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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111221

Dossier : IMM-246-11

Référence : 2011 CF 1476

Ottawa (Ontario), ce 21e jour de décembre 2011

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

LU, Hsueh-Wan

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de Mme Jennifer Wu, agent des visas au Bureau commercial du Canada à Taipei (l’agent), présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi) par Hsueh-Wan Lu (le demandeur). L’agent a refusé la demande de visa de résidence permanente du demandeur en raison de l’alinéa 36(1)b) de la Loi, qualifiant le demandeur de personne inadmissible pour cause de grande criminalité.

[2]          Le demandeur est le président et le propriétaire de l’entreprise Lien Chan Transport Affiliated Enterprise (l’entreprise) située à Taiwan. En mars 2010, il fut sélectionné par le Québec comme immigrant « Investisseur » et un certificat de sélection lui a été remis. Le 2 juin 2010, il formule sa demande de visa de résidence permanente. Avec sa demande, il joint un jugement criminel sommaire de la Cour du district de Taoyuan de Taiwan daté du 30 juillet 2009 (le jugement). Ce jugement le déclare coupable de l’offense suivante : « in the performance of his occupation negligently killed another by neglecting the degree of care required by such occupation ». Cette offense est reliée au décès d’un de ses employés survenu en 2008, à la suite d’un accident de travail, lors d’une livraison effectuée pour son entreprise. En tant que personne responsable de l’entreprise en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail dans la République de Chine, le demandeur a reconnu sa faute et a plaidé coupable. Un jugement sommaire a alors été rendu, sa sentence a été suspendue et il n’a été condamné qu’à une amende.

 

[3]          Suite à l’évaluation de sa demande par l’agent des visas du Bureau commercial du Canada à Tapei, celle-ci a été rejetée en raison de ce jugement criminel émis contre lui à Taiwan, l’agent considérant que, selon l’alinéa 36(1)b) de la Loi, le demandeur est une personne inadmissible en raison de grande criminalité.

 

* * * * * * * *

 

[4]          Dans sa décision datée du 16 novembre 2010, l’agent a conclu que l’infraction commise à Taiwan par le demandeur constituerait, si commise au Canada, de la négligence criminelle en vertu des articles 217.1, 219 et 220 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 (le Code criminel), une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans (alinéa 36(1)b) de la Loi). Conséquemment, l’agent a rejeté la demande de visa en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi.

 

[5]          Les entrées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) faisant partie de la décision de l’agent font mention de la comparaison entre la condamnation du demandeur en Chine et l’infraction équivalente au Canada faite par l’agent.

 

[6]          L’agent a considéré que le demandeur, n’ayant pas adopté les mesures de sécurité requises pour prévenir l’accident de mars 2008, a agi de manière à contrevenir à ses obligations et qu’il satisfait ainsi les éléments de l’infraction de négligence criminelle prévue à l’article 219 du Code criminel.

 

* * * * * * * *

 

[7]          Les articles pertinents de la Loi sont :

Visa et documents

 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

Grande criminalité

 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

Application before entering Canada

 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 

 

 

Serious criminality

 

 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

 

 

 

[8]          Les articles suivants de la Loi sur la santé et la sécurité du travail de la République de Chine sont aussi pertinents :

Labour Safety and Health Law

 

Necessary safety & health equipment & facilities

 

5(1)(4) It is the responsibility of the employer to provide the necessary safety and health installations in conformity with established standards for the following purposes:

IV. To prevent the risk of injury encountered in the course of quarrying, excavating, loading and unloading, transportation, stockpiling, and logging.

 

28(2)(1) When a workplace of an enterprise experiences one of the following types of occupational accidents, it is the responsibility of the employer to report the accident within 24 hours to the appropriate inspection agency:

1.      An accident involving death.

 

31(1) Anyone found to be in violation of Article 5, Paragraph 1 or Article 8, Paragraph 1, and whose actions led to an occupational accident as described in Article 28, Paragraph 2, Subparagraph 1 shall be subject to no more than three years in prison or detention, or fines not in excess of NT$150,000, or both.

When a legal entity violates any of the above-mentioned provision, in addition to punishing the person in charge, the legal entity will be penalized with the fines listed above.

 

 

 

[9]          De plus, l’article suivant du Code criminel de la République de Chine est aussi pertinent :

276(2) A person who in the performance of his occupation commits an offence specified in the preceding paragraph by neglecting the degree of care required by such occupation shall be punished with imprisonment for not more than five years, or detention; in addition thereto, a fine of not more than 3,000 Silver Dollars may be imposed.

 

 

 

[10]      Les articles suivants du Code criminel sont pertinents pour évaluer l’équivalence des infractions commises à Taiwan :

Obligation de la personne qui supervise un travail

 Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui.

 

 

 

Négligence criminelle

  219. (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

Définition de « devoir »

  (2) Pour l’application du présent article, « devoir » désigne une obligation imposée par la loi.

Le fait de causer la mort par négligence criminelle

  220. Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Duty of persons directing work

 Every one who undertakes, or has the authority, to direct how another person does work or performs a task is under a legal duty to take reasonable steps to prevent bodily harm to that person, or any other person, arising from that work or task.

 

 

 

Criminal negligence

  219. (1) Every one is criminally negligent who

(a) in doing anything, or

(b) in omitting to do anything that it is his duty to do,

shows wanton or reckless disregard for the lives or safety of other persons.

 

Definition of “duty”

  (2) For the purposes of this section, “duty” means a duty imposed by law.

 

 

 

Causing death by criminal negligence

  220. Every person who by criminal negligence causes death to another person is guilty of an indictable offence and liable

(a) where a firearm is used in the commission of the offence, to imprisonment for life and to a minimum punishment of imprisonment for a term of four years; and

(b) in any other case, to imprisonment for life.

 

 

 

* * * * * * * *

 

[11]      Suite à l’audition devant moi, le nouveau procureur du demandeur a soulevé fondamen-talement la seule question suivante :

L’agent a-t-elle erré en concluant que les infractions commises à Taiwan par le demandeur sont équivalentes à l’infraction de la négligence criminelle en droit criminel canadien?

 

 

 

[12]      La norme de contrôle applicable à la détermination d’équivalence par l’agent est celle de décision raisonnable (Abid c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 CF 164 au paragraphe 11 [Abid]; Sayer c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2011 CF 144 au paragraphe 4 [Sayer]). Cette détermination d’équivalence est une question mixte de faits et de droit à l’égard de laquelle la retenue s’impose (Abid au paragraphe 11 et Sayer au paragraphe 5). L’équivalence est une question mixte car, premièrement, le demandeur a l’obligation de faire la preuve du droit étranger, ce qui devient une question de faits (Lakhani c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 674 au paragraphe 22; Sayer au paragraphe 4). Une fois la loi étrangère établie, un officier doit apprécier les faits pertinents au dossier eu égard à ces dispositions de loi étrangère en comparaison avec la loi fédérale canadienne applicable (Sayer au paragraphe 5).

 

[13]      Cette cour doit donc déterminer si la détermination de l’agent est justifiée, transparente et intelligible, appartenant « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

 

* * * * * * * *

 

[14]      Au sujet de la question soulevée, le défendeur résume correctement le test d’équivalence qui doit être entrepris par un officier en évaluant si l’infraction pour laquelle le demandeur a été déclaré coupable à Taiwan, si commise au Canada, « constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans » (alinéa 36(1)b) de la Loi). Tel que résumé dans l’affaire Hill c. Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1987), 73 N.R. 315 à la page 320 (C.A.F.), l’équivalence entre les infractions peut être établie de trois manières :

. . . tout d’abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s’il s’en trouve de disponible, par le témoignage d’un expert ou d’experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l’examen de la preuve présentée devant [l’officier], aussi bien orale que documentaire, afin d’établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l’infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d’instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d’une combinaison de cette première et de cette seconde démarches.

 

 

 

[15]      L’affaire Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), [1997] 1 C.F. 235, [Li] vient apporter une précision à cette détermination d’équivalence à l’effet qu’il faut plutôt qu’un officier regarde la similitude de définition des deux infractions, c’est-à-dire, « si elle prévoit les mêmes critères à observer pour prouver que l’infraction a été commise, que ces critères se traduisent par des « éléments constitutifs » (au sens restrictif) ou par des « moyens de défense » dans l’une ou l’autre loi » (au paragraphe 18). Selon le juge Strayer, au paragraphe 19 :

La comparaison des « éléments essentiels » de l’une et l’autre infractions requiert la comparaison de leurs définitions respectives, y compris les moyens de défense propres à ces infractions ou aux catégories dont elles relèvent.

 

 

[16]      Il n’est pas nécessaire de comparer la procédure pénale dans les deux systèmes : il faut comparer les infractions et non la possibilité de condamnation (Li au paragraphe 18).

[17]      En l’espèce, je suis d’avis que l’agent n’a pas erré dans sa détermination d’équivalence : l’agent a considéré les dispositions étrangères et canadiennes et a ciblé les éléments essentiels des infractions tout en les appliquant aux faits sous-jacents de l’infraction taïwanaise. En appliquant le test approprié, l’agent a en effet retenu les faits suivants :

·        Le demandeur était la personne responsable de l’entreprise et était l’employeur, tel que défini par la Loi sur la santé et la sécurité du travail de la République de Chine;

·        En mars 2008, un de ses employés est décédé dans l’exécution de ses fonctions : une boîte en métal a glissé de la remorque et l’a écrasé alors que ce dernier et ses confrères déchargeaient du matériel;

·        Le demandeur a négligé d’adopter les normes de sécurité requises par la Loi sur la santé et la sécurité du travail;

·        Étant l’employeur et la personne responsable, le demandeur était coupable de deux infractions criminelles en vertu des articles 31(1), 5(1)(4) et 28(2)(1) de la Loi sur la santé et la sécurité du travail de la République de Chine, ainsi que de l’article 276(2) du Code criminel de la République de Chine;

·        Si commises au Canada, ces infractions équivaudraient à l’obligation de la personne qui supervise un travail et à la négligence criminelle prévue aux articles 217.1, 219 et 220 du Code criminel canadien;

·        Ces infractions sont punissables d’un terme d’emprisonnement maximal à vie.

 

 

 

[18]      Le tableau ci-dessous identifie les éléments essentiels de chacune des infractions (mes soulignements) :

Labour Safety and Health Law

 

Necessary safety & health equipment & facilities

 

  5(1)(4) It is the responsibility of the employer to provide the necessary safety and health installations in conformity with established standards for the following purposes:

 

 

IV. To prevent the risk of injury encountered in the course of quarrying, excavating, loading and unloading, transportation, stockpiling, and logging.

 

  31(1) Anyone found to be in violation of Article 5, Paragraph 1 or Article 8, Paragraph 1, and whose actions led to an occupational accident as described in Article 28, Paragraph 2, Subparagraph 1 shall be subject to no more than three years in prison or detention, or fines not in excess of NT$150,000, or both.

When a legal entity violates any of the above-mentioned provision, in addition to punishing the person in charge, the legal entity will be penalized with the fines listed above.

 

Code criminel de la République de Chine

 

  276(2) A person who in the performance of his occupation commits an offence specified in the preceding paragraph by neglecting the degree of care required by such occupation shall be punished with imprisonment for not more than five years, or detention; in addition thereto, a fine of not more than 3,000 Silver Dollars may be imposed.

Code criminel du Canada

Obligation de la personne qui supervise un travail

 Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui.

 

Négligence criminelle

  219. (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

Définition de « devoir »

  (2) Pour l’application du présent article, « devoir » désigne une obligation imposée par la loi.

Le fait de causer la mort par négligence criminelle

  220. Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

bdans les autres cas, de l’empri-sonnement à perpétuité.

 

 

 

 

[19]      Considérant les éléments des infractions identifiés ci-haut et le jugement sommaire précisant que le demandeur était coupable de « in the performance of his occupation negligently killed another by neglecting the degree of care required by such occupation », il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur aurait fait preuve d’« une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui » si l’infraction avait été commise au Canada (paragraphe 219(1) du Code criminel).

 

[20]      Contrairement aux prétentions du demandeur, l’insouciance déréglée ou téméraire ne nécessite aucun élément d’intention (R. c. Scrocca, 2010 QCCQ 8218 au paragraphe 62 [Scrocca]). Une telle insouciance est établie si le demandeur a fait preuve d’une conduite constituant une dérogation marquée par rapport à la norme, à la conduite d’une personne raisonnablement prudente dans les circonstances (R. c. Morrisey, [2000] 2 R.C.S. 90 au paragraphe 19; R. c. Anderson, [1990] 1 R.C.S. 265 au paragraphe 11). Ainsi, « les intentions du [demandeur], ce qu’il savait ou ne savait pas, n’entrent nullement en compte. En matière de négligence criminelle, la faute criminelle tient « à l’omission d’envisager un risque dont une personne raisonnable se serait rendue compte » » (Scrocca au paragraphe 65).

 

[21]      En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’agent a considéré que le comportement du demandeur, en omettant d’adopter les normes de sécurité, constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable, norme stipulée dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail de la République de Chine : le demandeur était coupable de « in the performance of his occupation negligently killed another by neglecting the degree of care required by such occupation ».

 

[22]      Il était donc raisonnable pour l’agent de considérer la négligence criminelle en droit canadien, telle que définie aux articles 219 et 220 du Code criminel, comme équivalente à l’infraction dont le demandeur a été reconnu coupable à Taiwan. Cette détermination d’équivalence était justifiée, transparente et intelligible, appartenant « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au paragraphe 47).

 

[23]      Par ailleurs, l’article 217.1 du Code criminel constitue une modification au Code criminel en vertu de la Loi modifiant le Code criminel (responsabilité pénale des organisations), L.C. (2003), ch. 21, ayant pour objectif d’assurer la sécurité des employés en milieu de travail et de modifier le régime de responsabilité des personnes morales (Scrocca au paragraphe 106). Cet article ne crée pas d’infraction en soi (Scrocca au paragraphe 107). L’article 217.1 du Code criminel « confirme l’obligation imposée à quiconque qui est responsable de travaux quelconques de prendre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité d’autrui. Elle facilite la preuve des infractions de négligence criminelle portées contre des personnes morales ou des organisations bien que la signification du terme « quiconque » étende la portée de cette disposition à toute personne » (Scrocca au paragraphe 107).

 

[24]      Compte tenu de la portée de cette disposition, il était donc raisonnable pour l’agent de l’identifier dans sa décision.

 

[25]      Ainsi, l’agent n’a pas erré en considérant la négligence criminelle selon les articles 217.1, 219 et 220 du Code criminel comme équivalente à l’infraction commise par le demandeur à Taiwan. Sa décision de rejeter la demande de visa du demandeur était raisonnable : si l’infraction avait été commise au Canada, elle constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

* * * * * * * *

 

[26]      Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[27]      Le procureur du demandeur a proposé la certification des questions suivantes :

1.  Do the words, “shows wanton or reckless disregard” / « montre une insouciance déréglée ou téméraire », in subsection 219(1) of the Criminal Code create a Canadian defence to criminal negligence not deemed to exist in foreign jurisdictions and which, in making a determination of equivalency, the Designated Immigration Officer must reasonably:

1.      determine was available to a person in the foreign jurisdiction at the relevant time; or

2.      conclude, on the facts, the person would not have been able to raise in Canada?

 

2.  Can a determination of equivalency reasonably be made between an offence under an Act of Parliament and a foreign offence where, on the facts, the act(s), or act(s) giving rise to conviction, of a person outside Canada, would have been within the exclusive jurisdiction of a province or territory and not Parliament had they taken place inside Canada?

 

 

[28]      La Cour d’appel fédérale, dans Liyanagamage c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (1994), 176 N.R. 4, a énoncé les critères suivants en regard du paragraphe 83(1) de la Loi sur l’immigration, maintenant remplacé par l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés :

Lorsqu’il certifie une question sous le régime du paragraphe 83(1), le juge des requêtes doit être d’avis que cette question transcende les intérêts des parties au litige, qu’elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [voir l’excellente analyse de la notion d’importance qui est faite par le juge Catzman dans la décision Rankin v. McLeod, Young, Weir Ltd. et al. (1986), 57 O.R. (2d) 569 (H.C.)] et qu’elle est aussi déterminante quant à l’issue de l’appel. Le processus de certification qui est visé à l’article 83 de la Loi sur l’immigration ne doit pas être assimilé au processus de renvoi prévu à l’article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale ni être utilisé comme un moyen d’obtenir, de la Cour d’appel, des jugements déclaratoires à l’égard de questions subtiles qu’il n’est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée.

 

 

[29]      Au sujet de la première question proposée, la reformulation des méthodes déjà établies pour évaluer l’équivalence criminelle n’est pas contestée. Je suis donc d’accord avec les représentations écrites du procureur du défendeur qui s’oppose à la certification de cette première question.

 

[30]      En ce qui concerne la seconde question proposée, celle-ci ne se rapporte aucunement à la décision en cause et elle n’est donc pas déterminante. En effet, l’agent, en l’espèce, n’a pas conclu que le demandeur était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 36(2)b) de la Loi, mais bien en vertu de l’alinéa 36(1)b) de la Loi. La question est donc purement hypothétique.

 

[31]      Il n’y a donc pas ici matière à certification.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent des visas au Bureau commercial du Canada à Taipei, refusant la demande de visa de résidence permanente du demandeur en raison de l’alinéa 36(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-246-11

 

INTITULÉ :                                       LU, Hsueh-Wan c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Victor E. Kasowski                       POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Charles Junior Jean                        POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Victor E. Kasowski                                                      POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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