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 Date : 20111212

Dossier : IMM-3591-11

Référence : 2011 CF 1462

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 12 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

WAYNE ANTONY HILLARY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur Wayne Antony Hillary est un citoyen adulte de la Jamaïque. Il est entré au Canada en tant que résident permanent en octobre 1981. Il souffre de schizophrénie et est séropositif pour le VIH. Il reçoit des traitements médicaux au Canada pour ces maladies.

 

[2]               Le demandeur a un lourd casier judiciaire au Canada. Pour cette raison, son expulsion en Jamaïque a été ordonnée. Cette ordonnance a été confirmée par la Section d’appel de l’immigration et, dans une ordonnance datée du 3 juillet 2007, la Cour a refusé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               Le demandeur a demandé une évaluation des risques avant renvoi (ERAR). Il alléguait qu’il ne pourrait pas recevoir un traitement médical approprié en Jamaïque et que, étant séropositif pour le VIH, il serait perçu erronément comme un homme gay et qu’il serait vraisemblablement en danger de se faire tuer en raison de la stigmatisation sociale. Des éléments de preuve ont été présentés à l’appui de ces allégations. Dans une décision écrite datée du 31 octobre 2007, l’agent d’ERAR a rejeté cette demande. Le demandeur n’a pas demandé à la Cour l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Le demandeur n’a pas été renvoyé immédiatement, parce qu’il devait répondre à d’autres accusations criminelles et que l’alinéa 50b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), LC 2001, c 27, modifiée, empêchait le renvoi. Le demandeur a cependant déposé une deuxième demande d’ERAR le 28 avril 2009. Les motifs invoqués étaient les mêmes que dans la première demande d’ERAR, mais ils étaient cette fois étayés par une preuve plus étoffée et convaincante. Dans sa lettre adressée au bureau responsable de l’ERAR, datée du 10 août 2009, l’avocat du demandeur déclare franchement :

 

[traduction] La première demande d’ERAR de M. Hillary, dont vous trouverez une copie ci‑jointe, a été rédigée de sa propre main et ne comportait pas d’observations et ne contenait qu’un seul document sur la situation dans le pays. Il n’y a, depuis la première demande d’ERAR, aucun nouveau fait en ce qui a trait au risque, mais vous trouverez ci-joint une preuve considérable qui démontre clairement qu’il s’expose à la persécution en Jamaïque en raison et de sa séropositivité pour le VIH et de ses problèmes de santé mentale.

 

[5]               La deuxième demande d’ERAR a été rejetée dans une décision écrite datée du 28 avril 2011. C’est la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Pour les motifs qui suivent, je conclus que de la demande est rejetée.

 

[6]               La décision contrôlée est soigneusement rédigée et on y examine la question de savoir si la preuve soumise dans la deuxième demande d’ERAR est « nouvelle »; il a été conclu qu’elle ne l’était pas et que, en tout état de cause, même si la preuve était « nouvelle », le demandeur ne serait exposé à aucun risque. Par conséquent, la demande a été rejetée pour deux motifs : la documentation n’était pas « nouvelle » et, si elle l’était, il n’y avait aucun « risque ».

 

[7]               Le demandeur soulève les questions suivantes relativement à la décision contrôlée :

 

a.      Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

b.      L’agente a-t-elle commis une erreur en appliquant un critère juridique incorrect lorsqu’elle a exclu des éléments de preuve au motif qu’ils étaient disponibles au moment du rejet de la demande d’asile précédente?

 

c.       Dans la négative, l’agente a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il serait dans l’intérêt de la justice qu’elle exerce en l’espèce son pouvoir discrétionnaire pour appliquer le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée?

 

[8]               J’ajouterai une quatrième question, qui a été soulevée par le défendeur et dont le demandeur n’a pas tenu compte :

 

4.         L’agente a-t-elle néanmoins rejeté à bon droit la demande, quand bien même toute la preuve, nouvelle ou non, aurait été examinée?

 

 

QUESTION 1 :          Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

[9]               Le demandeur fait valoir que l’exclusion de la preuve par l’agente du fait qu’elle n’était pas « nouvelle » était fondée sur l’interprétation de l’alinéa 113a) de la LIPR et les principes de common law relatifs à la préclusion; par conséquent, il faut appliquer la norme de la décision correcte. Le demandeur soutient en outre qu’en ce qui concerne l’application des principes relatifs à la préclusion, la norme est celle de la décision raisonnable, examinée dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] RCS 190. Pour les besoins du présent contrôle judiciaire, j’accepterai ces normes.

 

[10]           Le demandeur n’a présenté aucune observation concernant la norme de contrôle applicable à la décision dans laquelle l’agente a examiné toute la preuve, « nouvelle » ou non, soumise dans la deuxième demande d’ERAR. Il est clair qu’il convient d’appliquer la norme de la décision raisonnable.

 

QUESTION 2 :          L’agente a-t-elle commis une erreur en appliquant un critère juridique incorrect lorsqu’elle a exclu des éléments de preuve au motif qu’ils étaient disponibles au moment du rejet de la demande d’asile précédente?

 

 

QUESTION 3 :          Dans la négative, l’agente a-t-elle commis une erreur en concluant qu’il serait dans l’intérêt de la justice qu’elle exerce en l’espèce son pouvoir discrétionnaire pour appliquer le principe de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée?

 

 

[11]           Je me pencherai sur les deuxième et troisième questions ensemble, puisque la réponse à la quatrième question tranche l’affaire, et que toute remarque faite relativement à la deuxième et la troisième question serait incidente.

 

[12]           L’avocat du demandeur a soulevé un certain nombre de questions relativement à la signification et à l’effet de l’alinéa 113a) de la LIPR et à l’interaction entre cet alinéa et la doctrine de la préclusion élaborée par les tribunaux. Il ressort clairement de la décision contrôlée que l’agente d’ERAR a reconnu que l’alinéa 113a) de la LIPR n’entrait en jeu qu’à l’égard d’une décision antérieure sur une demande du statut de réfugié au sens de la Convention et non d’une décision antérieure sur une demande d’ERAR. L’agente a eu raison d’agir ainsi.

 

[13]           L’agente a appliqué les principes de la préclusion élaborés par les tribunaux. L’avocat du demandeur soutient en quelque sorte que ces principes doivent être modifiés ou au moins s’inspirer de la jurisprudence relative à l’alinéa 113a) de la LIPR. Mon avis sur cette question n’est pas nécessaire, puisque la décision de l’agente, qui a pris en compte toute la preuve, permet de trancher la demande et que la question est par conséquent théorique. Même s’il est indubitable que plusieurs éléments de la LIPR, et plus généralement de la jurisprudence en matière d’immigration et d’asile, bénéficieraient d’être clarifiés par notre Cour ou par une cour d’instance supérieure, la Cour devrait éviter de tirer des conclusions inutiles et simplement éviter de parvenir à des conclusions incidentes.

 

QUESTION 4 :          L’agente a-t-elle néanmoins rejeté à bon droit la demande, quand bien même toute la preuve, nouvelle ou non, aurait été examinée?

 

[14]           Cette question permet de trancher la demande. La décision de l’agente qui fait l’objet du présent contrôle reposait sur la conclusion que la demande devait être rejetée, même si on tenait compte de toute la preuve au dossier. Étant donné la portée donnée à de telles décisions dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la décision était raisonnable et ne sera pas infirmée.

 

CONCLUSIONS

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Comme la demande est rejetée sur le fondement de la quatrième question, il n’y a aucune question à certifier. Il n’existe pas de raisons spéciales justifiant d’adjuger des dépens.


JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS,

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

 

1.                  La demande est rejetée.

 

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-3591-11

 

INTITULÉ :                                                  WAYNE ANTONY HILLARY c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 12 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                                          LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 12 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Norquay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kristina Dragaitis

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

HIV & AIDS Legal Clinic (Ontario)

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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