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Date : 20120123


Dossiers : T-1961-10

T-1960-10

 

Référence : 2012 CF 88

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2012

En présence de monsieur le juge Harrington

Dossier : T-1961-10

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MOUNTASSIR EL BOUSSERGHINI

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

Dossier : T-1960-10

 

ET ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

ZAKIA KRANFOULI

 

 

 

défenderesse

 

 

           MOTIFS DES JUGEMENTS ET JUGEMENTS

 

[1]               La question en litige fondamentale dans les présents appels est celle de savoir si la décision du juge de la citoyenneté, selon laquelle monsieur El Bousserghini et son épouse, madame Kranfouli, ont respecté les conditions de résidence énoncées au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté, est raisonnable. L’alinéa 5(1)(c) de la Loi prévoit que la citoyenneté est attribuée au résident permanent qui a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.

 

[2]               La question qui n’est pas devant moi, tout au moins directement, et qui est définitivement plus importante, est celle de savoir si un résident permanent doit continuer de respecter son obligation de résidence – c’est-à-dire s’il doit être effectivement présent au Canada pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale – pendant que sa demande de citoyenneté est en voie de traitement; ici, il s’agit d’une période de plus de quatre ans.

 

[3]               L’affaire s’est déroulée comme suit.

 

LES FAITS

 

[4]               Monsieur El Bousserghini et madame Kranfouli, ainsi que leurs enfants, tous citoyens du Maroc, sont arrivés au Canada en juillet 2003 et sont devenus des résidents permanents le jour même. Ils ont déposé leurs demandes de citoyenneté le 9 janvier 2008, et ont prétendu avoir satisfait à toutes les conditions de l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté, incluant les conditions de résidence. La Loi exige qu’un résident permanent réside au Canada pendant au moins trois ans des quatre ans qui précèdent la date de sa demande. Bien que cette Cour n’interprète pas uniformément la notion de résidence telle que retrouvée dans la Loi, les défendeurs prétendent avoir été physiquement présents au Canada pendant plus de trois ans au cours des quatre ans en question. Toutefois, les autorités de la citoyenneté expriment certaines préoccupations à cet égard. Un peu plus d’une année après, en avril 2009, les défendeurs ont dû remplir un questionnaire, et ont été convoqués à une entrevue avec un agent de la citoyenneté. Ils ont dû produire leurs passeports couvrant la période de temps examinée, ainsi que leurs rapports d’impôt, leurs relevés bancaires, leurs factures de services publics et autres indices passifs démontrant leur présence physique au Canada. Bien qu’ils ont soumis une quantité considérable de documents, chacun n’a produit qu’un passeport marocain couvrant seulement une partie des quatre ans. Selon eux, ils ont dû remettre leurs anciens passeports, en voie d’expiration, au gouvernement marocain afin d’en obtenir de nouveaux, et n’ont fait aucune photocopie avant de les rendre. Cette explication n’a pas été contestée, mais le ministre prétend qu’ils ont fait preuve de négligence en ne gardant aucune copie de leurs passeports.

 

[5]               Quoi qu’il en soit, en août 2009, l’agent de la citoyenneté a saisi un juge de la citoyenneté de leurs demandes.

 

[6]               Les entrevues de Monsieur El Bousserghini et madame Kranfouli avec le juge de la citoyenneté Duguay ont eu lieu le 28 septembre 2010. Il n’y a aucune transcription de l’audition, mais le juge est satisfait que les défendeurs ont respecté les conditions énoncées dans la Loi, et il en avise le ministre le jour même. Spécifiquement, il est persuadé que chacun a été physiquement présent au Canada pendant plus de 1 095 jours au cours des quatre années, soit du 9 janvier 2004 au 8 janvier 2008.

 

[7]               Le ministre porte ces décisions en appel. Il s’agit en l’espèce de savoir si la conclusion du juge de la citoyenneté est raisonnable et compréhensible au sens de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau- Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

[8]               Par une ordonnance du juge en chef suppléant, en date du 28 novembre 2011, les appels ont été mis au rôle pour audition le 9 janvier 2012.

 

LE RAPPORT SOUS L’ARTICLE 44 DE LA LIPR

 

[9]               Entre-temps, le 28 décembre 2011, un agent d’immigration avise le ministre que monsieur El Bousserghini et madame Kranfouli sont inadmissibles au sens de l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR]. Selon l’agent, les défendeurs ne se sont pas conformés à l'article 41 de la LIPR puisqu’ils n’ont pas respecté les conditions de l’article 28 de la LIPR. Les dispositions de cet article sont pertinentes en l’espèce du fait qu’elles obligent le résident permanent à être physiquement présent au Canada pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale. Ayant estimé le rapport bien fondé, le représentant du ministre a pris une mesure de renvoi la journée même. Les défendeurs ont 30 jours pour interjeter appel de cette mesure de renvoi devant la Section d’appel de l’immigration [SAI], délai qui n’est pas encore échu.

 

[10]           Ici, l’importance de ce rapport ressort du fait qu’une des conditions pour obtenir la citoyenneté canadienne par naturalisation est que l’individu ne soit pas sous le coup d’une mesure de renvoi (Loi sur la citoyenneté, al 5(1)f)). Par conséquent, le 6 janvier 2012, le ministre présente une requête écrite pour un ajournement sine die de l’audition. Le ministre prétend que les appels sont maintenant sans objet, bien qu’il ne les abandonne pas. Selon lui, si les appels sont accueillis et que les affaires sont renvoyées devant un autre juge de la citoyenneté, ce juge ne pourra pas les approuver en raison de la mesure de renvoi émise à l’encontre des défendeurs. D’autre part, si les appels sont rejetés, ce n’est pas le juge de la citoyenneté qui attribuera la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté ne fait qu’approuver une demande de citoyenneté en indiquant que les conditions de la Loi ont été respectées à tel ou tel moment. Ici encore, le ministre ne pourra pas attribuer la citoyenneté aux défendeurs puisqu’une mesure de renvoi est émise à leur égard.

 

[11]           Les Règles des Cours fédérales exigent qu’un avis de requête soit signifié et déposé au moins deux jours avant la date d’audition. Les samedis et dimanches ne sont pas inclus parmi ces jours. Néanmoins, l’avocat des défendeurs a répondu par écrit la même journée, soit le 6 janvier 2012. Essentiellement, les défendeurs prétendent que la date déterminante quant à leurs demandes de citoyenneté est celle de leurs dépôts auprès de Citoyenneté et Immigration Canada. J’ai instruit les parties que la requête serait entendue devant moi immédiatement avant l’audition même des appels. J’ai rejeté la requête en ajournement parce que je n’étais pas convaincu que les appels étaient devenus sans objet. Même s’ils l’étaient, les appels, à mon avis, méritent d’être entendus puisqu’il existe certainement un « litige actuel » entre les parties (Borowski c Canada (Procureur général)), [1989] 1 RCS 342, [1989] ACS No 14 (QL).

 

[12]           J’élaborerai davantage sur ces motifs.

 

LA DÉCISION DU JUGE DE LA CITOYENNETÉ

 

[13]           Dans son avis au ministre en date du 28 septembre 2010, le juge de la citoyenneté indique que les défendeurs ne sont pas sous le coup d’une mesure de renvoi, ce qui est vrai. En examinant les conditions de résidence, il n’a pris en compte que la période des quatre ans se terminant le 8 janvier 2008. Celle-ci est la seule période de temps dont le juge devait examiner (Salaff c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 1320, [2007] ACF No 1690 (QL)).

 

[14]           Le juge de la citoyenneté est assuré que, durant cette période, monsieur El Bousserghini était physiquement présent au Canada pendant 1 119 jours, et que madame Kranfouli y était pendant 1 138 jours. Tous deux sont précis quant à leurs dates d’absence du Canada, et fournissent des motifs claires afin d’expliquer leurs absences. À part d’une semaine de voyage au Cuba, les défendeurs sont retournés dans leur pays d’origine, le Maroc, pour diverses raisons telles que pour s’occuper d’un parent malade, voir à l’éducation d’un de leurs enfants, et le commerce.

 

[15]           Le juge de la citoyenneté Duguay a déterminé que, sur la prépondérance des probabilités, tous deux étaient physiquement présents au Canada pendant plus de 1 095 jours au cours des 1 460 jours précédant immédiatement le 9 janvier 2008.

 

[16]           Le juge a bel et bien noté que les défendeurs ont dû rendre leurs anciens passeports au gouvernement marocain. Cependant, il ne s’est pas simplement fié à leur témoignage lors de son analyse, mais a également considéré divers indices passifs, incluant des détails au sujet de leur propriété immobilière, des relevés bancaires, des dossiers d’assiduité scolaire des enfants, et des factures de services publics. Il a rencontré le couple, et les a clairement trouvés crédibles. Le juge a remis son avis au ministre sous forme de questionnaire émis par Citoyenneté et Immigration Canada, questionnaire qui s’avère utile pour déterminer la façon dont le juge a procédé. Sur le questionnaire, il indique ce qui suit :

Pour décider si le demandeur avait démontré que le Canada est le pays où il a concentré son existence, j’ai tenu compte des questions posées par le juge Reed lorsqu’elle a rendu sa décision dans l’affaire Re Koo (1992), 19 Imm. L.R. (2d) 1, 59 F.T.R. 27, [1993] 1 F.C. 286 (P.D.)

 

 

[17]           Cependant, dans Re Koo, le demandeur n’était pas physiquement présent au Canada pendant 1 095 jours. Bien qu’il est possible d’analyser les conditions de résidence à la lumière de Re Koo, cette analyse prend fin lorsqu’un demandeur est présent au Canada pendant 1 095 jours (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Elzubair, 2010 CF 298, [2010] ACF No 330 (QL) ; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Salim, 2010 CF 975, [2010] ACF No 1219 (QL)). Par conséquent, l’opinion du juge de la citoyenneté quant aux questions liées à « la qualité de ses liens avec le Canada » est obiter dictum.

 

[18]           Le ministre souligne clairement que la crédibilité des défendeurs n’est pas mise en question. Il prétend simplement que la preuve est insuffisante pour établir la résidence, fardeau qui incombe aux défendeurs. De plus, il est soumis que les motifs du juge de la citoyenneté sont exprimés inadéquatement.

 

[19]           En ce qui a trait au premier point, à mon avis, le ministre impose un fardeau excessivement sévère aux défendeurs. Dans les instances civiles, la norme de preuve applicable est celle de la prépondérance des probabilités (F.H. c McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 RCS 41). Bien que la citoyenneté soit un privilège, la loi n’exige pas une corroboration. Il en revient au décideur initial, en tenant compte du contexte, de déterminer l’étendue et la nature de la preuve requise (Mizani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 698, [2007] ACF No 947 (QL) ; Abbott Estate v Toronto Transportation Commission, [1935] SCR 671, 44 CRC 90 ; Lévesque c Comeau, [1970] RCS 1010, 16 DLR (3d) 425). Je suis en accord qu’il serait extrêmement inhabituel, et probablement téméraire, de se fier au témoignage d’un individu pour établir sa résidence, sans aucun document à l’appui. J’accepte également que les passeports constituent la meilleure preuve, pourvu qu’ils aient été estampés à chaque point d’entrée. Qu’il s’agisse d’un défaut de produire un document ou d’un défaut d’appeler un témoin qui pourrait corroborer les faits retrouvés dans une demande de citoyenneté, le décideur peut en tirer une conclusion défavorable.  Aucun doute n’a été soulevé par rapport à l’explication des défendeurs selon laquelle ils devaient remettre leurs anciens passeports au gouvernement marocain pour en obtenir de nouveaux. Même s’il aurait été préférable de garder une copie de ces passeports, les défendeurs ne peuvent être punis pour ne pas l’avoir fait étant donné que le juge est convaincu de leur présence physique au Canada.

 

[20]           Dans l’affaire McDougall, susmentionnée, il s’agit d’une poursuite au civil liée à une agression sexuelle survenue dans un pensionnat indien plus de trente ans passés. Des contradictions sont notées dans le témoignage du demandeur, témoignage qui est nié par le défendeur et qui n’est pas corroboré. Dans son jugement, la Cour suprême réaffirme la décision du juge de procès qui avait conclu en faveur du demandeur. Au paragraphe 40, monsieur le juge Rothstein, écrivant au nom de la Cour, mentionne que le contexte est un élément important et que le juge ne doit pas faire abstraction de la probabilité ou de l'improbabilité intrinsèque des faits allégués non plus que de la gravité des allégations. Le juge de citoyenneté Duguay a rendu sa décision quant à la crédibilité des défendeurs à la lumière de l’ensemble de la preuve.

 

[21]           Quant au deuxième point soulevé par le ministre, il est utile de souligner que les conclusions de fait ne peuvent être infirmées que s’il est établi que le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante (Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235). La distinction entre cette norme de contrôle et celle de la raisonnabilité, dans le contexte d’un contrôle judiciaire, n’est que purement sémantique.

 

[22]           Tel que le juge Iacobucci a dit dans l’affaire Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c Southam Inc, [1997] 1 RCS 748, [1996] ACS No 116 (QL), à la page 778 :

La norme de la décision raisonnable simpliciter se rapproche également de la norme que notre Cour a déclaré applicable pour le contrôle des conclusions de fait des juges de première instance. Dans Stein c. "Kathy K" (Le navire), [1976] 1 R.C.S. 802, à la p. 806, le juge Ritchie a décrit la norme dans les termes suivants :

 

[...] il est généralement admis qu'une cour d'appel doit se prononcer sur les conclusions [de fait] tirées en première instance en recherchant si elles sont manifestement erronées et non si elles s'accordent avec l'opinion de la Cour d'appel sur la prépondérance des probabilités. [Non souligné dans l'original.]

 

[23]           L’arrêt Kathy K, cité dans la décision Southam, permet également d’affirmer qu’une cour chargée du contrôle judicaire n’infirmera pas la décision d’un tribunal de juridiction inférieure sur une question de fait lorsque le juge a eu la chance de voir les témoins et d’observer leurs comportements, à moins de pouvoir conclure qu’il a commis une erreur manifeste. Ici, il n’y a aucune preuve à cet effet.

 

[24]           Le ministre prétend que l’analyse des indices de résidence est inadéquate. La preuve démontre que les défendeurs ont vécu dans leur résidence à Montréal, qu’ils ont soumis des déclarations d’impôt, et qu’ils ont amplement utilisé leurs cartes de guichet automatique. Les relevés bancaires démontrent, entre autres, des dépenses au cinéma, des achats dans plusieurs boutiques de vêtement, et des repas au restaurant. Je ne crois pas qu’il était nécessaire que le juge de citoyenneté discute de ces indices passifs en grand détail. Sa décision est clairement transparente et raisonnable au sens de l’arrêt Dunsmuir, susmentionné, tel qu’expliqué au paragraphe 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[25]           De plus, il se peut que les cours de juridictions inférieurs sont trop strictes en obligeant les décideurs de fournir leurs motifs sous forme de chapitres et de vers. Tout récemment, dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] A.C.S. No 62 (QL), la Cour suprême fait preuve de réticence à conclure que des lacunes ou des vices dont seraient entachés les motifs appartiennent à la catégorie des manquements à l’obligation d’équité procédurale et qu’ils sont soumis à la norme de la décision correcte. Au paragraphe 16, madame le juge Abella, écrivant au nom de la Cour, indique :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision.  Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, à la p. 391).  En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

[26]           Par conséquent, à mon avis, il n’y a aucune raison d’intervenir dans la décision du juge de la citoyenneté, selon laquelle les défendeurs ont respectés, en date du 9 janvier 2008, les conditions de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

 

RETOUR AU RAPPORT SOUS L’ARTICLE 44 DE LA LIPR

 

[27]            Je partage l’opinion du ministre selon laquelle, d’une part, monsieur El Bousserghini et madame Kranfouli ne peuvent faire l’objet d’une recommandation favorable si j’accueille les appels et renvois les affaires devant un autre juge de la citoyenneté puisqu’ils sont présentement assujettis à une mesure de renvoi. D’autre part, si je rejette les appels, le sort des défendeurs demeure incertain puisque leur statut de résidents permanents est remis en question – question qui n’est pas devant moi. Selon la jurisprudence, le ministre n’est pas obligé d’attribuer la citoyenneté s’il découvre une fausse déclaration après que le juge de la citoyenneté lui a soumis son rapport, malgré le libellé contraignant de l’article 5 de la Loi (Khalil c Canada (Secrétaire d'État), [1999] 4 CF 661, [1999] ACF No 1093 (QL) (CAF)). En l’espèce, le juge de la citoyenneté est assuré qu’il n’y a pas eu de fausses déclarations, et il n’y a pas lieu pour cette Cour d’intervenir. Un ajournement de l’audition de ces appels, afin de permettre à la SAI de procéder à l’audition de l’appel portant sur la mesure de renvoi, aurait pour effet d’empêcher les défendeurs de placer la décision de cette Cour dans la présente affaire devant la SAI. À mon avis, cette décision de la Cour est un facteur important que la SAI doit considérer lors de l’appel.

 

[28]           Il y a deux éléments du rapport sous l’article 44 de la LIPR que je trouve inquiétants. Premièrement, si les faits contenus dans le rapport s’avèrent justes, il se peut donc que les défendeurs, et d’autres gens dans une situation similaire, ne font que demeurer le minimum de temps au Canada afin de satisfaire aux exigences de la Loi, et dépose ensuite leur demande de citoyenneté alors qu’ils sont en chemin vers l’aéroport, à ne presque jamais remettre les pieds dans le pays.

 

[29]           Deuxièmement, le rapport ne fait aucune mention de la décision du juge de la citoyenneté figurant aux dossiers de citoyenneté, par laquelle il avise le ministre que les défendeurs ont respecté les conditions de résidence. Dans le cas de monsieur El Bousserghini, l’agent d’immigration a examiné la période entre le 22 juin 2008 et le 26 octobre 2011. En se basant sur son passeport, l’agent a conclu qu’il a été physiquement présent au Canada pendant 51 jours, incluant le jour de son entrevue avec le juge de la citoyenneté, soit le 28 septembre 2010. Bien que cette période soit moins de cinq ans, même si monsieur El Bousserghini avait été présent dans le pays pendant tous les autres jours manquants, il n’aurait pas atteint les 730 jours requis par la LIPR – en supposant, bien sûr, que l’information sur laquelle l’agent d’immigration s’est appuyé est exacte.

 

[30]           En ce qui a trait à madame Kranfouli, le rapport ne couvre que la période du 14 février 2009 jusqu’au 26 octobre 2011. Selon l’agent d’immigration, madame Kranfouli a été physiquement présente au Canada pendant 33 jours depuis février 2009. Toutefois, force est de constater qu’il n’y aucune information à son dossier de citoyenneté quant à la période de temps entre le jour du dépôt de sa demande, soit le 9 janvier 2008, et le 13 février 2009. Cette période doit nécessairement être prise en compte lorsque l’agent considère les cinq ans précédant le 26 octobre 2011.


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS;

LA COUR STATUE que :

1.                  Dans le dossier T-1961-10, l’appel du ministre de la décision acceptant la demande de citoyenneté de Monsieur Mountassir El Bousserghini, rendue le 28 septembre 2010 par le juge de la citoyenneté Gilles H. Duguay, est rejeté.

2.                  Dans le dossier T-1960-10, l’appel du ministre de la décision acceptant la demande de citoyenneté de Madame Zakia Kranfouli, rendue le 28 septembre 2010 par le juge de la citoyenneté Gilles H. Duguay, est rejeté.

3.                  Le tout sans dépens.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1961-10

 

INTITULÉ :                                       MCI c EL BOUSSERGHINI

 

ET DOSSIER :                                  T-1960-10

 

INTITULÉ :                                       MCI c KRANFOULI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 JANVIER 2012

 

MOTIFS DES JUGEMENTS

ET JUGEMENTS :                           LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 23 JANVIER 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Thi My Dung Tran

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Jean-François Bertrand

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Bertrand, Deslauriers

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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