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Date : 20111115


Dossier : T-439-11

Référence : 2011 CF 1311

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

DAVID WILLIAMS

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               La certification des agents de contrôle, dont la responsabilité incombe à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien [ACSTA], constitue un élément essentiel de la sécurité des passagers au Canada.

 

[2]               Dans la présente affaire, le demandeur a vu son certificat de conformité annulé pour une période de douze mois après avoir échoué deux fois au volet radioscopie de son examen de recertification.

 

[3]               En raison de la compétence que la loi confère au décideur et au vu des conclusions raisonnables qu’il a tirées, la Cour souscrit à la position du défendeur.

 

II.  Les faits à l’origine du litige

A. L’ACSTA

[4]               L’ACSTA a été créée à titre de société d’État fédérale en avril 2002 par l’édiction de la Loi sur l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, LC 2002, c 9, art. 2 [Loi sur l’ACSTA]. Cette mesure constituait la pierre angulaire de la réaction du gouvernement canadien face à la nouvelle réalité découlant des événements tragiques du 11 septembre 2001.

 

[5]               L’ACSTA a pour mission de protéger le public en assurant la sûreté des aspects critiques du système de transport aérien tels que désignés par le gouvernement.

 

[6]               L’ACSTA est chargée de fournir des services clés en matière de sûreté aérienne, comme le contrôle préembarquement des passagers et de leurs effets personnels, le contrôle aléatoire des non-passagers, ainsi que l’acquisition, la mise en oeuvre et l’entretien de l’équipement de détection d’explosifs dans les aéroports.

 

[7]               L’ACSTA surveille actuellement le travail de plus de 6 800 agents de contrôle en poste dans 89 aéroports au Canada. En 2010-2011, l’ACSTA a contrôlé plus de 62 millions de bagages, 51 millions de passagers et 1,2 million de non-passagers (personnel des transporteurs aériens, équipes d’entretien, traiteurs, etc.). Pour s’acquitter de son mandat en matière de contrôle, l’ACSTA engage sur une base contractuelle des fournisseurs de services de contrôle qui emploient à leur tour des agents de contrôle. Aeroguard était le fournisseur de services de contrôle à l’Aéroport international de Vancouver (et l’employeur du demandeur).

 

[8]               En vertu de la Loi sur l’ACSTA, l’ACSTA est chargée de former et de certifier les agents de contrôle. L’article 8 de cette même Loi confère à l’ACSTA le pouvoir d’établir des critères de qualification, de formation et de rendement des agents de contrôle. Elle est également habilitée, en vertu de cette même disposition, à modifier, suspendre ou annuler le certificat d’un agent de contrôle si elle conclut que celui-ci ne se conforme plus aux critères.

 

B. Le Programme national de formation et de certification de l’ACSTA

[9]               Tous les agents de contrôle doivent être formés et accrédités par l’ACSTA. Ils sont tenus de suivre une formation officielle et de posséder des compétences techniques spécialisées pour exercer la fonction de contrôle. Dans ce contexte, l’ACSTA a créé un Programme national de formation et de certification [PNFC] comportant plusieurs niveaux, afin de s’assurer que les agents de contrôle possèdent les connaissances et les compétences nécessaires pour s’acquitter efficacement de leurs fonctions. Au fur et à mesure qu’ils avancent dans le PNFC, les agents de contrôle obtiennent des « annotations » à l’égard de la fouille des personnes et de l’utilisation des appareils de radioscopie.

 

[10]           Les fournisseurs de services de contrôle choisissent et embauchent à l’avance les candidats à des postes d’agent de contrôle qui suivront la formation offerte dans le cadre du PNFC de l’ACSTA. Chaque candidat doit respecter les critères suivants, qui sont énoncés dans le Règlement canadien sur la sûreté aérienne, DORS/2000-11, et dans les Normes relatives à la désignation des agents de contrôle :

a.       être âgé d’au moins 18 ans;

b.      être citoyen canadien ou résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], et être titulaire d’un document d’autorisation d’emploi valide;

c.       avoir réussi le ou les examens visant à confirmer sa capacité de comprendre, de parler et d’écrire au moins une des deux langues officielles;

d.      détenir un rapport médical valide énonçant qu’il respecte les critères de l’ACSTA en matière d’évaluation médicale des agents de contrôle;

e.       détenir une cote de sécurité (vérification approfondie) de Transports Canada.

 

C. La formation du demandeur

[11]           Le demandeur s’est inscrit au PNFC en novembre 2009. Il a suivi le cours « Fondements 1 » et a été accrédité à ce niveau. Il a obtenu les annotations suivantes : i) inspection préembarquement; ii) fouille des personnes; iii) utilisation du portique de détection de métal; iv) utilisation du détecteur à main d’objets métalliques. Le demandeur a terminé sa formation en cours d’emploi [FCE] postérieure à la certification et a été autorisé à effectuer ces quatre manoeuvres de contrôle sans surveillance.

 

[12]           Le cours « Fondements I » ne contenait pas la moindre formation sur l’utilisation d’appareils de radioscopie. Le demandeur aurait dû normalement suivre le cours « Fondements II », qui comportait un volet sur les appareils de radioscopie.

 

[13]           Or, par suite de l’attentat manqué sur le vol 253 de Northwest Airlines le 25 décembre 2009, l’ACSTA a dû rehausser ses mesures de contrôle de sûreté. En conséquence, des changements ont été apportés au programme de formation. Les cours Fondements I et Fondements II ont été remplacés par les cours Fondements et radioscopie. Tous les agents de contrôle qui avaient suivi le cours Fondements I, mais non le cours Fondements II devaient suivre le cours de perfectionnement Fondements II, qui ne comportait aucune formation sur les appareils de radioscopie. Le demandeur était l’un des agents de contrôle qui avaient suivi le cours Fondements I, mais non le cours Fondements II.

 

[14]           En février 2010, le demandeur a suivi le cours de perfectionnement Fondements  II et l’a réussi. Il a alors obtenu les annotations suivantes : i) détection de traces d’explosif; ii) fouille des bagages enregistrés; iii) fouille des bagages de cabine; iv) éthique professionnelle.

 

[15]           Le 18 mai 2010, le demandeur a suivi et réussi le cours de radioscopie. Il a donc été accrédité pour utiliser l’appareil de radioscopie. Il devait toutefois suivre la formation en cours d’emploi postérieure à la certification avant de pouvoir utiliser sans surveillance l’appareil de radioscopie. Le demandeur a terminé sa FCE le 21 mai 2010 et a alors été autorisé à utiliser sans surveillance l’appareil de radioscopie.

 

[16]           Une fois que l’agent de contrôle est accrédité pour utiliser l’appareil de radioscopie, l’ACSTA n’a pas de contrôle sur la façon dont le fournisseur de services de contrôle décide de combler les différents postes au point de contrôle de préembarquement. Il appartient au fournisseur de services de contrôle de veiller à ce que ses employés acquièrent l’expérience nécessaire relativement à l’accomplissement des tâches et à l’utilisation des appareils de contrôle concernés.

 

[17]           Selon le relevé du programme d’apprentissage XRT-Tutor (programme de formation dans le cadre duquel les agents de contrôle visualisent des images radioscopiques de bagages afin de s’exercer à trouver des articles interdits) qu’il a suivi, le demandeur a ouvert quarante‑quatre (44) fois au total une session dans ce programme et a terminé vingt-huit (28) sessions entre le 21 mai 2010 et le 17 novembre 2010. Du 18 novembre 2010 au 5 janvier 2011, le demandeur a ouvert quatre-vingt-quatre (84) fois au total une session et a terminé soixante-quatorze (74) sessions. Selon le relevé, entre la date à laquelle le demandeur a ouvert pour la première fois une session dans le programme en décembre 2009 et celle à laquelle il a échoué à son dernier examen de recertification, il est entré plus de 190 fois en communication avec le programme X-ray Tutor et a terminé 102 sessions.

 

[18]           Étant donné que le demandeur avait été agréé pour la première fois en novembre 2009, il devait être agréé à nouveau au plus tard en novembre 2010 (un an plus tard). À cette fin, le 26 octobre 2010, le demandeur s’est inscrit aux examens du programme d’apprentissage périodique et de recertification [PAPR], qui est un programme d’apprentissage continu visant à aider les agents de contrôle à conserver et à améliorer leurs aptitudes et leurs compétences, principalement au moyen de modules de formation en ligne, du programme XRT et d’exercices de formation interne. Les agents de contrôle qui réussissent le PAPR sont agréés à nouveau et ne sont pas tenus de se soumettre à d’autres examens.

 

[19]           L’agent de contrôle qui échoue aux examens du PAPR doit se soumettre à des examens de recertification en personne devant un conseiller en apprentissage et rendement [CAR] de l’ACSTA.

 

[20]           Le 26 octobre 2010, le demandeur a échoué au volet radioscopie du PAPR. En conséquence, il a dû se soumettre à des examens de recertification en personne devant un CAR de l’ACSTA.

 

D. L’examen de recertification en radioscopie que le demandeur a passé le 17 novembre 2010

[21]           Le 17 novembre 2010, le demandeur s’est soumis à l’examen de recertification en radioscopie, sous la surveillance du CAR de l’ACSTA Mark Flemming. L’examen consistait à examiner dix (10) images de bagages obtenues par rayons‑X et à prendre les mesures appropriées à l’égard de chaque image. Le demandeur n’a pas réussi à détecter les articles interdits qui figuraient sur deux images.

 

[22]           Contrairement à ce que le demandeur a soutenu, la note de passage n’était pas 80 %. La note de passage est simplement la réussite. Le demandeur ne s’est pas conformé aux exigences requises pour réussir le volet radioscopie de l’examen de recertification.

 

[23]           La note de passage de l’examen de recertification n’a pas été changée.

 

[24]           L’incapacité d’identifier correctement deux images du volet radioscopie de l’examen ne représentait pas une réussite à un taux de 80 %, mais plutôt un échec. Le demandeur ne s’est pas conformé aux exigences requises pour réussir l’examen pratique de radioscopie.

 

E. Plan d’amélioration du rendement et formation en cours d’emploi

[25]           Par suite de son échec à l’examen de recertification, le demandeur s’est vu remettre un plan d’amélioration du rendement [PAR] qui devait l’aider à se préparer en vue d’un nouvel examen de recertification en radioscopie.

 

[26]           Selon le PAR, le demandeur devait suivre une FCE dix (10) heures, qui consistait à utiliser l’appareil de radioscopie sous la surveillance et les conseils d’un superviseur.

 

[27]           Le demandeur a terminé la FCE le 18 décembre 2010; cependant, M. Saul Hermann, le chef de point de contrôle, a conclu que l’examen des compétences du demandeur montrait ce qui suit :

[traduction] Il connaissait si peu l’appareil de radioscopie ATIX 6040 que nous avons recommencé à neuf. Il arrête tous les bagages, mais il analyse lentement les images et, à mon avis, son rendement atteint à peine les normes minimales acceptables.

 

(Affidavit de Jean Sévigny [Affidavit de Sévigny], paragraphe 25; pièce A, page 9).

 

[28]           De plus, dans le document concernant les activités de formation en matière de radioscopie, le chef de point de contrôle a souligné que le « rendement global » du demandeur [traduction] « atteint à peine les normes minimales » (affidavit de Sévigny, paragraphe 26; pièce A, page 10).

 

[29]           Le 20 décembre 2009, Kiran Saran, coordonnateur de la formation chez Aeroguard, a fait parvenir le PAR et le rapport d’événement donnant lieu à un examen du rendement (Performance Event Report) à Sangita Gore, directrice régionale par intérim de l’apprentissage, pour qu’elle l’approuve. Dans le courriel envoyé à Kiran Saran le 20 décembre 2010, Sangita Gore souligne que l’examen des compétences du demandeur et les commentaires figurant dans le rapport d’événement connexe soulèvent des préoccupations. Elle demande qu’une formation supplémentaire soit donnée au demandeur et que les compétences de celui-ci soient examinées à nouveau (affidavit de Sévigny, paragraphe 27; pièce A, page 12).

 

[30]           Le 25 décembre 2010, le demandeur a reçu une autre FCE de quatre (4) heures et ses compétences ont à nouveau été examinées. Dans le rapport d’événement daté du 25 décembre 2010, Saul Hermann, chef de point de contrôle, a mentionné que le demandeur s’était amélioré et que son rendement [traduction] « pouvait être considéré comme un rendement atteignant les normes minimales » [affidavit de Sévigny, paragraphe 28; pièce A, page 13).

 

[31]           Le 31 décembre 2010, le demandeur a terminé la formation exigée par son deuxième PAR (affidavit de Sévigny, paragraphe 29; pièce A, page 15).

 

F. Le deuxième examen de recertification en radioscopie que le demandeur a passé le 5 janvier 2011

[32]           Le 5 janvier 2011, avant de tenter pour la deuxième fois de réussir l’examen de recertification, le demandeur a signé un formulaire intitulé Recertification Readiness Form (formulaire d’aptitude à passer l’examen de recertification) dans lequel il a attesté qu’il était prêt à se soumettre au test, notamment qu’il [traduction] « avait suivi toutes les formations préalables exigées, y compris la formation en cours d’emploi, le programme X-ray Tutor et la formation prévue dans les plans d’amélioration du rendement » (affidavit de Sévigny, paragraphe 30; pièce A, page 6).

 

[33]           Le 5 janvier 2011, le demandeur a passé son deuxième examen de recertification en radioscopie, sous la surveillance de la CAR Diane Klein. L’examen consistait à visionner dix (10) images de bagages obtenues par rayons-X et à prendre les mesures appropriées pour chaque image. Tel qu’il est mentionné dans la note d’information de la CAR datée du 5 janvier 2010, le demandeur a échoué à cet examen, parce qu’il a pris deux décisions erronées (affidavit de Sévigny, paragraphe 31; pièce A, pages 3 et 4).

 

[34]           Le chef de point de contrôle formateur Paul Rattandeep a assisté au test du 5 janvier 2011 (affidavit de Sévigny, paragraphe 32; pièce A, page 5).

 

G. Le processus d’annulation du certificat de conformité de l’ACSTA

[35]           Afin d’assurer la mise en oeuvre de son processus de certification, l’ACSTA a créé le comité local de décision [CLD] et le comité national de décision [CND].

 

[36]           L’ACSTA offre aux agents de contrôle la possibilité de formuler des observations et de présenter des éléments de preuve et renseignements supplémentaires, au besoin. Les agents de contrôle peuvent demander à tout représentant de les aider tout au long de l’enquête et de la révision. Le processus d’enquête et de révision de l’ACSTA à l’égard des événements donnant lieu à un examen du rendement est énoncé au chapitre 11 des procédures normalisées d’exploitation [PNE] (affidavit de Sévigny, paragraphe 34; pièce A, pages 85 à 94).

 

[37]           Dans la présente affaire, l’événement ayant donné lieu à l’examen du rendement réside dans l’échec du demandeur lors des deux examens de recertification.

 

H. La recommandation du CLD

[38]           Lorsqu’un événement donnant lieu à un examen du rendement se produit, le CLD prend connaissance de l’événement en question pour en déterminer la gravité et pour formuler des recommandations connexes. Selon le PNFC, lorsqu’une personne échoue pour la deuxième fois à l’examen de recertification en radioscopie, le CLD doit soumettre la question au CND. Tel qu’il est mentionné dans la note d’information datée du 5 janvier 2011 de la CAR, le CLD estimait que l’examen du demandeur s’était déroulé de manière équitable et qu’il n’y avait aucune raison de lui offrir un troisième essai (affidavit de Sévigny, paragraphe 35; pièce A, pages 3 et 4).

 

I. La décision du CND

[39]           Le CND revoit les situations pouvant mener à l’annulation du certificat de conformité d’un agent de contrôle. Dans le cas du demandeur, le CND se composait du directeur principal des Opérations de contrôle, du directeur du personnel de contrôle, apprentissage et perfectionnement, du directeur général de la prestation de la formation et du directeur de la Coordination des opérations nationales.

 

[40]           Les membres du CND possèdent de l’expérience et ont suivi une formation dans différents secteurs du contrôle de la sûreté aérienne, y compris en ce qui a trait à la formation nécessaire pour assurer l’intégrité de celle-ci. Les membres du CND sont conscients de l’importance des procédures mises en place pour les enquêtes et les révisions relatives à l’annulation des certificats de conformité des agents de contrôle.

 

[41]           Le 31 janvier 2011, le CND a fait parvenir au demandeur une lettre l’informant que son annotation relative à l’utilisation de l’appareil de radioscopie avait été suspendue par suite de son deuxième échec à l’examen de recertification. Le CND a également expliqué dans cette lettre comment il procéderait pour sa révision et a joint plusieurs documents (affidavit de Sévigny, paragraphe 38; pièce A, pages 31 à 60).

 

[42]           Le 8 février 2011, le demandeur a présenté ses observations écrites ainsi que des documents supplémentaires. Dans ces observations, il n’a pas soulevé la question de la contrainte dont il aurait été l’objet lorsqu’il a signé son formulaire d’aptitude avant de passer son deuxième examen de recertification ou le fait qu’il n’avait pas suivi la FCE qui était exigée aux fins de ce deuxième essai (affidavit de Sévigny, paragraphe 39; pièce A, pages 61 à 67).

 

[43]           Après avoir étudié la question en profondeur, le CND, dirigé par M. Jean Sévigny, directeur de l’apprentissage et du perfectionnement, a décidé d’annuler le certificat de conformité du demandeur pour une période de douze (12) mois, ce qui signifiait que le demandeur ne pouvait présenter une demande de nomination à un poste d’agent de contrôle avant le 23 février 2012.

 

[44]           La décision motivée du CND a été communiquée au demandeur le 23 février 2011.

 

III.  Les questions en litige

[45]           (1) Quelle est la norme de contrôle applicable?

(2) Le décideur a-t-il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait?

 

 

IV.  Analyse

(1) La norme de contrôle

[46]           Dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, paragraphes 62 et 64, la Cour suprême du Canada a énoncé le critère applicable aux fins de déterminer la norme de contrôle. La Cour fédérale doit tout d’abord vérifier si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante la norme de contrôle correspondant à la catégorie de questions à l’examen.

 

[47]           À l’instar de la présente affaire, la demande de contrôle judiciaire examinée dans Bhatthal c Canada (Procureur général), 2009 CF 1182, 354 FTR 302, concernait une décision rendue par un comité national de décision de l’ACSTA. Dans Bhatthal, la Cour fédérale a décidé que la norme de contrôle à appliquer dans des situations de ce genre était celle de la décision raisonnable (Bhatthal, paragraphes 17 à 22).

 

[48]           Dans Bhatthal, la Cour fédérale a formulé les commentaires suivants :

[22]      Dans Dunsmuir, la Cour suprême a statué que le caractère raisonnable tenait principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47).

 

[49]           Toujours dans la décision Bhatthal, la Cour fédérale a précisé ce qui suit :

[28]      En l’espèce, en se fondant sur cette norme de contrôle, il n’appartient pas à la Cour d’intervenir dans la décision du Comité d’examen si elle est raisonnable à la lumière de la preuve, parce qu’il incombait à l’ACSTA, qui est maître du domaine de la sécurité des aéroports, de soupeser la preuve dont elle était saisie.

 

(2) Aucune conclusion de fait erronée n’a été tirée

a) La décision était-elle raisonnable?

[50]           La Cour convient avec le défendeur que la décision est raisonnable.

(i) La mention, dans la décision, de l’ouverture d’une session plus de 190 fois dans le programme XRT

 

[51]           Le demandeur soutient que le décideur a commis une erreur de fait en mentionnant dans la décision qu’il avait ouvert une session plus de 190 fois dans le programme XRT afin d’améliorer ses aptitudes en matière de reconnaissance d’images. Il ne s’agit pas là d’une erreur de fait.

 

[52]           Le demandeur a ouvert une session à au moins 190 occasions entre la date à laquelle il est entré en communication pour la première fois avec le programme XRT en décembre 2009 et la date à laquelle il a échoué à son deuxième examen de recertification le 5 janvier 2011. Le demandeur s’attache erronément aux délais mentionnés dans l’affidavit de Jean Sévigny, qui diffèrent de ceux dont il est question dans la décision visée par le présent contrôle (affidavit de Sévigny, paragraphe 16; pièce A, pages 24 à 30).

 

[53]           De plus, en ce qui concerne les allégations répétées du demandeur selon lesquelles le matériel de formation (programme X-ray Tutor) n’est pas identique à l’équipement utilisé au point de contrôle, il importe de souligner que le programme X-ray Tutor est un logiciel de formation qui projette des images obtenues par rayons X sur un ordinateur. Le programme X‑ray Tutor est un outil de formation qui ne vise pas à reproduire l’appareil de radioscopie lui‑même.

 

b) La mention de 14 heures de FCE dans la décision

[54]           Le demandeur a laissé entendre qu’entre son premier échec à l’examen de recertification et le second, il n’avait pas reçu les 14 heures de FCE mentionnées dans la décision; cependant, le 5 janvier 2011, avant de se soumettre au deuxième examen de recertification, le demandeur a signé son formulaire dans lequel il a reconnu qu’il avait [traduction] « suivi toutes les formations préalables exigées, y compris la formation en cours d’emploi (FCE), le programme X‑ray Tutor et la formation prévue dans les plans d’amélioration du rendement » et qu’il était prêt à se soumettre au deuxième examen de recertification.

 

[55]           De plus, le 18 décembre 2010, le demandeur a paraphé chaque élément de la FCE sur le rapport d’événement donnant lieu à un examen du rendement, ce qui indiquait qu’il avait reçu toute la FCE exigée à cette même date, laquelle mention figure également dans le rapport sur les activités de formation portant la même date.

 

[56]           Même si le demandeur soutient maintenant qu’il a été contraint de signer le formulaire d’aptitude susmentionné avant de se soumettre à son deuxième examen de recertification, aucun élément de preuve n’établit que c’est ce qui s’est passé. De plus, cette allégation n’a pas été signalée à l’attention de l’ACSTA avant l’examen et le demandeur n’a pas invoqué l’argument de la contrainte dans les observations qu’il a présentées au CND.

 

[57]           Qui plus est, le demandeur n’a pas fait valoir devant le CND qu’il n’avait pas reçu les heures de FCE nécessaires après son premier échec et avant son deuxième essai raté.

 

[58]           En conséquence, le demandeur est empêché par préclusion de soulever ces questions aujourd’hui dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Canada c Chevron Canada Resources Ltd, [1999] 1 CF 349 (CA)).

 

[59]           En tout état de cause, un examen de la preuve du demandeur montre que celui-ci a reçu les 14 heures de FCE mentionnées dans la décision. Il appert des pièces jointes à l’affidavit du demandeur que celui-ci a reçu sept heures de formation de « base » et trois heures de formation « intermédiaire », pour un total de dix heures de FCE, le 18 décembre 2010 (affidavit de David Williams [affidavit du demandeur], paragraphes 23 à 35; pièces 6 et 7).

 

[60]           La position du demandeur au sujet des quatre (4) heures de FCE supplémentaires suivies le 25 décembre 2010 est contradictoire. Au paragraphe 35 de son affidavit, le demandeur reconnaît qu’il a suivi les quatre heures de FCE le 25 décembre 2010. Plus loin, il semble affirmer qu’il n’a reçu qu’une heure de FCE. Encore là, le demandeur n’a nullement soutenu avoir reçu une formation insuffisante dans les observations qu’il a présentées au CND (affidavit du demandeur, paragraphes 35 à 41; pièces 9 à 11).

 

[61]           Les documents montrent que la FCE a été suivie le 25 décembre 2010. Il n’y a aucune raison de penser que les quatre (4) heures de FCE n’ont pas été suivies pendant le quart de travail de dix (10) heures du demandeur. Le rapport d’événement donnant lieu à l’examen du rendement que le demandeur a signé ce jour-là montre que ses compétences ont été examinées à la même date, étant donné que cette case a été cochée (affidavit du demandeur, paragraphes 34 à 40; pièce A, pages 12 à 14).

 

[62]           En conséquence, la décision ne comporte aucune erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne la conclusion selon laquelle le demandeur avait reçu les 14 heures de FCE supplémentaires au cours de la période pertinente.

 

c) Hypothèse de Jean Sévigny

[63]           Le demandeur soutient également que Jean Sévigny a commis une erreur de fait lorsqu’il a mentionné, dans la lettre datée du 31 janvier 2011 qu’il lui a adressée, que son annotation relative à l’utilisation des appareils de radioscopie était temporairement suspendue après son deuxième essai raté à l’examen de recertification du 5 janvier 2011, parce que cette mention révèle une hypothèse erronée au sujet du fait que le demandeur aurait continué à contrôler des passagers après la suspension de son annotation le 17 novembre 2010.

 

[64]           Malgré les allégations du demandeur au sujet de l’hypothèse de M. Sévigny, il n’en demeure pas moins que le demandeur avait le droit de continuer à contrôler des passagers après la suspension de son annotation, mais qu’il devait être surveillé lors de l’utilisation des appareils de radioscopie. Il ne s’agit pas ici de savoir si l’employeur du demandeur a autorisé celui‑ci à utiliser ces appareils. Il importe de souligner que cette lettre datée du 31 janvier 2011 n’est pas la décision faisant l’objet du présent contrôle et que, en tout état de cause, aucune erreur susceptible de contrôle n’a été établie.

 

d) L’agent de contrôle doit être incapable de se conforner à plus d’une exigence pour que ses privilèges en matière de contrôle soient suspendus

 

[65]           Le demandeur fait également valoir que l’agent de contrôle doit être incapable de se conformer à plus d’une exigence pour que ses privilèges en matière de contrôle soient modifiés, suspendus ou annulés conformément au paragraphe 8(3) de la Loi sur l’ACSTA; cependant, la lecture de cette disposition tend plutôt à montrer que l’interprétation du demandeur ne peut être retenue. Voici le texte de l’article 8 de la Loi sur l’ACSTA :

Critères

 

 

8.      (1) L’Administration établit des critères de qualification, de formation et de rendement, applicables aux fournisseurs de services de contrôle et aux agents de contrôle, qui sont au moins aussi sévères que les normes qui sont établies dans les règlements sur la sûreté aérienne pris sous le régime de la Loi sur l’aéronautique.

 

Certificat

 

(2) L’Administration accorde un certificat de conformité aux fournisseurs et aux agents qui se conforment aux critères.

 

Modification, suspension et annulation

 

(3) L’Administration peut modifier, suspendre ou annuler un certificat si elle conclut que son titulaire ne se conforme plus aux critères.

 

 

 

[...]

Criteria for screening contractors and officers

 

8.      (1) The Authority must establish criteria respecting the qualifications, training and performance of screening contractors and screening officers, that are as stringent as or more stringent than the standards established in the aviation security regulations made under the Aeronautics Act.

 

 

Certification

 

(2) The Authority must certify all screening contractors and officers against the criteria established under subsection (1).

 

Varying, suspending or cancelling certification

 

(3) If the Authority determines that a screening contractor or officer no longer meets the criteria in respect of which they were certified, the Authority may vary, suspend or cancel their certification.

 

...

 

[66]           Rien n’indique que le mot « critères » du paragraphe 8(3) renvoie aux annotations ou que le demandeur doit échouer relativement à plus d’une annotation pour que son certificat soit modifié, suspendu ou annulé.

 

e) L’examen de recertification a changé depuis la décision

[67]           Enfin, les dernières allégations du demandeur (paragraphe 65) au sujet des exigences relatives aux examens qui ont été adoptées après la décision visée par la présente affaire ne sont nullement pertinentes en l’espèce.

 

V.  Conclusion

[68]           Pour tous les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée avec dépens.

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur soit rejetée avec dépens.

Remarque incidente

M. Williams a précisé, tant dans ses plaidoiries écrites qu’à l’audience, qu’il était « sous la contrainte » au cours de sa période d’examen. Si M. Williams était « sous la contrainte » pour des raisons familiales, comme il l’a affirmé, il aurait dû demander un congé ou l’autorisation de prolonger le congé qu’il avait pris à l’origine; cependant, il ne l’a pas fait, pour des raisons économiques, parce qu’il ne voulait pas subir les conséquences financières d’un congé dépassant le délai qui lui avait été accordé, c’est-à-dire le congé qu’il avait demandé à l’origine, mais dont la durée était limitée.

Il semblerait que l’argument que M. Williams a invoqué dans ses plaidoiries écrites et à l’audience au sujet de la « contrainte » soit sans fondement. M. Williams aurait dû, semble‑t‑il, demander un congé supplémentaire; s’il estimait qu’il était incapable de se soumettre à l’examen à la date en question, comment pouvait-il, au cours de la même période, demeurer en poste comme agent de contrôle et continuer d’assurer la sécurité du public, comme l’exigeaient ses fonctions?

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, L.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-439-11

 

INTITULÉ :                                       David Williams c

Procureur général du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 15 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Williams

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Malcolm Palmer

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Williams

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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