Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 Date : 20111125

 


Dossier : IMM-6318-10

Référence : 2011 CF 1367

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

WYCLIFF CHRISTBELL MWESIGWA
(alias WYCLIFF CHRISTB MWESIGWA)

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur souhaite faire annuler une décision datée du 24 septembre 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'il n'avait ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (LIPR). Le principal argument invoqué est que la Commission a manqué aux principes de justice naturelle en rejetant la demande d'ajournement déposée en vue de pouvoir recourir à l'assistance d'un avocat. Le demandeur soutient par ailleurs que la Commission a commis une erreur en concluant que sa prétention, à savoir qu'il risquait d'être persécuté en Ouganda, n'avait aucun fondement crédible. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

Les faits

[2]               Le demandeur a quitté l'Ouganda en 1999 et est entré aux États-Unis (É.‑U.) sous son vrai nom et muni d'un passeport ougandais. En 2000, il a présenté une demande d'asile, alléguant qu'il était citoyen du Rwanda et qu'il craignait d'être persécuté du fait de la vie et des incidents qu'il avait vécus dans ce pays. La demande d'asile présentée aux É.‑U. a été accueillie et il a obtenu, sur ce fondement, le statut de résident permanent dans ce pays.

 

[3]               Après neuf ans de vie aux É.‑U., le demandeur a été avisé par le Bureau de la citoyenneté et des services d’immigration des É.‑U. qu’il avait obtenu des informations selon lesquelles il n'était pas citoyen du Rwanda, comme il l'avait prétendu. Le demandeur a été assigné à comparaître à une audience de révocation du droit d'asile le 21 février 2008. En réponse, il a demandé que l'audience soit ajournée de 90 jours afin de pouvoir produire des documents; il a ensuite quitté les É.‑U. pour le Canada et n'est pas retourné dans ce pays.

 

[4]               À son arrivée au Canada, le demandeur a présenté une demande d'asile. Son formulaire de renseignements personnels (FRP) était fondé, comme aux É.‑U., sur une fausse identité rwandaise. Le demandeur a retenu les services d'un avocat pour le représenter à l'audience relative à sa demande d'asile, et cette audience a finalement été fixée au 23 septembre 2010.

 

[5]               Trois mois avant la tenue de l'audience, soit le 23 juin 2010, le ministre de Citoyenneté et Immigration Canada (le ministre) a avisé le demandeur qu'il avait l'intention d'intervenir à l'audience. Le ministre a indiqué que l'on avait obtenu des gouvernements des É.‑U. et de l'Ouganda des informations qui confirmaient que son identité était ougandaise. Parmi les informations divulguées par le ministre figurait une déclaration du département de la Sécurité intérieure des É.‑U. selon laquelle le demandeur avait été l'objet d'un avis de comparution à une audience relative à la révocation du droit d'asile.

 

[6]               Deux semaines plus tard, le 6 juillet 2010, l'avocat du demandeur s'est retiré à titre d'avocat au dossier.

 

[7]               L'audience relative à la demande d'asile a eu lieu le 23 septembre 2010. Le demandeur a déclaré qu’il s’était entretenu avec deux avocats avant l'audience mais que ceux‑ci n'avaient pas le temps de le représenter. Il ne se souvenait pas de leurs noms. La veille de l'audience, cependant, il avait trouvé un consultant en immigration qui lui avait dit qu'il ne pouvait pas le représenter à si bref délai mais qui lui avait conseillé de comparaître et de demander un ajournement de 30 jours. Suivant ce conseil, le demandeur a demandé un ajournement de 30 jours afin de pouvoir trouver un avocat qui le représenterait.

 

La décision faisant l'objet du présent contrôle

[8]               La Commission a refusé la demande d'ajournement au motif que le demandeur avait eu plus de deux mois pour retenir les services d'un avocat et que, en ne faisant des démarches qu'auprès de deux avocats seulement, il n'avait pas fait montre d'un effort sérieux pour procéder le jour de l'audience. Elle a également conclu qu'en faisant droit à la demande elle retarderait déraisonnablement le règlement de sa demande d’asile.

 

 

[9]               Ce n'est qu'après que la Commission eut rejeté la demande d'ajournement que le demandeur a reconnu que son FRP était presque entièrement faux, étant fondé, en réalité, sur sa fausse identité rwandaise. Elle contenait de fausses informations sur son lieu de naissance, sa nationalité, son origine ethnique, sa langue maternelle, ainsi que ses études et son emploi déclarés au Rwanda, de même que de fausses informations sur son arrestation et sa mise en détention par les autorités rwandaises.

 

[10]           La Commission a conclu que le demandeur était encore résident permanent des É.‑U. et, de ce fait, exclu du processus de protection des réfugiés par l’application de l'article 98 de la LIPR, lequel incorpore dans la loi canadienne la section E de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, [1969] Can. T.S. no 6 (la Convention). Pour arriver à cette conclusion, la Commission s'est fondée sur le titre de voyage pour réfugiés des É.‑U., qui identifiait le demandeur comme un résident permanent des É.‑U. et qui était valide jusqu'au 31 janvier 2016, de même que sur sa carte de résident permanent des É.‑U. Le demandeur a déclaré qu'il s'agissait dans les deux cas de documents authentiques et qu'il s'était servi de ces derniers pour être admis à titre de résident temporaire au Canada, à l'Aéroport international Pearson de Toronto, en 2008. La Commission lui a demandé s'il avait une preuve quelconque qu'il était sous le coup d’une mesure d'expulsion, et il a répondu que non. Elle a conclu que le demandeur avait le statut de résident permanent aux É.‑U.

 

[11]           La conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur avait le statut de résident permanent des É.‑U. et était donc exclu de la protection offerte aux réfugiés au Canada a suffit pour trancher l'affaire qui lui était soumise. Elle a néanmoins continué d'analyser le dossier et a examiné le fond de la demande. Elle est arrivée à la conclusion que le demandeur n'avait pas établi son identité en tant que citoyen de l'Ouganda et que, de toute façon, sa prétention de risque de persécution n'avait aucun fondement crédible.

 

 

[12]           Le demandeur n'a présenté aucune preuve pour corroborer soit son identité en tant que citoyen de l'Ouganda, soit la persécution dont il disait avoir été victime dans ce pays. La Commission a conclu que la seule preuve relative à la persécution était le témoignage non corroboré du demandeur, qui manquait de précisions ou de détails importants.

 

[13]           La Commission n'a accordé aucun poids au témoignage du demandeur sur son identité ou sur les faits qui, disait‑il, l’avaient amené à être persécuté en Ouganda. Elle a souligné que le demandeur avait dissimulé son identité réelle, tant au Canada qu'aux É.‑U., durant une période de 10 ans et que, jusqu'à ce que le ministre divulgue des informations le 23 janvier 2010 et que l'ajournement demandé soit refusé, il semblait disposé à continuer de le faire. Et, a-t-elle ajouté : « [i]l semble qu’il ait seulement changé d’idée après la communication du ministre datée du 23 juin 2010 ». Comme le demandeur n'avait présenté aucun élément pour prouver son identité ou sa nationalité en tant qu'Ougandais, la Commission a également conclu qu'il ne s'était pas acquitté du fardeau d'établir son identité.

 

 

Les questions en litige

[14]           Comme il a été souligné, le nœud de l'argumentation du demandeur est que la Commission a commis une erreur en refusant d'accueillir la demande d'ajournement présentée pour qu’il puisse retenir les services d’un avocat. Les questions d'équité procédurale doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte, mais le fait de savoir si la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la preuve relative au risque de persécution et de la question de l'identité du demandeur est contrôlé selon la norme de la raisonnabilité.

 

Une inconduite privant le demandeur du droit à une réparation

[15]           Les réparations que sont les brefs de certiorari, de mandamus ou de quo warranto sont, de par leur origine et leur substance, extraordinaires et discrétionnaires. Elles sont extraordinaires en ce sens que la décision du tribunal administratif, de l'office ou du particulier qui est légalement mandaté pour la rendre est infirmée par la Cour. Elles sont discrétionnaires en ce sens que le droit à l'une quelconque de ces réparations peut être refusé pour diverses raisons, dont la prématurité, le caractère théorique, la renonciation, une contestation incidente inadmissible, la conduite, l'existence d'une réparation subsidiaire, ou une appréciation plus générale de la prépondérance des inconvénients entre les parties. Ce principe de common law est illustré au paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales (L.R.C., 1985, ch F‑7), qui dispose que la Cour peut, sur présentation d'une demande, accorder réparation. La Cour suprême du Canada a fait remarquer que « [l]e fait que le par. 18.1(3) crée une faculté plutôt qu'une obligation conserve la nature discrétionnaire traditionnelle du contrôle judiciaire » : Canadien Pacifique Ltée c Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 RCS 3, au paragraphe 31. Dans l'arrêt Mining Watch Canada c Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2, [2010] 1 RCS 6, au paragraphe 52, la Cour suprême du Canada a confirmé que :

[…] le fait qu’un appelant ait droit à une réparation ne change rien au fait que le tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas accorder une telle réparation, ou du moins de ne pas accorder la totalité de la réparation demandée. Cependant, comme un tel pouvoir discrétionnaire peut empiéter sur le principe de la primauté du droit, il doit être exercé avec la plus grande diligence.

 

 

[16]           Plus récemment, dans l'arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, la Cour d'appel a passé en revue les longs antécédents de ce principe au sein de la jurisprudence canadienne

 

[17]           Dans l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Thanabalasingham, [2006] CAF 14, la Cour d'appel fédérale a analysé la nature discrétionnaire des réparations extraordinaires et a exposé les facteurs qui devraient guider l'exercice du pouvoir discrétionnaire de refuser une réparation qui, en d'autres circonstances, pourrait être accordée. Après avoir énoncé le principe selon lequel « […] si la juridiction de contrôle est d'avis qu'un demandeur a menti, ou qu'il est d'une autre manière coupable d'inconduite, elle peut rejeter la demande sans la juger au fond ou, même ayant conclu à l'existence d'une erreur sujette à révision, elle peut refuser d'accorder la réparation sollicitée ». Et de poursuivre le juge d'appel Evans, s'exprimant au nom de la Cour :

Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit s'efforcer de mettre en balance d'une part l'impératif de préserver l'intégrité de la procédure judiciaire et administrative et d'empêcher les abus de procédure, et d'autre part l'intérêt public dans la légalité des actes de l'administration et dans la protection des droits fondamentaux de la personne. Les facteurs à prendre en compte dans cet exercice sont les suivants : la gravité de l'inconduite du demandeur et la mesure dans laquelle cette inconduite menace la procédure en cause, la nécessité d'une dissuasion à l'égard d'une conduite semblable, la nature de l'acte prétendument illégal de l'administration et la solidité apparente du dossier, l'importance des droits individuels concernés, enfin les conséquences probables pour le demandeur si la validité de l'acte administratif contesté est confirmée.

 

 

 

[18]           Les deux premiers facteurs relevés par la Cour d'appel - la gravité de l'inconduite et la mesure dans laquelle cette inconduite menace la procédure en cause - sont des plus applicables en l'espèce. Le système d'immigration et de protection des réfugiés dépend, pour son fonctionnement efficace et rationnel, d’un témoignage franc, complet et véridique de la part des personnes qui souhaitent entrer au Canada. On ne rehausse pas le travail de la Commission et des Cours fédérales de même que la confiance du public envers le système d'immigration et de protection des réfugiés en accordant une réparation discrétionnaire à ceux qui présentent une demande d’asile en recourant à des inventions, des demi-vérités et des mensonges. Une réparation extraordinaire est donc une mesure de nature discrétionnaire et elle peut être refusée si la personne qui la demande a fait preuve d'inconduite; accorder une réparation extraordinaire ou en equity dans un tel cas aurait pour effet de miner la procédure de la Cour ou de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[19]           Pendant plus de dix ans le demandeur a induit en erreur les services de l'immigration des É.‑U. et du Canada quant aux faits véritables concernant son identité et les circonstances de sa demande de protection sous le régime de la Convention. Cette supercherie imprégnait tous les aspects de sa demande. Il a admis avoir menti au sujet de son lieu de naissance, de sa nationalité, de son origine ethnique, de sa langue maternelle, de son emploi et de ses études. Il a admis avoir fabriqué le récit de son arrestation et de sa détention aux mains des autorités rwandaises. Ce n'est que quand la vérité a été ultérieurement mise au jour par le gouvernement des É.‑U., qu'elle a été portée à la connaissance du ministre (de Citoyenneté et Immigration), lequel a plus tard indiqué qu'il avait l'intention de s'y fier, et que sa demande d'ajournement a été rejetée que le demandeur a finalement décidé de la reconnaître.

 

[20]           L'inconduite du demandeur a été généralisée, persistante et délibérée et elle avait un lien direct et important avec le processus décisionnel en litige. Faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire récompenserait en fait le demandeur pour la conduite qu'il a eue et minerait la confiance du public envers le processus canadien de détermination du statut de réfugié.

 

[21]           Il importe d'exercer avec soin le pouvoir de rejeter une demande pour des motifs d'ordre discrétionnaire car le pouvoir de supervision dont disposent les tribunaux d'instance supérieure a pour but de garantir que les décisions sont rendues d'une manière conforme à la loi. Dans l'arrêt Thanabalasingham, le juge d'appel Evans a mentionné plusieurs critères qui devraient guider l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. J'ai déjà traité de la gravité de l'inconduite, de son importance pour la question à trancher, ainsi que de l'importance d'éviter que l'on abuse de la procédure administrative. J'examinerai maintenant la nature de l'acte prétendument illégal de l'administration et la solidité apparente du dossier, ce qui oblige à analyser le bien-fondé de l'affaire, car cela permet d'étayer davantage, sur le plan du contenu et du contexte, la décision de rejeter la demande.

 

Le défaut de faire droit à la demande d'ajournement

 

[22]           Le demandeur soutient que l'exclusion est l'une des questions les plus complexes que la Commission soit appelée à trancher. Elle oblige à déterminer si le demandeur d'asile jouit des droits et des obligations d'un ressortissant vivant dans un pays sûr. Le fond de l'erreur commise dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire, est‑il allégué, est que la Commission a abordé l'analyse relative à l'exclusion sous l'angle du fait que le demandeur avait le statut de résident permanent aux É.‑U. L'affaire se complique si l'on présume que le demandeur n'est plus résident permanent ou s'il se peut que, dans l'avenir, il ne soit plus résident permanent des É.‑U. Il est allégué que la Commission aurait dû prendre en considération la question de la complexité en prenant pour base cette présomption, étant donné surtout que l'alinéa 48(4)k) des Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2002-228) prescrit en termes impératifs de tenir compte de la complexité de l'affaire au moment de décider s'il convient ou non d'accorder un ajournement.

 

[23]           La décision d'accorder ou non un ajournement est de nature discrétionnaire. La complexité n'est que l'un des critères dont il faut tenir compte, et le poids ou la valeur qu'il convient d'y accorder, dans la mesure où l'issue s'inscrit dans le cadre des vastes paramètres de la raisonnabilité, ne changeront pas. En outre, dans les affaires d'immigration, le droit à l'assistance d'un avocat n'est pas absolu. La présence ou l'absence d'un avocat n'est pas déterminant pour ce qui est de l'équité de l'audience : Wagg c Canada, 2003 CAF 303, [2004] 1 RCF 206. Pour garantir l'équité de l'audience, le demandeur doit pouvoir y participer utilement. La question qui se pose est celle de savoir si l'absence d'un avocat a donné lieu à une inéquité de nature telle qu'il est justifié que la Cour intervienne. En l'espèce, le demandeur a indiqué qu'il comprenait les explications de la Commission au sujet de l'exclusion. À deux moments différents au cours de l'audience, il a ajouté qu'il était disposé à procéder sans l'assistance d'un avocat.

 

[24]           Pour évaluer l'équité ultime de l'audience, il est important de rappeler que le demandeur n'a produit à l'audience aucun document démontrant que son statut de résident permanent avait été révoqué. Il a eu deux ans pour s'occuper de l'effet du statut qu'il avait aux É.‑U. sur sa demande d'asile au Canada et pour se préparer à son audience. Pendant presque toute cette période, il a été représenté par un avocat. Même s'il a fui les É.‑U. après avoir été avisé de la tenue d'une audience relative à la révocation du droit d'asile, il a eu amplement l'occasion de déterminer son statut aux É.‑U. et d'obtenir les documents qui auraient été nécessaires pour démontrer qu'il avait perdu la protection conférée aux É.‑U. Même si la question de l'exclusion n'avait pas été expressément soulevée au début de son audience, au Canada, son avocat précédent aurait été conscient de la nécessité de faire enquête sur le statut qu'il avait aux É.‑U., vu le temps durant lequel il avait vécu dans ce pays. Quoi qu'il en soit, au 23 juin 2010, date à laquelle le ministre a communiqué les informations, le demandeur aurait su - ou aurait dû savoir - que l'exclusion était en litige.

 

[25]           En résumé, le refus d'accorder l'ajournement n'a ni miné l'équité de l'audience ni été déraisonnable. Le demandeur était au courant de faits qui auraient pu rendre son dossier à ce point complexe qu'un ajournement aurait été accordé, mais il a décidé de ne pas les divulguer. Il a eu deux ans pour produire une preuve de son statut - ou de l'absence de ce dernier - aux É.‑U., ou pour présenter les faits qui auraient rendu son dossier si complexe qu'il aurait été déraisonnable de refuser d'accorder un ajournement. Au vu des faits soumis à la Commission, il n'y avait aucune preuve que le demandeur avait fait des démarches quelconques pour obtenir des éléments de preuve qui, en fait, auraient modifié le fondement factuel de sa demande.

 

La demande fondée sur l'article 96

[26]           La Commission a également pris en considération le fond de la demande d'asile du demandeur. Ce dernier alléguait qu'en 1999 il avait été détenu à deux reprises par les services de sécurité ougandais à cause des liens qu'il entretenait avec un officier de l'armée ougandaise soupçonné d'être opposé au gouvernement. Il n'a fourni aucun document à l'appui de cette prétention. Compte tenu de l'absence de preuves corroborantes et de l'imprécision qui imprégnait ses éléments de preuve, il était raisonnable que la Commission rejette la demande. Il y avait aussi amplement de motifs pour étayer la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'était pas digne de foi. Comme celui-ci s'était montré disposé à dissimuler son identité réelle aux autorités canadiennes et américaines pendant plus de 11 ans, la Commission a raisonnablement accordé peu de poids à son témoignage sur des faits prétendument survenus en Ouganda. Comme il n'y avait aucune erreur susceptible de contrôle dans la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'était pas digne de foi et n'avait pas établi l’existence d’une possibilité sérieuse de persécution en Ouganda, je suis d'avis, indépendamment de ma conclusion au sujet de l'inconduite, de ne pas intervenir à cause de la présence d'une erreur quelconque au sujet de l'analyse relative à l'identité ou du bien-fondé de la demande d'asile du demandeur.

 

L'enregistrement défectueux

[27]           Il y a eu une coupure dans la transcription de l'audience tenue devant la Commission. Selon le demandeur, une transcription incomplète ne permet pas à un tribunal de contrôle d'évaluer convenablement la raisonnabilité des conclusions tirées au sujet de la crédibilité.

 

[28]           L'absence d'un enregistrement ne constitue pas au préalable un manquement à l'équité procédurale. L'analyse demeure contextuelle. La Commission a produit une transcription dans laquelle seule une petite partie semble manquer. Les passages manquants dans la transcription n'ont pas nui à la présentation des arguments dans le cadre du présent contrôle judiciaire; par ailleurs, le demandeur n'a pas indiqué quels passages de son témoignage n'avaient pas été enregistrés, ni en quoi les passages manquants étaient préjudiciables à sa demande de contrôle judiciaire. Il n'y a pas de manquement à l'équité procédurale lorsqu'on suppose simplement qu'un argument non formé ou non exprimé se dissimule peut-être dans les passages manquants d’un enregistrement. Quoi qu'il en soit, le demandeur ne revient pas sur les faits qui ont été importants pour l'analyse relative à l'exclusion. Cet argument est rejeté.

 

La conclusion

[29]           Pour revenir à la question de principe, après avoir examiné le bien-fondé de la demande conformément aux critères énoncés dans l'arrêt Thanabalasingham, il s'agit ici d'une affaire dans laquelle il est justifié d'exercer le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande en raison de la conduite du demandeur. La demande de contrôle judiciaire est rejetée à cause de la conduite mensongère du demandeur, qui prive ce dernier du droit à l'une quelconque des réparations en equity que la présente Cour a le pouvoir d'accorder.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question à certifier n'a été proposée, et il ne s'en pose aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


ANNEXE A

 

 

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27)

 

98.  La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

Immigration and Refugee Protection Act, 2001, c. 27

 

98.  A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

 

 

Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies, R.T. Can. 1969 no 6

 

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

United Nations’ Convention Relating to the Status of Refugees, [1969] Can TS No 6

 

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

 

 


ANNEXE B

 

 

Le paragraphe 48(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2002‑228) énumère 11 éléments dont un commissaire doit tenir compte au moment de se prononcer sur une demande d'ajournement; l'un de ces éléments est la complexité de l'affaire.

 

Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2002-228)

48.

[…]

Éléments à considérer

(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

b) le moment auquel la demande a été faite;

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

f) si la partie est représentée;

g) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

h) tout report antérieur et sa justification;

i) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

j) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice;

k) la nature et la complexité de l’affaire.

Refugee Protection Division Rules (SOR/2002-228)

48. 

[…]

Factors

(4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

(b) when the party made the application;

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

(f) whether the party has counsel;

(g) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

(h) any previous delays and the reasons for them;

(i) whether the date and time fixed were peremptory;

(j) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings or likely cause an injustice; and

(k) the nature and complexity of the matter to be heard.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6318-10

 

INTITULÉ                                         WYCLIFF CHRISTBELL MWESIGWA (alias WYCLIFF CHRISTB MWESIGWA) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 23 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Poulton

POUR LE DEMANDEUR

 

Maria Burgos

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Poulton Law Office
Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.