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 Date : 20111124


Dossier : T-475-11

Référence : 2011 CF 1354

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

FADI ATWANI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Fadi Atwani, citoyen du Liban, a acquis le statut de résident permanent au Canada le 14 juin 2006. Le 28 juillet 2009, il a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Dans une décision datée du 24 février 2011, une juge de la citoyenneté a rejeté la demande, n’étant pas convaincue que le demandeur avait résidé au Canada pendant les 1 095 jours requis dans les quatre ans (1 460 jours) qui avaient précédé la date de sa demande. La juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas au critère de résidence prévu à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, ch C-29 [Loi sur la citoyenneté ou Loi].

[2]               Le demandeur sollicite l’annulation de cette décision.

 

I.          Questions en litige

 

[3]               Le demandeur a soumis les questions suivantes :

 

1.                  La juge de la citoyenneté a-t-elle négligé de motiver suffisamment sa décision?

 

2.                  La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en n’établissant pas le nombre véritable de jours pendant lesquels le demandeur avait été effectivement présent au Canada?

 

3.                  La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en appliquant le critère de la présence effective énoncé dans la décision Re Pourghasemi (1993), 62 FTR 122 (QL), 39 ACWS (3d) 251 (CF 1re inst.) [Re Pourghasemi] plutôt que le critère qualitatif issu de la décision Re Koo (1992), [1993] 1 CF 286 (QL), 59 FTR 27 (CF 1re inst.) [Re Koo]?

 

II.        Décision

 

[4]               Je commencerai par examiner en substance la décision de la juge de la citoyenneté. Il semble que le problème principal que cette dernière a relevé concernait la crédibilité : elle n’a tout simplement pas cru les déclarations faites par le demandeur au sujet de sa résidence. Dans sa demande, le demandeur a déclaré qu’il s’était absenté du Canada pendant 194 jours, ce qui laissait 1 106 jours de présence effective au Canada. Toutefois, il a donné une réponse différente dans son questionnaire sur la résidence (QR), n’y ayant déclaré que 33 jours d’absence du Canada. Compte tenu de cet écart, des renseignements ont été colligés et la juge a interrogé le demandeur. Dans sa décision, la juge de la citoyenneté a fait état d’un certain nombre de problèmes que posaient les documents justificatifs produits par le demandeur, dont les suivants :

 

·                    le demandeur a omis de déclarer six absences du Canada;

 

·                    le demandeur a soumis des documents établis en dehors de la période pertinente et des relevés bancaires qui n’étaient pas à son seul nom;

 

·                    malgré la demande qui lui avait été adressée en ce sens, le demandeur a omis de produire des pièces prouvant qu’il avait réellement un emploi au Canada;

 

·                    les dates alléguées de versement de la rémunération et les montants en cause ne correspondaient pas à ce qui était inscrit sur les relevés bancaires. 

 

[5]               S’appuyant sur la documentation dont elle était saisie et sur son entretien avec le demandeur, la juge a expliqué n’être [traduction] « pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l’information fournie par le demandeur rend fidèlement compte du nombre de jours où il a été effectivement présent au Canada ».

 

[6]               La juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau de démontrer qu’il remplissait les exigences en matière de résidence (Maharatnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 96 ACWS (3d) 198 (QL) au paragraphe 5, [2000] ACF no 405 (CF 1re inst.)) et que, par conséquent, il ne satisfaisait pas au critère de résidence prévu à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté selon l’interprétation qui est en donnée dans Re Pourghasemi.

 

III.       Question no 1 : Les motifs étaient-ils insuffisants?

 

[7]               En ce qui concerne la première question soulevée par le demandeur, j’estime que les motifs sont tout à fait suffisants parce qu’ils indiquent clairement les raisons pour lesquelles la juge en est arrivée à cette décision. Aucune erreur n’a été commise.

 

IV.       Question no 2 : La juge a-t-elle commis une erreur en n’établissant pas le nombre de jours de présence effective?                                                                                                       

 

[8]               Le demandeur qui satisfait aux critères énoncés à l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté se verra attribuer la citoyenneté. Pour cela, il doit avoir résidé au Canada pendant le nombre de jours précisé. Suivant l’alinéa 5(1)c), la personne qui demande la citoyenneté doit démontrer qu’elle a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.

 

[9]               La décision de la juge de la citoyenneté comporte deux volets distincts : a) une conclusion de fait concernant le nombre de jours de présence effective du demandeur; b) l’interprétation du terme « résidence » figurant à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[10]           Pour ce qui est de la conclusion tirée par la juge quant au nombre de jours de résidence, il ne fait selon moi aucun doute que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

 

[11]           En l’espèce, la juge a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer qu’il avait résidé au Canada pendant la période requise de 1 095 jours. À mon sens, la juge pouvait à juste titre tirer cette conclusion. Dans sa décision, elle a dressé la liste des problèmes que posait la preuve produite par le demandeur (ou l’absence de preuve). Elle n’a rien omis. La preuve, selon ses constatations, était truffée d’incohérences et de lacunes. En outre, le demandeur n’a pas cessé de modifier les raisons censées expliquer ses absences. Sur le formulaire de demande, il a déclaré 194 jours d’absence. Dans son questionnaire sur la résidence, c’est devenu 33 jours. Par la suite, six autres absences non déclarées ont été mises au jour. Compte tenu des nombreux problèmes posés par la preuve, il n’était pas déraisonnable que la juge arrive à la conclusion que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau. La juge n’a simplement pas été en mesure d’établir un nombre de jours de résidence, quel qu’il soit. Vu les circonstances, il n’était pas déraisonnable de conclure que le demandeur ne remplissait pas les exigences établies par la Loi sur la citoyenneté. Il n’y a pas là d’erreur susceptible de révision.

 

[12]           Le demandeur soutient que la juge de la citoyenneté a commis une erreur en n’établissant pas avec précision le nombre de jours pendant lesquels il avait été effectivement présent au Canada. Il soutient qu’à défaut de le faire, la juge ne pouvait à juste titre conclure que le critère de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) n’était pas respecté. À mon avis, cet argument comporte un vice fondamental. C’est au demandeur – et non au juge de la citoyenneté – qu’il incombe d’établir, au moyen d’une preuve claire et convaincante, le nombre de jours de résidence. En l’espèce, le demandeur n’a pas produit de preuve cohérente et crédible concernant ses absences du Canada.

 

[13]           Comme l’affirmait récemment le juge Rennie, au paragraphe 8 de la décision Abbas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF, [2011] ACF no 167 :

Indépendamment du critère qui est retenu, il incombe à tout candidat à la citoyenneté de soumettre des éléments de preuve suffisamment crédibles pour permettre l’appréciation de la résidence, qu’elle soit quantitative (Pourghasemi) ou qualitative (Koo).

 

[14]           Compte tenu des faits dont elle était saisie, la juge de la citoyenneté n’a pas tiré de conclusion déraisonnable en statuant que le demandeur n’avait pas établi le nombre de jours pendant lesquels il avait été effectivement présent au Canada.

 

V.        Question no 3 : La juge de la citoyenneté a-t-elle commis une erreur en appliquant le critère de la présence effective?

 

[15]           Le demandeur prétend que la juge de la citoyenneté a commis une erreur en appliquant le critère de la présence effective au lieu du critère qualitatif énoncé dans la décision Re Papadogiorgakis, [1978] 2 CF 208 (QL), 88 DLR (3d) 243 (CF 1re inst.) [Re Papadogiorgakis] et affiné dans Re Koo, précitée. Cet argument pose toutefois une difficulté car le demandeur n’a pas réussi à convaincre la juge de la citoyenneté sur la question du nombre de jours de présence effective au Canada.

 

[16]           Au vu des faits en cause ici, le demandeur n’aurait pu satisfaire à l’un ou l’autre critère de résidence, qu’il soit issu de Re Koo ou de Re Pourghasemi. Comment peut-on espérer analyser la question de la résidence s’il est impossible de déterminer le nombre précis de jours de résidence?

 

[17]           Apparemment, le demandeur tente de faire valoir que, indépendamment du nombre de jours de résidence qui n’ont pas été prouvés, la preuve indique que ses liens avec le Canada sont réels. Invoquant ces faits, le demandeur affirme que la juge de la citoyenneté aurait dû procéder à une analyse fondée sur la décision Re Koo même si elle n’avait aucune idée précise du nombre de jours de présence effective. Je doute que la loi aille en ce sens. L’importance accordée à la citoyenneté et le bon sens commandent que la personne désireuse d’obtenir la citoyenneté canadienne présente un dossier crédible au sujet du temps qu’elle a passé au Canada. Il s’ensuit que le nombre total de jours de présence effective, étayé par une preuve crédible, doit nécessairement constituer le point de départ de toute analyse de la question de la résidence – que cette analyse soit fondée sur la décision Re Koo ou Re Pourghasemi.

 

VI.       Conclusion

 

[18]           En somme, la question déterminante qu’était appelée à trancher la juge de la citoyenneté – et la Cour – concernait le défaut du demandeur d’établir, au moyen d’une preuve crédible, le nombre de jours de présence effective qui pouvait lui être attribué. Une fois cette question tranchée, il devenait évident que le demandeur ne pourrait satisfaire aux exigences prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, indépendamment du critère retenu.

 

[19]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel sera rejeté.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que l’appel de la décision de la juge de la citoyenneté est rejeté.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-475-11

 

INTITULÉ :                                       FADI ATWANI c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 23 NOVEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 24 NOVEMBRE 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher J. Roper

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Stephen H. Gold

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet de Christopher J. Roper

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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