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Date : 20120210

Dossier : IMM‑2177‑11

Référence : 2012 CF 194

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 février 2012

En présence de monsieur le juge Boivin

 

 

ENTRE :

 

KEISHA PAUL

KALANJI PAUL

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), concerne une décision datée du 24 février 2001 par laquelle un agent d’examen des risques avant renvoi de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent) a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire que les demandeurs avaient présentée en vertu de l’article 25 de la Loi.

 

Contexte factuel

[2]               Keisha Moleica Paul (la demanderesse principale) et son fils Kalanji Atonio Paul, âgé de onze ans, sont des citoyens de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines (Saint‑Vincent) (les demandeurs). La demanderesse principale a un autre enfant, une fillette âgée de quatre ans qui se nomme Kaleisha Agobre‑Paul, qui est née au Canada.

 

[3]               Le 11 juin 2002, la demanderesse principale est arrivée au Canada, après avoir quitté Saint‑Vincent pour fuir son ex‑copain, Desbert Scott, qui est le père de son fils. Kalanji est demeuré à Saint‑Vincent avec la tante de la demanderesse principale. Quatre ans plus tard, plus précisément le 20 juin 2006, Kalanji est arrivé au Canada. Le 27 juin 2006, les demandeurs ont revendiqué le statut de réfugié en invoquant la crainte d’être persécutés par Desbert Scott. Leur demande a été refusée le 10 octobre 2008, et l’autorisation de contrôle judiciaire n’a pas été accordée.

 

[4]               La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté leur demande d’asile parce qu’elle a estimé que la protection de l’État était disponible et que leur crainte de persécution n’était pas raisonnable. La Commission ne doutait pas que la demanderesse principale avait été victime de violence, mais elle a conclu : (i) qu’elle n’avait pas demandé la protection de l’État alors que cette protection était offerte; (ii) qu’elle n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour que Kalanji quitte Saint‑Vincent dès que possible; (iii) qu’elle avait attendu quatre ans avant de demander le statut de réfugié.

 

[5]               Le 14 septembre 2009, les demandeurs ont demandé qu’il soit procédé à un examen des risques avant renvoi, demande qui a été refusée le 16 mars 2010. Le 11 août 2009, les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Leur demande a été refusée en mars 2010. Par ailleurs, le 7 février 2011, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire de cette décision et renvoyé l’affaire pour nouvel examen, parce que l’agent d’immigration n’avait pas appliqué le critère juridique approprié à l’égard des motifs d’ordre humanitaire.

 

[6]               Le 24 février 2011, il a été procédé à un nouvel examen de leur demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire mais celle‑ci a été rejetée. Les demandeurs prient maintenant la Cour de procéder au contrôle judiciaire de cette décision. Le 1er avril 2011, la Cour a ordonné qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure de renvoi visant les demandeurs.

 

Décision à l’examen

[7]               Dans la décision, l’agent a évalué le risque allégué auquel les demandeurs seraient exposés s’ils étaient renvoyés à Saint‑Vincent, plus particulièrement la crainte de la demanderesse principale de subir des mauvais traitements de la part de Desbert Scott. L’agent a souligné qu’il s’était écoulé huit ans depuis que la demanderesse principale avait quitté Saint‑Vincent et que rien n’indiquait qu’elle avait communiqué avec M. Scott depuis qu’elle était arrivée au Canada. De plus, la demanderesse principale avait laissé Kalanji à Saint‑Vincent avec sa tante pendant quatre ans et M. Scott n’a jamais essayé de faire du mal à son fils ni de harceler la famille de la demanderesse principale. Par conséquent, l’agent a conclu que la demanderesse principale n’avait pas démontré que M. Scott la rechercherait toujours ni qu’il voudrait lui faire du mal.

 

[8]               L’agent a ensuite examiné la preuve documentaire sur laquelle s’appuyaient les demandeurs. Il a noté cependant que ces sources décrivaient la situation qui règne de manière générale à Saint‑Vincent et la condition féminine générale dans ce pays. Autrement dit, la preuve documentaire ne portait pas précisément sur la situation de la demanderesse principale. De plus, malgré la situation difficile des femmes à Saint‑Vincent, l’agent a relevé l’existence de services créés pour venir en aide aux femmes victimes de violence. Par ailleurs, la demanderesse principale n’a pas établi qu’elle ne serait pas en mesure de recourir à ces services, offerts par l’État, si elle en avait besoin à son retour. Par conséquent, l’agente a conclu que, malgré la violence contre les femmes à Saint‑Vincent, la demanderesse principale n’avait pas prouvé qu’elle devrait faire face à un risque réel à son retour et que la protection offerte par l’État ne serait pas efficace, parce qu’elle n’avait pas établi l’existence de difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives.

 

[9]               L’agent a ensuite examiné les liens que les demandeurs entretiennent au Canada, notamment les convictions religieuses de la demanderesse principale, sa situation financière et son emploi actuel. L’agent a cependant souligné que, pendant quatre ans, la demanderesse principale, faute de statut au pays, a travaillé sans payer d’impôt, contrairement aux lois du Canada. Qui plus est, la demanderesse principale a choisi de rester au Canada sans avoir de statut juridique.

 

[10]           En dernier lieu, l’agent a évalué l’intérêt supérieur des deux enfants touchés, Kalanji et Kaleisha.

 

[11]           Kalanji est arrivé au Canada à l’âge de cinq ans et il est allé à l’école ici. L’agent a néanmoins conclu que rien ne l’empêchait de poursuivre ses études à Saint‑Vincent, où il a habité la première moitié de sa vie, étant donné qu’il connaît la langue et la culture. L’agent a également fait remarquer que la tante de la demanderesse principale, qui l’a élevé, habite toujours à Saint‑Vincent et que sa jeune sœur est la seule famille qu’il a au Canada. L’agent a donc conclu que les demandeurs n’avaient pas prouvé que leur renvoi à Saint‑Vincent aurait de graves répercussions sur l’intérêt supérieur de Kalanji, bien qu’il aurait à s’adapter.

 

[12]           L’autre enfant de la demanderesse principale, Kaleisha, est citoyenne canadienne. Son père, M. Justin Agobre, est également citoyen canadien. Les parents de Kaleisha sont séparés, la demanderesse principale ayant obtenu la garde en vertu d’une entente à cet effet. M. Agobre a des droits de visite et il paie diverses choses, notamment les frais de garderie. L’agent a examiné la preuve soumise pour établir l’existence d’un lien étroit entre M. Agobre et sa fille, notamment une lettre et des photos non datées. L’agent n’a toutefois pas jugé que cette preuve établissait qu’une relation continue existait entre Kaleisha et son père, que ceux‑ci ne seraient pas en mesure d’entretenir leur relation, ou que M. Agobre ne serait plus en mesure de continuer de subvenir à ses besoins si elle devait partir avec sa mère à Saint‑Vincent. Pour ces motifs, et compte tenu de la preuve et de l’âge des enfants, l’agent a conclu que les répercussions sur leur intérêt supérieur n’étaient pas importantes au point de justifier la mesure spéciale que les demandeurs cherchent à obtenir au moyen d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Par voie de conséquence, leur demande a été rejetée, les demandeurs n’ayant pas réussi à établir qu’ils devraient faire face à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils étaient contraints de retourner à Saint‑Vincent.

 

Questions en litige

[13]           Les questions soulevées par la présente demande s’énoncent comme suit :

1.      L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants touchés?

 

2.      L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne favorisant pas le droit des demandeurs à la protection de la vie familiale, au mépris des obligations du Canada en droit international?

3.      L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en ne faisant pas état des directives de la Commission concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (« Directives no 4 – Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe » (1996), [les directives])?

 

4.      L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en ne suivant pas la jurisprudence décrivant la condition sociale des femmes maltraitées à Saint‑Vincent et faisant état de l’insuffisance de la protection offerte par l’État?

 

Dispositions législatives applicables

[14]           Les dispositions suivantes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés s’appliquent dans la présente affaire :

OBJET DE LA LOI

 

 

Objet en matière d’immigration

 

3. (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

 

[…]

 

d) de veiller à la réunification des familles au Canada;

 

[…]

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

 

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

 

 

 

[…]

OBJECTIVES AND APPLICATION

 

Objectives – immigration

 

 

3. (1) The objectives of this Act with respect to immigration are

 

 

(d) to see that families are reunited in Canada;

 

 

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

 

25. (1) The Minister must, on request of a foreign national in Canada who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 

Norme de contrôle applicable

[15]           La norme de contrôle applicable à la décision d’un agent fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est celle de la raisonnabilité (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 75, [1999] ACS no 39 [Baker]; Arulraj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 529, au paragraphe 9, [2006] ACF no 672 [Arulraj]; Toney c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CF 904, au paragraphe 66, [2009] ACF no 1128). Il appartient à l’agent de soupeser les divers facteurs soulevés dans la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire; la Cour ne peut soupeser à nouveau ces facteurs (Arulraj, ci‑dessus, aux paragraphes 9 et 10, faisant référence à Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, aux paragraphes 37 et 38, (2002) 208 DLR (4th) 1; Serda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, au paragraphe 12, [2006] ACF no 425 [Serda]). La Cour doit en fait déterminer si la décision de l’agent est justifiée, transparente et intelligible et si elle appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190, [Dunsmuir]).

 

1.   L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants touchés?

 

[16]           Les demandeurs allèguent que l’agent a commis une erreur dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants, en tirant des conclusions sans tenir compte de la preuve dont il disposait, contrairement aux obligations énoncées dans Baker, ci‑dessus. Les demandeurs affirment que l’agent n’a pas examiné la preuve documentaire décrivant la situation de pauvreté à laquelle les demandeurs devraient faire face à Saint‑Vincent, comparativement aux ressources abondantes dont ils peuvent bénéficier au Canada. De plus, ils soutiennent que l’agent a fait abstraction de la preuve concernant la relation que Kaleisha entretient avec son père canadien, omettant ainsi de tenir compte du fait que ses seuls liens familiaux étaient au Canada. Les demandeurs allèguent essentiellement que l’agent ne s’est pas montré réceptif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants comme l’exige la jurisprudence. Par voie de conséquence, les demandeurs soutiennent que l’agent ne s’est pas soucié du fait qu’ils avaient tout intérêt à rester au Canada ensemble, pour ainsi permettre à Kaleisha de rester également avec sa seule autre famille, soit son père, conformément à l’objet de la Loi énoncée à l’alinéa 3(1)d).

 

[17]           Toutefois, après avoir examiné la preuve, la Cour ne peut être d’accord avec les demandeurs. L’agent a procédé à une analyse complète de la preuve et son évaluation des motifs d’ordre humanitaire était raisonnable. D’ailleurs, la Cour est d’avis que l’agent a appliqué le critère juridique approprié et qu’il a bien apprécié l’intérêt supérieur des enfants touchés en tenant compte des considérations pertinentes pour chacun des enfants séparément. Par conséquent, l’agent s’est également montré réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants, conformément aux exigences énoncées par la Cour suprême du Canada dans Baker, ci‑dessus. En l’espèce, la question à trancher n’est somme toute qu’une question de suffisance de la preuve. En effet, la preuve dont l’agent disposait était insuffisante pour démontrer que les enfants concernés ne seraient pas en mesure de s’adapter ou que les difficultés qu’ils pourraient rencontrer équivaudraient à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[18]           En outre, les obligations du Canada découlant des conventions internationales ne font pas en sorte que des personnes puissent rester au pays du seul fait que leurs conditions de vie y seraient meilleures et ce facteur ne s’est d’ailleurs pas vu accorder une importance primordiale par le passé (Vasquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 91, [2005] ACF no 96 [Vasquez]); Serda, ci‑dessus). Les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire commandent plutôt une évaluation des difficultés. Après avoir bien pris connaissance des motifs de l’agent, et compte tenu de la preuve présentée, la Cour estime que les conclusions de l’agent ne sont pas déraisonnables.

 

2.   L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne favorisant pas le droit des demandeurs à la protection de la vie familiale, au mépris des obligations du Canada en droit international?

 

[19]           Les demandeurs avancent également qu’en vertu du droit international Kaleisha a le droit de rester avec sa famille. S’appuyant sur un rapport produit en 2000 par la Commission interaméricaine des droits de l’homme concernant le Canada (mémoire des demandeurs, au paragraphe 31), les demandeurs ont de plus soutenu qu’ils avaient droit à la protection de la vie familiale, car une atteinte à ce droit ne se justifie que dans les cas où l’ordre public le commande et si la mesure attentatoire est proportionnelle à l’objectif de protection de l’ordre public. Selon les demandeurs, l’expulsion de la demanderesse principale va à l’encontre des obligations internationales du Canada, compte tenu du fait que celle‑ci est bien établie au Canada, que sa fille est canadienne et que la mesure n’est pas justifiée par des motifs de criminalité ou d’ordre public. Par voie de conséquence, le raisonnement de l’agent serait incompatible avec les obligations du Canada en droit international; il faut qu’il existe de bonnes raisons pour ne pas permettre aux parents d’enfants nés au Canada d’y rester.

 

[20]           Encore une fois, la Cour ne peut souscrire aux arguments des demandeurs sur ce point. L’agent n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en ne mentionnant pas spécifiquement divers instruments internationaux invoqués par les demandeurs; un agent n’a pas à faire référence à tous les documents dont il dispose (Thiara, ci‑dessus, au paragraphe 18). La véritable question qui se pose est de savoir si la décision de l’agent révèle que les principes de droit international applicables n’ont pas été suivis (Thiara, ci‑dessus, au paragraphe 19). Contrairement à ce qu’allèguent les demandeurs, un agent n’a pas l’obligation d’accepter une demande fondée sur motifs d’ordre humanitaire dans le seul but de veiller à ce que les membres d’une famille demeurent ensemble au Canada. Comme l’a dit le juge Mosley, « [l]a considération de l’intérêt supérieur d’un enfant ne conduit pas inéluctablement à la conclusion que parent et enfant devraient demeurer au Canada » (Persaud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1369, au paragraphe 18, [2004] ACF no 1687). En effet, soutenir qu’il en va autrement encouragerait ceux qui habitent illégalement au Canada à y avoir des enfants pour pouvoir y rester et obtenir le statut souhaité. Même si l’agent avait l’obligation de tenir compte des avantages dont Kalanji et Kaleisha bénéficieraient en restant au Canada, plus particulièrement le fait que Kaleisha pourrait rester proche de son père, pareilles considérations entrent dans l’analyse relative à l’intérêt supérieur dont il a été question précédemment.

 

3.   L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en ne faisant pas état des directives de la Commission concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe?

 

[21]           Les demandeurs reconnaissent qu’il est fait mention de ces directives dans la décision de la Commission, mais ils allèguent qu’elles n’ont pas été suivies.

 

[22]           La Cour rappelle que, dans une demande d’asile, la Commission a l’obligation de tenir compte des directives en question et de les appliquer et d’ainsi veiller à se montrer sensible au témoignage des femmes et bien informée à cet égard. La Cour souligne que le présent contrôle judiciaire ne vise pas la décision de la Commission de refuser le statut de réfugié aux demandeurs, mais plutôt la décision de l’agent. Par voie de conséquence, les allégations des demandeurs sont sans fondement et l’agent n’a pas commis une erreur susceptible de contrôle.

 

4.   L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle en ne suivant pas la jurisprudence décrivant la condition sociale des femmes maltraitées à Saint‑Vincent et faisant état de l’insuffisance de la protection offerte par l’État?

 

[23]           En dernier lieu, les demandeurs font valoir que l’agent a commis une erreur en ne suivant pas la jurisprudence de la Cour décrivant la violence dont les femmes sont victimes à Saint‑Vincent et faisant état de l’insuffisance de protection offerte par l’État. Les demandeurs invoquent diverses décisions et présentent une preuve documentaire reconnaissant l’existence d’un problème constant de violence à l’endroit des femmes à Saint‑Vincent et leur victimisation par leur conjoint (voir Alexander c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1305, [2009] ACF no 1682).

 

[24]           Le seul fait que la Cour a déjà conclu dans certains cas que la protection offerte par l’État était insuffisante à Saint‑Vincent ne veut pas dire que cette protection sera toujours jugée non disponible à Saint‑Vincent, comme l’avocat des demandeurs semble le laisser entendre. Il faut tenir compte des faits particuliers de chaque affaire (Da Souza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1279, au paragraphe 6, [2010] ACF no 1658, [Da Souza]). Il suffit de dire qu’il faut faire preuve de prudence si l’on choisit de tabler fortement sur la jurisprudence de la Cour concernant les ressortissants de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines pour établir la situation qui règne dans ce pays.

 

[25]           Dans la présente affaire, l’agent s’est appuyé sur la décision de la Commission suivant laquelle les demandeurs pouvaient bénéficier de la protection offerte par l’État. Le contrôle judiciaire de cette décision a été refusé. Pour cette raison, il ne peut être reproché à l’agent de s’être appuyé sur cette conclusion et l’argumentation des demandeurs est erronée.

 

[26]           La Cour comprend la situation des demandeurs. Toutefois, elle estime que la décision de l’agent est raisonnable car elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, ci‑dessus). La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑2177‑11

 

INTITULÉ :                                                   KEISHA PAUL ET AL c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT:                         LE JUGE BOIVIN

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart Istvanffy

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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