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Date : 20111129

Dossier : IMM‑7567‑10

Référence : 2011 CF 1382

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

ILEEN ROSE MASSEY

VERONICA MASSEY

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Les demanderesses, Mme Ileen Rose Massey et sa fille biologique, Veronica, sollicitent la résidence permanente au Canada. La mère d’Ileen, Veena Dass, est citoyenne canadienne et a cherché à parrainer les demandes d’Ileen et de Veronica. Selon toute vraisemblance, ces demandes auraient pu être traitées de manière relativement simple, n’eût été un seul fait qui a tout compliqué. En 2001, Veena a adopté Veronica, sa petite‑fille.

 

[2]               Un agent des visas à l’étranger a rejeté les demandes de résidence permanente des demanderesses au titre du regroupement familial. L’agent a conclu que la demande de Veronica devait être examinée séparément de celle d’Ileen parce qu’elle était l’enfant légalement adoptée de Veena, non l’enfant à charge d’Ileen. L’agent a conclu qu’Ileen n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial par rapport à Veena vu qu’elle n’était pas un enfant à charge de celle‑ci, car elle était âgée de 37 ans. De plus, elle n’avait pas droit à une exemption fondée sur  des motifs d’ordre humanitaire.

 

[3]               Les demanderesses soutiennent que l’agent a entravé son pouvoir discrétionnaire en omettant d’examiner la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire relativement à Veronica. Elles soutiennent également que la décision de l’agent était déraisonnable. Les demanderesses me demandent d’annuler la décision de l’agent et de renvoyer l’affaire pour nouvel examen.

 

[4]               Je ne trouve aucune raison d’infirmer la décision de l’agent. Compte tenu de la preuve dont il disposait, particulièrement des éléments concernant l’adoption de Veronica, l’agent n’avait pas vraiment d’autre choix que d’exclure Veronica de la demande. L’examen de la situation de Veronica dépendait de l’évaluation du caractère authentique de l’adoption, à l’égard de laquelle l’agent ne disposait guère ou pas d’éléments de preuve. De plus, je ne peux conclure que la décision de l’agent était déraisonnable. Il a examiné les motifs d’ordre humanitaire pertinents relativement à la situation d’Ileen. Le peu de poids qu’il a accordé aux éléments liés à Veronica était une conséquence naturelle de sa conclusion précédente selon laquelle la situation de celle‑ci devait être évaluée séparément. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[5]               Voici les questions à trancher :

1.                  L’agent a‑t‑il entravé son pouvoir discrétionnaire en excluant Veronica de la demande?

2.                  La décision de l’agent était‑elle déraisonnable?

 

 

II.         Contexte factuel

 

[6]               Veena est venue au Canada en 1987 en qualité d’aide familiale. En 1989, elle a parrainé son mari et ses trois filles, dont Ileen, pour qu’ils viennent au Canada. En 1992, son mari et deux de ses filles ont quitté l’Inde pour venir au Canada. Toutefois, parce qu’elle s’était mariée l’année précédente et qu’elle était enceinte, Ileen est restée en Inde. Veronica est née en avril 1992.

 

[7]               Ileen soutient que son mari était violent physiquement et psychologiquement et qu’ils se sont séparés en avril 1993.

 

[8]               En 2001, Ileen et son mari, dont elle était séparée, ont signé un acte d’adoption par lequel Veena devenait la mère adoptive de Veronica.

 

[9]               En 2003, pendant qu’elle visitait sa famille au Canada, Ileen a confié Veronica à son mari, dont elle était séparée. Elle est partie ensuite aux États‑Unis pour obtenir un permis de travail au Canada dans le cadre du programme relatif aux aides familiaux. Elle a obtenu le permis en mai 2003.

 

[10]           Toutefois, Ileen soutient qu’elle a découvert en 2004 que son mari dont elle était séparée avait laissé Veronica chez un voisin et qu’elle ne fréquentait plus l’école. Ileen a décidé de retourner en Inde pour s’occuper de Veronica, même si elle n’avait pas complété la période de travail de 24 mois au Canada nécessaire pour obtenir la résidence permanente.

 

[11]           En 2005, Mme Massey a divorcé de son mari.

 

[12]           En 2009, Veena a confié la tutelle de Veronica à Ileen. Plus tard, au cours de la même année, Veena a cherché à parrainer Ileen et Veronica au titre de la catégorie du regroupement familial. Leur demande a été examinée par le Haut‑Commissariat du Canada à New Delhi et, en novembre 2010, Ileen et Veronica se sont présentées à une entrevue avec l’agent des visas.

 

[13]           L’agent a rejeté la demande de parrainage. Il a également rejeté la demande de mesures spéciales fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

III.       La décision de l’agent

 

[14]           Au début de l’entrevue, l’agent a avisé les demanderesses qu’Ileen ne satisfaisait pas à la définition de personne appartenant à la catégorie du regroupement familial et que Veronica ne pouvait pas figurer dans la demande d’Ileen parce qu’elle était adoptée.

 

[15]           Après avoir interrogé les demanderesses, l’agent les a informées que les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas une exemption dans leur cas. Il a souligné qu’Ileen avait eu recours dans le passé à d’autres moyens (soit le programme relatif aux aides familiaux) qui lui auraient permis d’obtenir la résidence permanente au Canada, et qu’elle disposait toujours de cette option.

 

[16]           L’agent a également admis que Mme Massey et Veronica étaient les deux dernières membres de la famille en Inde. Toutefois, bien que Veronica soit la fille biologique d’Ileen, les demanderesses étaient maintenant sœurs du point de vue juridique. Il n’est pas rare que les parents et deux de leurs enfants résident au Canada, alors que les autres enfants restent en Inde; ce fait à lui seul ne constitue pas un préjudice indu.

 

[17]           L’agent a noté que, puisque Veronica est âgée de plus de 18, il n’était pas nécessaire de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. Il a également souligné que l’adoption n’a pas rompu la relation parent‑enfant existante entre Ileen et Veronica. Par contre, il n’y avait pas de telle relation entre Veena et Veronica. L’agent a clairement indiqué qu’il n’y avait pas lieu de croire qu’une demande ultérieure présentée par Veronica au titre de la catégorie du regroupement familial serait accueillie, malgré son adoption par Veena. Sa seule option serait probablement une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire distincte.

 

[18]           L’agent  a expressément pris en compte les dix observations des demanderesses en faveur d’une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

[19]           Premièrement, les demanderesses ont souligné qu’Ileen figurait dans la demande de parrainage initiale de Veena. Elle était cependant inadmissible puisqu’elle était mariée. L’agent a conclu que le seul fait que certains membres de la famille se sont séparés en raison de l’immigration ne crée pas de préjudice excessif.

 

[20]           Deuxièmement, Ileen et Veronica sont les deux dernières membres de la famille en Inde. Là encore, l’agent a noté que ce fait ne constitue pas un soi un préjudice. Il n’est aucunement interdit à la famille de leur rendre visite en Inde. Le dernier séjour de Veena en Inde remonte à 2001.

 

[21]           Troisièmement, Ileen a interrompu le programme relatif aux aides familiaux au Canada pour retourner en Inde et s’occuper de Veronica. L’agent a noté qu’Ileen pouvait toujours entrer au Canada dans le cadre de ce programme sans avoir besoin d’une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. Cela ne constituerait pas un préjudice indu.

 

[22]           Quatrièmement, Ileen s’est vu refuser le visa de résident temporaire depuis 2004 parce que les agents chargés d’examiner ses demandes n’étaient pas convaincus qu’elle quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. Depuis ce temps, aucun membre de sa famille au Canada ne l’a visitée en Inde. L’agent a conclu qu’il ne semble pas y avoir des liens étroits entre Ileen et sa famille au Canada.

 

[23]           Cinquièmement, Veena souffre apparemment d’anxiété et de dépression du fait qu’elle soit séparée de sa fille. Toutefois, elle n’a fait aucun effort pour visiter l’Inde depuis 2001. L’agent a conclu que cette longue période de séparation dépendait de Veena.

 

[24]           Sixièmement, Veronica s’est vu refuser le visa de résident temporaire. Ce fait n’était cependant pas pertinent pour la présente demande. De plus, Veena n’a pas visité Veronica en Inde depuis son adoption.

 

[25]           Septièmement, la famille était séparée depuis 17 ans. Là encore, l’agent a noté que cela dépendait de Veena.

 

[26]           Huitièmement, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (LIPR), vise la réunification de la famille. Toutefois, l’agent a fait remarquer que la famille disposait d’autres recours juridiques qui ne nécessitaient pas d’exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a conclu que la famille ne s’est pas prévalue de ces options.

 

[27]           Neuvièmement, Ileen soutenait qu’elle avait été victime de violence aux mains de son ancien mari. L’agent a noté que rien n’indiquait l’existence d’accusations à cet égard. De plus, lorsqu’il a prononcé le divorce, le tribunal de l’Inde a conclu que les allégations de mauvais traitements n’étaient pas étayées. De plus, il ne s’agissait pas d’un facteur pertinent, vu qu’Ileen n’avait eu aucun contact avec son ancien mari depuis plusieurs années.

 

[28]           Enfin, Ileen a montré qu’elle est en mesure de s’installer au Canada compte tenu de sa participation antérieure au programme relatif aux aides familiaux. L’agent a répondu à son observation en soulignant encore une fois qu’elle pouvait présenter une nouvelle demande dans le cadre de ce programme si elle le voulait.

 

[29]           L’agent a conclu en fin de compte que l’exemption pour des motifs d’ordre humanitaire n’était pas justifiée dans cette affaire parce qu’Ileen n’était pas exposée à un préjudice excessif. Elle disposait d’autres recours si elle voulait immigrer au Canada.

 

IV.       Première question en litige – L’agent a‑t‑il entravé son pouvoir discrétionnaire en excluant Veronica de la demande?

 

[30]           Les demanderesses soutiennent que l’agent aurait dû adopter l’un des trois analyses suivantes. Il aurait dû déterminer que Veronica était l’enfant à charge de Veena compte tenu de son adoption et traiter la demande de parrainage en conséquence, ou conseiller à celle‑ci de remplir une autre demande. Subsidiairement, il aurait dû demander les documents supplémentaires nécessaires pour se prononcer sur cette question. Subsidiairement encore, il aurait dû se demander si Veronica était une personne à charge de fait par rapport à Ileen même si elle avait été adoptée légalement par Veena. Selon les demanderesses, elles ont explicitement demandé à l’agent de se prononcer sur ce dernier point dans leurs observations et celui‑ci a entravé son pouvoir discrétionnaire en omettant d’y répondre.

 

[31]           Les demanderesses font également valoir que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’incidence que pourrait avoir sur Veronica le fait pour Ileen de présenter une nouvelle demande dans le cadre du programme relatif aux aides familiaux, comme l’avait proposé l’agent. En conséquence, Veronica, âgée de 18 ans à l’époque, serait restée seule en Inde.

 

[32]           Selon mon interprétation de la décision de l’agent, celui‑ci a conclu qu’en raison de son adoption, Veronica devait présenter une demande distincte permettant l’examen des circonstances entourant son adoption pour établir si Veena pouvait la parrainer au titre de la catégorie du regroupement familial ou, le cas échéant, s’il existait des motifs d’ordre humanitaire en sa faveur. Je ne vois pas qu’elle autre mesure réaliste l’agent aurait pu prendre à l’égard des circonstances inhabituelles de l’espèce.

 

[33]           Dans le contexte de l’immigration, la loi exige une analyse de l’adoption. Cela ne pouvait se faire, comme l’a indiqué l’agent, que par voie de demande distincte.

 

[34]           En ce qui concerne la question de savoir si l’agent avait pu tenir compte du fait que Veronica était la personne à charge de fait par rapport à Ileen, je note que les demanderesses ont demandé comme suit dans la lettre de présentation qui accompagnait leur demande de considérer Veronica comme « personne à charge de fait » :

[traduction] Selon cette définition, Veronica ne serait pas considérée comme « l’enfant à charge » de Mme Massey parce qu’elle avait été adoptée par une personne autre que l’époux ou le conjoint de fait du parent, en l’occurrence sa grand‑mère. En cas de conclusion contraire, pour quelque motif que ce soit, nous vous demandons de considérer Veronica comme enfant à charge aux fins de la présente demande.

 

[35]           Vu cette demande, l’agent était‑il tenu de considérer que Veronica était une personne à charge de fait? Compte tenu des faits inhabituels de l’espèce, j’estime que la réponse à cette question est négative.

 

[36]           La personne à charge de fait est une « personne vulnérable » qui n’entre pas dans la définition de membres de la famille, mais qui dépend du soutien financier et affectif d’une personne qui présente une demande d’immigration au Canada : voir Frank c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 270, au par. 29. En d’autres termes, la personne à charge de fait est la personne qui n’a pas été reconnue comme appartenant à la catégorie du regroupement familial. En l’espèce, aucune conclusion n’a été encore tirée portant que Veronica n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial. Compte tenu de l’adoption, elle peut être considérée comme la fille de Veena.

 

[37]           Il n’est pas étonnant que ni la LIPR ni les directives concernant l’immigration ne prévoient expressément la situation inhabituelle soumise à l’agent. À la section 8.3 du manuel de traitement des demandes à l’étranger OP‑4 (« Traitement des demandes présentées en vertu de l’article 25 de la LIPR ») les « membres de la famille de fait » sont décrits comme suit :

 

Les membres de la famille de fait sont des personnes qui ne satisfont pas à la définition de membres de la catégorie du regroupement familial. Ils se trouvent par ailleurs dans une situation de dépendance qui en fait des membres de fait d’une famille nucléaire qui se trouve au Canada ou qui présente une demande d’immigration. Par exemple, un fils, une fille, un frère ou une sœur laissés seuls dans le pays d’origine sans autre famille; un parent âgé comme un oncle ou une

tante ou une personne sans lien de parenté qui habite avec la famille depuis longtemps. Font également partie de cette catégorie de personnes les enfants en tutelle pour qui l’adoption, telle que définie au R3(2), n’est pas un concept accepté. Les agents doivent évaluer ces situations au cas par cas et déterminer s’il existe des considérations humanitaires permettant d’admettre ces enfants au Canada. (Non souligné dans l’original.)

 

[38]           Alors que Veronica se trouvait sous la tutelle d’Ileen, sa mère biologique, elle était également l’enfant adoptée légalement de Veena. Il ne s’agissait pas d’une situation où l’adoption est « un concept accepté ». Le manuel énumère par la suite les facteurs pertinents :

 

•          la question de savoir si la relation de dépendance est authentique et non créée à des fins d’immigration;

 

•          le degré de dépendance;

 

•          la stabilité de la relation;

 

•          la durée de la relation;

 

•          l’incidence d’une séparation;

 

•          les besoins financiers et affectifs du demandeur relativement à l’unité familiale;

 

•          la capacité et la volonté de la famille au Canada de fournir un soutien;

 

•          les autres solutions qui s’offrent au demandeur, comme de la famille (époux, enfants, parents, fratrie, etc.) à l’extérieur du Canada qui a les capacités et la volonté de fournir un soutien;

 

•          les preuves documentaires concernant la relation (c.‑à‑d., comptes de banque conjoints ou possession de biens immobiliers, possession conjointe d’autres propriétés, testaments, polices d’assurance, lettres provenant d’amis et de membres de la famille);

 

•          tout autre facteur qui, de l’avis de l’agent, est pertinent pour la décision d’ordre humanitaire.

 

 

[39]           Bien que les demanderesses aient soulevé la question de la dépendance de fait dans leur lettre de présentation, leurs observations ne portaient pas sur les nombreux facteurs que l’agent aurait dû prendre en compte.

 

[40]           De plus, les exemptions pour des motifs d’ordre humanitaire sont censées être un recours exceptionnel. Il faudrait d’abord prendre d’autres moyens :

Une demande présentée pour des circonstances d’ordre humanitaire doit être faite par écrit et doit accompagner une demande de résidence permanente présentée dans l’une des trois catégories d’immigration. Il faut tout d’abord que l’on ait déterminé que le demandeur ne fait partie d’aucune des trois catégories d’immigration avant qu’une demande pour circonstances d’ordre humanitaire

soit examinée ou prise en considération. (Manuel OP‑4, section 5.3; non souligné dans l’original.)

 

[41]           Dans les circonstances, il fallait trancher la question concernant l’admissibilité de Veronica au titre de la catégorie du regroupement familial avant d’envisager la possibilité qu’elle puisse être une personne à charge de fait par rapport à Ileen.

 

[42]           En ce qui concerne l’intérêt supérieur de Veronica, je conclus que l’agent a présenté la meilleure solution dans les circonstances : Veronica devait présenter sa propre demande de résidence permanente. L’intérêt supérieur de Veronica (et d’Ileen) est probablement mieux servi si elles demandent l’entrée au Canada de la façon proposée par l’agent. À mon avis, l’agent avait suffisamment pris en compte l’intérêt supérieur de Veronica dans les circonstances.

 

V.        Deuxième question en litige – La décision de l’agent était‑elle déraisonnable?

 

[43]           Les demanderesses soutiennent qu’il ressort de l’entrevue avec l’agent que l’adoption de Veronica visait à la protéger, ce qui démontrait l’amour de Veena envers Ileen et Veronica ainsi que sa relation avec celles‑ci. Les demanderesses soutiennent également que la décision ultérieure de confier la tutelle de Veronica à Ileen était un signe d’amour, non d’absence de relation. Les demanderesses font aussi valoir que le soutien financier mensuel que Veena fournit à Ileen établit l’existence de leur relation.

 

[44]           Les demanderesses soutiennent que leurs nombreuses tentatives d’obtenir le visa de résident temporaire démontrent également la volonté réciproque de rejoindre leur famille au Canada. L’agent a conclu que Veena avait fait des [traduction] « efforts considérables » pour faire venir sa fille au Canada, ce qui démontre, selon les demanderesses, que leur relation est solide.

 

[45]           De plus, les demanderesses font valoir que l’agent était tenu de procéder à une analyse de l’« intérêt supérieur de l’enfant ». Puisqu’elle avait 18 ans au moment de la décision, Veronica est toujours considérée comme une « enfant » sous le régime du Règlement. Les demanderesses soutiennent que l’agent d’immigration ne s’est pas montré « sensible » à l’intérêt de Veronica.

 

[46]           Les demanderesses contestent en outre la proposition apparente de l’agent selon laquelle la famille devrait se réunir en Inde. Elles soulignent que la LIPR a notamment pour objet de veiller à la réunification des familles au Canada.

 

[47]           À mon avis, comme je le disais plus haut, l’agent a expliqué en détail pourquoi l’exemption pour des motifs d’ordre humanitaire n’était pas justifiée en l’espèce et a répondu directement à chacune des observations présentées par les demanderesses.

 

[48]           De plus, selon la jurisprudence récente de notre Cour, il n’est pas nécessaire d’examiner l’intérêt supérieur d’une personne âgée de plus de 18 ans à titre d’ « enfant directement touché » dans une demande fondée sur l’art. 25 de la LIPR. Dans Leobrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 587, le juge Michel Shore s’est rapporté à la législation nationale, aux instruments internationaux et à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême pour arriver à la conclusion selon laquelle « l’enfance constitue une période temporaire qui est délimitée par l’âge de la personne, et non par des caractéristiques personnelles » (au par. 72).

 

[49]           À mon avis, l’agent n’a pas commis d’erreur en affirmant qu’il n’était pas nécessaire de tenir compte de l’intérêt supérieur de Veronica. Quoi qu’il en soit, je crois que l’agent a dûment tenu compte de cet intérêt. Il a examiné expressément la scolarité de Veronica, sa situation financière et sa situation en matière de logement ainsi que les membres de la famille pouvant l’aider tant en Inde qu’au Canada.

 

[50]           Par conséquent, la conclusion de l’agent selon laquelle la preuve ne justifiait pas un recours exceptionnel n’était pas déraisonnable. Il a pris en compte tous les facteurs pertinents, a tenu compte de tous les éléments de preuve et ne s’est pas fondé sur des considérations non pertinentes.

 

VI.       Conclusion et décision

 

[51]           J’estime que l’agent n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en omettant de considérer Veronica comme personne à charge de fait. De plus, la décision de l’agent était raisonnable. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a soumis de question pour certification, et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

 


Annexe

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

 

  25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

 

  25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑7567‑10

 

INTITULÉ :                                                   ILEEN ROSE MASSEY, ET AL c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 5 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   Le 29 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Russell Kaplan

POUR LES DEMANDERESSES

 

Craig Collins‑Williams

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Russell Kaplan

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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