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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110926


Dossier : IMM-978-11

Référence : 2011 CF 1097

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2011

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

 

ENTRE :

 

HARDIAL SINGH DHALIWAL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (LIPR), d’une décision datée du 21 janvier 2011, par laquelle la Section d’appel de l’immigration (SAI), de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté l’appel interjeté par le demandeur au sujet du parrainage de son épouse et des enfants de cette dernière.

 

[2]               M. Dhaliwal conteste la décision de la SAI au motif qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale. En particulier, M. Dhaliwal soutient que les services d’interprétation dont il a bénéficié à l’audition de son appel étaient d’une qualité si médiocre que cela équivaut à un déni de justice naturelle. Il prétend aussi que la SAI n’aurait pas dû se fonder sur les notes informatiques prises par l’agent des visas durant l’entrevue puisqu’elles n’étaient pas accompagnées d’un affidavit. Enfin, il soutient que la SAI aurait dû accepter d’entendre son témoin, qui avait fourni un affidavit.

 

[3]               Ayant examiné soigneusement le dossier ainsi que les observations orales et écrites des parties, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée pour les motifs énoncés ci‑dessous.

 

CONTEXTE

[4]               Le demandeur, Hardial Singh Dhaliwal, a 54 ans et a été admis au Canada le 1er avril 1999. Il s’est marié une première fois en février 1972 et a divorcé le 20 octobre 2006. Il a quatre enfants nés de ce mariage qui sont âgés de 29 à 37 ans; il n’a aucun contact avec eux, et il prétend que son ex‑épouse leur a [traduction] « empoisonné » l’esprit et les a éloignés de lui. Prétendument parce qu’il se sentait seul et vulnérable, il a décidé se remarier.

 

[5]               Mme Dhaliwal (auparavant Karamjit Kaur) a 45 ans et est citoyenne de l’Inde. Son premier mari est décédé en 1993. Elle a trois enfants nés de ce mariage qui sont âgés de 27, 24 et 20 ans. Le fils aîné n’habite plus avec elle, et elle prétend qu’il est impliqué dans des activités terroristes.

 

[6]               Le demandeur a déclaré que le mariage a été arrangé par Sant Dharam Das, enseignant religieux bien connu, et digne de confiance selon les Dhaliwal. Sant Dharam Das a parlé de Mme Dhaliwal au demandeur en 2007; le demandeur s’est rendu en Inde où il a rencontré Mme Dhaliwal pour la première fois le 2 février 2008, dans son village. Ils se sont mariés le 14 février 2008.

 

[7]               Le 16 juillet 2009, M. et Mme Dhaliwal ont été interrogés séparément par un agent des visas, Keshub, à New Delhi (Inde). Le même jour, l’agent a refusé la demande de visa de résident permanent présentée par Mme Dhaliwal. On peut lire les motifs suivants dans la lettre de refus :

·           L’agent a souligné que les photos de mariage montraient un grand rassemblement, ce qui n’est pas la coutume pour cette communauté lorsqu’il s’agit d’un deuxième mariage entre des partenaires qui ont des enfants adultes. Le mariage a été célébré dans une ville éloignée du lieu de résidence habituel des deux familles.

·           Mme Dhaliwal n’a pu nommer le village natal de M. Dhaliwal. La plupart des photos postérieures au mariage ont été prises la même journée et semblent avoir été créées pour appuyer la demande. L’agent n’était pas convaincu que le couple avait passé du temps ensemble après le mariage.

·           Mme Dhaliwal a déclaré qu’après le mariage, elle a habité à Faridkot, chez la tante de M. Dhaliwal. Mme Dhaliwal a pourtant donné Langiana comme adresse postale, soit le village natal de son premier mari.

·           L’agent n’était pas convaincu que les Dhaliwal ont continué à communiquer après le mariage. Les factures téléphoniques pourraient refléter des appels que M. Dhaliwal a faits à des parents établis à Faridkot plutôt qu’à Mme Dhaliwal.

·           L’agent n’a pas jugé vraisemblable que Mme Dhaliwal se marie maintenant, alors qu’un de ses fils est marié et que ses enfants sont adultes, plutôt qu’il y a 16 ans lorsque ses enfants étaient jeunes.

[8]               Le 8 septembre 2009, M. Dhaliwal a interjeté appel du refus à la SAI. À l’audition, le demandeur et son épouse ont eu besoin d’un interprète pour témoigner.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[9]               La commissaire a tiré une conclusion défavorable à l’égard de l’authenticité du mariage et de l’intention des parties, ayant jugé que la preuve comportait des invraisemblances, des lacunes et des divergences importantes minant la crédibilité du demandeur et de son épouse. La commissaire a tenu compte des facteurs suivants pour rendre sa décision :

·        Les documents essentiels de la demande de parrainage et les questionnaires : les parties ont certifié que ces documents étaient véridiques. Elles se sont pourtant montrées indifférentes et négligentes pour ce qui était de fournir des renseignements exacts et véridiques aux responsables de l’immigration. Le manque d’instruction du demandeur et de son épouse ne peut servir de prétexte puisque les enfants de Mme Dhaliwal, qui sont scolarisés, auraient pu l’aider.

·        Les notes de l’agent d’immigration : l’avocate du demandeur a fait valoir qu’un poids limité doit être accordé à l’entrevue de Mme Dhaliwal. Aux termes de l’alinéa 175(1)c) de la LIPR, les commissaires peuvent fonder leur décision sur tous les éléments de preuve qu’ils jugent crédibles et dignes de foi. En général, les notes d’entrevue sont jugées crédibles et dignes de foi.

·          L’origine de la relation : le demandeur n’a pas expliqué pourquoi il avait accepté si rapidement d’épouser Mme Dhaliwal compte tenu de l’implication du fils de cette dernière dans des activités terroristes. Le demandeur n’a fait aucune vérification du passé de Mme Dhaliwal avant de l’épouser. Mme Dhaliwal a, elle aussi, accepté rapidement de se marier avec le demandeur, un homme brouillé avec la plupart des membres de sa famille proche.

·          Autres invraisemblances et divergences :

o       Les témoignages comportent diverses divergences en ce qui concerne, notamment, la date de la première rencontre, les membres de la famille de M. Dhaliwal que son épouse a rencontrés avant le mariage, l’endroit où vivent le fils aîné de Mme Dhaliwal et sa famille, l’importance du soutien financier fourni par M. Dhaliwal à son épouse, les détails concernant le travail de M. Dhaliwal en 2009 et son emploi actuel, etc.

o       Les parties n’ont pas démontré qu’elles avaient une vaste connaissance l’une de l’autre, comme on s’attendrait de retrouver dans une relation maritale authentique vu l’étendue du contact et de la communication allégués.

o       Plusieurs documents qui ont été demandés et obtenus après le mariage laissent supposer que les parties n’ont pas l’intention d’entretenir une relation durable. Par exemple, le nom du défunt mari apparaît dans le passeport, les factures téléphoniques, le certificat de bonne conduite établi par la police et l’affidavit de naissance de Mme Dhaliwal.

 

[10]           À la lumière des éléments de preuve, l’agent a conclu que le mariage visait principalement l’acquisition de la résidence permanente au Canada pour Mme Dhaliwal et deux de ses enfants. 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[11]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

a) La SAI a‑t‑elle enfreint le principe de justice naturelle en n’offrant pas des services d’interprétation adéquats à l’audience?

 

b) La SAI a‑t‑elle commis une erreur en se fondant sur les notes versées dans le STIDI par l’agent étant donné qu’elles n’étaient pas corroborées par un affidavit?

 

c) La SAI a‑t‑elle enfreint le principe de justice naturelle en refusant d’entendre un témoin additionnel?

 

ANALYSE

[12]           Il est bien établi que les questions touchant à l’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte. Autrement dit, la décision est habituellement annulée en cas de manquement à la justice naturelle (Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] R.C.F. 392 (CAF); Syndicat canadien de la fonction publique c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539).

 

[13]           D’autre part, le poids qu’il convient d’accorder aux notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) est une question de droit qui relève de l’expertise du commissaire et, à ce titre, commande la norme de la décision raisonnable. Ainsi, la décision sera maintenue si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

a) La SAI a‑t‑elle enfreint le principe de justice naturelle en n’offrant pas des services d’interprétation adéquats à l’audience?

 

 

[14]           L’avocate du demandeur soutient que celui‑ci n’a pas eu droit à une audition équitable parce que la SAI ne s’est pas assurée de la qualité de l’interprétation. Se fondant sur deux affidavits de M. Sarb Sandhu, interprète dont le tribunal retient régulièrement les services, le demandeur maintient que des erreurs importantes sont survenues durant l’interprétation de l’anglais au pendjabi ainsi que du pendjabi à l’anglais. Ces erreurs auraient donné lieu à des omissions, à des ajouts et à des erreurs d’interprétation durant le témoignage, et le demandeur et son épouse n’ont pu les détecter étant donné qu’ils ne comprennent pas l’anglais.

 

[15]           Comme l’avocate du défendeur, je suis d’avis que M. Dhaliwal a renoncé à son droit de s’opposer à la qualité de l’interprétation en l’espèce. Il est bien établi que les plaintes portant sur la qualité de l’interprétation doivent être présentées à la première occasion (Mohammadian c Canada (MCI), [2000] 3 CF 371, [2000] A.C.F. no 309 (QL) [Mohammadian], au paragraphe 27). Par son abstention, le demandeur est présumé avoir renoncé à son droit de contester la qualité de l’interprétation au contrôle judiciaire (Bal c Canada (MCI), 2008 CF 1178, [2008] A.C.F. no 1460 (QL), au paragraphe 31).

 

[16]           Il est vrai que M. Dhaliwal et son épouse ne parlent pas anglais, de sorte qu’il leur est difficile de soulever des doutes au sujet de la qualité de l’interprétation. Néanmoins, le demandeur était représenté par une conseil parlant le pendjabi, et celle‑ci n’a pas contesté la qualité de l’interprétation fournie à l’audience devant la SAI. Durant l’audience de cinq heures, la conseil a, à six reprises, souligné d’éventuelles erreurs d’interprétation ou des mots qui n’auraient pas été prononcés clairement ou entendus. Chaque occurrence a été traitée par l’interprète ou la commissaire de la SAI, laquelle a demandé maintes fois au demandeur de ralentir, de répéter des réponses inaudibles et de répondre par segment pour qu’on puisse en faire une interprétation fidèle et complète. La commissaire a fait tout le nécessaire pour s’assurer que l’interprétation était exacte, et la conseil a semblé satisfaite de l’intervention du tribunal. Elle ne s’est jamais plainte de la qualité de l’interprétation à l’audience, ni dans les longues observations écrites qu’elle a présentées à la SAI après l’audience, ni encore dans sa réponse. 

 

[17]           Ayant examiné soigneusement la transcription de l’audience, je dois conclure que le demandeur (par l’entremise de la conseil) est présumé avoir renoncé à son droit de contester la qualité de l’interprétation. Comme le juge Pelletier l’a déclaré dans Mohammadian, précité, au paragraphe 25 :

L’économie des ressources judiciaires est un argument important à l’appui d’une telle exigence. Si les demandeurs peuvent obtenir le contrôle judiciaire des décisions qui leur donnent tort simplement en ne soulevant pas les problèmes patents d’interprétation, c’est ce qu’ils feront. Ceci mènera à une duplication des audiences. Il serait de meilleure politique d’encourager la tenue de l’audience la plus équitable possible et ainsi éviter des procédures à répétition. Les demandeurs devraient être tenus de se plaindre à la première occasion, lorsqu’il est raisonnable de s’y attendre.

 

 

[18]           Quoi qu’il en soit, j’estime que l’interprétation était adéquate et que les erreurs alléguées ne sont pas importantes. Comme l’a déclaré la Cour suprême dans R c Tran, [1994] 2 R.C.S. 951, [1994] A.C.S. no 16 (QL) [Tran], bien que la norme d’interprétation soit élevée, il ne s’agit pas d’une norme de perfection. L’interprète qui révise l’enregistrement d’une audience peut toujours trouver des exemples d’interprétation qui ne sont pas parfaits, tel que l’a reconnu la Cour dans Boyal c Canada (MCI), [2000] A.C.F. no 72, 95 ACWS (3d) 139 (CF). Cependant, pour satisfaire à la norme établie dans Tran, précité, selon laquelle l’interprétation doit être continue, fidèle, impartiale et concomitante, l’interprétation n’a pas à être parfaite. Ce qui importe, c’est que la personne qui ne parle ni ne comprend l’une des langues officielles puisse raconter son histoire, et que la qualité de l’interprétation lui donne la possibilité de présenter ses arguments (voir Lawal c Canada (MCI), 2008 CF 861, [2008] A.C.F. no 1082 (CF), au paragraphe 26).

 

[19]           En l’espèce, l’avocate du demandeur s’est fondée sur les affidavits de M. Sarb Sandhu. Ces affidavits, d’une teneur essentiellement identique, sont remplis d’arguments et de conclusions sur des questions juridiques telles que le caractère substantiel, l’équité procédurale et l’évaluation de la crédibilité. Puisque l’affidavit doit se limiter aux faits, conformément au paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, la Cour n’a pas à tenir compte de ces portions des affidavits. 

 

[20]           M. Dhaliwal se fonde sur les affidavits de M. Sandhu pour démontrer que l’interprétation fournie à l’audience était tellement inadéquate qu’elle constitue un déni de justice naturelle. L’avocate du demandeur a beaucoup insisté sur le fait que le défendeur n’avait produit aucun élément de preuve pour contester ou réfuter les conclusions de M. Sandhu et qu’il ne l’avait pas contre‑interrogé. Il s’agit certes d’un facteur qui peut être pris en considération dans l’appréciation de la preuve, mais il appartient toujours au juge des faits d’établir la valeur probante de la preuve d’expert, même lorsque cette preuve n’est pas contredite (R c Molodowic, 2000 CSC 16, [2000] 1 R.C.S. 420, aux paragraphes 7 à 10).

 

[21]           Ayant lu les affidavits et la transcription, je n’y trouve aucune preuve d’erreurs importantes justifiant l’intervention de la Cour fédérale. Je dirais même que les extraits présentés par M. Sandhu montrent que l’interprète a été extrêmement prudente, demandant à l’épouse de répéter lorsqu’elle n’était pas certaine d’avoir bien entendu et de ralentir pour que l’interprétation soit plus fidèle. M. Dhaliwal n’a pas établi que l’interprétation avait nui à l’audience. Le demandeur et M. Sandhu n’ont peut‑être pas aimé le choix de mots de l’interprète, mais l’interprétation a transmis le même message que la propre interprétation de M. Sandhu. Par conséquent, j’estime que l’interprétation était adéquate et conforme à la norme établie par la Cour suprême dans Tran, précité.

 

b) La SAI a‑t‑elle commis une erreur en se fondant sur les notes versées dans le STIDI par l’agent étant donné qu’elles n’étaient pas corroborées par un affidavit?

 

[22]           L’avocate du demandeur soutient en outre que la SAI a commis une erreur en se fondant sur les notes versées dans le STIDI par l’agent des visas, parce qu’elles n’étaient pas accompagnées d’un affidavit.  Invoquant les décisions Tharmavarathan c Canada (MCI), 2010 CF 985, [2010] A.C.F. no 226 (QL) et Tajgardoon c Canada (MCI), [2001] CF 591, [2000] A.C.F. no 1450 (QL), l’avocate prétend que les notes du STIDI ne sont rien de plus que des allégations de fait, et non des éléments de preuve, lorsqu’elles ne sont pas étayées par un affidavit. Elle affirme par ailleurs que les notes du STIDI ne sont pas fiables, de par leur nature, puisqu’il s’agit non pas d’une transcription de l’entrevue, mais bien de notes prises par l’agent d’immigration au sujet de l’entrevue.

 

[23]           Cet argument peut être facilement écarté. Premièrement, la SAI est un tribunal administratif et, à ce titre, n’est pas astreinte aux règles de preuve régissant la Cour. En effet, les alinéas 175b) et c) de la LIPR prévoient explicitement que la SAI « n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve » et qu’elle peut fonder sa décision sur tous les éléments de preuve « qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence ». Les décisions invoquées par le demandeur ne peuvent donc s’appliquer, car elles traitent de l’utilisation des notes du STIDI devant la présente instance et non devant la SAI.

 

[24]           La question de savoir si les notes du STIDI sont crédibles ou dignes de foi est une question que le commissaire de la SAI doit trancher à la lumière de la preuve existant dans chaque cas particulier. Le recours de M. Dhaliwal à deux décisions de la SAI ne prête aucune force à son argument puisqu’il est évident, dans les deux cas, qu’aucun poids n’a été accordé aux notes du STIDI pour des motifs n’ayant rien à voir avec leur recevabilité. Dans ces deux affaires, la SAI a préféré les témoignages présentés à l’audience aux notes du STIDI, et ce, pour un certain nombre de raisons qui concernaient davantage la crédibilité de l’appelant et de son épouse que des formalités techniques. En particulier, les témoignages des deux intéressés étaient concordants, et des documents déposés en preuve établissaient l’authenticité du mariage. La SAI a conclu que la nouvelle audience avait permis de dissiper les doutes de l’agent des visas.

 

[25]           En l’espèce, la commissaire a jugé qu’il y avait des contradictions entre les témoignages de M. Dhaliwal et de son épouse, ainsi que par rapport à la preuve documentaire. Tel qu’il a déjà été mentionné, la commissaire a souligné les problèmes suivants : le manque d’exactitude et de véracité de la preuve documentaire; les divergences quant au moment et à la façon dont le demandeur a été mis au courant de l’implication du fils de son épouse dans des activités terroristes; l’absence d’explications satisfaisantes quant à savoir pourquoi le demandeur s’est peu informé sur la situation de son épouse avant le mariage; l’absence d’explications satisfaisantes à savoir pourquoi l’épouse du demandeur a accepté d’épouser une personne qui est brouillée avec la plupart des membres de sa famille proche; l’endroit où vit le fils aîné de son épouse; l’endroit où vit la famille de son épouse; la date de la première rencontre entre le demandeur et son épouse; l’endroit où l’épouse du demandeur a résidé après le mariage; quand le demandeur est revenu au Canada; l’importance du soutien financier fourni par le demandeur à son épouse. En outre, je souligne que M. Dhaliwal et son épouse n’ont pas nié les déclarations contenues dans les notes d’entrevue que l’agent des visas a versées dans le STIDI et n’ont pas déclaré que le dossier de l’entrevue était inexact. Partant, la commissaire était en droit de conclure que les doutes de l’agent des visas n’avaient pas été dissipés devant la SAI et que les notes du STIDI pouvaient être jugées crédibles et dignes de foi. 

 

c) La SAI a‑t‑elle enfreint le principe de justice naturelle en refusant d’entendre un témoin additionnel?

 

[26]           Enfin, l’avocate du demandeur prétend que la SAI a commis une erreur en refusant d’entendre le témoignage de M. Hardev Singh Dhaliwal, ami de longue date du demandeur et parent éloigné de son épouse. M. Hardev Singh Dhaliwal avait transmis un affidavit résumant le témoignage qu’il prévoyait faire, qui portait notamment sur sa connaissance personnelle de la relation entre le demandeur et son épouse, de l’origine de la relation et de sa durabilité. L’avocate maintient que la SAI a donc privé le demandeur de son droit à une audition équitable et sacrifié son appel au profit de l’efficience administrative.

 

[27]           Ici encore, je dois rejeter cet argument. La commissaire n’était pas tenue d’entendre tous les témoignages oraux. Il convient de faire preuve d’une grande retenue face au choix de procédure de la SAI, pour autant que le demandeur a une possibilité adéquate d’être entendu. Le demandeur a invoqué la décision Kamtasingh c Canada (MCI), 2010 CF 45, [2010] A.C.F. no 45 (QL) [Kamtasingh] pour appuyer son allégation selon laquelle les amis et parents proches doivent être entendus sans hésitation lorsque la crédibilité est mise en doute. Il convient toutefois de distinguer  la décision Kamtasingh, précitée, de la présente affaire parce qu’elle concerne une partie non représentée, ce qui astreignait le commissaire à une norme d’équité procédurale plus élevée. Dans le cas présent, le demandeur a été dûment représenté par une avocate. Il appartenait à celle‑ci de trouver une façon efficace de présenter les arguments de son client dans le temps d’audience alloué.

 

[28]           Les deux avocates ont été avisées du temps alloué presque deux mois avant l’audience. Au début de la séance, la commissaire a souligné que l’audience, comme convenu, avait été fixée à une demi‑journée, laissant ainsi à chaque partie une heure et demie pour présenter ses arguments. La commissaire a même précisé que le demandeur aurait pu obtenir plus de temps s’il en avait fait la demande à l’avance. L’avocate du demandeur a répondu qu’elle n’avait pas besoin de temps supplémentaire. En fait, l’audience de M. Dhaliwal s’est prolongée bien au‑delà d’une demi‑journée, puisqu’elle a débuté à 9 h et s’est terminée à 14 h. De plus, la commissaire a indiqué l’heure à l’avocate du demandeur et lui a rappelé qu’elle avait la responsabilité de gérer ses témoins durant l’audience, l’a aidée à orienter les questions sur les points pertinents et a réduit le temps alloué au contre‑interrogatoire de l’avocate du défendeur. Par conséquent, il ne peut être dit que la commissaire n’était pas disposée à entendre tous les témoignages ni qu’elle a sacrifié l’équité de la procédure au profit de l’efficience administrative.  

 

[29]           Quoi qu’il en soit, il n’est pas parfaitement clair que M. Hardev Singh Dhaliwal aurait pu, par son témoignage, ajouter quoi que ce soit à son affidavit. Aucun autre affidavit n’a été présenté à la Cour sur ce qu’il aurait pu dire. De plus, la déposition de ce témoin aurait plus que probablement été sans importance, car la décision même était fondée sur les déclarations contradictoires faites par M. Dhaliwal et son épouse, ainsi que sur les divergences présentes dans les documents. Par conséquent, il m’est impossible de conclure que la SAI a manqué à son obligation d’équité procédurale en refusant d’autoriser M. Hardev Singh Dhaliwal à témoigner.

 

[30]           Pour l’ensemble des raisons susmentionnées, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont pas proposé de questions de portée générale et aucune ne sera certifiée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-978-11

 

INTITULÉ :                                       HARDIAL SINGH DHALIWAL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 SEPTEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 SEPTEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Narindar Kang

Jasdeep Mattoo

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Caroline Christiaens

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kang et Company

Surrey (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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