Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20111207

Dossier : T-926-11

Référence : 2011 CF 1431

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 7 décembre 2011

En présence de madame la juge Bédard

 

 

ENTRE :

 

ROBERT HALL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 9 mai 2011, par laquelle un comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le comité d’appel) a confirmé la décision du comité de révision de ne pas accorder une indemnité d’invalidité à Robert Hall (le demandeur). Le demandeur allègue qu’il a droit à une indemnité d’invalidité en vertu de l’article 45 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, LC 2005, c 21, [la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants] au motif qu’il a contracté une élastose solaire par suite des traitements aux rayons ultraviolets (les traitements UV) que lui ont administrés des médecins militaires au début de sa carrière militaire. Le comité d’appel a conclu qu’il n’existait pas un lien suffisant entre les fonctions militaires du demandeur et son état de santé, de sorte qu’il n’avait pas droit à une indemnité d’invalidité. Le demandeur conteste cette décision. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

I.          Contexte

[2]               Âgé de 68 ans, le demandeur s’est enrôlé dans les Forces canadiennes (les FC) le 17 septembre 1959 et a servi sans interruption jusqu’au 12 octobre 1998, à l’exception de quelques mois au début des années soixante. Lorsqu’il s’est enrôlé dans les FC, il souffrait d’un grave problème d’acné. En 1965, un médecin militaire lui a prescrit des traitements UV, qu’il devait suivre dans un hôpital militaire. Le demandeur estime qu’il a reçu de 200 à 250 traitements UV entre avril 1965 et décembre 1966.

 

[3]               Plusieurs décennies plus tard, il a contracté une grave maladie de la peau. Tout d’abord, de multiples kératoses actiniques se sont développées au visage, sur le cuir chevelu et sur le tronc, et des carcinomes basocellulaires sont apparus au visage, sur le cuir chevelu et à l’avant-bras. Par la suite, on a observé chez lui une élastose solaire.

 

[4]               En octobre 2007, le demandeur a soumis une demande d’indemnité d’invalidité au ministère des Anciens combattants du Canada (le Ministère) en lien avec ses multiples kératoses actiniques et ses carcinomes basocellulaires. Le ministre a rejeté sa demande, mais, le 6 août 2009, un comité de révision lui a accordé une pleine indemnité. Le comité de révision a estimé qu’il existait un lien suffisant entre les traitements UV que le demandeur avait reçus au début de sa carrière et ses problèmes de santé actuels. Il découle implicitement de sa décision que le comité de révision était convaincu qu’il existait un lien suffisant entre l’état de santé du demandeur et son service militaire.

 

[5]               Lorsque son élastose solaire a commencé à se manifester, le demandeur a soumis une seconde demande au Ministère en rapport avec son état de santé. Le Ministère a rejeté cette demande le 6 avril 2011. Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant le comité de révision, qui a confirmé le refus.

 

[6]               Le comité de révision n’a pas remis en question le lien entre l’élastose solaire du demandeur et les traitements UV, mais a estimé qu’il n’existait pas de lien suffisant entre l’état du demandeur et son service militaire. Le comité de révision a estimé [traduction] « que le demandeur ne se livrait pas à l’accomplissement d’une tâche ou d’un service lié à ses fonctions militaires lorsqu’il recevait des traitements aux rayons ultraviolets pour son acné [...] ». Le comité de révision a par conséquent conclu que le demandeur n’avait pas démontré [traduction] « qu’il existe un lien entre le développement de l’élastose solaire et son service militaire ». Pour arriver à cette décision, le comité de révision a cité la décision King c Canada (Tribunal des anciens combattants (révision et appel)), 2001 CFPI 535, 205 FTR 204, [King], dans laquelle le juge Nadon a analysé le lien exigé par l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P‑6 [la Loi sur les pensions]. Cette disposition régissait les indemnités d’invalidité et les pensions versées aux membres des FC avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants et prévoyait que seules les blessures consécutives ou rattachées directement au service militaire du demandeur ouvraient droit à pension. En l’espèce, le comité de révision a cité l’extrait suivant des motifs du juge Nadon :

[65] [...] Conformément à l’alinéa 21(2)a), seules les blessures ou maladies consécutives ou rattachées directement au service militaire du demandeur donnent droit à pension. [...] le service militaire doit être la cause primordiale de la blessure ou de l’invalidité et le lien de causalité doit être établi.

 

[7]               Le comité de révision a pris acte de la première décision qui avait fait droit à la demande présentée par le demandeur relativement à ses problèmes de kératose actinique et de carcinomes basocellulaires, mais il ajouté que, dans la première décision, le comité de révision n’avait pas tenu pleinement compte du rapport entre les traitements aux rayons ultraviolets suivis par le demandeur et l’exécution de ses fonctions militaires.

 

II.         La décision contrôlée

[8]               Le demandeur a interjeté appel de la décision du comité de révision, mais, le 6 mai 2011, le comité d’appel a confirmé la décision du comité de révision.

 

[9]               Le comité d’appel a accepté que l’élastose solaire avait été causée par les traitements aux rayons ultraviolets que le demandeur avait suivis. Il a également reconnu que le demandeur avait obtenu une indemnité pour sa kératose actinique et ses carcinomes basocellulaires dans des circonstances presque identiques. Voici les motifs du comité d’appel :

                        [traduction]

Le tribunal a examiné toute la preuve versée au dossier ainsi que les arguments de l’avocat. À l’instar du comité de révision, le tribunal estime que, même si l’appelant était sous les soins de médecins militaires, il n’accomplissait pas une tâche ou un service lié à ses fonctions militaires lorsqu’il recevait les traitements aux rayons ultraviolets pour son acné; il n’était pas non plus en service officiel, ce qui l’aurait obligé à se trouver à un endroit particulier pour obéir aux ordres reçus et il n’entrait dans aucune catégorie spéciale donnant droit à une protection universelle.

 

Vu ce qui précède, le comité d’appel conclut que l’appelant n’a pas droit à une indemnité d’invalidité pour le problème de santé qu’il prétend avoir, l’élastose solaire, en vertu de l’article 45 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

III.       Questions en litige

[10]           La seule question à trancher dans la présente affaire est celle de savoir si la décision du comité de révision était raisonnable.

 

IV.       Norme de contrôle

[11]           Les deux parties s’entendent pour dire, à juste titre à mon avis, que la décision du comité d’appel doit être contrôlée en fonction de la norme de la décision raisonnable. La présente affaire porte sur l’interprétation de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants ainsi que sur l’application de l’article 45 de la Loi aux faits précis allégués au dossier. Elle porte donc sur une question mixte de fait et de droit. Cette conclusion est conforme à la jurisprudence de notre Cour et à celle de la Cour d’appel fédérale (Canada (Procureur général) c Wannamaker, 2007 CAF 126, au paragraphe 12, 156 ACWS (3d) 929; Acreman c Canada (Procureur général), 2010 CF 1331, au paragraphe 18, 381 FTR 139, et Lebrasseur c Canada (Procureur général), 2010 CF 98, au paragraphe 13, 361 FTR 84 [Lebrasseur]).

 

[12]           La Cour suprême du Canada a expliqué, dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190, le rôle que joue notre Cour lorsqu’elle procède au contrôle judiciaire d’une décision en fonction de la norme de la décision raisonnable :

[47] [...] La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

V.        Analyse

A. Cadre législatif

[13]           Les militaires et les anciens combattants des FC qui souffrent d’une blessure ou d’une maladie liée au service ont droit à une indemnité d’invalidité en vertu de l’article 45 de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants, dont voici le texte :

45. (1) Le ministre peut, sur demande, verser une indemnité d’invalidité au militaire ou vétéran qui démontre qu’il souffre d’une invalidité causée :

 

 

a) soit par une blessure ou maladie liée au service;

 

b) soit par une blessure ou maladie non liée au service dont l’aggravation est due au service.

 

 (2) Pour l’application de l’alinéa (1)b), seule la fraction — calculée en cinquièmes — du degré d’invalidité qui représente l’aggravation due au service donne droit à une indemnité d’invalidité.

45. (1) The Minister may, on application, pay a disability award to a member or a veteran who establishes that they are suffering from a disability resulting from

 

(a) a service-related injury or disease; or

 

(b) a non-service-related injury or disease that was aggravated by service.

 

(2) A disability award may be paid under paragraph (1)(b) only in respect of that fraction of a disability, measured in fifths, that represents the extent to which the injury or disease was aggravated by service.

 

[14]           L’article 2 de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants définit comme suit l’expression « liée au service » :

« liée au service »

 

 

« liée au service » Se dit de la blessure ou maladie :

 

a) soit survenue au cours du service spécial ou attribuable à celui-ci;

 

b) soit consécutive ou rattachée directement au service dans les Forces canadiennes.

“service-related injury or disease”

 

“service-related injury or disease” means an injury or a disease that

 

(a) was attributable to or was incurred during special duty service; or

 

(b) arose out of or was directly connected with service in the Canadian Forces.

 

[15]           Les litiges découlant de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants sont régis par la procédure prévue par la Loi sur le tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18 [la Loi sur le TACRA]. L’article 4 de la Loi sur le TACRA prévoit la constitution du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). C’est au président du tribunal qu’il incombe de constituer le comité de révision et le comité d’appel. Les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA proposent à ces comités certaines balises en ce qui concerne l’interprétation de la Loi et l’appréciation de la preuve :

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

 

[Non souligné dans l’original.]

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

[Emphasis added]

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

a)  il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

B. Thèse des parties

[16]           Le demandeur affirme que la décision du comité d’appel était déraisonnable pour plusieurs raisons.

 

[17]           En premier lieu, le demandeur soutient que, lorsqu’il a examiné la question de savoir s’il avait subi une blessure liée au service, le comité d’appel n’a pas appliqué le bon critère. Le demandeur fait valoir qu’en concluant qu’il [traduction] « n’accomplissait pas une tâche ou un service lié à ses fonctions militaires lorsqu’il recevait les traitements aux rayons ultraviolets pour son acné », le comité d’appel exigeait qu’il existe un lien de causalité direct entre l’état de santé du demandeur et l’exécution effective de tâches particulières se rapportant à ses fonctions militaires. Il soutient que ce critère suppose une interprétation excessivement étroite du terme « consécutive » que l’on trouve dans la définition de l’expression « liée au service ». Cette interprétation ne cadre ni avec l’objet de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants, ni avec les articles 3 et 39 de la Loi sur le TACRA, ni avec la jurisprudence récente portant sur l’interprétation de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants.

 

[18]           Le demandeur soutient que la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants vise à assurer le bien-être des anciens membres des FC en garantissant leur sécurité financière. Il y a donc lieu d’interpréter ses dispositions de manière large et libérale comme l’exige d’ailleurs l’article 3 de la Loi sur le TACRA. Le demandeur affirme en outre que, lorsqu’on l’interprète comme il se doit, le mot « consécutive » n’exige pas que la blessure ou la maladie résulte directement de l’exécution de tâches militaires précises.

 

[19]           Le demandeur affirme qu’on a assisté, au fil des ans, à une évolution en ce qui concerne la façon dont les tribunaux interprètent le mot « consécutive » dans le contexte des indemnités d’invalidité versées aux anciens combattants. La jurisprudence a d’abord été élaborée dans le cadre de la Loi sur les pensions. Le demandeur admet que le critère élaboré au départ par la jurisprudence exigeait que le service militaire soit la « cause primordiale » de la blessure ou de la maladie invoquée au soutien d’une demande d’invalidité. Ce premier critère est celui qui a été appliqué dans l’affaire King, précitée, et celui que le comité de révision et le comité d’appel ont cité dans le cas du demandeur. Le demandeur soutient que ce critère n’est plus celui qui est reconnu et il ajoute que la jurisprudence récente n’exige plus l’existence d’un lien de causalité direct entre l’état de santé du demandeur et ses fonctions militaires. À l’appui de cet argument, le demandeur cite l’arrêt Canada (Procureur général) c Frye, 2005 CAF 264, 141 ACWS (3d) 660 [Frye], la décision Lebrasseur, précitée, la décision Bradley c Canada (Procureur général), 2011 CF 309 (publiée dans CanLII) [Bradley] ainsi que la décision Zielke c Canada (Procureur général), 2009 CF 1183, 361 FTR 16. Le demandeur soutient en outre que la décision Boisvert c Canada (Procureur général), 2009 CF 735 (publiée dans CanLII) [Boisvert], dans laquelle le juge de Montigny cite la décision King est exceptionnelle, et que la décision McLean c Canada (Procureur général), 2011 CF 1047 (publiée dans CanLII) [McLean] se distingue aisément de la présente espèce en ce qui concerne les faits. Le demandeur ajoute que la jurisprudence se rapportant à la négligence médicale que le défendeur cite n’est pas pertinente.

 

[20]           Le demandeur affirme que le critère approprié est celui de savoir si l’activité qui a causé ses problèmes de santé (en l’occurrence, les traitements aux rayons UV) est survenue à l’occasion de son service militaire et si ces problèmes de santé actuels seraient apparus même s’il n’avait pas fait partie des FC.

 

[21]           Le demandeur est d’avis qu’en n’appliquant pas le bon critère pour déterminer si ces problèmes de santé étaient liés au service, le comité d’appel a rendu une décision déraisonnable.

 

[22]           À titre subsidiaire, le demandeur affirme que, même si le critère de la « cause primordiale » est le bon critère, il satisfait à ce critère et que la décision du comité d’appel était déraisonnable parce que le comité n’a pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve pour rendre sa décision. Le demandeur attire l’attention de la Cour sur les éléments suivants qui, à son avis, auraient dû amener le comité d’appel à conclure que son état de santé était consécutif à son service militaire :

a.                   son élastose solaire découlait des traitements aux rayons UV qu’il avait reçus alors qu’il faisait partie des FC;

b.                   comme tous les autres membres des FC, il avait l’obligation de recevoir tout traitement médical de médecins militaires;

c.                   le médecin qui a prescrit le traitement était son supérieur;

d.                   en recevant les traitements aux rayons UV, il obéissait aux ordres d’un supérieur.

 

[23]           Le demandeur soutient que le comité d’appel n’a pas tenu compte de ces éléments et que la décision qu’il a rendue était par conséquent déraisonnable. Le demandeur ajoute que le comité d’appel a commis une erreur en ne tirant pas des circonstances et des éléments de preuve présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur comme l’article 39 de la Loi sur le TACRA l’obligeait à le faire.

 

[24]           Le demandeur affirme également que le comité d’appel n’a pas motivé suffisamment sa décision. Il soutient que la décision du comité d’appel pèche par manque de justification, de transparence et d’intelligibilité, étant donné que le comité d’appel n’a pas analysé le rapport entre le service militaire du demandeur et son état actuel. Il affirme en outre que le comité d’appel aurait également dû expliquer pourquoi il choisissait de suivre la décision King, précitée, et d’écarter l’arrêt Frye. De plus, le comité d’appel aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles il choisissait de s’écarter de la décision antérieure rendue par le comité de révision au sujet de ses kératoses actiniques et de ses carcinomes basocellulaires.

 

[25]           Le défendeur affirme pour sa part que la décision du comité d’appel est raisonnable et que le demandeur invite en fait la Cour à substituer sa propre appréciation de la preuve à celle du comité d’appel, ce qu’il n’appartient pas à la Cour de faire dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire.

 

[26]           Le défendeur fait valoir que le critère de la « cause primordiale » que le comité d’appel a appliqué est le bon critère lorsqu’il s’agit de déterminer si une blessure ou une maladie est liée au service. Le comité d’appel n’était pas convaincu que le service militaire du demandeur était la cause primordiale de ses problèmes de santé et il lui était raisonnablement loisible de conclure que les problèmes de santé du demandeur n’étaient pas consécutifs à son service dans les FC. Le défendeur invoque le critère énoncé par le juge Nadon dans la décision King, précitée. Il cite également les décisions Boisvert et McLean, précitées, qui, de l’avis de l’avocat du défendeur, constituent des applications récentes du critère de la « cause primordiale ». Le défendeur ajoute que le critère de la « cause primordiale » n’est pas incompatible avec les principes énoncés dans l’arrêt Frye, dans lequel la Cour d’appel fédérale a jugé qu’il ne suffit pas qu’une personne démontre qu’elle servait dans les FC au moment où se sont déroulées les activités qui sont à l’origine de sa blessure ou de sa maladie.

 

[27]           Le défendeur trouve également un appui pour sa thèse dans des décisions se rapportant à la négligence médicale dans le contexte militaire. Suivant le défendeur, ces décisions appuient la proposition plus générale suivant laquelle, en l’absence d’une conclusion de négligence, il n’existe pas de lien de causalité suffisant entre le service militaire d’un membre des FC et les traitements médicaux reçus dans un établissement militaire pour justifier le versement d’une pension ou d’une indemnité d’invalidité.

 

[28]           Le défendeur cite la décision Gannon c Canada (Procureur général), 2006 CF 600, au paragraphe 20, 292 FTR 280 [Gannon], à l’appui de son argument que la démarche qu’il convient de suivre en ce qui concerne les demandes fondées sur une négligence médicale ne repose pas sur l’existence d’un lien de causalité suffisant entre le service militaire de l’intéressé et l’état de santé de ce dernier. Le droit du militaire s’explique plutôt par le fait que « le ministère de la Défense a l’obligation d’assurer des soins médicaux appropriés à tous les militaires ».

 

[29]           Le défendeur cite également une affaire dans laquelle la Cour suprême du Canada (la CSC) s’est penchée sur les liens existants entre des traitements médicaux et le service militaire dans le cadre d’une action au civil intentée contre Sa Majesté pour négligence. Dans l’arrêt Mérineau c Canada, [1983] 2 RCS 362 (publié dans CanLII) [Mérineau], l’appelant avait, lors d’une transfusion sanguine, reçu du sang du mauvais groupe sanguin dans un hôpital civil et il avait poursuivi au civil Sa Majesté pour négligence. Sa Majesté contestait la compétence de la Cour au motif que le demandeur aurait dû réclamer des prestations en vertu de la Loi sur les pensions. Dans sa rédaction en vigueur à l’époque, le paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions était libellé d’une façon semblable à la disposition en litige en l’espèce (« consécutive ou rattachée directement au service dans les FC »). Ainsi que le juge Pratte l’a expliqué :

Il y a certainement un lien entre le dommage dont l’appelant demande réparation et son statut de militaire, mais ce lien me paraît trop éloigné pour qu’on puisse dire que le dommage se rattache directement à son service militaire.

 

[30]           Le défendeur cite également la décision O’Connor c Canada, 94 FTR 93, 54 ACWS (3d) 896 [O’Connor], dans laquelle la Cour fédérale a appliqué l’arrêt Mérineau dans une affaire dans laquelle un soldat avait reçu des soins de qualité médiocre dans un hôpital militaire pour une hernie discale. Dans la décision O’Connor, la Cour a décidé que le paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions n’était pas suffisamment large pour justifier le versement d’une pension dans les circonstances de l’espèce.

 

[31]           Le défendeur plaide que, bien qu’elles portent sur des actions au civil dirigées contre Sa Majesté et fondées sur la négligence médicale, ces affaires illustrent le rapport qui existe entre les soins médicaux militaires et le service militaire. En l’espèce, le demandeur n’a soumis aucun élément de preuve permettant de conclure à une négligence médicale ou à une mauvaise gestion du problème de santé du demandeur, et l’arrêt Mérineau, précité, et la décision O’Connor, précitée, sont très convaincants en ce sens qu’ils permettent de penser que la situation du demandeur ne le rend pas admissible à une indemnité d’invalidité. Comme il n’a pas été conclu que le demandeur a été victime de traitements ou de soins médicaux inadéquats ou que son cas a été mal géré, il était raisonnable de la part du comité d’appel de conclure que l’état de santé du demandeur ne le rendait pas admissible à l’indemnité réclamée.

 

[32]           Le défendeur affirme également que le comité d’appel n’a pas violé l’article 39 de la Loi sur le TACRA. Le défendeur soutient que cet article ne s’applique pas en l’espèce étant donné que le comité d’appel n’était pas tenu de tirer d’inférences de la preuve. La preuve parlait d’elle-même et le comité d’appel pouvait s’y fier pour trancher l’affaire. En outre, la preuve n’était pas contredite et il n’y avait donc pas d’incertitude à résoudre en faveur du demandeur.

 

[33]           Le défendeur rejette également l’argument du demandeur suivant lequel les motifs du comité d’appel étaient insuffisants. Le défendeur affirme qu’il ressort de sa décision que le comité d’appel a bien saisi les questions en litige et qu’il a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Le défendeur fait également valoir que le comité d’appel n’était pas tenu de mentionner expressément chaque élément de preuve (décision Anderson c Canada (Procureur général), 2009 CF 1122, au paragraphe 24 (publiée dans CanLII) [Anderson]). De plus, l’appréciation de la suffisance des motifs ne pouvait reposer exclusivement sur un examen de la partie intitulée [traduction] « Analyse/Motifs ». Le comité d’appel n’était pas obligé d’expliquer quel raisonnement il avait suivi pour établir une distinction entre sa décision la plus récente et les décisions antérieures. Le défendeur soutient que les précédents soumis par le demandeur ne portaient pas sur des situations factuelles semblables ou analogues à celle de la présente affaire. Ils sont donc d’une utilité limitée.

 

[34]           Enfin, le défendeur soutient qu’il n’y avait rien de déraisonnable dans le fait que la décision contrôlée contredit une décision antérieure rendue par le comité au sujet des mêmes faits. Le comité d’appel a clairement indiqué que le demandeur avait reçu des prestations d’invalidité auxquelles il n’avait pas droit; par conséquent, en affirmant qu’il a le droit de recevoir une indemnité d’invalidité parce qu’une indemnité lui a déjà été versée dans les mêmes circonstances, le demandeur affirme que le comité d’appel devrait être lié par une décision mal fondée.

 

            C. Analyse

[35]           La Loi sur l’indemnisation des anciens combattants énonce les conditions que doivent remplir les militaires et les anciens combattants des FC pour avoir droit à une indemnité. Le simple fait qu’un membre des FC ou un ancien combattant a été blessé ou a contracté une maladie alors qu’il servait au sein des FC n’est pas suffisant pour lui donner droit à une indemnité d’invalidité. La maladie ou la blessure doit être liée au service ou son aggravation doit être due au service. La définition d’une maladie ou d’une blessure liée au service aux termes de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants englobe clairement deux critères subsidiaires : une blessure ou une maladie est liée au service si elle est consécutive au service accompli dans les FC ou si elle est rattachée directement au service dans les FC. Il semble que les mots employés par le législateur traduisent son intention que les critères se rapportant à l’obligation que la blessure ou la maladie soit « consécutive » au service militaire soit moins rigoureuse que celle, prévue par la définition, qui exige que la maladie ou la blessure soit « rattachée directement » au service dans les FC.

 

[36]           Le défendeur ne conteste pas que la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants doit être interprétée d’une manière large qui s’harmonise avec l’objet général de la loi, lequel vise à reconnaître le droit à une indemnité dans des circonstances précises, et avec l’article 3 de la Loi sur le TACRA, en particulier, qui énonce dans les termes les plus nets le principe suivant : « [l]es dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge ».

 

[37]           La Cour d’appel fédérale a été très claire sur cette question dans l’arrêt Frye, précité, lorsqu’elle a interprété l’alinéa 21(2)b) de la Loi sur les pensions. À mon avis, elle a affirmé de façon tout aussi claire qu’il n’était pas nécessaire d’établir l’existence d’un lien de causalité direct ou immédiat entre une blessure ou une maladie et le service militaire pour pouvoir conclure qu’une maladie ou une blessure est « consécutive » au service militaire. Ce faisant, la Cour a écarté, à mon avis, le critère de la « cause primordiale ». La Cour a fait les observations suivantes :

[21] Pour interpréter la Loi sur les pensions de manière libérale, conformément à la volonté exprimée par le Parlement et aux principes exposés plus haut, il est nécessaire de donner aux mots « arising out of » (consécutive) de l’alinéa 21(2)b) une interprétation large. Ainsi, dans Amos c. Insurance Corp of British Columbia, [1995] 3 R.C.S. 405, les mots « arising out of » (découle de) utilisés dans un autre texte législatif ont reçu une interprétation large et le juge Major a tenu les propos suivants (au paragraphe 21) :

La question est de savoir si le lien de causalité requis existe entre les coups de feu et la propriété, l’utilisation ou la conduite de la fourgonnette. En ce qui concerne la causalité, il est clair qu’on ne requiert pas l’existence d’un lien de causalité direct ou immédiat entre les blessures subies et la propriété, l’utilisation ou la conduite d’un véhicule. L’expression « découle de » est plus générale que l’expression « causé par » et doit recevoir une interprétation plus libérale.

 

[22]      Plusieurs tribunaux ont depuis appliqué ce raisonnement pour décider si les blessures subies découlaient de l’utilisation d’un véhicule automobile dans le contexte des assurances. Même si, dans certains cas, le véhicule n’a joué qu’un rôle mineur en ce qui concerne les blessures, les tribunaux ont conclu qu’un lien de causalité suffisant existait entre celles-ci et l’utilisation du véhicule : voir, par exemple, Lefor (Litigation guardian of) c. McClure (2000), 49 O.R. (3d) 577 (C.A.).

 

[. . .]

 

[25]      D’abord, comme le juge lui-même l’a souligné (au paragraphe 20), il est significatif que les mots « consécutive » et « rattachée directement » sont unis par le mot « ou ». Cela semblerait indiquer que le Parlement n’avait pas l’intention de prévoir que le demandeur serait admissible à toucher une pension uniquement si la blessure ou le décès était à la fois « consécutif » et « rattaché directement » au service militaire.

 

[. . .]

 

[29]      Par conséquent, étant donné que l’objet de la Loi sur les pensions est de prévoir des pensions dans des circonstances définies, qui doivent être interprétées de façon libérale et généreuse, une interprétation large de l’alinéa 21(1)b) s’impose afin de faciliter l’admissibilité. Nous sommes donc d’avis qu’un demandeur peut être visé par l’alinéa 21(1)b) en établissant que le décès ou la blessure est consécutif au service militaire, qu’il y ait ou non un lien direct entre eux. En d’autres termes, même s’il ne suffit pas de prouver que la personne servait dans les Forces armées à l’époque, il n’est pas nécessaire que le demandeur établisse un lien de causalité direct ou immédiat entre le décès ou la blessure et le service militaire.

 

[. . .]

 

[31]      Le Tribunal semble donc avoir considéré les activités récréatives et les activités du service militaire comme des catégories qui s’excluent l’une et l’autre, de sorte que, étant donné que le décès du caporal Berger est survenu pendant une activité récréative, il n’était pas consécutif au service militaire. Par ce raisonnement, le Tribunal a omis d’examiner l’ensemble des circonstances pour savoir si, tout en étant lié à une activité récréative, le décès du caporal Berger n’était pas également suffisamment lié au service militaire pour qu’il soit permis de dire qu’il était consécutif à celui-ci. Cette interprétation restrictive des mots « consécutive ou rattachée directement » n’est pas compatible avec l’interprétation libérale et généreuse que la Loi doit recevoir.

[Non souligné dans l’original.]

 

[38]           À mon humble avis, ce raisonnement s’accorde avec les termes employés par le législateur fédéral pour définir l’expression « blessure ou maladie liée au service » et avec l’objet de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants. C’est également la démarche qu’a suivie la juge Tremblay-Lamer dans la décision Lebrasseur, précitée, et celle qu’a retenue le juge Phelan dans la décision Bradley, précitée.

 

[39]           Dans la décision Lebrasseur, précitée, la juge Tremblay-Lamer a fait les observations suivantes :

[22]      On doit interpréter le terme« consécutive » comme n’exigeant pas un lien direct de causalité. Dans une affaire en matière d’interprétation d’un règlement sur la protection d’assurance pour des blessures découlant de l’utilisation d’un véhicule à moteur, la Cour suprême a mis en garde contre « une interprétation formaliste qui contrecarre l’objet et l’intention de la loi qui prévoit la protection » (Amos c. Insurance Corp. of British Columbia, [1995] 3 R.C.S. 405, au par. 17, 127 D.L.R. (4th) 618). L’expression « découle de » [ou « consécutive » en l’espèce] prévoit donc simplement « un lien de causalité (pas nécessairement direct ou immédiat) » (ibid; souligné dans l’original).

 

[23]      À mon avis, cette interprétation donnée à l’expression « découle de » convient à la Loi sur les pensions. Je constate que, dans sa sagesse, le législateur a jugé utile de préciser que les dispositions de la Loi sur les pensions « s’interprètent d’une façon libérale afin de donner effet à l’obligation reconnue du peuple canadien et du gouvernement du Canada d’indemniser les membres des forces qui sont devenus invalides [...] par suite de leur service [...] ».

 

[40]           Dans la décision Bradley, précitée, le juge Phelan s’est exprimé comme suit :

[20]      Pour évaluer la raisonnabilité de la décision du TACRA, la Cour doit tenir compte non seulement des éléments constitutifs de la décision, mais également de l’approche globale adoptée. Pour les motifs exposés ci-dessous, la Cour conclut qu’en l’espèce, le TACRA a adopté une approche incompatible avec l’article 3 de la Loi et a examiné la demande d’une manière bureaucratique, étroite et parcimonieuse. Cela est incompatible avec la Loi, de même qu’avec les décisions rendues par la Cour et la Cour d’appel en ce qui a trait à la manière dont il faut procéder à l’évaluation d’une demande de pension. Il ne suffit pas de souscrire verbalement à l’interprétation large et à l’application généreuse de la Loi souhaitées par le législateur, affirmées par la Cour et méritées par les membres des forces armées.

 

[. . .]

 

[31]      De manière générale, le TACRA a surtout cherché à déterminer si le demandeur exerçait une fonction ou une tâche militaire particulière au moment précis de sa blessure, plutôt que de savoir si la blessure du demandeur était consécutive à son service militaire. [...]

 

 

[41]           J’estime que ces précédents appuient clairement la prétention qu’il y a lieu d’interpréter de façon large et libérale la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants et je souscris à cette approche.

 

[42]           Je tiens à formuler des observations relativement à certaines des décisions citées par le défendeur.

 

[43]           J’ai des réserves au sujet de la pertinence de l’arrêt Mérineau en l’espèce. En premier lieu, les motifs du jugement Pratte semblent être axés sur la partie de la définition qui se rapporte au lien direct avec le service militaire : « Il y a certainement un lien entre le dommage dont l’appelant demande réparation et son statut de militaire, mais ce lien me paraît trop éloigné pour que l’on puisse dire que le dommage se rattache directement à son service militaire ».

 

[44]           En second lieu, je ne suis pas certain que l’interprétation proposée par le juge Pratte tiendrait toujours compte tenu de l’arrêt Amos c Insurance Corp. of British Columbia, [1995] 3 RCS 405, 127 DLR (4th) 618 [Amos], dans lequel la Cour suprême du Canada a donné une interprétation large et libérale à l’expression « découlant de » dans le contexte de l’assurance. Il vaut la peine de signaler que l’arrêt Amos est cité tant dans la décision Lebrasseur, précitée, que dans l’arrêt Frye, précité.

 

[45]           Dans la décision Gannon, précitée, citée par le défendeur, l’accent était mis sur la négligence médicale, étant donné que c’était le motif qui était invoqué au soutien de la demande. La juge Snider a précisé, au paragraphe 18 de ses motifs, que les observations portaient principalement sur la présumée mauvaise gestion du problème de santé du demandeur. La décision Gannon ne nous éclaire pas sur l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 21 de la Loi sur les pensions ou sur le traitement réservé à une blessure ou une maladie liée au service sous le régime de la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants.

 

[46]           En toute déférence pour mes éminents collègues, je suis d’avis que la démarche retenue par la Cour dans les décisions Lebrasseur et Bradley, précitées, s’accorde davantage avec les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Frye, précité, que l’approche axée sur la « cause primordiale » favorisée par la Cour dans les décisions King, Boisvert et Mc Lean, précitées. Il importe d’ajouter que le contexte dans lequel les décisions Boisvert et McLean ont été rendues était différent de celui de la présente affaire; dans ces affaires, le débat portait sur la suffisance de la preuve médicale.

 

[47]           Je reviens maintenant aux critères appliqués par le comité d’appel. Le comité d’appel a cité la décision King, précitée, lorsqu’il a reproduit certains passages de la décision du comité de révision. Dans ses motifs, le comité d’appel a également repris à son compte le raisonnement suivi par le comité de révision. J’en déduis par conséquent que le comité d’appel a implicitement appliqué le critère de la « cause primordiale » énoncé dans la décision King. Pour les motifs qui ont déjà été exposés, je suis d’avis que ce critère n’est pas compatible avec l’interprétation large et libérale prônée par la Loi sur l’indemnisation des anciens combattants. Toutefois, à titre subsidiaire, je conclus que le comité d’appel a commis une erreur en appliquant ce critère.

 

[48]           Les motifs du comité d’appel sont fort succincts et laconiques. Il semble toutefois que le comité d’appel ait rejeté la réclamation du demandeur au seul motif qu’il n’exécutait pas ses fonctions militaires lorsqu’il recevait ses traitements aux rayons UV. Le comité d’appel laisse entendre que, pour être considérée comme étant liée au service, la blessure ou la maladie doit absolument survenir alors que le militaire ou l’ancien combattant accomplit des fonctions militaires déterminées. Il s’agit à mon avis d’une application abusivement restrictive du critère de la « cause primordiale ». On pourrait songer à des situations dans lesquelles le service militaire d’un militaire pourrait fort bien constituer la « cause primordiale » de sa blessure ou de sa maladie, et ce, même s’il n’était pas en train d’effectuer ses fonctions militaires comme telles. Le comité d’appel aurait dû se demander si les circonstances dans lesquelles le demandeur avait reçu les traitements aux rayons UV étaient suffisamment liées à son service militaire pour justifier le versement d’une indemnité. En particulier, le comité d’appel aurait dû tenir compte du fait que le demandeur avait l’obligation de consulter un médecin militaire pour recevoir les traitements médicaux, qu’il avait reçu les traitements aux rayons UV parce qu’ils avaient été prescrits par un médecin militaire, qui était d’un rang supérieur au sien, et le comité d’appel aurait dû se demander si ces facteurs suffisaient pour conclure que l’état de santé du demandeur était consécutif à son service militaire. De toute évidence, le comité d’appel n’a pas tenu compte de ces éléments; il a tranché l’affaire en invoquant comme seul motif que le demandeur n’exécutait pas ses fonctions militaires lorsqu’il a reçu ses traitements aux rayons UV. En conséquence, le tribunal d’appel a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents. Sa décision est donc déraisonnable et ne saurait être confirmée.

 

VI.       Réparation demandée

[49]           Le demandeur souhaite que la Cour annule la décision du comité d’appel et lui accorde une pleine indemnité pour son problème d’élastose solaire. À titre subsidiaire, il demande à la Cour de renvoyer l’affaire à un comité d’appel différemment constitué avec pour directive expresse de faire droit à sa demande.

 

[50]           J’ai conclu que le comité d’appel avait commis une erreur en appliquant le mauvais critère et en ignorant des éléments de preuve pertinents. Il n’appartient toutefois pas à la Cour de connaître de la demande de prestation du demandeur et de déterminer si la preuve est suffisante pour pouvoir conclure que son élastose solaire est consécutive à son service militaire. La Cour renverra toutefois le dossier à un comité d’appel différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte des présents motifs.

 


JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 9 mai 2011 du comité d’appel est annulée et l’affaire est renvoyée pour être jugée de nouveau par un comité d’appel différemment constitué.

Les dépens sont adjugés au demandeur.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-926-11

 

INTITULÉ :                                       ROBERT HALL et

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Karen Poetker

POUR LE DEMANDEUR

 

Susan Eros

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pitblado LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.