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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20111123

Dossier : T-463-11

Référence : 2011 CF 1348

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2011

En présence de Madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

SERGENT BRIAN REHILL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE DU CANADA (GENDARMERIE ROYALE DU CANADA)

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

      MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]              Le demandeur, le sergent Brian Rehill, a joint les rangs de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) en novembre 1990 et a occupé divers postes de plus en plus importants au sein de la haute direction. En février 2009, il a présenté sa candidature pour le poste de chef de district, sergent d’état-major du Détachement d’Antigonish de la GRC. Le surintendant Ted Upshaw agissait à titre d’officier hiérarchique responsable de la sélection (OHS) dans le cadre du concours. Trois candidats, dont le demandeur, ont présenté leur candidature pour le poste.

 

[2]              Le 15 mai 2009, un autre candidat, le sergent Anthony Arthur Perry (« serg. Perry » ou « le candidat reçu »), a été choisi pour occuper le poste. Voici comment l’OHS a formulé sa recommandation :

[Traduction]

Après avoir examiné soigneusement tous les renseignements contenus dans les demandes, les lettres d’accompagnement et les résumés des compétences de tous les candidats pour le poste de chef de district d’Antigonish, je me suis fondé, pour formuler ma recommandation, sur le fait que le candidat reçu a démontré qu’il possédait l’expérience, les compétences et les connaissances faisant ainsi de lui la personne tout indiquée pour le poste annoncé.

 

Dans ses exemples, le candidat recommandé a démontré que ses tâches lui ont permis de fournir des exemples plus frappants de compétences et d’aptitudes qui font ressortir ses points forts à bien des égards. Les exemples, ainsi que les pièces justificatives, ont permis de démontrer, selon moi, qu’il est actuellement le candidat idéal pour pourvoir au poste de chef du Détachement d’Antigonish.

 

[3]              Le 15 juin 2009, le demandeur a contesté la décision de l’OHS en déposant une demande d’intervention (DI), qui faisait partie intégrante à l’époque du processus de règlement des différends interne de la GRC.

 

[4]              Le 4 février 2011, l’arbitre de la DI (l’arbitre) a rejeté la DI présentée par le demandeur. C’est cette décision qui est contestée dans la présente instance de contrôle judiciaire.

 

I. Décision faisant l’objet du contrôle

[5]              Le demandeur a contesté la décision de l’OHS en invoquant plusieurs motifs. L’arbitre a examiné chacun d’eux. Toutefois, pour les besoins de la présente instance, j’estime suffisant d’aborder uniquement les conclusions de l’OHS qui sont pertinentes pour les questions soulevées dans la présente demande.

 

[6]          Le demandeur s’est élevé contre le fait que l’OHS n’a pas signé l’Entente de confidentialité (formulaire 5182), qui atteste qu’il accomplira ses tâches avec impartialité. L’arbitre était d’accord avec le demandeur pour dire que rien n’excusait l’OHS d’avoir négligé de signer ledit formulaire. Cependant, il a conclu qu’il n’y avait aussi aucune preuve qui permettait de démontrer que l’OHS n’avait pas agi équitablement. De plus, au moment où la promotion a été accordée, il n’existait aucune politique en vigueur qui exigeait que l’OHS signe le formulaire.

 

[7]          Le demandeur s’est élevé contre le fait que le candidat reçu n’a pas fourni les références qui pouvaient attester les renseignements qu’il a fournis dans sa lettre d’accompagnement, contrairement à ce qu’exigeaient l’annonce et le Manuel de la gestion des carrières, Bulletin MGC-783 (MGC). L’arbitre a accordé beaucoup de poids à cet argument. Il a toutefois souligné que ni le demandeur ni le défendeur n’ont présenté d’éléments de preuve qui permettent d’affirmer que les renseignements et les exemples figurant dans la lettre d’accompagnement du serg. Perry étaient erronés, faux ou trompeurs. Le superviseur du candidat reçu a signé la lettre d’accompagnement et a, ce faisant, attesté que l’information contenue dans la lettre était vérifiée et exacte. Ainsi, la signature du superviseur remédie au fait que les références n’ont pas été fournies.

 

[8]          Le demandeur n’a pas accepté la lettre présentée par le Conseil municipal d’Antigonish à l’appui de la candidature du serg. Perry. Cette lettre, a-t-il soutenu, a amené l’OHS à faire preuve de partialité; il aurait dû soit former un comité chargé de réaliser les entrevues soit se retirer du processus de sélection. L’arbitre a conclu qu’il n’y avait rien de malencontreux dans la lettre ou la réponse de l’OHS. À ses yeux, le serg. Perry n’a pas sollicité l’appui du Conseil municipal en lui faisant part de son intention de poser sa candidature pour le poste de sergent d’état-major et la réponse de l’OHS à la lettre du Conseil municipal ne révélait aucune partialité. Qui plus est, l’arbitre a conclu que les propos du demandeur lui-même révèlent le contraire. Le demandeur s’est vu accorder la chance de s’opposer au choix de l’OHS, mais ne l’a pas fait même s’il était au courant de la lettre.  

 

[9]          Le demandeur s’est élevé contre le fait que l’OHS n’a pas pris de notes ou présenté des « documents de travail » au cours de sa délibération. L’arbitre a fait remarquer que ce type de document n’était pas obligatoire. Par ailleurs, aucune preuve ne permet de démontrer que l’absence de « documents de travail » a causé un préjudice au demandeur.

 

[10]      Le demandeur a critiqué le temps qu’il a fallu à l’OHS pour rendre sa décision. L’arbitre a conclu qu’il était raisonnable de croire que les dossiers des candidats ont été soigneusement examinés, puis une décision a été rendue dans les trois jours suivants, ce qui était conforme avec la politique de la GRC qui prévoit qu’une décision doit être rendue dans les sept jours.

 

II. Questions à trancher

[11]         La présente demande soulève les deux questions suivantes :

A. L’arbitre a-t-il commis une erreur en concluant que la nomination du candidat reçu était valide en dépit du fait que son dossier de candidature était incomplet?

B. L’arbitre a-t-il commis une erreur en ne concluant pas à la présence d’une crainte de partialité de la part de l’OHS?

 

III. Norme de contrôle

[12]         Le demandeur a soutenu que la première question devrait être examinée selon la norme de la décision correcte. Il a fait valoir que la question soulève une question de droit et il a établi une distinction entre la présente affaire et l’arrêt Dunsmuir c Canada, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], dans lequel la Cour suprême du Canada a statué que les décisions rendues par les arbitres en droit du travail commandent un degré élevé de retenue. Pour étayer sa prétention, il a invoqué le manque d’expertise de l’arbitre. Les tâches habituelles de l’arbitre sont liées à ses responsabilités en qualité de surintendant de la GRC et non comme arbitre en relations de travail. Il est peu probable, a-t-il ajouté, que l’arbitre possède l’expérience requise pour composer avec les processus de promotion ou siéger au sein de commissions ou de tribunaux du travail.  

 

[13]           Le défendeur a fait valoir que la décision de l’arbitre soulève des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. La première question devrait donc commander l’application de la norme de la décision raisonnable. Le défendeur a souligné le fait que la Cour a déjà reconnu que les décisions des arbitres commandent un degré élevé de retenue (Schamborzki c Canada (Gendarmerie Royale du Canada), 2010 CF 586, 269 FTR 261 [Schamborzki]; Smith c Canada (Procureur général), 2004 CF 320, aux paragraphes 12 et 13, 129 ACWS (3d) 1020 [Smith]; Iwanowich c Gendarmerie Royale du Canada, 2007 CF 254, aux paragraphes 23 et 30, 310 FTR 91).

 

[14]           De plus, le défendeur a fait valoir que d’autres indicateurs commandent un degré de retenue élevé quant aux décisions se rapportant aux DI : L’article 25 des Consignes du commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d’exigences de postes), DORS/2000-141 [Consignes du commissaire]; les différends de DI comportent l’application de dispositions techniques concernant le processus de promotion de la GRC; les documents pertinents sont généralement de nature administrative, il ne s’agit pas d’instruments juridiques; les arbitres de la GRC sont des officiers supérieurs ou des gestionnaires qui obtiennent des conseils sur la façon d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire et une expertise relative de l’administration et du règlement des différends internes. Le défendeur a aussi ajouté que le processus de DI a pour but d’assurer le règlement des conflits de manière équitable, peu coûteuse et expéditive (Canada (Procureur général) c Gillis, 2007 CAF 112, 156 ACWS (3d) 229).

 

[15]           Suivant l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 62, il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle lorsque celle-ci est déjà établie par la jurisprudence. 

 

[16]           La Cour a statué, à maintes occasions, que la bonne norme de contrôle qui s’applique pour les décisions rendues par des arbitres de la GRC est celle de la décision correcte (Schamborzki, précitée; au paragraphe 50, Smith, précitée, au paragraphe 7). J’adhère à la jurisprudence citée par le défendeur; la première question sera donc examinée selon cette norme.  

 

[17]         Les parties ont toutes deux soutenu que la deuxième question commande l’application de la norme de la décision correcte : la crainte raisonnable de partialité est, selon les parties, une question d’équité procédurale. Avec égards, je suis plutôt d’avis que la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable. En l’espèce, l’équité procédurale qui est en jeu concerne une crainte de partialité de la part de l’OHS et non l’équité procédurale du processus de DI. L’arbitre avait pour mandat de décider si, compte tenu de la preuve, les motifs étaient suffisants pour conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part de l’OHS. Cette décision se rapporte à une question mixte de fait et de droit qui commande l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable (Cheney c Canada (Procureur général), 2005 CF 1590, aux paragraphes 14 et 15, 144 ACWS (3d) 193).

 

[18]         Par conséquent, les deux questions seront examinées selon la norme de la décision raisonnable. Le rôle de la Cour est expliqué dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47 :

[...] La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

IV. Analyse

A. L’arbitre a-t-il commis une erreur en concluant que la nomination du candidat reçu était valide en dépit du fait que son dossier de candidature était incomplet?

 

[19]         Il est utile d’exposer les exigences administratives que doit respecter le processus de promotion régi par le MGC, publié le 16 juin 2006.

 

[20]         Les cinq étapes du processus de promotion sont exposées au paragraphe 2.4 du MGC :

2.4.1 la liste d’admissibilité fondée sur les exercices de simulation du poste (ESP);

2.4.2 le soutien du superviseur/officier hiérarchique;

2.4.3 l’annonce;

2.4.4 la validation des compétences;

2.4.5 la sélection.

 

 

[21]         Suivant le paragraphe 2.5, une candidature doit respecter toutes les exigences des quatre premières étapes pour passer à la cinquième étape.

 

[22]         Un agent doit avoir le soutien de son superviseur avant de répondre à une annonce d’emploi (paragraphe 10.0).

 

[23]         Les candidats doivent soumettre un résumé des compétences et une lettre d’accompagnement. En vertu du paragraphe 11.9 du MGC, [traduction] « si un dossier de candidature est incomplet, il ne sera pas pris en considération ».

 

[24]         L’objet de la lettre d’accompagnement est exposé aux paragraphes 1.1 et 1.2 de l’annexe C, intitulée [traduction] « Lettre d’accompagnement pour le processus de promotion » :

 

[traduction]

1.1             La lettre d’accompagnement (formulaire 5147) a pour objet de donner au candidat l’occasion de soumettre de l’information récente se rapportant aux compétences requises et aux qualités souhaitables, d’indiquer pourquoi il estime être le meilleur candidat pour le poste, ainsi que de présenter d’autres renseignements dont l’officier hiérarchique/délégué pourra tenir compte à l’étape de la sélection.

 

1.2             Ces renseignements fournis dans la lettre d’accompagnement sont très importants et l’officier hiérarchique/délégué en tiendra compte à l’étape de la sélection.

 

[25]         L’article 2 de l’annexe C renferme des directives à l’intention de l’agent qui rédige sa lettre d’accompagnement. Les voici :

[traduction]

2.1. Vous avez la responsabilité de rédiger la lettre d’accompagnement. Le recours à des organismes externes, ou toute assistance de la part de tels organismes, en vue de préparer les documents du processus de promotion est interdit et sera considéré comme étant une tricherie.

 

2.2. Entrez l’information dans l’espace qui vous est accordé. Il est interdit d’utiliser des caractères de taille inférieure à 10 points.

 

            MISE EN GARDE : Le non-respect des critères liés à la taille des caractères ou au nombre de lignes entraînera le rejet de votre candidature.

 

2.3. Les documents joints ne seront pas pris en considération.

 

2.4. L’information que vous donnez doit pouvoir être vérifiée; indiquez le nom de vos références.

 

2.5. Votre superviseur et vous devez tous les deux signer la lettre d’accompagnement. Votre signature sera votre attestation que les exemples fournis sont véridiques et décrivent fidèlement votre comportement.

 

[26]         L’article 3 de l’annexe C renferme des directives à l’intention des superviseurs, qui doivent vérifier et certifier l’information fournie par les candidats dans leur lettre d’accompagnement :

 

 

[traduction]

3.1. Veuillez lire les présentes directives, les directives qui se trouvent sur la lettre d’accompagnement et tous les autres renseignements qui vous sont fournis.

 

3.2. Vérifiez, d’après vos connaissances ou en communiquant avec les références, les exemples de comportement fournis par le candidat.

 

3.3. Si vous n’êtes pas en mesure de vérifier un exemple ou si vous doutez de la fidélité de la description en question, rencontrez le candidat et tentez de régler toute préoccupation ou divergence d’avis. Le candidat ne peut pas utiliser un exemple qui ne peut pas être vérifié.

 

[27]         Un OHS effectue la sélection (la cinquième étape du processus de promotion). Le nom de cet OHS est communiqué aux candidats à l’avance (paragraphe 13.6). En vertu du paragraphe 13.6.1 du MGC, les candidats ont la possibilité de contester le choix de cet OHS; le cas échéant, ils doivent soumettre, par écrit, les motifs de leur contestation (paragraphe 13.6.1). La décision ultime sera prise par un agent des ressources humaines (paragraphe 13.6.2).

 

[28]         L’OHS sélectionne le candidat recommandé sur la base du facteur exposé au paragraphe 13.8 :

[traduction]

L’officier hiérarchique désignera le candidat recommandé qui, à son avis, est la bonne personne pour le poste après avoir examiné toute l’information, y compris (le cas échéant) les besoins opérationnels au sein de l’équipe en question.

 

[Non souligné dans l’original]

 

[29]         Le paragraphe 13.5 précise que l’OHS doit tenir compte de l’information contenue dans la demande du candidat, son résumé des compétences et sa lettre d’accompagnement, ainsi que de toute autre information pertinente.

 

[30]         Aux termes du paragraphe 13.9, l’OHS doit normalement formuler sa recommandation dans les sept jours qui suivent la réception des dossiers de sélection.

 

[31]         Le 21 janvier 2009, la GRC a affiché le bulletin de possibilité d’emploi AR-141 (BPE) se rapportant au poste de chef de district, sergent d’état-major du Détachement d’Antigonish de la GRC.

 

[32]         Le BPE renfermait, entre autres, l’information et les directives suivantes à l’intention des candidats potentiels :

[traduction]

Les agents doivent soumettre un dossier de candidature complet avant la date de clôture du BPE, soit dans un délai de 28 jours. Le dossier de candidature comporte les éléments suivants :

 

la demande (formulaire 5145);

[...]

son résumé des compétences (formulaire 5144);

[...]

une lettre d’accompagnement (formulaire 5147);

[...]

ainsi que tout renseignement additionnel, au besoin (MGC 783 [...])

[...]

 

Vous devez présenter un formulaire de résumé des compétences 5144. Le format de ce formulaire est préétabli et il est interdit de le modifier.

 

Dans votre résumé des compétences, vous devez soumettre deux exemples vérifiables décrivant comment vous avez démontré chacune des compétences requises selon le profil des compétences du poste (voir ci-dessous; voir aussi le chapitre 12 du Manuel de la gestion des carrières). Vous devez fournir le nom et le numéro de téléphone d’une référence qui peut confirmer l’information; de plus, votre résumé des compétences doit être vérifié et signé par votre superviseur immédiat.

 

L’information que vous fournissez dans ce formulaire ne doit pas être un compte rendu de l’ensemble de votre carrière. Vous devez plutôt mettre l’accent sur des exemples précis qui, à votre avis, illustrent le mieux comment vous avez démontré, dans le cadre de vos fonctions, chacune des compétences requises. Il n’y a pas de date limite au-delà de laquelle vos exemples ne seraient plus valables; toutefois, à l’étape de la sélection, le gestionnaire chargé d’évaluer chaque élément des compétences peut tenir compte de la récence des exemples fournis.

 

Vous devez présenter un formulaire de lettre d’accompagnement 5147. Le format de cette lettre d’accompagnement est préétabli et il est interdit de le modifier.

 

La lettre d’accompagnement vous permet de présenter de l’information à jour sur les points suivants : en quoi vous répondez aux exigences du poste; de l’information additionnelle sur vos compétences; de l’information se rapportant aux priorités relevées par le gestionnaire chargé de la sélection; les motifs qui vous font penser que vous êtes le meilleur candidat pour le poste; ou tout autre renseignement pertinent que vous souhaitez soumettre dans le cadre du processus de sélection. Vous devez fournir le nom et le numéro de téléphone d’une référence qui peut confirmer l’information, et votre lettre d’accompagnement doit être vérifiée et signée par votre superviseur immédiat.

 

[33]          La lettre d’accompagnement au format préétabli renfermait des directives, notamment la suivante : [traduction] « L’information doit être vérifiable, des références doivent être fournies. » La lettre d’accompagnement que signe l’agent comporte la déclaration suivante :

[traduction]

J’atteste que l’information fournie est exacte et véridique, au mieux de ma connaissance. Je suis conscient que tout faux renseignement peut m’exclure du processus de promotion. Je suis également conscient que c’est moi-même, uniquement, qui doit être l’auteur de la lettre d’accompagnement, qui dois la rédiger et l’écrire et que toute preuve du contraire sera considérée comme étant la démonstration que j’ai triché.

 

[34]         L’espace réservé à la signature du superviseur est précédé de l’attestation suivante : [traduction] « J’atteste que j’ai pris les mesures nécessaires pour vérifier l’exactitude de l’information fournie par l’agent susmentionné et que l’information fournie par le candidat est exacte et véridique autant que je sache ».

 

[35]           Le demandeur a allégué que le candidat reçu ne s’est pas conformé au MGC et au BPE parce qu’il n’a pas fourni des références dans sa lettre d’accompagnement visant à confirmer le contenu de ladite lettre. 

 

[36]           Le mandat de l’arbitre est défini à l’alinéa 22(1)b) des Consignes du commissaire, qui prescrit que l’arbitre ordonne la prise des mesures correctives indiquées s’il conclut que la décision, l’acte ou l’omission a causé un préjudice au demandeur.

 

[37]           L’arbitre a reconnu que la lettre d’accompagnement du serg. Perry ne respectait pas les exigences, mais il a constaté que cette irrégularité n’était pas un motif de rejet et que le demandeur n’avait pas démontré en quoi il a subi un préjudice :

 

                        [Traduction]

Le plaignant a fait valoir ses arguments relativement à l’absence de références dans sa lettre d’accompagnement. Cependant, il n’a pas démontré que la présentation de renseignements invérifiables ou non vérifiés qui pouvaient être faux ou trompeurs pouvait lui causer un préjudice. Le défendeur a soutenu que les exemples sont vérifiables et ont été vérifiés parce que s’ils n’avaient pas été vérifiables, le sergent d’état-major Shermerhorn n’aurait pas autorisé leur inclusion dans la lettre d’accompagnement ou n’aurait pas signé le document. Bien que j’estime que rien n’excuse l’absence de références et de leurs coordonnées dans la lettre d’accompagnement, je suis d’avis que la politique prévoit une mesure qui permet de corriger cette lacune et le défendeur l’a exposé clairement. La présence de la signature du sergent d’état-major Shermerhorn sur la lettre d’accompagnement confirme que les exemples présentés ont été vérifiés. En l’absence de preuves tangibles, le plaignant n’a pas démontré en quoi il a subi un préjudice.

 

[38]           Le demandeur a soutenu que l’arbitre a commis une erreur en ne concluant pas que la demande du serg. Perry aurait dû être rejetée au début du processus.

 

[39]           Premièrement, il a affirmé qu’il ne faisait aucun doute qu’en ne fournissant pas de références, le serg. Perry n’a pas satisfait, dans sa lettre d’accompagnement, aux exigences du MGC et du BPE. Il a attiré l’attention sur la directive suivante à l’intention des candidats qui est énoncée dans le BPE et a insisté sur les termes « devez » et « et » : [traduction] « Vous devez fournir le nom et le numéro de téléphone d’une référence qui peut confirmer l’information, et votre lettre d’accompagnement doit être vérifiée et signée par votre superviseur immédiat. » Il a fait valoir que, compte tenu de la clarté des termes, les deux exigences étaient obligatoires. Il a précisé que si la GRC avait voulu qu’un candidat ait le choix de fournir l’une ou l’autre information, ils auraient utilisé l’expression « et/ou » au lieu de « et »; or, les deux éléments étaient exigés.

 

[40]           Deuxièmement, le demandeur a soutenu que, conformément aux termes simples et concis des directives énoncées dans le MGC et le BPE, si un renseignement exigé dans le BPE, qui « doit » faire partie de la demande, est absent, la demande est alors incomplète. Le demandeur a ajouté que cette omission entraînait le rejet et il a cité le paragraphe 11.9 du MGC qui énonce que [traduction] « si un dossier de candidature est incomplet, il ne sera pas pris en considération ». Il a insisté sur le fait que les exigences relatives au dossier de candidature sont très techniques et détaillées. Il s’est reporté, à titre d’exemple, au paragraphe 2.2 de l’annexe C du MGC qui prévoit que l’utilisation d’une mauvaise police de caractères dans la lettre d’accompagnement donnera lieu à l’exclusion du candidat. Si l’utilisation d’une mauvaise police de caractères exclut un candidat, alors le fait de ne pas fournir des références ‑ une omission plus grave ‑ doit a fortiori entraîner l’exclusion automatique du candidat.

 

[41]           Troisièmement, le demandeur a affirmé que l’arbitre avait commis une erreur en concluant que le non-rejet de la demande du serg. Perry par la GRC ne lui causait aucun préjudice. Il a soutenu que, en raison de cette erreur, il a dû rivaliser avec deux autres candidats au lieu d’un seul. Il a ajouté que tous les candidats avaient subi un préjudice du fait que le candidat dont la demande aurait dû être rejetée fut celui dont la candidature a été retenue. Si la demande du serg. Perry avait été rejetée, le résultat du concours aurait été différent. Le demandeur a fait valoir que lorsqu’une décision erronée prise dans le cadre d’un processus de recrutement cause des préjudices aux autres candidats, le résultat doit être déclaré nul. À l’appui de sa prétention, il a cité l’arrêt Stout c Canada (Commission de la fonction publique) (1983), 24 ACWS (2d) 74, 51 NR 68 (CAF) [Stout], et la décision MacKintosh c. Canada (Comité d’appel de la Commission de la fonction publique), [1990] ACF no 834 (QL) [Mackintosh].

 

[42]           Le défendeur a soutenu que les conclusions de l’arbitre de la DI étaient raisonnables.

 

[43]           Premièrement, le défendeur a fait valoir que le dossier de candidature du serg. Perry n’était pas « incomplet ». Le paragraphe 11.7 de la MGC énonce que, pour être complet, le dossier doit comporter : la demande (formulaire 5145), un résumé des compétences (formulaire 5144) et une lettre d’accompagnement (formulaire 5147). Le serg. Perry a fourni ces documents; il a donc présenté un dossier de demande complet. 

 

[44]           Deuxièmement, le défendeur a prétendu que, à supposer que la demande du serg. Perry était incomplète, l’absence de références dans la lettre d’accompagnement était sans importance puisque son supérieur a attesté de l’exactitude des renseignements fournis dans la lettre d’accompagnement et, par conséquent, sa demande n’aurait pas dû être rejetée. Le défendeur a affirmé que les exigences relatives aux références et à la signature du superviseur du candidat visent à garantir l’exactitude des renseignements donnés par le candidat dans sa lettre d’accompagnement. Le MGC exige que les candidats ne donnent que des exemples vérifiables. Chaque candidat atteste de l’exactitude des renseignements qu’il a fournis en signant sa lettre d’accompagnement. Il est demandé au superviseur du candidat de vérifier l’exactitude des renseignements fournis dans la lettre d’accompagnement. Pour ce faire, le supérieur peut s’en remettre à sa connaissance directe des renseignements présentés ou de l’information fournie par les personnes mentionnées comme références. Il n’est pas exigé que le superviseur communique avec chacune de ces personnes. En l’espèce, on peut seulement déduire que le superviseur du serg. Perry a été en mesure de vérifier l’exactitude des renseignements contenus dans la lettre d’accompagnement compte tenu de sa connaissance directe des faits. Le défendeur a fait observer que la signature du superviseur constitue une autre garantie, outre la signature du candidat. L’OHS peut tenir pou acquis que les exemples ont été vérifiés, à condition que le superviseur ait signé la lettre d’accompagnement.

 

[45]           Le défendeur a en outre fait observer que le préjudice ne peut résulter de l’absence de références, car rien n’établit que les renseignements fournis par le serg. Perry dans sa lettre d’accompagnement étaient inexacts, faux ou trompeurs, ou encore, que son superviseur n’a pu vérifier l’information.

 

[46]           Le défendeur a distingué la présente affaire des affaires Stout et Mackintosh au motif que l’absence de références n’avait aucune incidence sur l’évaluation des mérites relatifs du candidat reçu : le résultat aurait été le même si les références avaient été fournies.  

 

[47]           Je suis d’avis que la décision de l’arbitre de la DI était raisonnable et qu’elle ne doit pas être modifiée.

 

[48]           Il ne fait aucun doute que la lettre d’accompagnement du serg. Perry ne répondait pas aux exigences énoncées dans le MGC et le BPE. Cependant, je considère que l’arbitre pouvait légitimement conclure que l’omission commise n’entraînait pas le rejet et que le demandeur n’a pas démontré qu’il en a subi un préjudice.

 

[49]           J’estime que les omissions pouvant figurer dans le dossier de demande d’un candidat ne devraient pas toutes rendre la demande incomplète automatiquement, au sens du paragraphe 11.9 du MGC. L’importance d’une omission et son incidence sur l’intégrité et l’équité du processus de promotion doivent être évaluées à la lumière des circonstances de chaque cas.

 

[50]           En l’espèce, le défaut de fournir des références dans la lettre d’accompagnement doit être examiné dans le contexte des objectifs visés par les lignes directrices et les exigences du processus de promotion. Le MGC établit des lignes directrices qui visent à assurer un processus de concours rigoureux et équitable. Je suis d’accord avec le demandeur que les exigences sont très techniques et détaillées; cela dit, celles-ci visent principalement à ce que le processus soit équitable, qu’aucun candidat ne soit favorisé aux dépens des autres, que les candidats donnent des renseignements complets et précis, et que l’OHS prenne une décision fondée sur des renseignements pertinents, complets et exacts.

 

[51]           Pour atteindre ces objectifs, le processus comporte différentes étapes et exige que les candidats fournissent différents documents. Le résumé des compétences et la lettre d’accompagnement sont importants, car ils permettent aux candidats de décrire leur profil, de faire état de leur expérience et d’expliquer pourquoi leur candidature devrait être retenue. Le résumé des compétences est beaucoup plus détaillé que la lettre d’accompagnement qui constitue un complément à ce résumé. Il est à noter que le résumé des compétences du serg. Perry ne contenait pas de références pour tous les exemples qu’il a donnés.

 

[52]           Il ne fait aucun doute que le MGC et le BPE exigent que les candidats donnent des références tant dans leur résumé des compétences que dans leur lettre d’accompagnement. Cela dit, je suis d’accord avec le défendeur que les références sont demandées aux fins de vérification. Le MGC demande que le résumé des compétences et la lettre d’accompagnement contiennent des renseignements qui sont vérifiables. L’exactitude des renseignements fournis par les candidats est essentielle à l’intégrité et à l’équité du processus de concours. Afin d’assurer l’exactitude des renseignements fournis par les candidats, le MGC a mis en place les garanties suivantes : premièrement, le demandeur doit attester que l’information qu’il fournit est complète et exacte; deuxièmement, le superviseur du candidat doit vérifier l’information et garantir son exactitude. Pour ce faire, le superviseur peut s’appuyer sur sa connaissance directe de l’information présentée ou, à défaut de cette connaissance, sur la connaissance des personnes dont les noms ont été fournis comme références. Les références sont un outil que le superviseur peut utiliser pour vérifier l’exactitude des renseignements fournis par le candidat lorsqu’il ne peut compter sur sa connaissance directe pour garantir leur exactitude.

 

[53]           Je suis d’avis que, en l’espèce, l’absence de références n’a eu aucune incidence sur la capacité du superviseur à garantir l’exactitude des renseignements fournis dans la lettre d’accompagnement; en conséquence, l’omission n’entraîne pas le rejet. Par conséquent, on ne saurait dire que la demande du serg. Perry était incomplète, au sens du paragraphe 11.9 du MGC. Si l’irrégularité commise dans le dossier de demande du serg. Perry avait placé son superviseur dans une situation où il ne pouvait vérifier l’information contenue dans la lettre d’accompagnement, j’aurais alors conclu que la demande était incomplète et j’aurais dû la rejeter conformément au paragraphe 11.9 du MGC. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. Par conséquent, j’estime qu’il était raisonnable que l’arbitre conclue que l’absence de références a été réglée par la signature du serg. Perry.

 

[54]           En outre, je suis d’avis que la conclusion de l’arbitre selon laquelle le demandeur n’a subi aucun préjudice était également raisonnable. L’arbitre a examiné la question du préjudice par rapport à l’intégrité du processus. Il a constaté que le fait pour le serg. Perry de ne pas avoir fourni de références n’avait causé aucun préjudice parce que son superviseur a pu vérifier l’exactitude des renseignements contenus dans la lettre d’accompagnement et parce que rien ne permettait de croire que ces renseignements étaient inexacts, faux ou trompeurs. L’arbitre était convaincu que l’intégrité du processus n’avait pas été compromise par l’absence de références. Je conclus que l’arbitre de la DI a adopté le bon critère et que son évaluation de la preuve était raisonnable.

 

[55]           Le demandeur a soutenu que le préjudice doit être évalué d’un point de vue différent. Il a affirmé que la demande du serg. Perry aurait dû être rejetée. Étant donné que le serg. Perry était le candidat reçu, le processus de promotion a été vicié et tous les autres candidats ont subi un préjudice. À mon avis, l’argument du demandeur aurait été convaincant si l’omission commise dans la demande du serg. Perry et le fait que celle-ci n’a pas été rejetée avaient eu une incidence sur l’intégrité et l’équité du processus. Par exemple, je suis d’avis qu’une lettre d’accompagnement contenant des renseignements invérifiables ou non vérifiés devrait être considérée comme incomplète et être rejetée conformément au paragraphe 11.9 du MGC. En pareil cas, le non-rejet de la demande du candidat aurait une incidence sur l’intégrité et l’équité du processus et causerait éventuellement un préjudice aux autres candidats.

 

[56]           J’aimerais ajouter que la présente affaire se distingue de l’arrêt Stout et de la décision Mackintosh.

 

[57]           Dans l’arrêt Stout, le processus de concours considéré était déficient parce qu’aucun énoncé des critères de mérite n’avait été élaboré avant le début du concours, ce qui contrevenait au règlement sur la fonction publique en vigueur à l’époque. Cet aspect a touché directement l’intégrité du processus. Les qualifications requises définies par le jury de sélection ont été simplement déduites de la description de travail. En l’espèce, la Cour d’appel fédérale a clairement statué que les irrégularités entachent les résultats d’un concours pour un emploi donné lorsqu’elles influent sur l’issue de ce concours (Stout, précité, au paragraphe 3).

 

[58]           Dans la décision Mackintosh, le directeur responsable du processus de recrutement a exclu certaines questions d’un test après l’avoir soumis aux candidats, ce qui a permis à trois candidats de réussir le test au lieu d’un seul. Comme ces questions se rapportaient directement aux qualifications des candidats, leur exclusion a eu un effet direct sur l’issue du concours.

 

[59]           En l’espèce, parce que les renseignements fournis dans la lettre d’accompagnement du serg. Perry ont été vérifiés et se sont révélés exacts, l’omission qu’il a commise de ne pas fournir de références n’a eu aucune incidence sur l’issue du concours. Pour toutes ces raisons, je conclus que l’arbitre pouvait légitimement déclarer que le demandeur n’avait pas démontré que [traduction] « la présentation de renseignements invérifiables ou non vérifiés qui pouvaient être faux ou trompeurs pouvait lui causer un préjudice ».

 

B. L’arbitre a-t-il commis une erreur en ne concluant pas à la présence d’une crainte de partialité de la part de l’OHS?

 

[60]           Le demandeur a soutenu que l’arbitre a commis une erreur en concluant à l’absence d’une crainte raisonnable de partialité. Il a fait valoir que l’arbitre a commis une erreur en évaluant isolément les points qu’il a soulevés et que les quatre points suivants, considérés ensemble, auraient dû l’amener à conclure qu’il existait une crainte raisonnable de partialité :

a.       La lettre acheminée par le Conseil municipal recommandant la promotion du serg.  Perry;

b.      Le fait pour l’OHS de ne pas avoir signé l’Entente de confidentialité;

c.       Le temps écoulé avant que l’OHS ne formule sa recommandation;

d.      Le fait que l’OHS n’avait pas rédigé des « documents de travail » au cours de ses délibérations.

 

[61]         J’aborderai d’abord la lettre du Conseil municipal.

 

[62]         Avant de réussir le concours pour le poste de chef d’état-major, le serg. Perry occupait le poste de s.-off. des opérations, à Antigonish. Il avait entre autres pour tâche de siéger au sein du comité du service de police et de délivrance des permis d’Antigonish [Antigonish Town Police & Licensing Committee]. Au cours de la réunion du comité tenue le 5 février 2009, le serg. Perry a fait part de son intention de poser sa candidature pour le poste de sergent d’état-major. Il a aussi indiqué aux membres qu’il présenterait également sa candidature pour un autre poste. Après qu’il ait fait part de ses intentions, le comité a rédigé une lettre en appui de la promotion du serg. Perry au sein du Détachement d’Antigonish.

 

[63]         Le 16 février 2009, une motion indiquant que l’agent administratif principal de la ville d’Antigonish rédigerait une lettre à l’intention du surintendant Upshaw, l’OHS du concours, en appui à la promotion du serg. Perry a été adoptée au cours d’une réunion municipale. Ladite lettre, qui portait la date du 24 février 2009, est rédigée en ces termes :

[traduction

]Monsieur le surintendant Upshaw,

 

Je vous écris au nom de la ville d’Antigonish. Les membres du Conseil ont adopté une motion, au cours de leur réunion dûment convoquée, visant à autoriser l’envoi de la présente en guise d’appui à la promotion du serg. T. Perry, travaillant actuellement au sein du Détachement d’Antigonish de la GRC, au poste de sergent d’état-major. Les membres du Conseil estiment que le bagage de connaissances que possède le serg. Perry seront mises à profit à ce poste et qu’il pourra tirer parti de son expérience dans la région d’Antigonish (tant dans la ville que dans le comté) et poursuivre les initiatives auxquelles il prend part actuellement [...]

 

 

[64]         Le 3 mars 2009, l’OHS a fait parvenir ce qui suit en guise de réponse à cette lettre :

[traduction

]Je vous remercie de votre lettre en date du 24 février 2009. J’aimerais aussi vous remercier d’avoir pris le temps de souligner l’excellent travail accompli par le serg. Perry pour la ville et le comté d’Antigonish.

J’estime que nombreuses seront les personnes qui manifesteront un intérêt lorsque viendra le temps de pourvoir au poste de chef à Antigonish. Soyez assuré que la candidature du serg. Perry sera dûment prise en considération.

 

[65]         Le 4 mai 2009, le nom de l’OHS a été communiqué aux candidats. À ce stade, tous les candidats se sont vu accorder la possibilité de s’opposer au choix de l’OHS. Aucune objection n’a été soulevée. Le demandeur était au courant à ce moment-là que la lettre avait été envoyée à l’OHS.

 

[66]         Le demandeur a fait valoir que le candidat reçu a veillé à ce que le Conseil municipal d’Antigonish fasse parvenir directement à l’OHS une lettre pour l’appuyer et qu’il ressort de la réponse de l’OHS à la lettre qu’il était au courant que la ville privilégiait sa candidature. Le demandeur a fait valoir que le Conseil municipal a un pouvoir d’influence considérable relativement aux questions de la GRC à Antigonish parce qu’il peut opter, s’il le désire, pour des services offerts par la GRC ou son propre corps de police municipal (Municipal Government Act, SNS 1988, ch. 18, art. 54). À cet égard, le Conseil municipal est le principal client de la GRC à Antigonish et dans les environs. Le demandeur a fait valoir que la lettre, de pair avec d’autres éléments, tendait vers une crainte raisonnable de partialité.  

 

[67]           Le demandeur a fait valoir que le fait pour l’OHS de ne pas avoir signé l’Entente de confidentialité (formulaire 5182), une déclaration qui attesterait que sa décision a été rendue d’une manière impartiale, constitue une autre preuve de partialité de sa part. Vu que l’OHS était directement responsable du demandeur et du candidat reçu, il était crucial qu’il signe le formulaire.

 

[68]           Le demandeur a aussi prétendu que la décision de promouvoir le candidat reçu au lieu du demandeur a été prise précipitamment, car l’OHS n’a mis que deux jours de travail et demi à rendre sa décision alors que, suivant le paragraphe 13.9 du MGC, il est seulement tenu de formuler une recommandation dans les sept jours. Qui plus est, la nomination d’un sergent d’état-major au sein de la GRC est prise très au sérieux. Puisqu’une décision de ce genre peut nécessiter jusqu’à sept jours, le demandeur a prétendu que le fait que cette décision ait été rendue précipitamment étaye davantage la prétention selon laquelle l’OHS a fait preuve de partialité.

 

[69]           Enfin, le demandeur ne souscrit pas à la conclusion de l’arbitre voulant qu’il n’était pas nécessaire de produire des « documents de travail » ou des notes au cours de ses délibérations. Il a soutenu qu’il aurait fallu des notes pour permettre de trier tous les détails figurant dans les dossiers de demande des candidats. L’absence de notes, a-t-il fait valoir, permet de conclure que les demandes ont été examinées brièvement. Le demandeur a fait valoir, compte tenu de ce facteur et des autres indications de partialité, qu’il y a eu manquement à l’obligation d’agir équitablement à son égard.

 

[70]           Le défendeur a fait valoir que rien n’établissait la partialité de l’OHS, dans aucune mesure. Il a aussi fait valoir que le demandeur a négligé de s’opposer à la nomination de l’OHS lorsqu’il a eu la possibilité de le faire.

 

[71]           Le défendeur a prétendu que la justification de l’allégation de crainte de partialité du demandeur reposait sur une opinion et des hypothèses.  

 

[72]           En ce qui concerne la lettre que le Conseil municipal d’Antigonish a fait parvenir à l’OHS, le défendeur a soutenu que le serg. Perry n’a pas demandé qu’une lettre soit rédigée pour l’appuyer et que la réponse de l’OHS à la lettre ne renfermait pas d’indice de partialité.

 

[73]           Le défendeur a prétendu qu’il n’était pas obligatoire de signer l’Entente de confidentialité. De plus, il fait valoir que rien n’indique que le fait pour l’OHS de ne pas avoir déclaré qu’il était impartial le rendait, en conséquence, partial.

 

[74]           S’agissant de l’argument du demandeur selon lequel la décision a été rendue précipitamment, le défendeur a invoqué la décision Smiley c Gendarmerie Royale du Canada, 2007 CF 29, 155 ACWS (3d) 202 [Smiley]. Dans cette affaire, la décision liée à la promotion a été prise en 12 minutes. Pourtant, le juge Pinard a décidé qu’il n’était pas déraisonnable de supposer que les membres du comité de sélection s’étaient bien préparés avant la réunion et avaient lu à l’avance tous les documents. En l’espèce, l’OHS a pris beaucoup plus de temps que 12 minutes et sa décision a été rendue conformément aux lignes directrices du MGC, qui restreint à sept le nombre de jours de délibération. De plus, le défendeur a fait valoir que rien n’établir que l’OHS n’a pas pris tout le temps nécessaire pour prendre la bonne décision.

 

[75]           Enfin, le défendeur a soutenu qu’il était déraisonnable de supposer que l’OHS n’avait examiné que brièvement les documents, que sa décision avait déjà été prise ou qu’il était partial parce qu’il n’avait pas préparé de documents de travail.

 

 

[76]           Il ne fait aucun doute que les candidats, dans le cadre du processus de promotion, avaient droit à l’équité procédurale et à l’impartialité, ce que ne conteste pas le défendeur.

 

[77]           En ce qui a trait à la partialité, le critère qui s’applique est énoncé dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369, à la page 394 (disponible sur CanLII) (CSC) :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet [...] [L]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? ».

 

[78]           Dans l’arrêt R c S. (R.D.), [1997] 3 RCS 484, 151 DLR (4th) 193, la Cour suprême a repris le critère et formulé le commentaire suivant, au paragraphe 36, en ce qui concerne l’aspect objectif du critère :

L’existence d’une crainte raisonnable de partialité ou son absence est déterminée par référence à une personne raisonnable, bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique (Committee for Justice and Liberty, précité). Cette personne n’est pas « de nature scrupuleuse ou tatillonne », c’est plutôt une personne sensée qui connaît les circonstances de la cause.

 

 

[79]           Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’établir l’existence de la partialité dans les faits (Cheney, précitée, au paragraphe 18), il s’agit d’un critère objectif et, ainsi que l’a déclaré la Cour dans la décision Armstrong c Canada (Procureur général), 2006 CF 505, au paragraphe 75, 291 FTR 49, « [l]es exigences préliminaires lorsqu’il s’agit d’établir une allégation de crainte raisonnable de partialité sont rigoureuses et il faut des motifs sérieux à l’appui d’une telle allégation ».

 

[80]           En l’espèce, j’estime que la décision de l’arbitre de la DI était raisonnable.

 

[81]           Premièrement, j’estime que le Conseil municipal n’avait pas à s’immiscer dans le processus de promotion. Cependant, la preuve ne permet pas d’étayer l’allégation voulant que le serg. Perry a entrepris des démarches pour que soit envoyée la lettre d’appui. En outre, l’OHS n’avait rien à voir avec l’envoi de cette lettre. Lorsqu’il l’a reçue, il a agi comme il se doit, précisant qu’il s’attendait à ce que plusieurs membres manifestent leur intérêt pour le poste et que la candidature du serg. Perry sera dûment prise en considération. Je ne vois aucun indice de partialité qui soit dans sa réponse. De plus, le demandeur ne s’est pas opposé à la nomination du superintendant Upshaw à titre d’OHS lorsqu’il s’est vu offrir la chance de le faire, même s’il était au courant de la lettre provenant du Conseil municipal. Il est alors uniquement possible de conclure que la situation n’a pas soulevé dans l’esprit du demandeur une crainte de partialité.

 

[82]           S’agissant du temps qu’a mis l’OHS pour prendre sa décision, je ne comprends pas comment les deux jours et demi consacrés à l’évaluation des demandes des candidats peuvent justifier une allégation de crainte raisonnable de partialité. Je conclus qu’il s’agit là d’une allégation purement hypothétique.

 

[83]           En outre, j’estime que le fait pour l’OHS de ne pas avoir signé l’Entente de confidentialité et de ne pas avoir préparé des documents de travail soulève des préoccupations quant à la rigueur de celui-ci. Cependant, je conclus que ces éléments sont trop hypothétiques pour donner lieu à une crainte raisonnable de partialité à son endroit.

 

[84]           Le processus n’était pas parfait. Il aurait été préférable que le Conseil municipal n’ait pas fait parvenir une lettre appuyant la candidature du serg. Perry. Il aurait aussi été préférable que l’OHS ait signé l’Entente de confidentialité et préparé des documents de travail.

 

[85]           Toutefois, compte tenu de l’ensemble de la preuve, ces éléments ne permettent pas à la Cour de conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. La preuve ne permet pas raisonnablement de conclure qu’il a été satisfait au critère de la « personne sensée qui connaît les circonstances de la cause ». Par conséquent, je conclus qu’il était légitime que l’arbitre conclue à l’absence de partialité.

 

[86]           Pour tous les motifs énoncés ci-dessus et malgré les excellentes observations de l’avocat du demandeur, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le défendeur n’a pas réclamé des dépens et aucuns ne seront adjugés.

 


 

JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-463-11

 

INTITULÉ :                                       SERGENT BRIAN REHILL c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kenneth A. MacLean

 

POUR LE DEMANDEUR

Melissa A. Grant

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BoyneClarke LLP

Avocat

Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)é

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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