Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20111202

Dossier : IMM‑2577‑11

Référence : 2011 CF 1407

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

MILAN KOKY, ALENA KOKYOVA, MILAN KOKY, TOMAS KOKY et NATALIE KOKYOVA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’égard de la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 25 mars 2011 (la décision), qui rejetait la demande d’asile présentée par les demandeurs à titre de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi.

 

CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur principal, Milan Koky, sa conjointe de fait, Alena Kokyova (Alena) et leurs enfants, Tomas Koky (Tomas), Milan Koky (Milan) et Natalie Kokyova (Natalie) sont tous des citoyens tchèques. Ce sont tous des Roms. Les demandeurs sont arrivés ensemble au Canada le 16 avril 2009 et ont présenté leur demande d’asile le 17 avril 2009.

 

[3]               Le demandeur principal affirme avoir fait l’objet de discrimination pendant son enfance, parce qu’il était un Rom. Lorsqu’on l’attaquait à l’école, il se défendait et était qualifié d’enfant difficile par ses professeurs parce qu’il se battait. Après avoir commencé à fréquenter un établissement d’enseignement professionnel en 1991, il a été attaqué dans les toilettes de l’école par un groupe de skinheads. Il est allé voir le principal de l’école, mais rien n’a été fait. Lorsqu’Alena fréquentait l’école primaire, elle a également fait l’objet de discrimination parce qu’elle était une Rom; les autres enfants l’insultaient souvent et se moquaient d’elle.

 

[4]               En 1996, le demandeur principal retournait chez lui en train après son travail lorsqu’il a été attaqué par un groupe de skinheads. Il a rapporté l’agression à la police, mais celle‑ci n’a rien fait, et lui a dit qu’elle ne pouvait rien faire parce qu’il n’y avait pas de témoins. Aujourd’hui encore, le demandeur principal ne sait toujours pas si la police a fait enquête sur sa plainte. Alena affirme que, lorsqu’elle allait chez le médecin, elle était souvent harcelée verbalement dans la salle d’attente. D’autres femmes qui attendaient également pour voir le médecin disaient des choses comme [traduction] « les Tsiganes passent en dernier » et « les Tsiganes à la chambre à gaz. »

 

[5]               En 1999, le demandeur principal s’est rendu avec Alena dans un bar avec leurs amis. Un certain nombre d’autres Roms s’y trouvaient avec eux. Pendant qu’ils étaient dans ce bar, un groupe de 15 skinheads est entré en tenant des propos racistes à leur endroit et en faisant le salut nazi. Le demandeur principal a été agressé à coups de bâtons de baseball. La police a été appelée, mais lorsqu’elle est arrivée, les skinheads étaient partis. Les gens qui se trouvaient dans le bar ont relaté à la police ce qui était arrivé, mais il n’y a pas eu d’arrestations et aucune accusation n’a été portée.

 

[6]               En 2003, peu après la naissance de Natalie, un groupe de skinheads a lancé des pierres et des cocktails Molotov dans les fenêtres de la maison des demandeurs. Les skinheads ont crié qu’ils [traduction] « supprimeraient les Tsiganes. » Une autre fois, des skinheads ont lancé une brique dans la pièce que se partageaient Milan et Tomas; ces derniers ont refusé de dormir dans cette pièce par la suite.

 

[7]               Lorsqu’ils sont arrivés au Canada, les demandeurs ont demandé l’asile au motif qu’ils avaient fait l’objet de discrimination en République tchèque. Leurs demandes ont été réunies aux termes du paragraphe 49(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés DORS/2002‑228 et ont été entendues ensemble le 18 mars 2011. À l’audience, Alena et les enfants ont fait leur exposé circonstancié du FRP du demandeur principal, de sorte que la SPR a tranché toutes les demandes en se fondant sur cet exposé. À l’audience, seul le demandeur principal a été interrogé par la SPR. Cette dernière a rendu sa décision le 25 mars 2011 et elle a été signifiée aux demandeurs le 29 mars 2011.

 

LA DÉCISION ATTAQUÉE

 

[8]               La SPR a estimé que les demandeurs avaient présenté des documents officiels qui établissaient leur identité. La SPR a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger. Les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention parce qu’il n’existait pas de possibilité sérieuse qu’ils soient persécutés s’ils étaient renvoyés en République tchèque. Ils n’étaient pas des personnes à protéger parce qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État.

 

            Discrimination et persécution

 

[9]               La SPR a conclu que le demandeur principal avait fait l’objet de discrimination lorsqu’il étudiait à l’école primaire et à l’école professionnelle. Elle a relevé qu’il avait répondu par la négative lorsqu’on lui a demandé à l’audience s’il avait signalé l’agression de 1991 à la police. Le demandeur principal a déclaré qu’après avoir rapporté l’agression de 1996, les policiers avaient fait des blagues et lui avaient dit que c’était de sa faute parce qu’il avait la peau foncée. Il a déclaré à l’audience qu’il n’aurait servi à rien de s’adresser à d’autres représentants des autorités parce que la réponse aurait été la même à moins que quelque chose de grave ne soit arrivé. Le demandeur principal a déclaré que lors de l’agression commise dans le bar en 1999, les policiers s’étaient davantage intéressés aux dommages physiques causés à l’établissement qu’aux blessures subies par les personnes qui s’y trouvaient.

 

[10]           La SPR a jugé que les demandeurs avaient fait l’objet de discrimination en République tchèque parce qu’ils étaient des Roms. La SPR a toutefois estimé que cette discrimination ne constituait pas de la persécution parce qu’il ne s’agissait pas d’une violation systémique ou constante de leurs droits fondamentaux démontrant l’absence de protection de la part de l’État. La SPR a examiné la question de savoir si les demandeurs avaient fait l’objet de persécution en utilisant la définition de persécution donnée par M. Hathaway dans son ouvrage The Law of Refugee Status (Toronto, Butterworths, 1991) et par le juge LaForest dans ses motifs de dissidence dans l’arrêt Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593. La SPR a conclu qu’il n’existait pas de preuve convaincante indiquant que les demandeurs avaient été persécutés relativement à l’éducation, à l’emploi, au logement ou aux soins médicaux (paragraphe 20 de la décision de la SPR).

 

La protection de l’État

 

[11]           La SPR a examiné la question de savoir si les demandeurs avaient accès à la protection de l’État offerte par la République tchèque. La Cour d’appel fédérale a établi dans Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CAF 94, que les demandeurs d’asile qui allèguent l’absence de protection de l’État doivent convaincre la SPR que la preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, que la protection de l’État est insuffisante. La SPR a également fait remarquer que la présomption de la protection de l’État ne peut être réfutée que par des preuves claires et convaincantes concernant l’incapacité de l’État à fournir cette protection. En outre, il incombe au demandeur d’asile de demander la protection de l’État et, dans la mesure où l’efficacité de la protection de l’État est un aspect pertinent, la SPR a indiqué que le critère applicable était celui de la suffisance de la protection de l’État, et qu’il est possible de mesurer le caractère suffisant en se fondant sur les efforts déployés par l’État pour protéger ses citoyens.

 

[12]           La SPR a conclu que la République tchèque est une démocratie qui tient des élections libres et équitables, de sorte que la présomption de la protection de l’État pourrait être qualifiée de forte, suivant ainsi l’arrêt Kadenko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 1376 (CAF). La SPR a déclaré qu’elle ne disposait d’aucun élément indiquant qu’en République tchèque il y avait un effondrement complet de l’appareil étatique. La SPR a également constaté que le gouvernement de la République tchèque avait pris des mesures pour protéger les Roms contre la discrimination, et avait notamment passé une loi pour lutter contre la discrimination, avait créé des postes d’assistants de police roms (APR) chargés des rapports avec la communauté rome, avait procédé à l’arrestation et à la poursuite de néo‑nazis, avait recruté activement des Roms pour qu’ils deviennent des policiers, avait fourni à la police une formation en ce qui concerne ses rapports avec les minorités, et avait embauché des agents de liaison des minorités (ALM). Si le peuple rom faisait effectivement l’objet de discrimination, le gouvernement tchèque déployait des efforts sérieux pour lutter contre cette discrimination et protéger les Roms contre les crimes haineux.

 

[13]           La SPR a noté que le demandeur principal s’était adressé à la police après avoir été agressé en 1996. Elle a toutefois estimé qu’il ne s’était pas adressé à une autorité supérieure lorsque les agents à qui il avait signalé l’agression n’avaient rien fait. La SPR a estimé que le demandeur principal n’avait pas pris toutes les mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État au moment où il a fait l’objet d’une agression.

 

[14]           La SPR mentionne que le 12 mars 2001, la police tchèque est intervenue au cours d’une manifestation pacifique à laquelle participaient des Roms contre un défilé organisé par des néo‑nazis. Au cours de cette manifestation, la police a chargé à cheval les manifestants roms et les a frappés avec des bâtons. Les Roms tentaient de bloquer le chemin des néo‑nazis; les policiers sont intervenus parce que les néo‑nazis les avaient avertis qu’ils souhaitaient organiser un défilé et leur avaient indiqué le trajet qu’ils emprunteraient. La SPR a conclu que le rapport préparé par Amnistie Internationale et présenté à l’audience par les demandeurs (le rapport d’AI) donnait une version partiale des faits. C’est la raison pour laquelle la SPR a accordé une faible force probante à ce rapport, en disant que les policiers avaient peut‑être utilisé une force excessive, mais qu’ils ne faisaient qu’appliquer la loi.

 

[15]           La SPR a conclu qu’il n’existait pas de preuves convaincantes indiquant que la police avait omis d’agir de façon appropriée à l’égard des demandeurs ou de personnes se trouvant dans une situation semblable à la leur. La SPR a également conclu qu’il n’existait pas de preuves convaincantes qu’il y avait eu violation systémique ou permanente des droits fondamentaux des demandeurs qui démontrait l’absence de protection de l’État. Étant donné que les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de la protection de l’État, ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention. La SPR a également jugé que les demandeurs n’étaient pas des personnes à protéger.

 

DISPOSITIONS LÉGALES

 

[16]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[...]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou  occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

[...]

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries;

 

[...]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning ­ of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or  incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

 

[...]

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[17]           Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

1)                  La SPR a‑t‑elle appliqué le critère approprié en matière de protection de l’État?

2)                  La conclusion de la SPR selon laquelle la protection de l’État était suffisante, était‑elle raisonnable?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[18]           Dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle. En fait, lorsque la jurisprudence au sujet de la norme de contrôle applicable à une question particulière est bien établie, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche s’avère vaine que la cour de révision doit prendre en considération les quatre facteurs que comporte l’analyse de la norme de contrôle applicable.

 

[19]           Dans Saeed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 1016, le juge Yves de Montigny a déclaré au paragraphe 35 que la norme de contrôle applicable à l’examen de la façon dont la SPR a appliqué le critère relatif à la protection de l’État, est celle de la décision correcte. Le juge Paul Crampton a formulé une conclusion semblable dans Cosgun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2010 CF 400, au paragraphe 30. La norme de contrôle applicable à la première question en litige est donc celle de la décision correcte.

 

[20]           Comme la Cour suprême l’a déclaré dans Dunsmuir (précité, au paragraphe 50).

La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

 

[21]           Pour ce qui est de la deuxième question en litige, la Cour a toujours jugé que l’analyse de la protection de l’État s’apprécie par rapport à la norme de la raisonnabilité. Voir Cosgun, précité, au paragraphe 28, Saeed, précité, au paragraphe 35, et B.R. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 269, au paragraphe 17.

 

[22]           Lorsqu’on procède à l’examen d’une décision suivant la norme de la raisonnabilité, il faut s’intéresser « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

QUESTION PRÉLIMINAIRE

            Absence d’affidavit personnel

 

[23]           Le défendeur fait remarquer que les demandeurs n’ont pas déposé d’affidavit fondé sur leur connaissance personnelle des erreurs que contiendrait, d’après eux, la décision. Les demandeurs ont déposé l’affidavit de Kathy VanderVennen, l’assistante de leur conseil, qui a simplement présenté un extrait du Cartable de documentation de la République tchèque préparé par la CISR et une copie du rapport d’AI. Le défendeur fait remarquer qu’il n’existe aucune preuve au dossier indiquant que Mme VanderVennen ait assisté à l’audience de la SPR. L’absence d’affidavit personnel est fatale à la demande de contrôle judiciaire et celle‑ci devrait donc être rejetée.

 

[24]           Le demandeur affirme que l’absence d’affidavit personnel n’est pas nécessairement fatale à leur demande de contrôle judiciaire. L’affidavit de Mme VanderVennen ne contient que des renseignements dont elle a une connaissance personnelle. En outre, selon la décision Turcinovica c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CFPI 164, l’affidavit d’un tiers peut être présenté à l’appui d’une demande de contrôle, pourvu que toute erreur alléguée dans la demande soit manifeste au vu du dossier. Les demandeurs affirment que les erreurs qu’ils allèguent – à savoir que la SPR a appliqué un critère inapproprié en matière de protection de l’État et a tiré une conclusion déraisonnable au sujet de la protection de l’État – sont manifestes au vu du dossier. L’absence d’affidavit personnel exposant les erreurs sur lesquels les demandeurs s’appuient ne justifie pas le rejet de la demande.

 

ARGUMENTS

Les demandeurs

 

[25]           Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État, en s’intéressant principalement aux efforts déployés par le gouvernement tchèque pour lutter contre la discrimination sans déterminer si ces efforts ont concrètement permis de protéger les minorités. Les demandeurs affirment également que la SPR a rejeté de façon déraisonnable le rapport d’AI, un élément pertinent en ce qui touche la protection de l’État. Ils affirment qu’il est déraisonnable que la SPR ait écarté le rapport d’AI au motif qu’il ne contenait pas les commentaires des néo‑nazis ayant participé à la manifestation ni ceux des policiers. Comme il était déraisonnable de rejeter le rapport d’AI, la conclusion de la SPR au sujet de la protection de l’État l’est également.

 

[26]           Les demandeurs font remarquer que la SPR a conclu qu’ils avaient été victimes de discrimination au cours de leurs études. La SPR a ensuite jugé que ce qu’ils avaient vécu ne constituait pas de la persécution, mais cette conclusion n’est pas pertinente parce qu’elle ne concerne pas l’analyse du risque qu’ils soient persécutés à l’avenir.

 

                        La SPR a appliqué un critère inapproprié en matière de protection de l’État

 

[27]           Les demandeurs affirment que la SPR a commis une erreur parce que son analyse a uniquement porté sur les efforts déployés par le gouvernement tchèque pour lutter contre la discrimination et non sur l’efficacité concrète des efforts destinés à protéger les Roms. Ils affirment que, lors de l’analyse de la protection de l’État, la SPR doit déterminer à la fois si l’État est disposé à contrer la persécution et si les efforts déployés par l’État ont effectivement permis de protéger de façon efficace ses citoyens. Étant donné qu’en l’espèce la SPR n’a pas évalué l’efficacité de la protection accordée par le gouvernement tchèque aux Roms, la décision devrait être renvoyée pour nouvel examen.

 

[28]           Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur argument, l’arrêt Carillo précité, dans lequel la Cour d’appel fédérale déclare, au paragraphe 30 :

À mon humble avis, il ne suffit pas que la preuve produite soit digne de foi; elle doit aussi avoir une valeur probante. Pensons par exemple au cas d’éléments de preuve dénués de pertinence : ils seront peut‑être dignes de foi, mais ils n’auront aucune valeur probante. Non seulement la preuve doit être digne de foi et avoir une valeur probante, mais il faut aussi que cette valeur probante se révèle suffisante pour satisfaire à la norme de preuve applicable. La preuve aura une valeur probante suffisante si elle convainc le juge des faits de l’insuffisance de la protection accordée par l’État considéré. Autrement dit, le demandeur d’asile qui veut réfuter la présomption de la protection de l’État doit produire une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l’État en question est insuffisante.

 

[29]           Les demandeurs affirment que dans Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, la Cour a jugé que l’État doit avoir à la fois la volonté et la capacité de protéger ses citoyens.

 

[30]           Les demandeurs font une distinction entre les efforts déployés par l’État pour protéger les citoyens et la réelle efficacité de ces efforts. Ils font remarquer que le juge Douglas Campbell a déclaré dans Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 79 :

 

Cependant, il y a une nette différence entre la diligence raisonnable relative à l’élaboration d’une politique et à la sensibilisation à certaines questions, d’une part, et la mise en œuvre concrète de cette politique ou des mesures de sensibilisation, d’autre part. Cet élément revêt une importance particulière en matière de protection des femmes d’actes de violence si cette expression est rattachée à des situations autres que le terrorisme.

 

[31]           Les demandeurs invoquent également la décision Erdogu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 407, dans laquelle le juge Leonard Mandamin a suivi la décision du juge Frederick Gibson dans Elcock c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1438. Le juge Gibson a écrit ce qui suit au paragraphe 15 :

Non seulement le pouvoir protecteur de l’État doit‑il comporter un encadrement légal et procédural efficace, mais également la capacité et la volonté d’en mettre les dispositions en œuvre.

 

 

[32]           Les demandeurs affirment que dans leur cas, la SPR a uniquement examiné les efforts déployés par le gouvernement tchèque pour lutter contre la discrimination, et qu’elle n’a pas examiné la question de savoir si ces efforts avaient effectivement permis de protéger les Roms contre toute violence. Ils affirment que dans la République tchèque, le nombre des skinheads néo‑nazis augmente et qu’il y faut déterminer si les mesures prises par le gouvernement ont effectivement pour effet de protéger les Roms contre les skinheads.

 

[33]           Les demandeurs s’appuient sur les propos de la SPR, au paragraphe 22 de la décision :

Même si l’efficacité de la protection est un facteur pertinent, la Cour fédérale a statué dans des décisions rendues récemment que le critère applicable n’est pas l’efficacité en soi, mais plutôt le caractère adéquat de la protection. La protection n’a pas à être parfaite. La question de savoir si l’État fait de « sérieux efforts » pour protéger ses citoyens constitue l’une des mesures acceptées d’évaluation de l’efficacité. Cette norme continue d’être appliquée dans bon nombre de décisions rendues par la Cour fédérale.

[Notes de bas de page omises.]

 

 

Il ressort de cette observation que la SPR a appliqué un critère inapproprié en matière de protection de l’État. Les sérieux efforts auxquels fait référence la SPR témoignent uniquement du fait que le gouvernement tchèque est disposé à protéger les Roms. La SPR n’a pas examiné si la loi anti‑discrimination, la création des APR et des ALM assurent concrètement cette protection. Les demandeurs affirment que la SPR n’a pas examiné avec le soin voulu les preuves touchant l’efficacité concrète de ces mesures.

 

[34]           Contrairement à la conclusion de la SPR, selon laquelle les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de la protection de l’État, les preuves présentées à la SPR indiquent clairement que les mécanismes mis en place par la République tchèque n’assurent pas une protection suffisante aux Roms. Les demandeurs renvoient à l’exposé de juin 2009 : protection offerte par l’État – Rapport de la mission d’enquête en République tchèque – sur lequel la SPR s’est fondée et qui indique que le gouvernement tchèque a créé des postes d’APR et d’ALM. L’exposé de 2009 indique également que ces mesures n’ont pas eu pour effet de protéger les Roms et prouve que la SPR n’a pas jugé de l’efficacité des efforts faits par le gouvernement tchèque pour protéger les Roms.

 

[35]           Les demandeurs soutiennent également que la SPR a assimilé à tort les « sérieux efforts » à une « protection suffisante ». Ils mentionnent à ce sujet l’observation que la SPR a faite au paragraphe 27 de la décision :

La prépondérance de la preuve documentaire indique que le gouvernement de la République tchèque déploie de très sérieux efforts pour protéger les Roms en aidant les victimes de crimes haineux, en veillant à ce que les Roms aient accès aux soins de santé ou à l’éducation et en les aidant à s’intégrer à la société tchèque.

 

[36]           Les demandeurs s’appuient sur la décision Aguirre c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2010 CF 916, et plus particulièrement sur les commentaires suivants du juge Montigny aux paragraphes 19 et 20 :

[...] je suis d’avis que le raisonnement de la SPR est doublement vicié. D’abord, la SPR présume que l’État peut offrir une protection parce que d’« énormes ressources » ont été consacrées à la lutte contre la violence des gangs de rue, mais elle ne se demande nulle part si ces efforts ont produit un effet véritable sur le terrain. Deuxièmement, la SPR n’a pas pris en compte ni examiné les raisons qu’avait le demandeur de ne pas s’adresser à la police. J’examinerai successivement chacun de ces points.

Il ressort de nombreux précédents qu’il ne suffit pas à un État de se doter des moyens nécessaires pour offrir une protection; il faut aussi établir objectivement que l’État est en mesure d’offrir en pratique cette protection : voir notamment Avila c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 359; Sanchez c. Canada (M.C.I.), 2009 CF 101; Capitaine c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 98. Cependant, la SPR ne semble pas avoir fait la distinction, et elle ne signale aucune preuve documentaire montrant que les moyens consacrés à la lutte contre le crime ont produit des résultats concrets. Sa décision ne comporte qu’une seule référence vague au « Cartable national de documentation », lequel n’apporte rien d’utile eu égard au nombre considérable de documents qu’il contient. Cette unique référence ne fait d’ailleurs que confirmer le fait que d’énormes ressources sont consacrées à la lutte contre la violence des gangs de rue. La SPR ne fait pas la moindre analyse des nombreux documents montrant que les membres des gangs sont de plus en plus puissants et traînent librement partout dans le pays, que le El Salvador est l’un des pays les plus violents au monde et que des réseaux d’extorsion de fonds y harcèlent les entreprises, et plus particulièrement les entreprises de transport et de camionnage. La SPR avait clairement l’obligation d’examiner et d’apprécier la preuve, et d’expliquer pourquoi elle récusait cette preuve documentaire, qui non seulement était pertinente, mais encore contredisait ses propres conclusions : Cepeda Gutierrez c. Canada (M.C.I.) (1998), 157 F.T.R. 35, au paragraphe 17. Elle n’aurait pas dû faire tout simplement abstraction de cette sinistre information en se contentant de dire que le El Salvador est une démocratie qui fonctionne et qui a consacré d’énormes moyens à l’éradication des gangs.

 

[37]           La SPR a mis un terme à son analyse après avoir conclu que le gouvernement de la République tchèque avait déployé de sérieux efforts pour lutter contre la discrimination sans déterminer l’efficacité réelle de ces efforts. Il y a donc lieu de renvoyer le dossier des demandeurs pour nouvel examen.

 

La SPR a écarté de façon déraisonnable le rapport d’AI

 

[38]           Les demandeurs font remarquer qu’ils ont présenté le rapport d’AI à la SPR. Ce rapport décrit un événement survenu à Novỳ Bydžov, une ville située en République tchèque. Le 12 mars 2011, 500 manifestants d’extrême droite environ ont défilé dans Novỳ Bydžov, et près de 200 contre‑manifestants, comprenant des Roms, ont tenté de couper la route aux manifestants d’extrême droite. La police tchèque est intervenue pour faire cesser le blocus des contre‑manifestants en les chargeant à cheval et en les frappant avec des bâtons télescopiques. Une heure après la fin de la manifestation, 20 manifestants d’extrême droite ont agressé trois Roms.

 

[39]           Les demandeurs soutiennent que ce rapport concerne la question de savoir si la protection accordée par l’État aux Roms en République tchèque est suffisante et qu’il était déraisonnable que la SPR écarte ce rapport.

 

[40]           La SPR a estimé que le rapport d’AI était partial parce qu’il contenait uniquement les commentaires émanant des observateurs d’Amnistie Internationale qui ont assisté à l’événement ainsi que ceux de contre‑manifestants. C’est la raison pour laquelle la SPR a accordé une faible force probante au rapport lorsqu’elle a analysé la protection de l’État. Les demandeurs affirment qu’il était déraisonnable que la SPR rejette le rapport d’AI parce que celui‑ci ne contenait pas les commentaires des manifestants d’extrême droite.

 

[41]           Les demandeurs relèvent qu’un représentant de la police tchèque est en fait cité dans le rapport d’AI, même si la SPR affirme qu’il ne contient aucun commentaire émanant de la police. Ils affirment également qu’il est difficile d’imaginer que l’ajout de commentaires provenant de manifestants d’extrême droite aurait pu équilibrer le rapport ou l’évaluation qu’a faite la SPR de la protection de l’État. Les demandeurs affirment qu’en accordant une faible force probante au rapport la SPR masque le fait que la police tchèque a utilisé la force pour aider des néo‑nazis.

 

[42]           Les demandeurs affirment que la faible force probante accordée par la SPR au rapport d’AI revient à conclure qu’il est acceptable dans une démocratie que la police utilise, dans le but d’appuyer une manifestation raciste, une force excessive contre des manifestants paisibles. La SPR a estimé que les policiers avaient fait respecter la loi en obligeant les contre‑manifestants à s’éloigner du trajet du défilé qui avait été approuvé. Les demandeurs affirment que la police a utilisé une force excessive à cette occasion et que cela était également contre la loi. Ils affirment aussi que la SPR a rejeté le rapport parce qu’il était fondé sur des versions provenant d’observateurs d’Amnistie Internationale. Il était déraisonnable que la SPR rejette le rapport pour cette raison; Amnistie Internationale est une organisation fiable et crédible. Étant donné que la SPR a rejeté de façon déraisonnable cette preuve concernant la protection de l’État, il y a lieu de renvoyer la décision pour nouvel examen.

 

Le défendeur

 

[43]           Le défendeur soutient qu’il n’est pas justifié que la Cour modifie la décision de la SPR. Il était raisonnable que la SPR conclue que les demandeurs n’ont pas fait l’objet de persécution auparavant et ne seraient pas exposés à un risque grave de persécution s’ils retournaient en République tchèque. Les demandeurs n’ont pas non plus produit des preuves suffisantes, fiables et probantes pour réfuter la présomption de la protection de l’État. La SPR a apprécié, de façon appropriée, les preuves présentées et la Cour ne peut apprécier à nouveau les preuves dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

Discrimination ou persécution

 

[44]           Le défendeur fait remarquer que la SPR a jugé que les demandeurs avaient fait l’objet de discrimination, mais pas de persécution. Il affirme que notre Cour a déjà statué que le harcèlement ne constitue pas de la persécution et que celle‑ci comprend le fait d’infliger de façon répétée des mauvais traitements, d’adopter un comportement particulier ou d’infliger régulièrement et systématiquement des sanctions.

 

[45]           La SPR a tenu compte de toutes les preuves présentées et a tiré une conclusion raisonnable, à savoir que les demandeurs ne seraient pas exposés à une possibilité sérieuse de persécution. La SPR a jugé qu’il n’y avait pas de preuve convaincante indiquant que les demandeurs aient fait l’objet de persécution relativement à l’éducation, au logement, à l’emploi ou à l’accès aux soins médicaux. Le défendeur s’appuie sur la décision Sagharichi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 796, pour affirmer que la distinction entre discrimination et persécution n’est pas toujours claire d’après les faits, mais qu’il appartient à la SPR de tirer ses propres conclusions au sujet de la question de savoir si les actes commis contre un demandeur d’asile constituent de la persécution. La Cour ne devrait modifier les conclusions de la SPR que si elles sont déraisonnables.

 

La SPR a appliqué le critère approprié en matière de protection de l’État

 

[46]           La SPR n’a pas appliqué un critère inapproprié en matière de protection de l’État; après avoir établi que le critère approprié est celui du caractère suffisant de la protection, la SPR s’est basée sur une mesure acceptable du caractère suffisant de la protection : l’État a‑t‑il fait des efforts sérieux pour protéger ses citoyens? Le défendeur affirme que la Cour a approuvé cette façon d’évaluer le caractère suffisant de la protection dans la décision Flores c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 723, au paragraphe 11, dans laquelle le juge Richard Mosley a écrit :

Les efforts sérieux déployés pour assurer la protection qui ont été constatés par le commissaire appuient la présomption formulée dans l’arrêt Ward. L’imposition d’un critère d’efficacité à l’égard des autorités des autres pays reviendrait à demander à ceux‑ci d’accomplir ce que notre propre pays n’est pas toujours en mesure de faire.

 

Les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de la protection de l’État

 

[47]           Le défendeur affirme que, suivant Ward, précité, Carillo, précité, et Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Villafranca, [1992] ACF no 1189 (CAF), la présomption de la protection de l’État ne peut être réfutée qu’en apportant des preuves claires et convaincantes démontrant que l’État n’est pas en mesure de protéger un demandeur d’asile. Le fait d’établir que l’État n’est pas toujours en mesure de protéger parfaitement ses citoyens ne suffit pas à réfuter la présomption.

 

[48]           En l’espèce, les demandeurs n’ont pas présenté de preuve démontrant l’incapacité de la République tchèque de les protéger. Les demandeurs ont fait quelques efforts pour demander la protection de l’État : le demandeur principal s’est adressé à la police lorsqu’il a été agressé en 1996, mais il n’a pas fait d’autres démarches pour qu’il soit donné suite à sa plainte. En outre, les preuves présentées à la SPR n’indiquent pas qu’il y avait un effondrement complet de l’État et ne réfutent pas la présomption d’une protection suffisante de l’État. La SPR a tenu compte des preuves documentaires touchant les efforts qu’a déployés la République tchèque pour lutter contre la discrimination.

 

[49]           Le défendeur déclare également que la SPR n’a pas rejeté le rapport d’AI comme l’affirment les demandeurs. De fait, la SPR a examiné le rapport et lui a attribué la force probante qui lui paraissait appropriée. L’appréciation de la force probante est une tâche qui appartient à la SPR et celle‑ci a le droit de décider quelles sont les preuves documentaires qu’elle préfère, pourvu qu’elle explique sa préférence et qu’elle tienne compte des documents à l’effet contraire. Il était loisible à la SPR d’accorder une faible force probante au rapport d’AI et la Cour ne devrait pas intervenir sur ce point.

 

Réponse des demandeurs

 

[50]           Les demandeurs affirment que la conclusion de la SPR selon laquelle ils ne pouvaient justifier une crainte de persécution reposait sur sa conclusion selon laquelle il existait une protection de l’État suffisante dans la République tchèque. Si la Cour conclut que la SPR n’a pas analysé correctement la question de la protection de l’État, cela veut dire qu’il y a lieu d’analyser à nouveau la crainte de persécution au sens de l’article 96. Ils affirment également que l’analyse erronée que la SPR a effectuée au sujet de la protection de l’État l’a amenée à analyser de façon incomplète l’application de l’article 97 à leur cas. Il s’ensuit que le dossier doit être renvoyé pour nouvel examen.

 

[51]           Les demandeurs admettent avec le défendeur que la jurisprudence de la Cour a fixé le critère approprié en matière de protection de l’État. Ils affirment toutefois que le critère approprié comprend l’analyse à la fois de la volonté de l’État de protéger les citoyens et celle de sa capacité à le faire. Il est erroné d’examiner uniquement sa volonté de le faire sans analyser l’efficacité de la protection accordée. En outre, les demandeurs affirment que le fait de conclure à l’existence d’efforts sérieux, comme l’a fait la SPR en l’espèce, ne répond pas au critère de la protection de l’État. En appliquant un critère erroné, la SPR a commis une erreur de droit qui doit déboucher sur un nouvel examen, que les demandeurs aient apporté ou non des preuves suffisantes pour réfuter la présomption de la protection de l’État.

 

[52]           Les demandeurs affirment qu’il est absurde de penser que les manifestants d’extrême droite mentionnés dans le rapport d’AI auraient pu de quelque manière équilibrer le rapport en fournissant leurs commentaires. Les manifestants d’extrême droite constituaient [traduction] « un groupe notoirement hostile entretenant des points de vue reconnus pour être inacceptables. » Toutes les preuves au dossier montrent qu’au cours des événements rapportés par l’AI, la police tchèque a utilisé la force pour appuyer les manifestants d’extrême droite. Il en résulte que la décision de la SPR d’accorder une faible force probante à ce rapport est déraisonnable.

 

ANALYSE

 

[53]           Il n’y a en réalité pas beaucoup de choses à dire au sujet de la présente demande, si ce n’est que la Cour accepte les motifs et les moyens présentés par les demandeurs qui font ressortir une erreur susceptible de révision.

 

[54]           L’absence d’affidavit personnel présenté par les demandeurs n’est pas fatale en l’espèce parce que la demande concerne des erreurs qui sont manifestes au vu du dossier. Voir Ge c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 890.

 

[55]           La SPR prend en compte les agressions physiques dont ont fait l’objet les demandeurs dans son analyse de la protection de l’État et conclut qu’elle « ne dispose pas d’éléments de preuve convaincants qui indiquent l’existence d’une violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l’absence de protection de l’État ». La SPR tire sa conclusion après avoir examiné la preuve documentaire relative à la République tchèque, ainsi que ce qu’ont vécu les demandeurs et d’autres personnes se trouvant dans une situation semblable.

 

[56]           Pour ce qui est de la preuve documentaire, la SPR a examiné les diverses lois et programmes mis en œuvre pour aider les Roms et les autres minorités ethniques et elle a tiré la conclusion suivante au paragraphe 27 :

La prépondérance de la preuve documentaire indique que le gouvernement de la République tchèque déploie de très sérieux efforts pour protéger les Roms en aidant des victimes de crime haineux, en veillant à ce que les Roms aient accès aux soins de santé ou à l’éducation et en les aidant à s’intégrer à la société tchèque. Comme il a déjà été mentionné, les Roms sont victimes de discrimination dans divers volets de leur vie. Cependant, le gouvernement tchèque déploie des efforts très sérieux en vue de combattre cette discrimination.

 

 

[57]           La SPR semble avoir estimé que la discrimination patente dont font l’objet les Roms dans la République tchèque ne constitue pas de la persécution parce que le gouvernement tchèque « déploie des efforts très sérieux en vue de combattre cette discrimination. » En fait la SPR fonde son analyse sur l’idée que « [l]a question de savoir si l’État fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens constitue l’une des mesures acceptées d’évaluation de l’efficacité. Cette norme continue d’être appliquée dans bon nombre de décisions rendues par la Cour fédérale ».

 

[58]           Le raisonnement est que, si la République tchèque déploie de « sérieux efforts » pour protéger les Roms, cela suffit à démontrer que les Roms bénéficient d’une protection suffisante de la part de l’État.

 

[59]           Cela étant, la SPR n’examine pas la question de savoir si, grâce à ses sérieux efforts, le gouvernement tchèque a effectivement été en mesure d’assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs contre les menaces auxquelles ils font face. De nombreuses preuves ont été présentées à la SPR indiquant que les « sérieux efforts » déployés par le gouvernement tchèque n’ont pas permis de suffisamment protéger les Roms. Voir par exemple, l’exposé de 2009. La SPR n’était pas tenue d’accepter les preuves indiquant que la protection n’était pas suffisante, mais elle était tenue de les prendre en considération et d’en évaluer la force probante dans le cadre de son analyse. La SPR n’a pas évalué leur force probante parce qu’en l’espèce, elle a estimé que, sur le plan du droit, de « sérieux efforts » suffisent à établir que la protection de l’État est « suffisante ». Elle n’a pas estimé nécessaire de poursuivre son analyse et d’examiner les preuves touchant la question de savoir si les « sérieux efforts » s’étaient en réalité et concrètement soldés par une protection suffisante. Il est possible que les autorités tchèques souhaitent assurer une protection suffisante, mais cela ne veut pas dire qu’elles soient en mesure de fournir cette protection ou qu’elles l’ont fournie.

 

[60]           À mon avis, la SPR a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que des « sérieux efforts » pouvaient être assimilés à une protection suffisante de l’État. En raison de cette erreur, sa conclusion sur l’existence d’une protection suffisante de la part de l’État pour les demandeurs est déraisonnable.

 

[61]           Il est bien établi que, depuis l’arrêt Carillo de la Cour d’appel fédérale, précité, le critère approprié concernant la protection de l’État ne relève pas uniquement d’une question d’efficacité. Le critère consiste plutôt à déterminer si l’État est en mesure de protéger de façon adéquate ses citoyens contre les risques allégués. Il n’est pas nécessaire que la protection de l’État soit parfaite. Il suffit qu’elle soit adéquate. Comme l’a clairement déclaré la Cour d’appel fédérale dans Carillo, au paragraphe 30 :

[...] le demandeur d’asile qui veut réfuter la présomption de la protection de l’État doit produire une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l’État en question est insuffisante.

 

 

[62]           Il est bien établi que, s’il n’est pas nécessaire que la protection accordée par l’État soit parfaite, celui‑ci doit néanmoins être disposé à protéger ses citoyens et en mesure de le faire (voir Ward, précité, aux paragraphes 55 à 57, et Villafranca, précité, au paragraphe 7).

 

[63]           D’après la jurisprudence de la Cour, il ne suffit pas que le gouvernement soit disposé à assurer une protection et fasse des efforts pour y parvenir. Pour que l’État protège ses citoyens, il doit prendre des mesures qui leur assurent concrètement une protection suffisante. Par exemple, dans Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 79, le juge Campbell examine la différence entre les lois adoptées et celles qui sont appliquées :

[...] Cependant, il y a une nette différence entre la diligence raisonnable relative à l’élaboration d’une politique et à la sensibilisation à certaines questions, d’une part, et la mise en œuvre concrète de cette politique ou des mesures de sensibilisation, d’autre part.

 

 

[64]           Dans Alexander c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2009 CF 1305, le juge Sean Harrington affirme que les « bonnes intentions [de l’État] ne suffisent pas. »

 

[65]           Dans Erdogu, précité, le juge Mandamin a conclu après avoir examiné l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Carillo, précité, que la déclaration du juge Gibson dans Elcock, précité, reflète le droit en vigueur :

Non seulement le pouvoir protecteur de l’État doit‑il comporter un encadrement légal et procédural efficace, mais également la capacité et la volonté d’en mettre les dispositions en œuvre.

 

 

[66]           De la même façon, dans Razo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 1265, la juge Eleanor Dawson a déclaré qu’« il n’est pas suffisant que l’État possède des institutions qui visent à offrir une protection si ces institutions n’offrent pas une protection réelle et adéquate ».

 

[67]           Le juge Hughes a confirmé cette position dans Wisdom‑Hall c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 685, au paragraphe 8 :

Le commissaire a commis une erreur en concluant que le critère applicable ne nécessite que l’examen des lois en vigueur et l’expectative que ces lois puissent être adéquates, plutôt que l’étude de ce qui se passe dans la réalité actuelle des choses. Pour qu’une protection adéquate de l’État existe, le gouvernement doit avoir à la fois la volonté et la capacité d’appliquer efficacement sa législation et ses programmes.

 

 

[68]           Plus récemment, dans E.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2011 CF 111, la juge Anne MacTavish a écrit ce qui suit au paragraphe 9 :

Il ressort de la décision que l’agent s’est concentré sur les efforts déployés par le gouvernement du Guyana pour combattre le crime et n’a pas correctement apprécié la question de savoir si ces efforts avaient véritablement engendré une protection adéquate de l’État : voir Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] A.C.F. no 399.

 

 

[69]           La Cour a déclaré dans plusieurs autres affaires qu’il est erroné de débouter un demandeur d’asile en se fondant sur les efforts déployés par le gouvernement pour assurer la protection des citoyens, sans examiner si ces efforts ont réellement débouché sur une protection suffisante.

 

[70]           L’erreur commise dans la présente affaire est très proche de celle qu’a identifiée le juge André F.J. Scott dans J.B. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2011 CF 210, et je ne peux faire mieux que de citer l’analyse et les conclusions du juge Scott sur ce point aux paragraphes 46 à 49 :

La Commission a axé son analyse de la protection offerte par l’État sur l’examen de la situation dans le pays décrite dans l’exposé de la CISR intitulé « Protection offerte par l’État : Rapport de la mission d’enquête en République tchèque » (juin 2009). Comme je l’ai souligné précédemment, la Commission a signalé l’existence de lois interdisant la discrimination ainsi que la mise en œuvre de mesures destinées à réformer les forces policières du pays et à offrir une protection accrue aux populations romes. La Commission a conclu que « [l]a prépondérance de la preuve documentaire » montrait que le gouvernement tchèque faisait « des efforts très sérieux » pour protéger les Roms.

 

Cependant, comme notre Cour l’a fait observer à maintes occasions, la simple volonté d’un État d’assurer la protection de ses citoyens ne suffit pas en soi à établir sa capacité de les protéger. La protection doit présenter un certain niveau d’efficacité : voir Burgos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1537, 160 ACWS (3d) 696; Soto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1183, paragraphe 32. Un demandeur peut donc réfuter la présomption d’existence d’une protection de l’État en démontrant soit qu’un État n’est pas disposé à lui offrir une protection suffisante, soit qu’il en est incapable : voir Cosgun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 400, paragraphe 52.

 

L’analyse de la Commission ne reconnaît nulle part l’existence de la preuve objective concernant la possibilité de l’insuffisance de la protection offerte par l’État. Par exemple, le Rapport d’Amnistie Internationale de 2009 sur les droits de l’homme en République tchèque indique ce qui suit :

 

Le gouvernement n’avait toujours pas mis en œuvre les mesures appropriées pour lutter contre la discrimination, dont diverses formes continuaient à affecter les Roms, notamment en matière d’accès à l’enseignement, au logement et aux services de santé. Les Roms étaient en outre victimes de menaces de violences de la part de groupes d’extrême droite.

 

Le rapport du Département d’État des États‑Unis sur les pratiques observées en République tchèque en matière de droits de l’homme en 2008, intitulé « Country Reports on Human Rights Practices for 2008 » (25 février 2009), renfermait ce qui suit :

 

[TRADUCTION] Les lois interdisent la discrimination fondée sur la race, le sexe, les déficiences, la langue ou le statut social; cependant, d’importantes discriminations sociétales à l’encontre des Roms et des femmes persistaient.

 

Une réponse à une demande d’information de la Commission elle‑même, CZE102667.EX (12 décembre 2007) contenait ce qui suit :

 

Toutefois, selon l’ERRC, il régnait en 2006 [TRADUCTION] « une impunité quasi totale en ce qui concerne la discrimination raciale à l’égard des Roms » en République tchèque (1er mars 2007). L’IHF affirme que dans la majorité des cas où des minorités, et notamment des Roms, ont été la cible de néo‑nazis, [TRADUCTION] « les autorités, y compris la police, fermaient les yeux » (IHF 2007). D’après l’IPS, un sondage mené en 2006 a révélé que [TRADUCTION] « les tribunaux enquêt[aient] rarement sur les cas de discrimination raciale » (6 avr. 2007). Aucune autre information sur ce sondage n’a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches.

 

On pouvait lire dans une réponse précédente à une demande d’information de la Commission, CZE100727.E (26 janvier 2006), ce qui suit :

Toutefois, la Fédération internationale d’Helsinki pour les droits de l’homme (IHF) a souligné que la police [TRADUCTION] « avait fréquemment omis de prendre les mesures appropriées » dans les cas d’attaques violentes contre des Roms en 2004 (27 juin 2005) et, selon le Département d’État des États‑Unis (United States Department of State), il existait encore [TRADUCTION] « des incohérences judiciaires dans le traitement formel des crimes motivés par la race ou l’ethnie » (Country Reports 2004 28 févr. 2005, sect. 5).

 

Le document lui‑même sur lequel s’est fondée la Commission, à savoir l’exposé de 2009, renfermait ce qui suit :

 

D’autres représentants d’ONG ont affirmé que, lorsque des actes extrémistes sont commis, la police a tendance à intervenir uniquement s’ils sont considérés comme graves ou s’ils sont trop médiatisés pour être ignorés [...].

 

En l’espèce, je suis d’avis qu’il était déraisonnable de la part de la Commission de s’être focalisée sur les « efforts très sérieux » déployés par la République tchèque pour protéger ses citoyens roms, en laissant de côté la preuve démontrant que, en pratique, ces efforts étaient sans doute inadéquats. La Commission n’était pas tenue de renvoyer à chacun des éléments de preuve qui lui ont été soumis. Cependant, puisque les demandeurs avaient produit des éléments de preuve pertinents et dignes de foi qui appuyaient leurs dires au regard de la situation dans le pays, la Commission avait l’obligation de prendre acte de ces éléments de preuve et d’expliquer pourquoi elle était d’avis que, en dépit de ces éléments de preuve, les « efforts très sérieux » du gouvernement étaient suffisants : voir la décision Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, 83 ACWS (3d) 264 (1re inst.).

 

[Souligné dans l’original.]

 

 

[71]           Pour conclure, j’estime que la SPR a commis une grave erreur de droit en assimilant les « sérieux efforts » au « caractère suffisant » de la protection et a omis, de façon déraisonnable, d’examiner les preuves présentées concernant la question de savoir si, concrètement, ces efforts avaient débouché sur une protection adéquate des demandeurs.

 

[72]           Le rejet par la SPR du rapport d’AI est difficile à comprendre. La SPR a, en effet, jugé que le rapport sur la manifestation néo‑nazie ne constituait pas « un élément convaincant indiquant que la police n’a pas agi de façon appropriée dans les domaines touchant les demandeurs ou d’autres personnes se trouvant dans une situation comparable. » Comme le rapport l’indique clairement, des représentants d’Amnistie Internationale [traduction] « étaient présents sur les lieux de l’intervention de la police. » Que le défilé néo‑nazi ait été légal ou non, ou ait emprunté un trajet approuvé, il n’en demeure pas  moins que les observateurs ont constaté que la police avait permis que se déroule une manifestation violente, avait chargé à cheval les contre‑manifestants, et avait battu ces derniers à coups de matraque.

 

[73]           Pour la SPR, l’observation directe des représentants d’Amnistie Internationale n’était pas convaincante parce que leurs constatations n’étaient pas tempérées par les opinions des néo‑nazis ou des autorités qui les avaient autorisés à défiler dans un secteur rom. C’est là une affirmation déraisonnable. Quoi qu’auraient pu dire les néo‑nazis ou les autorités, cela n’aurait pas changé le fait que les observateurs avaient vu ce qu’ils avaient vu. Cela portait directement sur le caractère suffisant de la protection de l’État et il était déraisonnable que la SPR écarte ce rapport.

 

[74]           Compte tenu des commentaires formulés ci‑dessus, il me paraît clair que la décision, prise dans son ensemble, ne peut être confirmée et doit être renvoyée pour nouvel examen.

 

[75]           Les avocats reconnaissent qu’il n’y a pas de question à certifier, ce à quoi la Cour souscrit.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  Il est fait droit à la demande. La décision est annulée et l’affaire renvoyée pour nouvel examen à un tribunal de la SPR différemment constitué.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑2577‑11

 

INTITULÉ :                                                  MILAN KOKY et al.

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 23 novembre 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 2 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alyssa Manning

 

DEMANDEURS

 

Neeta Logsetty

 

DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VanderVennen Lehrer

Avocats

Toronto (Ontario)

 

DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.