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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

 

Date : 20120203


Dossier : IMM‑4968‑11

Référence : 2012 CF 135

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 février 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

 

FRED ADU

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande d’asile du demandeur a été rejetée en raison du manque de crédibilité de celui‑ci. C’est la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire. Il y a une seule question à trancher : la conclusion du tribunal selon laquelle le demandeur et son récit n’étaient pas crédibles est‑elle raisonnable?

 

[2]               Deux conclusions sur lesquelles le tribunal a fondé en partie ses conclusions relatives à la crédibilité sont erronées et ne concordent pas avec le dossier. Premièrement, le tribunal a tiré une conclusion défavorable concernant la crédibilité du fait que le demandeur a omis le nom de sa tribu et le nom du village dont il a été nommé chef. Cependant, le dossier révèle que la réponse fournie à la question 1(g) du Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur et le premier paragraphe de son exposé circonstancié contiennent les noms de sa tribu et de son village. Le tribunal a commis une erreur.

 

[3]               Deuxièmement, le tribunal a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité au motif que le demandeur, un chrétien, croyait à la magie et au vaudou. Il n’a trouvé aucune preuve documentaire qui confirmait que de telles croyances étaient associées à la religion à laquelle prétendait appartenir le demandeur. De plus, le tribunal a tiré une conclusion défavorable concernant la crédibilité parce qu’il n’existait pas de renseignements objectifs permettant de croire que le fait d’agir comme chef, plutôt qu’à titre de grand prêtre, irait à l’encontre de ses croyances religieuses. Cependant, le dossier indique que des personnes au Ghana ont des croyances traditionnelles qui sont combinées à des croyances religieuses et il existe aussi une preuve documentaire qui confirme que des chrétiens refusent d’occuper le poste de chef en raison de leurs croyances religieuses. Le tribunal a commis une erreur.

 

[4]               Le défendeur fait valoir que le tribunal a tiré un certain nombre de conclusions concernant la crédibilité du demandeur et affirme que les erreurs mineures mentionnées ci‑dessus ne nuisent pas à sa conclusion générale relative à la crédibilité : L.D. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 264, au paragraphe 21. Le défendeur soutient que les autres conclusions du tribunal concernant la crédibilité étaient raisonnables et étayées par la preuve. Le défendeur ajoute que les conclusions relatives à la crédibilité doivent faire l’objet d’une grande retenue puisque le tribunal est le mieux placé pour apprécier la crédibilité : Aguebor c (Canada) Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (CAF), [1993] ACF n732.

 

[5]               Le défendeur a fourni, au paragraphe 7 de son exposé complémentaire des arguments, un sommaire de tous les faits ayant servi de fondement à la conclusion défavorable tirée par le tribunal au sujet de la crédibilité, que je résume comme suit :

 

[traduction]

·         Le demandeur n’a pas précisé le nom et l’emplacement de sa tribu. [Conclusion tirée par erreur.]

·         Le demandeur a déclaré que le roi d’Ashanti était « Kufi Adu » et a admis par la suite qu’il ne connaissait pas le nom du roi après qu’on lui a signalé que Kufi Adu était le nom de son père.

·         Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur a précisé qu’on lui a demandé de devenir chef au début de 2008 alors que dans son témoignage il a déclaré qu’il s’agissait du 15 juin 2008.

·         Des personnes riches et instruites sont souvent nommées chefs; le demandeur n’est ni riche ni instruit et il a été incapable d’expliquer pourquoi ses frères, qui étaient de meilleurs candidats pour remplir le rôle, n’avaient pas été choisis.

·         Le demandeur a déclaré qu’il appartenait à l’église adventiste du septième jour et qu’il croyait à la magie. Aucune preuve documentaire objective n’appuie cette prétention. [Conclusion tirée par erreur.]

·         Le demandeur a déclaré que ses cousins sont venus à son atelier et l’ont attaqué avec un couteau. Ce détail important ne figure pas dans son FRP.

·         Le demandeur affirme qu’il est forcé de devenir chef, mais la preuve documentaire objective ne confirme pas l’existence de recrutement forcé.

·         Le demandeur a attendu plus de huit mois après son arrivée au Canada avant de présenter une demande d’asile et a quitté le Ghana six mois après avoir appris qu’il allait devenir le nouveau chef.

·         Aucun élément de preuve ne démontre que qui que ce soit au Ghana était à sa recherche depuis janvier 2009 et qu’il y avait de l’animosité entre lui et sa famille.

·         La preuve documentaire objective indique que les grands prêtres et non les chefs de village prennent part à des cérémonies où il y a du sang et où l’on coupe des doigts. Le demandeur affirme qu’on lui a demandé d’être chef et non grand prêtre.

·         La preuve objective indique qu’aucune punition n’est infligée en cas de refus de devenir chef et donc la protection de l’État n’est pas requise.

 

[6]               Plusieurs des faits qui sont mentionnés ci‑dessus, sauf ceux qui été invoqués à tort par le tribunal, étayent une conclusion défavorable concernant la crédibilité. La Cour d’appel fédérale a statué que même si la décision d’un tribunal renferme des erreurs, la décision ne sera pas annulée s’il existe suffisamment d’éléments de preuve sur lesquels le décideur peut se fonder pour en arriver à une telle conclusion : Kathiripillai c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF n889 (CAF) et Luckner c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF n363 (CAF). À mon avis, dans le cas de la décision faisant l’objet du contrôle, il existait des éléments de preuve plus que suffisants sur lesquels le tribunal pouvait se fonder pour en arriver à une telle conclusion. Le tribunal a conclu que le demandeur n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Selon mon examen du dossier, cette conclusion n’était pas déraisonnable malgré les erreurs commises par le tribunal.

 

[7]               En plus des faits susmentionnés, le tribunal a conclu que le comportement du demandeur étayait sa conclusion selon laquelle il n’était pas crédible. Au paragraphe 7 de sa décision, le tribunal écrit ce qui suit :

Le témoignage du demandeur d’asile n’était ni franc ni spontané. Des questions lui ont été répétées à plusieurs reprises et il a fallu insister pour obtenir des réponses à des questions simples, comme celles concernant son identité ou son nouveau passeport. Il y a eu de longues pauses entre les réponses et parfois, le demandeur d’asile a simplement gardé le silence et a fixé le tribunal lorsque des questions lui étaient posées. Aux yeux du tribunal, le demandeur d’asile a semblé nonchalant et ne pas se soucier du fait qu’il témoignait sous serment. Ses réponses incluaient souvent des [traduction] « ouais, ouais » et à un certain moment, le tribunal a dû demander au demandeur d’asile de se tenir droit lorsqu’il répondait aux questions. Le demandeur d’asile était calme et n’a pas semblé nerveux aux yeux du tribunal. Le demandeur d’asile n’a pas été un témoin crédible.

 

[8]               Un tribunal a l’avantage d’observer le comportement du demandeur, ce que la Cour n’a pas. Cependant, après avoir lu la transcription de l’audience, je suis convaincu que le tribunal n’a pas mal interprété le comportement du demandeur et sa conclusion quant à son manque de crédibilité comme témoin est étayée par les réponses et la conduite du demandeur pendant l’audience.

 

[9]               Au paragraphe 22 de sa décision, le tribunal a souligné que les allégations de persécution n’étaient pas fondées et a laissé entendre qu’« [i]l est très probable que le demandeur d’asile ait inventé le fondement de sa demande d’asile afin de pouvoir séjourner au Canada pendant que les autorités canadiennes de l’immigration Canada traitaient sa demande de parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial ». Le demandeur s’est marié en octobre 2009 avec une femme qu’il a rencontrée à l’église en février de la même année. Ils ont une fille née le 3 décembre 2009. Les conjectures du tribunal quant au motif du demandeur ne sont pas pertinentes à la décision qu’il a rendue; toutefois, on ne peut pas affirmer qu’elles n’étaient pas fondées.

 

[10]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté de question à certifier.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑4968‑11

 

INTITULÉ :                                       FRED ADU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 3 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dov Maierovitz

 

                           POUR LE DEMANDEUR

Balquees Mihirig

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GERTLER, ETIENNE, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

                           POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

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