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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20111110


Dossier : IMM‑2558‑11

Référence : 2011 CF 1302

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 10 novembre 2011

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

MAHBOOB UNNISA HAKEEM

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La quatrième demande présentée par Mahboob Unnisa Hakeem en vue de faire reporter son renvoi du Canada pour des raisons médicales a été refusée. Elle a demandé le contrôle judiciaire de cette décision, et la Cour a subséquemment accordé un sursis à la mesure de renvoi. Pour les motifs qui suivent, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

La demande de report

 

[2]               Mme Hakeem est une citoyenne indienne de 59 ans accablée d’un certain nombre d’ennuis de santé comme le diabète, la dépression et des problèmes orthopédiques. Son médecin traitant et son cardiologue la croient possiblement atteinte d’une cardiopathie, mais cela n’a pas été confirmé par des examens au moment de la demande de report.

 

[3]               Le renvoi de Mme Hakeem a été différé au 20 avril 2011. Dans sa dernière demande de report, elle souhaitait que son renvoi soit repoussé pour pouvoir subir un angiogramme appelé à [traduction] « établir de manière concluante si elle souffre de coronaropathie ». Même si elle a obtenu un rendez-vous pour passer cet angiogramme avant la date fixée pour le renvoi, Mme Hakeem n’a finalement pas subi l’examen comme prévu, car elle était sous garde de l’immigration.

 

[4]               La demande de report de Mme Hakeem précisait également qu’elle n’aurait pas accès à des soins médicaux une fois en Inde.

 

[5]               Les agents de renvoi ont obtenu l’avis médical d’un médecin de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), qui a conclu que l’état de Mme Hakeem était stable et qu’elle pouvait prendre l’avion. Mme Hakeem a ensuite fourni à l’agent d’exécution des lettres additionnelles provenant de son médecin de famille et de son cardiologue au sujet de son état de santé, ainsi que la lettre d’un médecin indien concernant le coût et la disponibilité des soins médicaux dans ce pays.

 

[6]               L’agent d’exécution n’a pas transmis ces renseignements additionnels au médecin de CIC pour qu’il les examine ce qui, d’après Mme Hakeem, est une erreur susceptible de contrôle. Il a conclu plutôt que les examens médicaux effectués jusque-là par Mme Hakeem n’avaient pas établi qu’elle souffrait véritablement de cardiopathie, et qu’elle était en état de voyager en avion. Il a estimé par ailleurs que Mme Hakeem n’avait pas démontré qu’elle ne pourrait pas avoir accès à des soins médicaux en Inde. Par conséquent, la demande de report a été refusée.

 

[7]               La veille du renvoi prévu de Mme Hakeen du Canada, la Cour a accordé un sursis à la mesure de renvoi en attendant la tenue de l’audience relative à sa demande de contrôle judiciaire.

 

La présente demande est‑elle théorique relativement à la question de l’angiogramme?

 

[8]               La première question à trancher est de savoir si la présente demande est désormais théorique dans la mesure où elle reposait sur le fait que Mme Hakeem avait besoin de temps supplémentaire pour subir des examens médicaux.

 

[9]               Dans l’arrêt Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 R.C.F. 311, aux paragraphes 29‑31, la Cour d’appel fédérale a observé que lorsqu’un report est demandé en attendant que se produise un événement particulier, la demande de contrôle judiciaire visant la décision portant refus du report devient théorique dès que cet événement survient.

 

[10]           Le défendeur fait remarquer que Mme Hakeem a notamment demandé le report de son renvoi pour pouvoir passer un angiogramme. Elle a eu sept mois pour ce faire ce qui, à son avis, rend la demande de contrôle judiciaire théorique.

 

[11]           Un examen du dossier révèle que le médecin de famille de Mme Hakeem a recommandé qu’elle passe un angiogramme pour la première fois en 2009, et qu’elle s’y était refusée.

 

[12]           Le 11 avril 2011, le cardiologue de Mme Hakeem avisait son médecin de famille qu’il lui avait pris rendez-vous pour un angiogramme le 19 avril suivant. Bien que l’examen n’ait pas eu lieu en raison de la détention de Mme Hakeem, le fait qu’un rendez-vous ait pu être obtenu dans la semaine donne à penser que cette intervention ne suppose pas des délais d’attente importants.

 

[13]           Nous ignorons si Mme Hakeem a passé depuis son angiogramme car elle a choisi de ne présenter aucune preuve à la Cour concernant une nouvelle date de rendez-vous. Son silence à ce sujet n’est que trop éloquent. Pour autant que nous le sachions, elle peut avoir effectué cet examen il y a des mois. Il se peut aussi qu’elle ait décidé une fois de plus de ne pas s’y soumettre. Ce que nous savons avec certitude est que Mme Hakeem a eu sept mois pour passer cet examen et qu’elle n’a pas établi qu’il lui avait été difficile d’obtenir une nouvelle date de rendez-vous depuis l’octroi du sursis.

 

[14]           Dans les circonstances uniques de la présente affaire, je suis disposée à tirer une inférence défavorable à Mme Hakeem, et je conclus que le temps écoulé a rendu théorique cet aspect de la demande.

 

La disponibilité des soins médicaux en Inde

 

[15]           La demande de report de Mme Hakeem reposait également sur son allégation selon laquelle elle ne pourrait pas avoir accès à des soins médicaux en Inde.

 

[16]           En ce qui concerne cet aspect de la demande, je commencerai par observer que le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi dont jouissent les agents d’exécution est très limité, et que les reports sont censés être temporaires : voir Baron, précité, au paragraphe 51, et Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Shpati, 2011 CAF 286, [2011] A.C.F. no 1454, au paragraphe 45.

 

[17]           Le fait que les soins médicaux ne soient pas disponibles dans le pays de destination ou que la personne concernée ne soit pas en mesure d’y avoir accès n’est pas un obstacle temporaire susceptible d’être surmonté par un report de courte durée du renvoi. Il s’agit plutôt de problèmes persistants pour lesquels le processus fondé sur des motifs d’ordre humanitaire convient davantage.

 

[18]           Quoique la disponibilité des soins médicaux dans le pays de destination puisse être correctement prise en compte par un agent d’exécution qui traite une demande de report, je suis néanmoins convaincue que l’agent a conclu raisonnablement que Mme Hakeem n’avait pas établi qu’elle ne pourrait pas avoir accès à des soins médicaux convenables en Inde.

 

[19]           Mme Hakeem soutient qu’elle est dans la nécessité, mais elle n’a fourni aucune preuve à l’agent d’exécution pour étayer cette affirmation. Elle lui a toutefois présenté une copie des observations déposées relativement à sa dernière demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire : y sont décrits le soutien important qu’elle reçoit des nombreux membres de sa famille élargie au Canada ainsi que les ressources financières dont disposent ses proches. Dans les circonstances, la conclusion de l’agent selon laquelle Mme Hakeem n’avait pas démontré qu’elle ne pourrait pas avoir accès à des soins médicaux en Inde était tout à fait raisonnable.

 

Conclusion

 

[20]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[21]           Mme Hakeem reconnaît qu’en pratique, l’issue sera la même que cette demande soit accueillie ou rejetée. D’une manière ou d’une autre, une nouvelle date sera probablement fixée pour son renvoi du Canada, et le processus reprendra encore une fois. Il serait certainement dans l’intérêt de Mme Hakeem de s’assurer que toute nouvelle demande de report soit accompagnée de renseignements médicaux complets et à jour, incluant les résultats de tout éventuel examen d’angiographie.

 

Certification

 

[22]           Mme Hakeem propose la certification des questions suivantes :

1.      La question de savoir si la demanderesse peut ou non avoir accès à des soins médicaux pour que soit traitée une maladie potentiellement fatale relève‑t‑elle du pouvoir discrétionnaire de l’agent de renvoi?

 

2.      La question de savoir si le renvoi de la demanderesse peut ou non entraîner un événement médical potentiellement fatal dans son pays de destination relève‑t‑elle du pouvoir discrétionnaire de l’agent de renvoi?

 

 

 

[23]           Même si j’ai fait part de mes réserves relativement à la question de savoir si la capacité d’un demandeur d’avoir accès à des soins médicaux dans son pays doit effectivement être prise en compte dans le cadre d’une demande de report, j’ai tranché la question en me fondant sur le caractère insuffisant de la preuve produite par Mme Hakeem à l’appui de l’allégation selon laquelle elle ne pourrait pas recevoir des soins médicaux adéquats en Inde. Par conséquent, la réponse à la première question ne permettrait pas de trancher sa demande.

 

[24]           Il en va de même de la seconde question, compte tenu des motifs pour lesquels j’ai rejeté la demande. Par conséquent, je refuse de certifier l’une ou l’autre question.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑2558‑11

 

INTITULÉ :                                       MAHBOOB UNNISA HAKEEM c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                                       

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 NOVEMBRE 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 10 NOVEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yehuda Levinson

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Amy King

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Yehuda Levinson

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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