l’espèce. Plus tard, il est entré au Canada et a demandé l’asile, ce qui lui a été refusé. Par la suite, il a sollicité un examen des risques avant renvoi (ERAR), qui s’est soldé par une décision défavorable. C’est cette décision-là, communiquée dans une lettre datée du 21 janvier 2011, qui est l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Pour les motifs qui suivent, je ferai droit à la demande.

 

[2]               Le demandeur a soulevé essentiellement trois questions :

 

1.                  L’agent d’ERAR aurait-il dû tenir une audience?

2.                  L’agent d’ERAR a-t-il appliqué la mauvaise norme au moment de déterminer le risque?

3.                  L’agent d’ERAR a-t-il rendu une décision erronée au sujet de la preuve écrite?

 

[3]               Un examen des risques avant renvoi découle des dispositions de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), LC 2001, c 27, dans sa forme modifiée, et oblige à évaluer le risque auquel pourrait s’exposer une personne si elle était renvoyée dans son pays d’origine. Il est incontesté que c’est le demandeur qui a le fardeau de présenter des éléments de preuve à cet égard et que le critère que doit appliquer l’agent qui évalue ce risque est celui de savoir si cette personne s’exposerait à plus qu’une simple possibilité d’être persécutée si elle était renvoyée le jour même dans son pays d’origine.

 

[4]               L’alinéa 113b) de la LIPR dispose qu’un agent qui examine ce risque peut tenir une audience, si un ensemble de facteurs qui sont exposés à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le RIPR), DORS/2002-227, dans sa forme modifiée, sont réunis . Le texte de cet article est le suivant :

 

 Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

 For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following :

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 

[5]               Le juge Phelan, de la Cour, a examiné cette disposition dans la décision Tekie c Canada (MCI), 2005 CF 27, en particulier aux paragraphes 15 et 16, où il a conclu que cette disposition devient opérante lorsque la crédibilité est remise en question et peut donner lieu à une décision défavorable à l’issue de l’ERAR.

 

[6]               Récemment, la juge Snider, de la Cour, a examiné cette disposition dans la décision Mosavat c Canada (MCI), 2011 CF 647, plus particulièrement aux paragraphes 7 à 14. Je résume ses conclusions, que je fais miennes :

 

a)      pour examiner s’il aurait fallu que l’agent tienne une audience, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité;

 

b)      selon cette norme, la Cour ne peut intervenir que si la décision de l’agent n’appartient pas aux issues possibles acceptables;

 

c)      une audience n’est nécessaire que si tous les facteurs prévus à l’article 167 du RIPR sont réunis;

 

d)      dans les demandes d’ERAR, c’est le demandeur qui supporte le fardeau de la preuve;

 

e)      chaque affaire doit être appréciée en fonction des faits qui lui sont propres.

 

 

Les questions en litige

1. L’agent d’ERAR aurait-il dû tenir une audience?

 

[7]               Il ressort clairement de la décision de l’agent que celui-ci avait des doutes quant à la crédibilité de la preuve du demandeur au sujet de plusieurs questions, dont une au moins, selon l’agent, était cruciale pour sa cause. Ces questions sont les suivantes :

 

§                     Le demandeur s’était contredit au sujet de son emploi : il a prétendu qu’il était chauffeur de taxi; cependant, à son arrivée aux États-Unis, il a déclaré aux agents de l’aéroport qu’il travaillait dans le domaine pharmaceutique. Le demandeur a expliqué à l’entretien de présélection qu’il avait répondu cela, parce que son père est pharmacien. L’agent d’ERAR a aussi signalé que le demandeur n’avait corroboré sa prétention selon laquelle il était chauffeur de taxi qu’au moyen de déclarations de membres de sa famille. L’agent a indiqué qu’il s’agissait là d’une question [traduction] « cruciale ».

 

§                     Le demandeur n’a pas expliqué convenablement comment il était parvenu à éviter les points de contrôle quand il avait pris la fuite vers Colombo.

 

§                     La lettre notariée du père du demandeur n’expliquait pas comment il avait appris immédiatement que le demandeur avait été arrêté, pas plus qu’elle n’expliquait comment le père avait réussi à soudoyer des agents pour qu’ils relâchent le demandeur.

 

§                     Le frère du demandeur n’avait pas une connaissance de première main des faits liés à la demande; de ce fait, peu de poids a été accordé à son affidavit.

 

 

[8]               L’agent a ensuite fait référence à un document qu’il avait versé au dossier, un rapport daté de juin 2010 et intitulé World Organization Against Torture, pour conclure qu’étant donné qu’il n’existait aucune liste centralisée de personnes détenues, il était peu probable que l’on considère que le demandeur avait des liens avec les TLET. Comme l’a admis l’avocat des défendeurs, cette référence était manifestement erronée. Il était dit dans ce document qu’étant donné qu’il n’existait pas de liste de ce genre, les personnes détenues s’exposaient à un risque de vulnérabilité [traduction] « accru ».

 

[9]               Dans les circonstances particulières de l’espèce, l’agent, agissant raisonnablement, aurait dû tenir une audience.

 

2. L’agent d’ERAR a-t-il appliqué la mauvaise norme au moment de déterminer le risque?

 

[10]           Comme il a été mentionné plus tôt, la norme exacte consiste à savoir si la personne, si elle était renvoyée dans son pays d’origine, s’exposerait à plus qu’une simple possibilité de persécution. L’agent fait état de cette norme à la section [traduction] « Conclusion » de la décision en litige.

 

[11]           Cependant, dans l’analyse que fait l’agent sous la rubrique [traduction] « Le risque pour les demandeurs d’asile déboutés » et, une fois de plus, sous la rubrique suivante intitulée [traduction] « La situation générale du pays : le risque pour les jeunes hommes tamouls », juste avant sa conclusion, il conclut que le demandeur [traduction] « ne s’exposerait pas à un risque particulier ». Il ne s’agit pas là de la norme applicable.

 

[12]           Par conséquent, les motifs n’indiquent pas clairement si l’on a appliqué des normes contradictoires ou erronées. Il convient de procéder à un nouvel examen en appliquant la norme appropriée.

 

Conclusion

 

[13]           L’affaire sera renvoyée pour nouvelle décision par un agent différent, qui appliquera la norme appropriée et qui tiendra une audience. Les deux avocats ont convenu, tout comme moi, qu’il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT,

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande est accueillie.

 

2.         L’affaire est renvoyée pour nouvelle décision par un agent différent, qui tiendra une audience.

 

3.         Il n’y a pas de question à certifier.

 

4.         Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1350-11

 

INTITULÉ :                                       GNANATHAS RAJAGOPAL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 NOVEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 8 NOVEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Brad Gotkin

POUR LES DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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