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Cour fédérale

 

Federal Court

 Date : 20120206


Dossier : IMM-3986-11

Référence : 2012 CF 158

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 février 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

JOAHANA AWAH AMBASSA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), qui concerne la décision d’un agent principal (l’agent) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), datée du 19 avril 2011, de rejeter la demande de dispense d’ordre humanitaire de la demanderesse visée au paragraphe 25(1) de la Loi (la décision).

LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Cameroun et d’aucun autre pays. Son frère et sa sœur vivent au Cameroun et elle n’a aucune famille au Canada. Elle est arrivée au Canada le 15 septembre 2003, après avoir fui le Cameroun où elle craint d’être persécutée parce qu’elle est lesbienne. Elle a demandé l’asile le 24 septembre 2003, mais la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande le 4 septembre 2004.

[3]               Comme sa demande d’asile a été rejetée, la demanderesse est susceptible d’être expulsée. Elle a présenté une demande de dispense d’ordre humanitaire le 20 janvier 2005 et a produit des documents additionnels au soutien de cette demande le 15 avril 2010. Le 31 décembre 2010, elle a demandé qu’un examen des risques avant renvoi (l’ERAR) ait lieu.

[4]               Dans la demande d’asile qu’elle a présentée en 2003, la demanderesse prétendait que son mari la battait. Elle prétendait aussi qu’elle craignait d’être persécutée parce qu’elle est séropositive pour le VIH et lesbienne. La SPR a conclu qu’elle n’était pas crédible et qu’elle n’avait pas démontré qu’elle avait été victime de violence familiale. Elle a conclu également qu’elle n’était pas lesbienne et qu’elle avait participé aux activités de la fierté gaie à Toronto uniquement pour étayer sa demande d’asile. Après le rejet de celle‑ci, la demanderesse a demandé à la Cour l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire. L’autorisation lui a été refusée le 24 janvier 2005.

[5]               Selon sa demande de dispense d’ordre humanitaire, la demanderesse était établie au Canada. Elle a dit qu’elle n’avait pas eu une vie facile au Cameroun : son mari, qui était polygame, la battait et elle n’avait pas pu avoir d’enfant. Elle a dit aussi que, après avoir été privée de nourriture et battue par son mari, elle avait obtenu l’aide de membres de sa communauté, dont une veuve avec laquelle elle a développé une relation. La demanderesse affirme que, après que son mari a découvert cette relation, sa partenaire a été battue à mort par un gang et sa maison a été détruite. On a dit à la demanderesse qu’on s’en prendrait à elle la prochaine fois parce qu’on ne pouvait pas la laisser corrompre les filles du village. Elle avait formulé essentiellement les mêmes allégations dans sa demande d’asile.

[6]               La demanderesse a indiqué dans ses observations qu’elle était séropositive pour le VIH et l’hépatite C et qu’elle recevait des soins médicaux de façon continue. Elle a indiqué aussi qu’elle ne pourrait pas obtenir le traitement médical que nécessitait son état au Cameroun, de sorte que ce serait une épreuve pour elle de retourner dans ce pays. Elle a souligné que les femmes sont l’objet de discrimination, y compris de violence sexuelle, au Cameroun. Elle a dit que les personnes qui avaient cherché à s’en prendre à elle avant son départ du pays en 2003 continuaient à ressentir de l’animosité à son égard et qu’elles lui causeraient du tort si elle y retournait.

[7]               Au soutien de sa demande de dispense d’ordre humanitaire, la demanderesse a produit un affidavit de son frère (l’affidavit d’Ambassa), lequel habite toujours au Cameroun. Elle a aussi produit une lettre de son avocat camerounais, Me T.F. Muki (la lettre de Me Muki). Ces deux documents décrivent ce qui est arrivé à la demanderesse au Cameroun. La demanderesse a également produit deux convocations de la Délégation générale de la sûreté nationale du Cameroun. Ces convocations adressées à elle et à son frère les priaient de se présenter aux autorités de la sécurité publique à Limbé, au Cameroun. La lettre de Me Muki indiquait que le mari de la demanderesse avait porté plainte contre elle parce qu’elle avait quitté le foyer conjugal.

[8]               Après avoir examiné les observations de la demanderesse, l’agent a rejeté sa demande de dispense d’ordre humanitaire le 19 avril 2011. Il a avisé la demanderesse de sa décision par une lettre datée du même jour.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[9]               L’agent a commencé son analyse en examinant les antécédents de la demanderesse en matière d’immigration. Il a constaté que sa demande d’asile avait été rejetée et qu’elle avait présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire ainsi qu’une demande de dispense d’ordre humanitaire le 20 janvier 2005. Il a aussi constaté que la demanderesse avait produit des observations mises à jour en avril 2010 et qu’elle avait présenté une demande d’ERAR en décembre 2010.

[10]           L’agent a passé en revue les motifs invoqués par la demanderesse au soutien de sa demande de dispense. Il a constaté qu’elle a dit que son mari était polygame et qu’il l’avait maltraitée parce qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant. Il a constaté aussi qu’elle avait eu une relation avec une autre femme et qu’elle craignait d’être persécutée en conséquence. La demanderesse a dit également dans ses observations que l’homosexualité est illégale au Cameroun, qu’elle ferait l’objet de discrimination parce qu’elle est séropositive pour le VIH et l’hépatite C et qu’elle ne pourrait pas obtenir le traitement médical que son état requiert au Cameroun. L’agent s’est intéressé à l’emploi de la demanderesse au Canada ainsi qu’à son bénévolat et à son engagement dans sa communauté.

La décision

[11]           L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’il existait des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour qu’elle soit dispensée de l’obligation de présenter une demande de visa de l’extérieur du Canada. La demanderesse n’avait pas démontré qu’elle serait exposée à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si sa demande de dispense était rejetée.

            L’analyse des risques

[12]           L’agent a dit que la SPR avait tenu compte des risques allégués par la demanderesse lorsqu’elle s’est prononcée sur sa demande d’asile en 2004. Il a examiné l’affidavit d’Ambassa et souligné que cet affidavit indiquait que la demanderesse avait été donnée en mariage alors qu’elle était enfant, qu’elle avait été maltraitée par son mari et que sa partenaire avait été battue à mort par un gang. L’affidavit indiquait également qu’Ambassa avait aperçu des inconnus rôdant autour de sa maison qui, lorsqu’il les avait confrontés, avaient confirmé que le mari de la demanderesse était à la recherche de celle‑ci. L’agent a aussi constaté que Me Muki avait écrit dans une lettre adressée à Ambassa que l’affidavit de celui‑ci, qui portait la date du 6 décembre 2010, avait été antidaté. L’agent a conclu que cet affidavit avait été rédigé après le 6 décembre 2010, soit au moins sept ans après les faits qui y sont attestés. Il a dit aussi qu’Ambassa n’avait pas été témoin des faits en question. En conséquence, il a accordé une faible valeur probante à l’affidavit d’Ambassa.

[13]           Dans sa lettre, Me Muki, l’avocat camerounais de la demanderesse, a écrit qu’il connaissait les problèmes de celle‑ci et qu’elle semblait effrayée et avoir été battue lorsqu’il l’avait rencontrée. L’agent a indiqué que, comme l’affidavit d’Ambassa, la lettre de Me Muki avait été rédigée sept ans après les incidents dont elle parlait. En outre, la lettre ne reposait pas sur une preuve objective puisque la demanderesse et Ambassa étaient des clients de Me Muki. L’agent a rappelé que la SPR avait conclu que les faits exposés dans la lettre n’étaient pas crédibles, et la demanderesse n’avait pas produit une preuve additionnelle pour corroborer ses allégations.

[14]           Comme il a été mentionné précédemment, la demanderesse a produit les convocations qu’elle‑même et Ambassa avaient reçues de la Délégation générale de la sûreté nationale du Cameroun, pour démontrer qu’elle était recherchée par les autorités. Les convocations ne précisaient pas pourquoi la demanderesse et Ambassa devaient se présenter aux autorités et elles étaient datées de 2009, soit six ans après le départ de la demanderesse du Cameroun. L’agent a dit que la demanderesse n’avait pas expliqué pourquoi son avocat ne pouvait pas obtenir des documents plus récents démontrant qu’elle était toujours recherchée. Les convocations n’ont pas amené l’agent à conclure que la demanderesse était recherchée par les autorités camerounaises.

[15]           La demanderesse a aussi produit un article d’un journal camerounais. The Weekender, qui traitait de ce qui lui était arrivé. L’agent a jugé que cet article n’était pas digne de foi parce qu’il était fondé sur les propres déclarations de la demanderesse et que son auteur ne pouvait pas être retracé. De plus, l’article avait été rédigé plus de sept ans après le départ de la demanderesse du Cameroun.

[16]           L’agent a également examiné un certain nombre de documents produits par la demanderesse sur la situation des femmes, des personnes séropositives pour le VIH et des homosexuels au Cameroun. Il a souligné que, selon le rapport intitulé 2009 Human Rights Report for Cameroon du département d’État américain, l’homosexualité était illégale au Cameroun et que les homosexuels restaient généralement dans l’ombre. Ce rapport indiquait également que les personnes séropositives pour le VIH étaient victimes de discrimination au Cameroun, mais aucun cas de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans l’emploi, le logement ou les soins de santé n’avait été signalé. L’agent a aussi fait référence à un rapport d’Amnistie Internationale qui indiquait que le gouvernement camerounais s’était engagé à améliorer la situation des femmes. Il a conclu que, même si les droits de la personne n’étaient pas toujours respectés au Cameroun, que les relations homosexuelles étaient interdites et que les personnes atteintes du VIH étaient susceptibles de faire l’objet de discrimination, la preuve ne permettait pas de penser que la demanderesse serait exposée à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle devait retourner au Cameroun pour présenter une demande de résidence permanente.

[17]           La demanderesse a aussi produit une preuve médicale à l’appui de sa demande. L’agent a examiné cette preuve. Il a constaté qu’un certificat médical indiquait que la demanderesse avait besoin d’un traitement continu, mais non de quel traitement il s’agissait. La demanderesse prétendait qu’elle ne recevrait pas de traitement médical au Cameroun, mais ses observations ne précisaient pas quel traitement il lui serait impossible de recevoir. L’agent a fait référence au document intitulé Epidemiological Fact Sheet on HIV and AIDS de 2008 de l’Organisation mondiale de la santé, selon lequel des traitements antirétroviraux peuvent être obtenus au Cameroun. Il a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré quel type de traitement elle recevait au Canada, ni que son état de santé justifiait qu’elle soit dispensée de l’obligation de présenter une demande de visa de l’extérieur du Canada.

[18]           L’agent a conclu que les risques auxquels la demanderesse était exposée au Cameroun ne lui causeraient pas des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle devait présenter une demande de visa de l’extérieur du Canada.

Les liens avec le Canada

[19]           Outre les risques auxquels la demanderesse était exposée au Cameroun, l’agent a examiné la mesure dans laquelle celle‑ci était établie au Canada. Il a constaté, en se fondant sur ses formulaires T4 – État de la rémunération payée, que la demanderesse s’était bien intégrée au marché du travail canadien. Il a constaté également qu’elle avait fait des dons à la paroisse St. Mary et qu’elle faisait du bénévolat pour cette paroisse et pour l’archevêché de Toronto. Elle était également engagée auprès de l’Alliance camerounaise. L’agent a conclu que, même si son indépendance économique, son engagement communautaire et le développement d’un réseau social étaient des facteurs positifs, la demanderesse n’avait pas démontré de quelle façon ils causeraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle était renvoyée au Cameroun. Il a conclu aussi que les compétences que la demanderesse avait acquises en travaillant au Canada lui seraient utiles au Cameroun et faciliteraient sa réadaptation à ce pays.

[20]           L’agent a conclu également que la demanderesse avait des liens limités avec le Canada puisqu’elle n’avait pas de famille ici et qu’elle avait habité plus de 34 ans au Cameroun, où vivaient des membres de sa famille. Il n’était pas convaincu que, à cause de son établissement au Canada, la demanderesse subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle devait présenter une demande de visa de l’extérieur du Canada. En conséquence, l’agent a rejeté sa demande de dispense d’ordre humanitaire.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[21]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

[…]

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

 

 

 

[…]

 

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

 

[…]

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

11. (1) A foreign national  must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document  required by the regulations.

The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible

or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances

concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or

obligations of this Act if the  Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the

foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

[…]

 

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

 

[…]

 

113. Consideration of an application for protection

shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant

could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[22]           La demanderesse soulève les questions suivantes dans la présente demande de contrôle judiciaire :

a.                   L’agent a-t-il appliqué le critère approprié concernant les difficultés?

b.                  L’agent a‑t‑il appliqué correctement l’alinéa 113a) de la Loi?

c.                   La conclusion de l’agent selon laquelle elle ne serait pas exposée à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives était‑elle raisonnable?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[23]           La Cour suprême du Canada a statué dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle dans tous les cas. En fait, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question en litige est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette recherche se révèle vaine que la cour de révision doit examiner les quatre éléments de l’analyse relative à la norme de contrôle.

[24]           Dans Sahota c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2011 CF 739, le juge Michael Phelan a statué au paragraphe 7 que la question de l’application du critère juridique approprié est assujettie à la norme de la décision correcte. Voir aussi Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 677, au paragraphe 7, et Markis c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 428, au paragraphe 19. La norme de contrôle qui s’applique à la première question en litige est celle de la décision correcte. Comme la Cour suprême du Canada l’a dit dans Dunsmuir (précité, au paragraphe 50) :

La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

 

 

[25]           L’alinéa 113a) de la Loi prévoit les circonstances dans lesquelles des éléments de preuve peuvent être produits à l’appui d’une demande d’ERAR. Dans Lai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, la Cour d’appel fédérale a statué, au paragraphe 43, que, dans la mesure où le décideur applique le critère approprié, la norme de contrôle applicable à l’admissibilité de la preuve est la raisonnabilité. Comme il a été mentionné précédemment, la question de l’application du critère approprié est assujettie à la norme de la décision correcte. C’est la norme de la décision correcte qui s’applique à la question de savoir si l’agent aurait dû ou non appliquer l’alinéa 113a). Quant à la pondération des facteurs contenus à l’alinéa 113a), elle est assujettie à la norme de la raisonnabilité (voir Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, aux paragraphes 18 et 19).

[26]           Dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACS no 39, la Cour suprême du Canada a statué que, lorsqu’on examine une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, « on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi » (au paragraphe 62). Le juge Phelan a suivi cette approche dans Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489, au paragraphe 7. La norme de contrôle qui s’applique à la troisième question en litige est celle de la raisonnabilité.

[27]           Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, l’analyse portera sur « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi [que sur] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que si la décision était déraisonnable en ce sens qu’elle ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

            Question préliminaire – L’affidavit de la demanderesse

 

[28]           Selon le défendeur, les paragraphes 8 et 11 à 16 de l’affidavit que la demanderesse a déposé à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire renferment des prétentions et des conclusions qu’elle ne connaît pas. Au paragraphe 8, la demanderesse affirme qu’elle ne constitue pas un fardeau excessif pour les ressources provinciales en matière de santé car elle a une assurance privée. Les paragraphes 11 à 16 renferment des prétentions au sujet du traitement de la preuve par l’agent. Le défendeur rappelle le paragraphe 12(1) des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, selon lequel tout affidavit est limité à la preuve dont son auteur a connaissance. Il demande à la Cour d’accorder peu de poids à ces paragraphes de l’affidavit de la demanderesse.

[29]           La demanderesse ne traite pas de cette question dans ses observations écrites.

            La demanderesse

                        L’agent a appliqué le mauvais critère concernant les difficultés

 

[30]           La demanderesse affirme que les difficultés qui, selon elle, justifient une dispense en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sont des difficultés qui n’ont pas été prévues par la Loi ou par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227. Il faut aussi que ces difficultés soient indépendantes de la volonté du demandeur. Il est possible que les difficultés particulières auxquelles un demandeur est exposé, bien qu’elles ne soient pas inhabituelles et injustifiées, soient excessives et justifient une dispense. Dans le cas de la demanderesse, l’agent a omis de déterminer si les circonstances auxquelles elle est exposée au Cameroun constitueraient des difficultés, même s’il ne s’agissait peut‑être pas d’un risque de persécution ou de traitements ou peines cruels et inusités.

L’agent n’a pas appliqué correctement l’alinéa 113a) de la Loi

[31]           Lorsque l’agent a refusé d’admettre en preuve les convocations adressées à la demanderesse et à Ambassa par la Délégation générale de la sûreté nationale et la lettre de Me Muki, il n’a pas appliqué correctement l’alinéa 113a) de la Loi. Il n’a pas tenu compte du fait que cette lettre avait été écrite par Me Muki en qualité de membre du barreau du Cameroun, sur son papier à en‑tête. L’agent aurait dû soupeser ces facteurs de manière à admettre cette lettre. La demanderesse souligne que la Cour d’appel fédérale a dit dans Raza, précité, qu’un agent d’ERAR doit, sous le régime de l’alinéa 113a) de la Loi, examiner cinq facteurs lorsqu’il apprécie la preuve présentée à l’appui d’une demande d’ERAR : la crédibilité, la pertinence, la nouveauté, le caractère substantiel et les conditions légales explicites. La demanderesse avance que l’affidavit d’Ambassa, la lettre de Me Muki et les convocations satisfont aux critères applicables sous le régime de l’alinéa 113a). L’agent a donc commis une erreur en n’accordant aucun poids à ces documents.

[32]           L’agent a examiné l’affidavit d’Ambassa et la lettre de Me Muki, mais il les a rejetés de manière déraisonnable parce qu’ils avaient été rédigés par Ambassa et par Me Muki, lesquels avaient des liens avec la demanderesse. La conclusion de l’agent selon laquelle ces documents n’étaient pas objectifs et indépendants en raison des liens de leurs auteurs avec la demanderesse ne reposait que sur des hypothèses. La demanderesse se réfère à Isse c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1020, où le juge William Mackay a cité Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Satiacum, [1989] ACF no 505 (CAF) (WestLaw). Dans Satiacum, la Cour d’appel fédérale a statué aux paragraphes 33 et 34 :

La différence entre une déduction justifiée et une simple hypothèse est reconnue depuis longtemps en common law. Lord Macmillan fait la distinction suivante dans l’arrêt Jones v. Great Western Railway Co. (1930), 47 T.L.R. 39, à la p. 45, 144 L.T. 194, à la p. 202 (H.L.) :

[traduction] Il est souvent très difficile de faire la distinction entre une hypothèse et une déduction. Une hypothèse peut être plausible mais elle n’a aucune valeur en droit puisqu’il s’agit d’une simple supposition. Par contre, une déduction au sens juridique est une déduction tirée de la preuve et si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante. J’estime que le lien établi entre un fait et une cause relève toujours de la déduction.

Dans R. v. Fuller (1971), 1 N.R. 112, à la p. 114, le juge Hall a conclu, au nom de la Cour d’appel du Manitoba, que [traduction] « [l]e tribunal des faits ne peut faire appel à des conclusions toutes théoriques et conjecturales ». La Cour suprême a ensuite confirmé ces motifs à l’unanimité : [1975] 2 R.C.S. 121, à la p. 123, 1 N.R. 110, à la p. 112.

 

La conclusion de l’agent sur la question des difficultés était déraisonnable

 

[33]           La demanderesse affirme également que l’agent n’a pas évalué de manière appropriée les difficultés qu’elle rencontrerait au Cameroun en tant que femme séropositive pour le VIH. Elle fait valoir que la juge Anne Mactavish a défini l’étendue de l’obligation d’évaluer les difficultés auxquelles sont exposées les femmes séropositives pour le VIH aux paragraphes 3 à 9 de Mings‑Edwards c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 90.

 

[34]           Lorsqu’il a examiné l’expérience de la demanderesse en matière d’emploi au Canada et a dit que cette expérience lui serait utile au Cameroun, l’agent n’a pas tenu compte de la discrimination systématique qui est exercée dans l’emploi à l’égard des personnes séropositives pour le VIH dans ce pays. La demanderesse fait valoir que l’agent n’a pas tenu compte de la discrimination dont sont victimes ces personnes au Cameroun et de la déconsidération dont elles souffrent, ni des difficultés auxquelles elle‑même serait exposée en conséquence si elle retournait dans ce pays.

 

[35]           Dans sa décision, l’agent a reconnu que certains des éléments de preuve dont il disposait démontraient que les droits de la personne ne sont pas toujours respectés au Cameroun et que l’homosexualité est une infraction criminelle dans ce pays. L’agent a conclu cependant que ces éléments de preuve n’établissaient pas que la demanderesse serait exposée à des difficultés. La demanderesse fait valoir que l’agent n’a pas pris en considération la preuve documentaire démontrant que le Cameroun a un mauvais dossier sur le plan des droits de la personne et qu’elle pourrait faire l’objet de sanctions judiciaires et extrajudiciaires parce qu’elle est lesbienne. Les documents que l’agent a pris en considération traitaient seulement de la situation générale existant au Cameroun et non de la situation particulière de la demanderesse. En conséquence, sa décision de l’agent est déraisonnable.

[36]           La demanderesse conteste également la raisonnabilité de l’analyse faite par l’agent de ses liens avec le Canada. Elle dit qu’elle n’a une vie convenable que depuis son arrivée au Canada il y a sept ans. L’agent n’a pas tenu compte des différences fondamentales entre la qualité de vie qu’elle aura au Cameroun et celle qu’elle a au Canada. Elle prétend que l’agent lui a imposé un fardeau trop lourd et qu’il n’a pas analysé sa demande de manière satisfaisante. L’agent a préféré de manière déraisonnable la preuve indiquant que le Cameroun ne persécute pas les homosexuels, même si ses lois criminalisent l’homosexualité. La conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse sera en mesure de se réintégrer malgré la discrimination dont font l’objet les personnes séropositives pour le VIH au Cameroun était déraisonnable.

            Le défendeur

[37]           Le défendeur affirme que la demanderesse n’a pas produit de preuve susceptible de justifier une décision favorable concernant sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La demanderesse n’a pas été jugée crédible à l’audition de sa demande d’asile en 2004 et elle n’a produit aucune preuve exigeant un réexamen des conclusions de la SPR. Elle n’a pas non plus produit de preuve justifiant une dispense fondée sur son état de santé. Sa demande de contrôle judiciaire devrait donc être rejetée.

L’objet d’une dispense d’ordre humanitaire

[38]           Le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre à l’égard des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire n’a pas pour but de permettre à des personnes d’utiliser une voie détournée pour demeurer au Canada lorsque tous les autres recours juridiques sont épuisés (voir Mayburov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 953, au paragraphe 39). Les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire ne visent pas à éliminer toutes les difficultés, mais uniquement celles qui sont inhabituelles et injustifiées ou excessives. Les personnes qui demandent une dispense d’ordre humanitaire doivent satisfaire à un critère rigoureux sous le régime du paragraphe 25(1) de la Loi. Le défendeur se fonde à cet égard sur Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1906 (CF 1re inst.), et Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38.

La décision commande la retenue

 

[39]           Avant de statuer sur une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, l’agent doit apprécier la preuve dont il dispose en tenant compte des faits particuliers de l’affaire dont il est saisi. Le défendeur se réfère à Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, où la Cour d’appel fédérale a écrit au paragraphe 11 :

La Cour suprême, dans Suresh, nous indique donc clairement que Baker n’a pas dérogé à la tradition qui veut que la pondération des facteurs pertinents demeure l’apanage du ministre ou de son délégué. Il est certain, avec Baker, que l’intérêt des enfants est un facteur que l’agent d’immigration doit examiner avec beaucoup d’attention. Il est tout aussi certain, avec Suresh, qu’il appartient à cet agent d’attribuer à ce facteur le poids approprié dans les circonstances de l’espèce. Ce n’est pas le rôle des tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par les agents.

 

[40]           En l’espèce, l’agent a soupesé les éléments de preuve qui lui avaient été présentés et est arrivé à une conclusion qui n’était ni abusive ni arbitraire. Il n’a pas négligé de faits importants. C’est à la demanderesse qu’il incombait de démontrer le bien‑fondé de sa demande de dispense d’ordre humanitaire et elle n’a pas fait cette démonstration. L’agent a pris en considération tous les éléments de preuve. La décision doit être maintenue.

La décision était raisonnable

[41]           Le défendeur soutient que, malgré le fait que la demanderesse ne souscrive peut‑être pas aux conclusions de l’agent, elle n’a pas démontré que l’intervention de la Cour était justifiée. S’appuyant sur Mooker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 518, il affirme que l’agent a considéré à juste titre que la demande de la demanderesse était une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire sans se servir du critère applicable à un ERAR.

[42]           Le défendeur indique également que, selon Pinter c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296, et Ramirez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1404, le fait de ne pas prendre en considération des facteurs de risque dans le cadre de l’analyse d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire constitue une erreur susceptible de contrôle. Cela ne signifie pas cependant que, lorsqu’un risque est allégué, on conclura nécessairement à l’existence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. En l’espèce, l’agent a appliqué le critère approprié pour évaluer les risques dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire : les difficultés. Il a examiné à la fois les difficultés inhabituelles et injustifiées et les difficultés excessives. Le fait que la demanderesse ne souscrit pas aux conclusions de l’agent n’est pas suffisant pour infirmer la décision de celui‑ci.

[43]           L’agent a pris en considération dans sa décision le moment auquel l’affidavit d’Ambassa et la lettre de Me Muki ont été rédigés, ainsi que la question de savoir si ces documents émanaient de sources objectives. Il convenait que l’agent prenne ces facteurs en considération et il les a pondérés de manière appropriée. La Cour ne devrait pas intervenir. L’agent n’avait pas l’obligation d’accorder du poids à la lettre de Me Muki simplement parce qu’elle était écrite par un membre du barreau du Cameroun. L’agent a tenu compte de l’auteur de la lettre et le poids qu’il a accordé à celle‑ci était raisonnable. En outre, la lettre de Me Muki comme l’affidavit d’Ambassa reposaient sur des renseignements fournis par la demanderesse que la SPR avait jugés non crédibles. L’agent a conclu raisonnablement que les nouveaux éléments de preuve produits par la demanderesse à l’appui de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire étaient insuffisants pour apprécier à nouveau les conclusions tirées par la SPR relativement à sa demande d’asile. De plus, l’agent a attribué raisonnablement le poids qu’il fallait aux convocations et la Cour ne devrait pas apprécier à nouveau cette preuve.

[44]           Le défendeur affirme en outre que l’agent a apprécié raisonnablement l’état de santé de la demanderesse. Le seul fait d’être séropositive pour le VIH n’est pas suffisant pour obtenir une dispense d’ordre humanitaire. Compte tenu de la preuve dont il disposait, l’agent pouvait conclure comme il l’a fait que la demanderesse ne serait pas exposée à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives et la Cour ne devrait pas intervenir pour modifier cette conclusion. La demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de faire la preuve des difficultés que sa maladie causerait. La décision de l’agent devrait être maintenue. De même, l’agent pouvait, compte tenu de la preuve qui lui avait été présentée, tirer la conclusion à laquelle il est parvenu au sujet des liens de la demanderesse avec le Canada, et cette conclusion était raisonnable.

ANALYSE

[45]           La demanderesse formule, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, une série d’affirmations dont certaines ne sont tout simplement pas étayées par une lecture de la décision. À mon avis, il n’y a rien, par exemple, qui soutient son affirmation selon laquelle l’agent a appliqué le mauvais critère concernant les difficultés ou n’a pas appliqué à juste titre l’alinéa 113a) de la Loi.

[46]           Le pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 25 à l’égard des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire vise à offrir la marge de manœuvre nécessaire pour accueillir la demande dans des cas appropriés qui n’ont pas été prévus par le législateur. Il ne peut « permettre aux intéressés d’obtenir ce qu’ils souhaitent après avoir été déboutés, conformément au droit canadien, en exerçant tous les recours judiciaires qui s’offraient à eux ». Voir Mayburov, précitée, au paragraphe 39, Rizvi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 463, au paragraphe 17, et Gardner c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 895, au paragraphe 41. En outre, la Cour a constamment statué que le processus d’examen des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire n’a pas pour but d’éliminer tous les types de difficultés, mais de permettre au demandeur d’échapper à des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives ». Il s’agit d’un critère rigoureux auquel les demandeurs doivent satisfaire. Voir Ahmad, précitée, au paragraphe 49, Irimie, précitée, au paragraphe 26, et Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1292, au paragraphe 20.

[47]           La Cour ne devrait pas intervenir et modifier la décision rendue par l’agent si celle‑ci appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Voir Dunsmuir, précité, aux paragraphes 47, 53, 55 et 62, Khosa, précité, au paragraphe 89, Baker, précité, au paragraphe 62, et Ahmad, précitée, aux paragraphes 11 à 13. À mon avis, la décision de l’agent était raisonnable et reposait sur une appréciation minutieuse de la preuve factuelle dont il disposait. Cette décision appelle une grande retenue. L’agent n’a pas omis d’éléments de preuve substantiels et n’a pas tiré de conclusions abusives ou arbitraires. Voir Ahmad, précitée.

[48]           Comme le défendeur le fait remarquer, une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire exige une pondération de nombreux facteurs fondée sur les faits, et non une simple application de principes juridiques. Dans la mesure où l’agent tient compte des facteurs pertinents au regard des motifs d’ordre humanitaire, la Cour ne devrait pas modifier le poids qu’il a accordé à ces différents facteurs, même si elle les aurait appréciés différemment. Comme la Cour d’appel fédérale l’a dit dans Legault, précité, au paragraphe 11 :

La Cour suprême, dans Suresh, nous indique donc clairement que Baker n’a pas dérogé à la tradition qui veut que la pondération des facteurs pertinents demeure l’apanage du ministre ou de son délégué. Il est certain, avec Baker, que l’intérêt des enfants est un facteur que l’agent d’immigration doit examiner avec beaucoup d’attention. Il est tout aussi certain, avec Suresh, qu’il appartient à cet agent d’attribuer à ce facteur le poids approprié dans les circonstances de l’espèce. Ce n’est pas le rôle des tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par les agents.

 

 

[49]           Il est bien établi que le fardeau de preuve incombe à la personne qui présente une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Voir Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 94, aux paragraphes 11 et 12; Li, précitée, au paragraphe 21; Ariyaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 608, au paragraphe 37. À mon avis, la demanderesse n’a pas été en mesure de s’acquitter de ce fardeau en l’espèce.

[50]           La demanderesse affirme que l’agent a commis une erreur en rejetant les nouveaux éléments de preuve d’Ambassa et de Me Muki. Selon elle, l’agent a commis une erreur dans son interprétation de l’alinéa 113a) de la Loi, lorsqu’il a refusé de prendre en considération les convocations de la police obtenues par l’avocat de la demanderesse qui confirmaient qu’elle était recherchée par les autorités au Cameroun.

[51]           J’ai lu la décision et j’estime que l’agent a pris pleinement en considération ces nouveaux éléments de preuve et qu’il a donné des motifs complets expliquant pourquoi il les a rejetés. L’agent n’avait pas l’obligation d’accepter les éléments de preuve produits par la demanderesse et il était tenu d’en apprécier la crédibilité et de déterminer le poids à y accorder (voir Raza, précité). C’est exactement ce qui s’est passé en l’espèce. La demanderesse n’accepte tout simplement pas le résultat et veut que la Cour apprécie à nouveau la même preuve d’une manière qui lui serait favorable. Or, ce n’est pas le rôle de la Cour (voir Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 34, et Legault, précité, au paragraphe 11).

[52]           L’élément le plus fondamental invoqué par la demanderesse est le fait que l’agent n’a pas apprécié et pris en considération les véritables difficultés auxquelles elle serait exposée au Cameroun du fait qu’elle est une femme séropositive pour le VIH. À cet égard, la demanderesse s’appuie fortement sur les propos suivants tenus par la juge Mactavish dans Mings‑Edwards, précitée, aux paragraphes 3 à 9 :

Je suis d’avis que cette décision était déraisonnable du fait que l’agent n’a pas correctement apprécié les difficultés auxquelles Mme Mings-Edwards serait exposée en Jamaïque en tant que femme séropositive. La présente demande sera donc accueillie.

 

Analyse

 

Bien que les observations de Mme Mings-Edwards quant aux motifs d’ordre humanitaire aient été relativement brèves, elle a clairement caractérisé les préjugés et la discrimination auxquels elle serait exposée en Jamaïque, de par sa séropositivité, comme étant des facteurs de difficulté. Elle a aussi fait valoir qu’elle n’aurait aucune perspective d’emploi en Jamaïque, ni de soutien familial.

 

Mme Mings-Edwards a mis à la disposition de l’agent une quantité considérable de renseignements liés à la situation en Jamaïque, au sujet du traitement réservé aux personnes séropositives. Cette preuve démontrait, entre autres, que les personnes atteintes de VIH ou du sida étaient considérées comme une importante tare sociale et étaient exposées à une discrimination considérable en Jamaïque, et qu’aucune loi n’était en place pour les protéger de cette discrimination. Amnistie Internationale décrit cela comme étant une [traduction] « obligation pressante non satisfaite ».

 

La preuve documentaire démontrait aussi que les personnes séropositives, en Jamaïque, étaient souvent ostracisées par leurs familles. Elles risquent la perte de leur domicile ainsi que de leur emploi, et peuvent être traitées comme des [traduction] « laissées-pour-compte ».

 

Parce que le sida est souvent considéré comme une maladie d’homosexuel et de prostituée, les femmes atteintes du VIH sont particulièrement stigmatisées par la société jamaïquaine, perçues comme des femmes aux mœurs faciles ou comme des travailleuses du sexe. Cela peut les exposer à la violence et peut aussi influer négativement sur leurs chances d’avoir accès à des soins de santé ou à d’autres services.

 

L’agent a reconnu qu’aucune loi ne protégeait les personnes atteintes du VIH contre la discrimination et que des ONG défendant les droits de la personne avaient signalé que les personnes séropositives étaient gravement stigmatisées et exposées à la discrimination. L’agent en est néanmoins venu à la conclusion que la protection offerte par l’État, bien qu’imparfaite, était présente en Jamaïque, et, qu’au besoin, il ne serait pas difficile pour Mme Mings-Edwards de se prévaloir de cette protection.

 

L’agent a aussi souligné deux choses : que le médecin de Mme Mings-Edwards avait mentionné qu’elle menait une vie saine et active, indépendante sur le plan financier, et qu’elle avait accès à des médicaments et à des soins de santé réguliers; que Mme Mings‑Edwards n’avait pas démontré qu’elle serait incapable d’avoir accès à des soins de santé adéquats en Jamaïque.

 

[53]           La demanderesse soutient en outre que, même si l’agent reconnaît les difficultés auxquelles elle sera confrontée au Cameroun, il les minimise et n’en tient pas compte. De plus, il n’évalue pas les véritables difficultés qui l’attendent et qui ressortent des recherches qu’il a lui‑même effectuées et de la preuve de la demanderesse.

[54]           Le défendeur affirme que, compte tenu de l’insuffisance de la preuve relative à l’état de santé de la demanderesse et à sa situation particulière, la façon dont l’agent a traité cette question était raisonnable.

[55]           Le conseil de la demanderesse a écrit ce qui suit dans sa lettre du 4 mai 2009 :

[traduction] Elle suit actuellement un traitement aux Halton Health Services, à Oakville, avec le Dr Neil V. Ran, et elle prend des antirétroviraux. Elle est tout à fait plainte (sic) de la thérapie. Mme Ambassa paie ses médicaments elle‑même ou par l’entremise d’un régime privé d’assurance.

 

Depuis son départ du Cameroun, Mme Ambassa a déployé des efforts considérables pour s’assimiler à son nouvel environnement au Canada. Elle est une femme intelligente et ambitieuse qui ne rechigne pas au travail et qui a beaucoup de potentiel. Grâce au traitement, son infection à VIH est devenue une maladie chronique qui ne met cependant plus sa vie en danger.

 

Je suis très inquiet pour sa sécurité et sa santé si elle est forcée de retourner au Cameroun, son pays natal. Premièrement, il est presque certain qu’elle fera l’objet de persécution, à la fois à cause de son statut social et de ses croyances personnelles. Deuxièmement, il serait impossible pour elle d’avoir accès à un traitement adéquat contre le VIH, ce qui entraînera presque assurément une détérioration de son état de santé puis sa mort prématurée.

 

 

[56]           On ne sait pas avec certitude ce que le conseil entend par [traduction] « il est presque certain qu’elle fera l’objet de persécution, à la fois à cause de son statut social et de ses croyances personnelles ». Si le conseil fait ainsi référence à l’ancien mariage et à la relation homosexuelle de la demanderesse, l’agent explique de manière raisonnable pourquoi ceux‑ci n’ont pas été établis suivant la décision de la SPR.

[57]           Les prétentions semblent avoir trait principalement aux problèmes de santé dont souffre la demanderesse et à la possibilité d’obtenir un traitement contre le VIH au Cameroun. L’agent traite expressément de ces questions dans sa décision :

[traduction] Bien que les documents déposés par la demanderesse et la preuve objective consultée indiquent que les droits de la personne ne sont pas toujours respectés, que le code pénal criminalise les relations sexuelles entre personnes de même sexe et que les personnes ayant le VIH peuvent être victimes de discrimination au Cameroun, ces articles décrivent la situation générale existant dans ce pays et ne m’amènent pas à conclure que la demanderesse serait confrontée à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives si elle devait retourner au Cameroun.

 

Pour démontrer qu’elle n’aurait pas accès à un traitement médical adéquat si elle retournait au Cameroun, la demanderesse a produit un certificat médical daté du 16 mai 2007 et signé par le Dr Ibrahim. Ce certificat confirme que la demanderesse a besoin d’un traitement continu en raison de ses problèmes de santé. Il ne précise toutefois pas le type de traitement dont elle a besoin. Dans une lettre datée du 4 mai 2009, le représentant de la demanderesse déclare qu’il serait impossible pour elle de recevoir un traitement médical adéquat au Cameroun, sans cependant donner davantage d’explications à ce sujet. En avril 2010, le représentant de la demanderesse a transmis de nouveaux renseignements concernant la présente demande, par exemple le formulaire T4 de la demanderesse pour 2009 et un relevé bancaire. Il n’a toutefois pas donné de détails additionnels sur l’état de santé de la demanderesse ou sur le traitement qu’elle doit recevoir.

 

En ce qui concerne la situation des soins de santé au Cameroun, on peut lire sur le site Web du projet Retour et réintégration dans les pays d’origine (IRRICO) de l’Organisation internationale pour les migrations :

 

Les programmes de lutte contre les pandémies de malaria et du VIH/sida ont amélioré l’accès aux médicaments pour la plus grande partie de la population. La stratégie repose sur l’utilisation de médicaments génériques afin de stimuler la concurrence sur le marché pharmaceutique […]

 

Entre 2009 et 2010, le gouvernement entend ouvrir plus de centres de santé afin de fournir à la population des services de santé de base de plus grande proximité. La malaria est la maladie qui fait le plus de morts au Cameroun. La prévalence du sida suscite cependant de nouvelles inquiétudes. Douze pour cent des personnes âgées de 15 à 49 ans sont atteintes du VIH.

 

Pour en savoir davantage sur les traitements offerts au Cameroun, j’ai consulté la « Epidemiological Fact Sheet on HIV and AIDS, core data on epidemiology and response, Cameroon », publiée en 2008 par l’Organisation mondiale de la santé. Cette publication indique que, en 2007, la thérapie antirétrovirale destinée aux personnes atteintes du VIH pouvait être obtenue dans 109 points de service au Cameroun. Le même rapport signale que de 46 000 à 48 000 personnes ont suivi cette thérapie au Cameroun en 2007.

 

Dans son « Country of Origin Information Report CAMEROON », publié en 2008, l’agence responsable des frontières et de l’immigration au Royaume-Uni écrit :

 

Un représentant de l’OMS a indiqué que tous les hôpitaux nationaux et certains hôpitaux provinciaux offraient des soins spécialisés dans la plupart des domaines médicaux, notamment le cancer, le VIH/sida, la tuberculose, les maladies cardiovasculaires et les maladies des yeux, des oreilles, du nez et de la gorge. Les médicaments essentiels sont généralement disponibles dans la plupart des établissements publics de santé et dans les organisations sans but lucratif administrées par l’église.

 

Bien que je sois sensible à l’état de santé de la demanderesse, je constate qu’elle n’a produit aucun document décrivant le traitement qu’elle reçoit ici au Canada et qu’elle n’a pas démontré pourquoi elle ne pourrait pas continuer à suivre ce traitement au Cameroun. Elle n’a pas précisé le type de médicaments qu’elle doit prendre ou à quelle fréquence elle doit voir un médecin. J’estime qu’elle n’a pas démontré que son état de santé justifie l’application d’une mesure exceptionnelle en l’obligeant à présenter une demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada.

 

 

[58]           Le principal problème en l’espèce venait du fait que la demanderesse n’avait pas produit suffisamment de renseignements médicaux et d’autres renseignements personnels pour démontrer ce à quoi elle serait confrontée au Cameroun en ce qui concerne ses besoins médicaux. Compte tenu de la preuve et des prétentions qui ont été présentées à l’agent, je ne peux pas dire que la conclusion de celui‑ci était déraisonnable ou qu’il n’a pas tenu compte de la situation de la demanderesse. L’agent ne disposait tout simplement pas d’une preuve suffisante pour conclure que la demanderesse était confrontée à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Je conviens que l’agent aurait peut‑être pu tirer une conclusion favorable, mais je ne peux pas dire que la conclusion défavorable à laquelle il est parvenu était déraisonnable. La preuve et les observations faites par l’agent en l’espèce n’établissent pas, à mon avis, ce que la juge Mactavish a estimé que la demanderesse avait établi dans Mings‑Edwards, précitée. La raisonnabilité de la décision de l’agent en l’espèce ne peut être évaluée qu’à la lumière de la preuve dont disposait ce dernier et des observations du conseil concernant le fondement de la demande de dispense d’ordre humanitaire de la demanderesse. Il était loisible à l’agent de conclure, sur la foi de l’information dont il disposait, que la demanderesse n’avait pas produit une preuve suffisante de sa maladie, du traitement dont elle avait besoin ou de la possibilité ou de l’impossibilité d’obtenir ce traitement au Cameroun pour obtenir une décision favorable. Elle ne s’est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait.

[59]           La juge Mactavish a dit au paragraphe 14 de Mings-Edwards :

Le problème le plus fondamental que soulève la décision vient du fait que, lors de son analyse, l’agent ne s’est jamais vraiment attaqué aux difficultés auxquelles Mme Mings‑Edwards serait exposée en retournant dans une société où elle serait stigmatisée et où elle serait la cible d’une discrimination omniprésente, du fait qu’elle est une femme séropositive, et il n’a pas non plus apprécié ces difficultés.

 

 

[60]           Le problème dans Mings-Edwards résidait dans le fait que l’agent n’avait pas apprécié la situation à laquelle la demanderesse serait confrontée à son retour en Jamaïque. Il avait limité son analyse à deux volets : la protection de l’État et l’accès à des soins médicaux. Ce qui était important au regard de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et que l’agent avait omis d’évaluer dans cette affaire, c’est les aspects plus sociaux des difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée en raison de sa séropositivité pour le VIH. En particulier, l’agent n’avait pas analysé la séparation de la demanderesse de sa famille et ses perspectives d’emploi limitées, deux facteurs qui étaient liés à sa séropositivité. Je ne pense pas que l’agent a commis la même erreur en l’espèce; il a examiné les perspectives d’emploi de la demanderesse, la possibilité d’obtenir des soins médicaux, ses liens familiaux, son homosexualité et le régime juridique en place au Cameroun. Dans le contexte où les faits ne sont pas clairs, l’agent a tiré une conclusion raisonnable de la preuve qui lui avait été présentée.

[61]           À mon avis, le lien évident qui existait entre la séropositivité pour le VIH de la demanderesse et les difficultés identifiables et précises auxquelles elle serait exposée en Jamaïque a été un élément important dans le raisonnement de la juge Mactavish. Mme Mings‑Edwards avait produit une preuve démontrant :

-         qu’elle était ostracisée par sa famille parce qu’elle était séropositive pour le VIH et que sa tante l’avait mise à la porte pour cette raison;

-         que le VIH/sida était considéré comme une maladie d’hommes gais et de prostituées;

-         que les femmes séropositives pour le VIH étaient considérées comme des personnes ayant de nombreux partenaires ou comme des travailleuses du sexe, de sorte qu’elles étaient exposées à la violence;

-         qu’elle avait travaillé en Jamaïque avant de contracter le VIH, mais qu’elle était devenue inemployable après avoir été infectée.

Mme Mings‑Edwards avait été en mesure de faire une description très claire des difficultés auxquelles elle serait confrontée en Jamaïque, mais l’agent chargé d’examiner sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’avait pas pleinement examiné cette description.

[62]           En l’espèce, la situation sur laquelle l’agent devait se prononcer était beaucoup moins claire. La demanderesse avait produit une preuve de la discrimination en matière d’emploi dont sont victimes les personnes séropositives pour le VIH au Cameroun, mais elle n’a pas pu établir le même lien évident que Mme Mings‑Edwards. Elle n’a pas démontré qu’il est bien connu au Cameroun qu’elle est séropositive pour le VIH ou qu’elle devra révéler son état à un employeur éventuel. Elle n’a pas pu démontrer non plus quel traitement elle suivait au Canada auquel elle n’aurait pas accès au Cameroun.

[63]           Dans Mings-Edwards, il ne faisait aucun doute que la demanderesse avait été ostracisée par sa famille à cause de son état. En l’espèce, il n’y avait aucun lien entre la séropositivité pour le VIH de la demanderesse et ses problèmes avec sa famille; elle avait eu des difficultés non pas à cause de sa séropositivité, mais à cause de sa relation homosexuelle. Le frère de la demanderesse a déposé un affidavit qui pourrait démontrer qu’il l’appuie et qu’il sera en mesure de l’aider au Cameroun. Il ne savait peut‑être pas que sa sœur était séropositive pour le VIH, mais son affidavit indique qu’il était au courant de la relation homosexuelle de celle‑ci et qu’il était prêt à l’aider de toute façon. La demanderesse n’a pas démontré que son frère l’a rejetée parce qu’elle est séropositive pour le VIH. L’agent a mis en balance le soutien du frère avec le fait que la demanderesse n’a pas de famille au Canada, et il a conclu qu’elle obtiendrait un plus grand soutien de la part de sa famille au Cameroun que le soutien dont elle jouit au Canada.

[64]           L’un dans l’autre, je pense que l’agent en l’espèce a apprécié la situation dans laquelle la demanderesse s’était trouvée au Cameroun. Il a examiné tous les éléments de preuve dont il disposait et il a conclu que la demanderesse serait peut‑être exposée à des difficultés, mais pas aux difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives qui peuvent entraîner une dispense d’ordre humanitaire.

[65]           Je conviens également avec le défendeur que l’agent pouvait, dans son appréciation du degré d’établissement de la demanderesse au Canada, tenir compte du fait qu’elle n’a pas de famille ici; l’existence de liens avec le Canada – notamment la présence de membres de la famille – peut indiquer le degré d’établissement. Le fait que la demanderesse s’est bâti une vie ici et prétend qu’elle sera exposée à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives si elle doit quitter le Canada et retourner au Cameroun a été pris en compte de manière appropriée et n’a pas été jugé suffisant pour justifier une dispense d’ordre humanitaire. Il s’agit d’une question d’appréciation de la preuve; la Cour ne devrait pas intervenir.

[66]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier en l’espèce et la Cour partage leur avis.
JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-3986-11

 

INTITULÉ :                                                   JOAHANA AWAH AMBASSA c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 19 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 6 février 2012

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Dariusz Wroblewski                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

 

Alexis Singer                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Cabinet d’avocat Wroblewski                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Guelph (Ontario)

 

Myles J. Kirvan, c.r.                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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