Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

 Date: 20120220

Dossier : IMM-3683-11

Référence : 2012 CF 227

Ottawa (Ontario), le 20 février 2012

En présence de monsieur le juge Scott 

 

ENTRE :

 

JUAN CARLOS GORDILLO MUNOZ

GLORIA ELIANA EID ORTIZ

DANIELA GORDILLO EID

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de révision judiciaire présentée aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], qui vise la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], rendue le 11 mai 2011, voulant que M. Juan Carlos Gordillo Munoz (M. Munoz), son épouse Mme Gloria Eliana Eid Ortiz (Mme Ortiz) et leur enfant mineur Daniela Gordillo Eid (D. Eid) (les demandeurs), ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent, la demande de révision judiciaire est accueillie.

 

II.        Faits

 

[3]               M. Munoz est citoyen de la Colombie et son épouse, citoyenne de la Bolivie. Leur fille D. Eid est citoyenne des États-Unis d’Amérique.

 

[4]               M. Munoz allègue craindre les Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC] en raison de problèmes survenus en 1991. Entre 1993 et 2005, il se réfugie aux États-Unis, avant de rentrer en Colombie avec son épouse et leur fille.

 

[5]               Entre le 4 et le 6 avril 2006, M. Munoz est détenu par des membres des FARC qui veulent lui soutirer des informations sur certains politiciens et entrepreneurs vu son emploi dans une compagnie qui organise des évènements publics.

 

[6]               En 2006, les demandeurs se réfugient à Santa Cruz, en Bolivie, où réside la famille de Mme Ortiz.

 

[7]               Mme Ortiz allègue craindre le parti bolivien Movimiento al Socialismo [MAS] en raison de sa participation à un mouvement pour la défense des droits des femmes et de son travail à la mairie de Cobija. Elle prétend avoir été attaquée par le MAS, en janvier 2008 ainsi qu’en septembre 2008.

 

[8]               Les demandeurs fuient ensuite la Bolivie pour se rendre au Brésil, puis transitent par le Guatemala, le Mexique ainsi que les États-Unis avant d’arriver au Canada le 1er décembre 2008.

 

[9]               Leur demande d’asile date du 2 décembre 2008.

 

[10]           Le tribunal a rejeté cette demande d’asile en raison de l’absence de crédibilité du récit des demandeurs.

 

[11]           Le tribunal conclut que les demandeurs n’ont pas repoussé la présomption selon laquelle il existe une protection de l’État en Colombie et qu’ils disposaient d’une possibilité de refuge interne [PRI] à Cartagena en Colombie.

 

III.       Législation

 

[12]           Les articles 96 et 97 de la LIPR se lisent comme suit :

 

Définition de « réfugié »

Convention refugee

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

() is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

() not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

 

IV.       Les questions en litige et la norme de contrôle

 

A.        Les questions en litige

 

1.         La conduite de la Commissaire à l’audience soulève-t-elle une crainte raisonnable de partialité?

2          La CISR a-t-elle commis une erreur en concluant que le récit des demandeurs n’est pas crédible?

3.         La CISR a-t-elle commis une erreur dans son analyse sur  la protection de l’État? et

4.         La CISR a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en identifiant une possibilité de refuge interne [PRI] à Cartagena en Colombie?

 

B.                 Norme de contrôle

 

[13]           Les demandeurs soulèvent en premier une question d’équité procédurale qui « appelle la décision correcte comme norme de contrôle » (voir la décision Ghirmatsion c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519 au para 51).

 

[14]           Les questions de crédibilité nécessitent habituellement de trancher des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit. Elles s’apprécient selon le critère de la raisonnabilité (voir la décision Cepeda-Gutierrez c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 FTR 35 au para 14).

 

[15]           De plus, « les conclusions qui touchent l'existence ou non d'une PRI appellent la retenue de la Cour parce qu'elles concernent non seulement l'évaluation des circonstances propres au demandeur […] mais également une compréhension intime de la situation qui règne dans le pays concerné » (voir la décision Lebedeva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1165 au para 32).

 

[16]           Dans Mejia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 354 au para 26,  on précise que la norme de contrôle  applicable à l’existence d’une PRI est la raisonnabilité de la décision.

 

V.        Positions des parties

 

A.                 Position des demandeurs

 

[17]           Les demandeurs invoquent la crainte raisonnable de partialité et soulignent que même s’ils ne l’ont pas invoqué à la première occasion, « il ne faut pas conclure à la légère à une renonciation des droits des demandeurs » (voir la décision Khakh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 548 au para 31).

 

[18]           Les demandeurs allèguent que la décision de la CISR modifie les réponses fournies par le demandeur d’une façon partiale.

 

[19]           Les demandeurs soutiennent que la commissaire n’était pas attentive lors de l’audience. Ils allèguent avoir livré un témoignage cohérent et parfaitement crédible.

 

[20]           Les demandeurs tiennent à rappeler que lorsqu’un demandeur jure que certains faits sont vrais, une présomption est créée, à moins qu’il n’existe une raison valable de douter de leur véracité (voir la décision Maldonado c Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CA)). Le tribunal ne doit pas s’attarder aux détails ni rechercher des éléments de preuve afin de nuire à la crédibilité des demandeurs (Djama c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF No 531).

 

[21]           En l’espèce, les demandeurs maintiennent que la CISR n’a aucune raison de douter de la véracité de leur récit. Les demandeurs allèguent aussi que la CISR doit appuyer ses conclusions sur leur manque de crédibilité à partir d’éléments tangibles.

 

[22]           En réponse au reproche de la CISR sur l’absence de preuve documentaire, les demandeurs soutiennent qu’on ne peut rejeter le récit des demandeurs simplement parce qu’il n’ont pas présenté d’éléments de preuve corroborant leur témoignage (Ovakimoglu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1983] ACF no 937 ; Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] FCJ no 444 ; et Ahortor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 705).

 

[23]           Les demandeurs allèguent que si la CISR voulait plus d’information au sujet du départ de M. Munoz en 1991, elle aurait dû en faire la demande à l’audience.

 

[24]           La CISR conclut que les demandeurs ont une PRI en Colombie. Les demandeurs soutiennent que les critères jurisprudentiels sur l’existence d’une PRI ne sont pas satisfaits en l’instance. La CISR erre en interprétant les réponses des demandeurs et en ignorant certains  éléments de preuve documentaire déposés au dossier qui établissent clairement que leurs persécuteurs peuvent les retrouver et les poursuivre partout en sol colombien.

 

[25]           Les demandeurs soutiennent également que la CISR interprète erronément leur réponse ainsi que les éléments de preuve qu’ils ont versés au dossier concernant la protection de l’État offerte par la Colombie.

 

B.                 Position du défendeur

 

(1)        Remarques préliminaires

 

[26]           Dans son mémoire, le défendeur s’oppose à certains extraits de l’affidavit de M. Munoz du  du 13 juin 2011 (voir les pages 24 à 33 du dossier des demandeurs) car il contient des arguments de droit contrairement à la règle 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, « les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant  a une connaissance personnelle […] ».

 

[27]           Le défendeur conteste également la présence de la pièce B annexée à l’affidavit du demandeur, intitulée Transcripts of Me Maria Elena Munoz C.’s letter (voir la page 42 du dossier des demandeurs), au motif que les demandeurs n’ont pas joint un affidavit confirmant l’exactitude de la traduction de la lettre déposée au cours de l’audience.

 

(2)        Position sur le fond

 

[28]           Le défendeur rappelle tout d’abord la règle voulant que les manquements au principe d’équité procédurale doivent être soulevés à la première occasion et que le défaut de ce faire constitue une renonciation implicite au droit d’invoquer ce motif pour attaquer une décision (voir les décisions Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada limitée, [1986] 1 CF 103 (CAF) à la page 113 ; Wijekoon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 758, [2002] ACF no 1022 (QL) aux paras 29 à 31 ; et Kostyshyn v West Region Tribal Council, [1992] FCJ No 731, 55 FTR 28).

 

[29]           Le défendeur soutient conséquemment que les demandeurs sont forclos d’invoquer la crainte raisonnable de partialité.

 

[30]           Le défendeur rappelle également que le critère pour déterminer si on est en présence d’une crainte raisonnable de partialité est bien connu. Il consiste à se demander si une personne bien renseignée, qui se penche sur la question de façon réaliste et pratique, et ayant bien réfléchi, en arriverait à la conclusion qu’il est probable que l’auteur de la décision n’a pas tranché la question de façon équitable (voir l’arrêt Committee for Justice and Liberty c Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369). Une allégation de partialité doit être étayée par des éléments de preuve concrets et ne peut se fonder sur de simples soupçons (voir l’arrêt Arthur c Canada (procureur général), 2001 CAF 223).

 

[31]           Selon le défendeur, les allégations des demandeurs doivent être rejetées puisqu’aucun extrait de la transcription de l’audience n’est cité à l’appui de leur position.

 

[32]           Le défendeur soutient aussi que la conclusion de la Commission portant sur la crédibilité des demandeurs est raisonnable puisqu’elle repose sur l’absence d’éléments de preuve pour corroborer la véracité de leur récit. Selon le défendeur, la jurisprudence de cette Cour est claire : il appartient au demandeur d’asile d’établir de façon crédible tous les éléments essentiels de son récit (voir les décisions Ramirez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 442 au para 15 ; et El Jarjouhi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 466).

 

[33]           Aux termes de l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, la CISR peut raisonnablement s’attendre à ce que les demandeurs produisent des éléments de preuve pour appuyer leur récit.

 

[34]           Le défendeur allègue que le comportement des demandeurs est incompatible avec celui de personnes qui allèguent craindre pour leur vie (Rahman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 729). Le retour d’un demandeur d’asile dans son pays d’origine affecte le bien-fondé de sa demande et démontre qu’il n’a pas de crainte subjective de persécution.

 

[35]           Le défendeur maintient par ailleurs que la CISR a valablement conclu que les demandeurs n’ont pas écarté la présomption de la protection de l’État en Colombie. Le fait de quitter son pays d’origine, après le dépôt d’une seule plainte, ne démontre pas l’absence de protection de l’État (voir la décision Vergera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 350). Le défendeur soutient que l’asile constitue une forme de protection auxiliaire. Un demandeur d’asile doit épuiser tous les recours disponibles dans son pays d’origine (voir l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 à la page 709 ; et Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [2008] ACF no 399).

 

[36]           En l’espèce, les demandeurs font défaut de ce faire avant de quitter la Colombie, selon le défendeur.

 

[37]           Enfin le défendeur conclut que la CISR ne commet pas d’erreur en déterminant qu’il existe une PRI à Cartagena pour les demandeurs.

 

VI.       Analyse

 

A.        Remarques préliminaires

 

[38]           Le défendeur soutient que l’affidavit du demandeur n’est pas conforme aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Les termes de la règle 81(1) sont clairs « les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle ». La Cour ne peut prendre en compte les arguments de droit qui se retrouvent dans l’affidavit de M. Munoz (voir la décision Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 FCT 375 aux paras 12 et 13).

 

[39]           Quant à l’exclusion de la pièce B jointe à l’affidavit de M. Munoz, la Commission a accepté la lecture de la pièce à l’audience. Son contenu fait donc partie du dossier de la Cour.

 

B.        Position sur le fond

 

1.         La conduite de la Commissaire à l’audience soulève-t-elle une crainte raisonnable de partialité?

 

[40]           Une crainte raisonnable de partialité « met en cause non seulement l'intégrité personnelle du juge, mais aussi l'intégrité de l'administration de la justice toute entière. En d'autres mots, comme a conclu le juge Cory au par. 112, il "faut établir une réelle probabilité de partialité car un simple soupçon est insuffisant" » (R. c Teskey, 2007 CSC 25, [2007] ACS no 25 au para 32).

 

[41]           Lorsqu’un demandeur allègue une crainte raisonnable de partialité, « … il convient de répéter que la norme exige une crainte de partialité fondée sur des motifs sérieux, vu la forte présomption d’impartialité dont jouissent les tribunaux » (Bande indienne Wewaykum, [2003] 2 RCS 259 au para 76).

 

[42]           En l’instance, les demandeurs soulèvent le comportement de la Commissaire. La Cour, après une lecture attentive de la transcription de l’audience, constate que la Commissaire questionne les demandeurs de façon plutôt erratique et peu structurée et va même à attribuer dans sa décision une réaction à l’avocat des demandeurs qui n’a rien à voir avec la réalité. Cela peut suffire pour conclure à la partialité de la Commissaire. Un décideur ne peut inventer des faits pour soutenir ses conclusions. En l’instance, la Commissaire prétend que l’avocat des demandeurs est surpris. Elle écrit,  au paragraphe 18 de sa décision : « The letter was only in Spanish and had no translation. Counsel for the claimants had no awareness of the letter and was as surprised as the Tribunal ».

 

[43]           Pourtant l’avocat des demandeurs, Me Pluviose, rappelle en plaidoirie qu’il était au courant de l’existence du document : « Now with respect to the confusion that seems to have appeared around the document that was prepared by the aunt of the main claimant I would submit to you there was no confusion at all. The claimant said that he did not have a letter because today he showed me the document outside of the building and I asked the claimant did he have the original of said document. He did not have the original so I told him in your testimony you’ll be able to talk about it but they’re going to ask you for an original, you have to submit an original. But there was no confusion because for him this is an email, it’s not a letter. So he printed out the email and it’s preposterous to think that he wanted to hide that document, he was going to speak about that document but he wanted to give it the proper name. He said because my aunt, talking about my aunt the attorney Maître Munoz, she was not able to send it in time, she sent an email, through email. So it wasn’t a letter, it was an email » (voir dossier du tribunal, page 404, premier et deuxième paragraphes). On ne peut tolérer qu’un décideur invente des faits pour soutenir ses conclusions.

 

[44]           La Commissaire souligne à Mme Munoz, vers la fin de l’audience, qu’elle croit que c’est la demanderesse qui a indiqué ce que sa mère devait écrire dans son affidavit :

Q :       And, madam, your parents still live in Santa Cruz, have they been bothered or intimidated by people looking for you?

 

A :       My mother says that there are people that are calling but they’re actually, they’re not saying anything and then they hang up the phone. My mother doesn’t want to have anything, any relation with my problems and she says that those people don’t identify themselves so it can be anybody.

 

BY THE PRESIDING MEMBER (to the female person concerned)

 

Q.                How come she didn’t put that in her declaration at Exhibit C-8?

 

A :       Because she cannot identify them because when they call they don’t identify themselves, she doesn’t know who they are.

 

Q :       But she doesn’t even mention that she’s getting any calls? And what she does put in her documentation is all that you’ve already told us, that she’s just confirming what you told her.

 

BY THE INTERPRETER

 

-                     Who is confirming what, sorry?

 

BY THE PRESIDING MEMBER (to the female person concerned)

 

Q :        What you told her. Okay, what about your three brothers.

 

BY THE COUNSEL (to the Presiding Member)

 

Q :        No, I’m sorry, she wants to address what she just said.

 

A :        Okay.

 

Q :        I thing she has a right to be heard.

 

A :        Absolutely.

 

Q :        So let her, give her a chance to speak her mind.

 

A :        Sure.

 

BY THE FEMALE PERSON CONCERNED

 

-                     The letter from my mother is not what I told her. She lived it, she was present, she saw the fact that I was hurt, she took me to the hospital. It’s a declaration about the fact that she was present, she saw what I had on my body, the fact that I had some hematoma and other ---

 

BY THE COUNSEL (to the interpreter)

 

Q :        Bruises?

 

A :        Bruises.

 

BY THE PRESIDING MEMBER (to the female person concerned)

 

Q :        Okay, that’s in there too.

 

A :        You are telling me that I told her what to say ---

 

Q :       No, that’s not what I said. I’m just saying that she is recanting what you told her.

 

BY THE COUNSEL (to the Presiding Member)

 

Q :       No, but she just told you that she wrote what she lived through, what she knows, what she witnessed, that’s what it is, a sworn statement.

 

BY THE PRESIDING MEMBER (to the female person concerned)

 

Q :       It says in September Kobiha was taking my daughter and her family were assaulted, she wasn’t present was she?

 

[45]           Ce commentaire de la Commissaire peut perturber le témoignage d’un demandeur, comme le soulignait le Juge Martineau dans l’affaire Hernandez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 179. Il écrit, au paragraphe 54 de cette décision, « le langage utilisé par le commissaire à l'audition est un gage que la justice est rendue et qu'elle apparaît l'être. Le commissaire doit en tout temps être attentif et sensible aux demandeurs, ce qui n'est pas apparent dans l'espèce. Que la parole de chaque commissaire soit impeccable et respectueuse des personnes qui comparaissent devant le tribunal, c'est le prix à payer pour que les cours en révision judiciaire accordent la latitude revendiquée au nom du tribunal pour évaluer la crédibilité de chaque demandeur d'asile ».

 

[46]           En l’instance, la Cour conclut que le comportement de la Commissaire soulève une crainte raisonnable de partialité. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire que la Cour se penche sur les autres motifs de révision allégués par les demandeurs. La décision doit être revue devant un autre Commissaire.

 

VII.     Conclusion

 

[47]           La Cour conclut que le comportement du Commissaire soulève une crainte raisonnable de partialité en l’instance. Par conséquent, Cette demande de révision judiciaire est accueillie et la décision doit être revue devant un autre Commissaire de la CISR.

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.                  La demande de révision judiciaire est accueillie; et

2.                  Il n’y a pas de question d’intérêt général à certifier.

 

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3683-11

 

INTITULÉ :                                      JUAN CARLOS GORDILLO MUNOZ

                                                           GLORIA ELIANA EID ORTIZ

                                                           DANIELA GORDILLO EID

                                                           c

                                                           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                           ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               11 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      20 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphanie Valois

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Me My Dung Tran

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Stéphanie Valois, avocate

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.