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Date : 20120217


Dossier : IMM-4716-11

Référence : 2012 CF 223

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

ENTRE :

 

 

IZABEL ESCOBAR CHAJON

LUIS EDUARDO RAMIREZ PEREZ

WALNER ABEL DIAZ ESCOBAR

WILMAR AVIMAEL DIAZ ESCOBAR

GABRIELLA YOLANDA RAMIREZ ESCOBAR

NOEMI FELICITA RAMIREZ ESCOBAR

ISIDRO RAMIREZ PEREZ

 

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE HARRINGTON

 

[1]               En 1995, Mme Chajon a quitté le Guatemala pour aller vivre aux États‑Unis. Sa demande d’asile a été rejetée, mais elle est quand même restée illégalement aux États-Unis, où elle a rencontré Luis Eduardo Ramirez Perez, lui aussi Guatémaltèque, avec qui elle s’est mariée. Peu de temps après, ses fils, Walner et Wilmar, nés d’une union de fait au Guatemala, sont venus les rejoindre. Le couple a eu deux filles aux États-Unis, Gabriella et Noemi. La famille et le frère de Luis, Isidro Ramirez Perez, sont venus au Canada en 2008 et ont demandé l’asile, invoquant un certain nombre de motifs.

 

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a statué que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger au Canada.

 

[3]               Si, certes, les demandes s’entremêlent, elles doivent cependant être analysées séparément. Ainsi que l’a fait remarquer la commissaire, Gabrielle et Noemi, des citoyennes des Etats-Unis, n’ont pas présenté de demande d’asile à l’égard de ce pays. En ce qui les concerne, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée pour ce seul motif.

 

[4]               La famille entière affirme craindre l’ex‑conjoint de fait de Mme Chajon. Cependant, pour les motifs énoncés par la commissaire, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée à cet égard.

 

[5]               Tous les membres de la famille craignent également qu’advenant un retour au Guatemala, ils se retrouveront parmi la population pauvre des centres urbains ou, encore, ils seront pris pour cibles parce qu’ils seront perçus comme étant fortunés après avoir passé un certain nombre d’années aux États-Unis et au Canada.

 

[6]               La crainte d’une personne de vivre dans la pauvreté ne donne pas lieu à une demande fondée sous l’article 96 ou l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ni d’ailleurs sa crainte d’être prise pour cible par des groupes criminels en raison de sa fortune. La juge Tremblay‑Lamer a rendu une décision de principe dans l’affaire Prophète c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 331, 70 Imm LR (3d) 128, confirmée par la Cour d’appel dans 2009 CAF 31, 78 Imm LR (3d) 163.

 

[7]               La question de première importance concerne Walner et de Wilmar, qui sont aujourd’hui âgés de 23 ans et de 19 ans. Ils craignent d’être pris pour cible par les Maras, un groupe célèbre qui exerce son influence partout au Guatemala, à des fins de recrutement. La commissaire y a vu un risque généralisé. Elle a bien admis que les jeunes hommes forment un sous‑groupe de la population qui est davantage pris pour cible par les Maras que le sont d’autres sous‑groupes, mais ces jeunes représentent près de la moitié de la population du pays. Elle a renvoyé aux décisions de la Cour, qui a statué que, bien que les jeunes hommes forment un sous‑groupe de la population susceptible d’être exposé à un risque accru, ce risque n’en est pas pour autant personnel.

 

[8]               Les demandeurs ont fait valoir principalement, dans le cadre du contrôle judiciaire, qu’aucune analyse distincte n’a été effectuée au regard des articles 96 et 97 de la LIPR, et que l’on n’a pas tenu compte du fait que la persécution contre Walner et Wilmar était fondée sur le sexe.

 

[9]               L’article 96 de la LIPR définit le réfugié au sens de la Convention des Nations Unies comme étant la personne qui craint « avec raison d’être persécutée du fait de sa face, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques ».

 

[10]           Il me semble que Walner et Wilmer ont été considérés comme faisant partie d’un groupe social, celui des jeunes hommes.

 

[11]           La persécution fondée sur l’âge n’est pas visée par la Convention.

 

[12]           L’article 97 de la LIPR offre une protection à la personne dont la crainte ne relève pas de l’article 96, mais qui serait personnellement exposée au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture, ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Cependant, elle doit notamment y être « exposée en tout lieu dans ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont pas généralement ».

 

[13]           Le fait que tous ne sont pas exposés au même risque ne rend pas ce dernier personnel. Ainsi que l’a statué le juge Crampton, maintenant juge en chef de la Cour fédérale, dans l’affaire Baires Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 993, [2011] ACF no 1358 (QL), aux paragraphes 30 et 31 :

[30]      […] C’est-à-dire qu’elle a rejeté les revendications fondées sur l’article 97 des demandeurs au motif que le risque auquel s’exposait M. Baires Sanchez au Salvador est un risque auquel « toutes les personnes qui s’y trouvent sont généralement exposées » (non souligné dans l’original). La Commission a précisément exprimé ce critère à un certain nombre de reprises dans sa décision.

[31]      Cela dit, comme je l’ai signalé plus tôt, la Commission a aussi reconnu que M. Baires Sanchez « risque davantage d’être pris pour cible, car son profil correspond à celui des personnes visées par le MS aux fins du recrutement ». Comme le reconnaît la jurisprudence mentionnée ci-dessus au paragraphe 25, il n’était pas incompatible que la Commission en vienne à conclure que le risque auquel s’exposait M. Baires Sanchez était peut-être supérieur à celui auquel s’exposaient les personnes qui n’étaient pas de jeunes hommes, tout en concluant qu’il s’agissait d’un risque auquel s’exposaient généralement d’autres personnes dans son pays, ainsi que l’envisage le sous-alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR. En fait, pour les raisons exposées ci-dessus au paragraphe 26, il aurait été raisonnablement loisible à la Commission de rejeter la revendication de M. Baires Sanchez qui était fondée sur l’article 97 de la LIPR, au motif que le risque auquel il s’expose est un risque auquel s’expose un sous-groupe de la population formé des jeunes hommes susceptibles d’être pris pour cible par le gang Maras Salvatrucha à des fins de recrutement (Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, aux paragraphes 38 et 39).

 

Voir aussi Jimenez Palomo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1163, [2011] ACF no 1430 (QL), et Ponce Uribe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1164, [2011] ACF no 1431 (QL).

 

[14]           Dans la présente affaire, ni Walner ni Wilmar n’ont été au Guatemala depuis plusieurs années. Le risque qu’ils soient pris pour cible est fort conjectural. Que ce soit au regard de l’article 96 ou de l’article 97 de la LIPR, le risque doit quand même être personnel. En outre, il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse distincte au regard des deux dispositions s’il n’y a aucune preuve distincte qui permet d’établir les motifs de persécution (Brovina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635, 254 FTR 244; Biro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1428, 143 ACWS (3d) 333; et Herrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 979, 161 ACWS (3d) 469).

 

[15]           Compte tenu de la jurisprudence de la Cour, dans le contexte de la violence des gangs et du recrutement par les gangs en Amérique centrale, je ne peux pas souscrire aux observations des demandeurs selon lesquelles la commissaire de la SPR n’a pas pris en compte le sexe comme groupe social au sens de l’article 96. Les demandeurs disposent cependant d’une semaine à compter d’aujourd’hui pour proposer une question grave de portée générale. Le cas échéant, le défendeur disposera ensuite d’une semaine pour y répondre.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

17 février 2012

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4716-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            ESCOBAR CHAJON ET AUTRES c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 FÉVRIER 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE ARRINGTON

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       LE 17 FÉVRIER 2012

 

 

 

COMPARUTIONS

 

Lisa Couillard

D. Jean Munn

 

POUR LES DEMANDEURS

Rick Garvin

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Caron & Partners LLP

Avocats et procureurs

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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