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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20111212

Dossier : IMM-3537-11

Référence : 2011 CF 1447

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

SHAIK JALALUDEEN AHAMED

(ALIAS AHAMED, SHAIK JALALUDE)

 

   

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

intimé

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Pour les motifs énoncés ci-dessous, la présente demande de contrôle judiciaire visant une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, où il a été décidé que le demandeur n'est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, est rejetée.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de l'Inde qui a demandé l'asile en raison de la crainte que lui inspirent deux partis politiques, le Dravide Munette Kalgan (le DMK) et le Anna Dravida Munetta Kalgan (le ADMK). Le 16 mai 2009, soit le lendemain de la publication des résultats des élections parlementaires en Inde, le demandeur se rendait à motocyclette de chez lui au travail. À Athirampaddi, il a passé près de deux groupes de gens qui se battaient. Il a essayé de trouver un autre chemin, mais il s'est fait enlever de sa motocyclette et on l'a battu. Il s'est réveillé dans un hôpital privé, où la police l'a interrogé parce qu'un membre du ADMK avait été tué dans l'échauffourée. Le demandeur a dit à la police qu'il y avait eu une bagarre entre deux groupes, mais qu'il n'en savait pas plus parce qu'il était tombé inconscient.

 

[3]               Quelques jours plus tard, un membre du DMK a rendu visite au demandeur et lui a dit qu'il serait tué s'il mentionnait quoi que ce soit à la police. Je note qu'il n'avait rien à dire. Quelques jours plus tard encore, quatre membres du ADMK ont tenté de soudoyer le demandeur pour qu'il donne des renseignements au sujet de l'incident. Des membres du ADMK se sont aussi rendus chez lui et ont menacé son épouse et proféré des menaces contre lui. 

 

[4]               Le demandeur s'est senti menacé par les deux partis et il a décidé de quitter Athirampaddi. Il s'est rendu à Kerala en mai 2009 et y est resté jusqu'en octobre 2009. Le demandeur a embauché un agent qui l'a emmené en différents endroits avant son arrivée au Canada. Il ressort du dossier que le demandeur a voyagé de l'Inde à Singapour, puis en Malaisie et à Madras avant de retourner en Inde; puis de l'Inde à la Thaïlande, à Hong Kong et en Chine avant de retourner encore une fois en Inde; il a ensuite quitté l'Inde une troisième fois et s'est rendu à Madras, au Brésil et est finalement arrivé au Canada le 3 avril 2010, après avoir obtenu un permis de travail. Le 28 avril 2010, il a présenté sa demande d'asile.

 

[5]               Le demandeur a présenté trois questions à l'audience. Il a soutenu que le commissaire avait commis une erreur en ne faisant pas une analyse appropriée et que cela l'avait mené à conclure erronément qu'il n'y avait pas de lien avec l'un des motifs reconnus par la Convention et énoncés à l'article 96; que le commissaire n'avait pas appliqué le bon critère lorsqu'il avait affirmé que le demandeur devait établir qu'il serait personnellement exposé à la persécution pour fonder sa revendication sur l'article 96 ou sur l'article 97; que le commissaire a erré dans son analyse de la protection de l'État en concluant que le demandeur aurait dû demander la protection de la police à Athirampaddi, alors que la police faisait partie de l'État, et donc faisait partie de l'agent de persécution.

 

[6]               En dépit des excellentes observations que l'avocat du demandeur a présentées, je suis convaincu que le commissaire n'a commis aucune des erreurs alléguées; en outre, la conclusion tirée quant à la protection de l'État est, selon moi, inattaquable et serait en soi déterminante, même dans le cas où il m'aurait convaincu du bien-fondé des autres allégations.

 

[7]               Je conviens que le commissaire a fait une analyse superficielle de la revendication fondée sur l'article 96. Toutefois, le demandeur a admis qu'il n'avait aucune affiliation politique, qu'il avait été un spectateur innocent blessé au cours d'une bagarre entre groupes rivaux de partisans politiques, qu'il n'avait rien vu du meurtre sur lequel la police enquêtait et que les agents de persécution lui demandaient soit de témoigner contre l'autre groupe, soit de ne rien dire. Il a été victime d'un crime, on a tenté de le soudoyer et il a fait l'objet de menaces, toutes choses qui n'ont rien à voir avec ses opinions politiques, réelles ou perçues comme telles. Il n'y avait qu'une seule conclusion que le commissaire pouvait tirer raisonnablement au sujet l'article 96, et c'est celle qu'il a tirée : il n'y avait pas de lien avec l'un des motifs de la Convention.

 

[8]               Après avoir conclu que le demandeur ne pouvait pas invoquer l'article 96, le commissaire a examiné la revendication au regard de l'article 97. Bien que le commissaire ait erré au paragraphe 7 de sa décision, dans son énoncé du critère applicable à l'article 96, son erreur était sans conséquence étant donné que la revendication n'a été examinée qu'au regard de l'article 97, et que l'énoncé du critère applicable à cet article était exact, comme l'a admis le demandeur. Étant donné que l'erreur n'a eu aucune incidence sur le résultat final, il ne s'agit pas d'une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

 

[9]               Quoi qu'il en soit, la demande ne peut pas être accueillie étant donné que le commissaire a, correctement selon moi, conclu que le demandeur pouvait se prévaloir de la protection de l'État et d'une possibilité de refuge intérieur.

 

[10]           Le demandeur a affirmé que les membres du DMK l'avaient approché une seule fois et qu'il l'avait été deux fois par ceux du ADMK. Quand on lui a demandé pourquoi il n'avait pas demandé à la police de le protéger, il a répondu que le chef de police était membre du DMK et que par conséquent il ne l'aurait pas écouté. 

 

[11]           Premièrement, cette explication ne vaut qu'en ce qui concerne le fait qu'il ne s'est pas plaint à la police des agissements des membres du DMK. Il faut cependant supposer que le chef de police, suivant les affiliations politiques qui lui sont attribuées, aurait reçu avec plaisir toute dénonciation de menaces ou de pots-de-vin mettant en cause des membres du ADMK.

 

[12]           Deuxièmement, comme le commissaire l'a signalé, l'explication ne tient pas même s'il s'était agi de dénoncer à la police des membres du DMK. Le demandeur a lui-même produit un article de presse qui décrit l'affrontement entre les deux groupes dans lequel il s'est retrouvé et les mesures prises par la police par la suite. Cet article dit que la police a accusé des membres du DMK et qu'elle poursuit son enquête. Comme le commissaire l'a noté : « Le témoignage du demandeur d’asile en lien avec le chef de police et sa réticence à sévir contre les membres du DMK en raison de son allégeance politique n’est ni juste ni crédible. » Je suis d'accord.

 

[13]           Le demandeur n'a pas directement contesté la conclusion tirée sur la possibilité de refuge intérieur; il a affirmé qu'elle faisait partie des allégations qu'il avait formulées quant aux autres erreurs commises par le commissaire. Si c'est le cas, vu ma conclusion qu'aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire n'a été commise, la conclusion que le commissaire a tirée sur la possibilité de refuge intérieur est également inattaquable.

 

[14]           Quoi qu'il en soit, la preuve présentée à la Commission révèle que le demandeur est resté en Inde pendant un certain temps et de façon intermittente après le premier incident, y compris à Delhi, sans que l'un ou l'autre agent de persécution prenne contact avec lui ou le menace. La conclusion de la Commission selon laquelle il était peu vraisemblable que les membres de l'un ou l'autre groupe le retrouvent à Delhi, une grande ville de plus de 16 millions de personnes située à quelque 2 000 km de sa ville d'origine, était raisonnable au vu du dossier dont elle disposait.

 

[15]           Pour ces motifs, la demande sera rejetée. Les parties n'ont pas demandé la certification d'une question.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3537-11

 

INTITULÉ :                                       SHAIK JALALUDEEN AHAMED c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 1er décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT               Le juge ZINN

ET JUGEMENT :

 

DATE DES MOTIFS                        Le 12 décembre 2011

ET DU JUGEMENT :

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack Davis

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nadine Silverman 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVIS & GRICE  

Avocats

Toronto (Ontario)    

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)    

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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