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Date : 20120227

Dossier : IMM‑5626‑11

Référence : 2012 CF 267

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 février 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

RAGHUJA RANJANI MALLAMPALLY

SAM MANOHAR EMBETI

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision, en date du 5 août 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de reconnaître aux demandeurs la qualité de réfugiés au sens de la Convention ou celle de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

I.          Les faits

 

[3]               La demanderesse principale, Raghuja Ranjani Mallampally, et son fils adulte, Sam Manohar Embeti (le codemandeur), sont des citoyens de Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines (Saint‑Vincent). Comme ils sont de nationalité et de race indiennes, ils font partie d’une petite minorité vivant dans cette île. La demanderesse principale est par ailleurs la seule femme médecin célibataire à Saint‑Vincent et elle se faisait souvent appeler par un qualificatif désobligeant à caractère raciste.

 

[4]               Elle est néanmoins devenue un témoin expert et a témoigné contre des accusés dans plusieurs procès pour viol et pour meurtre. De ce fait, elle a commencé à recevoir des menaces verbales d’individus reconnus coupables de crimes, parfois en personne, mais la plupart du temps par téléphone. Son domicile a également fait l’objet d’introductions par effraction.

 

[5]               La demanderesse principale et le codemandeur sont arrivés au Canada respectivement le 6 décembre 2009 et le 4 octobre 2009. La demanderesse principale affirme que sa décision de quitter Saint‑Vincent avait été précipitée par un incident au cours duquel son chien avait été tué et un couteau avait été laissé sur place devant son domicile.

 

[6]               Craignant devoir retourner à Saint‑Vincent en raison des menaces déjà proférées et d’incidents passés, les demandeurs ont présenté leurs demandes d’asile le 21 avril 2010 (dans le cas de la demanderesse principale) et le 9 juin 2010 (dans le cas du codemandeur).

 

II.         La décision contrôlée

 

[7]               D’entrée de jeu, la Commission a reproché aux demandeurs de ne pas avoir donné d’explications satisfaisantes au sujet de la raison pour laquelle ils avaient tardé à demander l’asile, d’autant plus qu’en tant que médecin, la demanderesse principale était une personne qui possédait un niveau d’éducation relativement élevé par comparaison avec les autres demandeurs d’asile.

 

[8]               Tout en acceptant que les demandeurs avaient fait l’objet d’un certain degré de discrimination et de harcèlement à Saint‑Vincent au fil des ans, la Commission n’a pas estimé qu’il avait été établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils avaient quitté Saint‑Vincent ou décidé de rester au Canada et d’y demander l’asile parce qu’ils craignaient avec raison d’être persécutés, d’être exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque de torture à Saint‑Vincent.

 

[9]               Les demandeurs n’ont pas établi, au moyen d’éléments de preuve crédibles, que l’incident au cours duquel leur chien avait été tué et un couteau avait été laissé sur place en signe d’avertissement avait effectivement eu lieu. Le récit de cet incident n’a pas été exposé de façon cohérente et il n’y avait aucune corroboration policière au sujet de la présence du couteau.

 

[10]           La Commission a accepté que les demandeurs étaient atteints d’une partie ou de la totalité des symptômes mentionnés par la psychologue, mais a estimé qu’il n’avait pas été établi que les éléments importants des demandes d’asile avaient causé ces symptômes ou avaient contribué à leur apparition, ou qu’un mauvais traitement que les demandeurs avaient pu subir par le passé à Saint‑Vincent avait eu un effet substantiellement préjudiciable sur eux, sur le plan moral ou physique, d’une façon qui rendrait déraisonnable leur retour à Saint‑Vincent.

 

III.       Questions en litige

 

[11]           La présente demande soulève les questions suivantes :

 

a)         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tirant ses conclusions au sujet de la crédibilité?

 

b)         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le préjudice subi par les demandeurs ne satisfaisait pas aux critères permettant de conclure à l’existence de difficultés graves et persistantes ou n’était pas suffisamment grave pour être assimilé à de la persécution?

 

c)         La Commission a‑t‑elle commis une erreur ne procédant pas à une analyse en vertu de l’article 96?

 

d)         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en estimant que le temps que la demanderesse principale avait laissé s’écouler avant de présenter sa demande d’asile minait sa crédibilité?

 

e)         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte de la question de la protection de l’État?

 

IV.       Norme de contrôle

 

[12]           En présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, et lorsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, la norme de la raisonnabilité s’applique généralement (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 51). En particulier, c’est cette norme qui s’applique à l’égard des conclusions tirées au sujet de la crédibilité (Aguirre c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, [2008] ACF no 732, au paragraphe 14).

 

[13]           Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

A.        La Commission a‑t‑elle commis une erreur en tirant ses conclusions au sujet de la crédibilité?

 

[14]           Les demandeurs contestent les conclusions négatives que la Commission a tirées au sujet de leur crédibilité au motif qu’elle n’a pas tenu dûment compte des éléments de preuve dont elle disposait et qu’elle n’a pas exposé de motifs pour expliquer pourquoi elle préférait certains éléments de preuve à d’autres.

 

[15]           Plus précisément, les demandeurs insistent pour dire que la Commission n’a pas tenu compte de la prépondérance de la preuve en ce qui concerne le profil de la demanderesse principale qui, en tant que médecin célibataire née à l’étranger appelée à témoigner en matière criminelle devant les tribunaux, était ciblée de même que sa famille. La Commission s’est plutôt livrée à une analyse microscopique et s’est concentrée sur la déclaration que le codemandeur avait faite au point d’entrée suivant laquelle le couteau avait été laissé dans la cour alors qu’il n’était pas physiquement présent à Saint‑Vincent. Le témoignage que la demanderesse principale a donné sous serment au sujet du couteau a été écarté au profit du rapport de police malgré les efforts déployés par la demanderesse principale pour s’assurer que des éléments de preuve exacts soient soumis à la Commission.

 

[16]           Pour sa part, le défendeur maintient que les demandeurs demandent à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve. La Commission a tiré deux conclusions claires au sujet de la crédibilité en ce qui concerne le rapport de police et l’affirmation inexacte faite par le codemandeur au sujet de l’emplacement du couteau. Dans ses motifs, la Commission précise sur quelle base repose sa décision puisqu’elle accepte les allégations de discrimination et de harcèlement, mais estime que, compte tenu du temps écoulé et de ses réserves en ce qui concerne la crédibilité, l’allégation de persécution n’avait pas été établie.

 

[17]           La Commission a l’obligation de formuler sa conclusion défavorable au sujet de la crédibilité « en des termes clairs et explicites » (Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 15 Imm LR (2d) 199, [1991] ACF no 228 (CAF)). La Commission a satisfait à cette exigence lorsqu’elle a analysé les allégations des demandeurs en relevant une contradiction au sujet de l’emplacement du couteau et le fait que les allégations en question n’étaient pas corroborées par un rapport de police. Comme la demanderesse principale estimait qu’il s’agissait d’un incident critique qui avait précipité sa décision d’immigrer au Canada, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission d’insister sur cet aspect.

 

[18]           Contrairement à ce que prétendent les demandeurs, la Commission s’est fondée sur des éléments de preuve clairs et précis pour justifier sa conclusion, a examiné la question de la crédibilité à la lumière de l’ensemble de la preuve dont elle disposait (Ahangaran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 168 FTR 315, [1999] ACF no 772, au paragraphe 5), et a abordé les éléments de preuve contradictoires (Zepeda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 491, [2008] ACF no 625, au paragraphe 28).

 

[19]           Tout en relevant des contradictions en ce qui concerne l’incident du couteau et du chien, la Commission a également reconnu que les demandeurs avaient fait l’objet d’un certain degré de discrimination et de harcèlement à Saint‑Vincent au fil des ans et qu’ils étaient atteints d’une partie ou de la totalité des symptômes décrits par la psychologue. Malgré le fait que son analyse est plutôt brève, la Commission a tenu compte de la situation personnelle et professionnelle des demandeurs.

 

[20]           Les raisons invoquées pour justifier les conclusions négatives tirées au sujet de la crédibilité sont suffisantes pour permettre à notre Cour de « comprendre le fondement de la décision du tribunal » et de déterminer si cette conclusion faisait partie des issues possibles acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] ACS 62, au paragraphe 16).

 

B.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le préjudice subi par les demandeurs ne satisfaisait pas aux critères permettant de conclure à l’existence de difficultés graves et persistantes ou n’était pas suffisamment grave pour être assimilé à de la persécution?

 

[21]           Les demandeurs affirment que la Commission n’a pas tenu compte de leurs témoignages au sujet de la persécution raciale et des autres formes de persécution. La Commission a, sans avoir procédé à l’analyse qui s’imposait, tranché la question en se contentant d’affirmer que le traitement subi par les demandeurs n’équivalait pas à un préjudice grave.

 

[22]           Le défendeur maintient que la Commission n’a pas ignoré le traitement subi par les demandeurs, mais a conclu que, cumulativement, les faits allégués ne pouvaient être assimilés à de la persécution. Cette conclusion démontre que la Commission était consciente des critères juridiques applicables.

 

[23]           Les demandeurs insistent sur la décision récente Warner c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 363, [2011] ACF no 468, au paragraphe 7, dans laquelle le juge Russel Zinn passe en revue la jurisprudence relative au sens du terme « persécution ». Le juge Zinn cite la définition qui a été examinée pour la première fois dans la décision Rajudeen c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1984), 55 NR 129, [1984] ACF no 601, suivant laquelle le mot « persécuter » signifie [traduction] « harceler ou tourmenter sans relâche par des traitements cruels ou vexatoires; tourmenter sans répit ». Le juge Zinn signale également que les arrêts Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] 2 ACS 74, et Chan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593, [1995] ACS no 78, définissent de façon générale la persécution comme s’entendant habituellement d’une atteinte grave à un droit fondamental de la personne.

 

[24]           Dans l’arrêt Sagharichi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 182 NR 398, [1993] ACF no 796, la Cour d’appel fédérale a estimé que la discrimination dont il était question dans cette affaire n’était pas « suffisamment sérieuse ou systématique pour être qualifiée de persécution ». Au paragraphe 3, la Cour souligne ce qui suit :

[3]        Il est vrai que la ligne de démarcation entre la persécution et la discrimination ou le harcèlement est difficile à tracer, d’autant plus que, dans le contexte du droit des réfugiés, il a été conclu que la discrimination peut fort bien être considérée comme équivalant à la persécution. Il est également vrai que la question de l’existence de la persécution dans les cas de discrimination ou de harcèlement n’est pas simplement une question de fait, mais aussi une question mixte de droit et de fait, et que des notions juridiques sont en cause. Toutefois, il reste que, dans tous les cas, il incombe à la Section du statut de réfugié de tirer sa conclusion dans le contexte factuel particulier, en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de la preuve, et que l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable.

 

 

[25]           Se fondant sur cet extrait de l’arrêt Sagharichi, précité, les demandeurs soulignent que la discrimination et le harcèlement peuvent être assimilés à de la persécution et que la Commission n’aurait pas dû écarter aussi aisément leur témoignage.

 

[26]           Bien que je reconnaisse que la Commission aurait pu expliquer de façon plus explicite le critère juridique qu’elle appliquait, j’estime que la conclusion à laquelle elle est arrivée était raisonnable et qu’elle est conforme à l’arrêt Sagharichi, précité.

 

[27]           La Commission a reconnu que les demandeurs avaient « fait l’objet d’un certain degré de discrimination et de harcèlement », mais a quand même conclu qu’il n’avait « pas été établi, selon la prépondérance des probabilités, que ces formes de mauvais traitements et de violence, même prises ensemble, satisferaient au critère du préjudice grave et persistant qui équivaut à de la persécution ». La discrimination et le harcèlement subis par les demandeurs n’étaient tout simplement pas suffisamment graves et persistants pour être assimilables à de la persécution, que ces incidents soient envisagés isolément ou cumulativement. La Commission a examiné le contexte factuel et a procédé à une pondération des divers éléments de preuve qui n’était ni arbitraire ni déraisonnable.

 

[28]           La conclusion de la Commission est brève, mais, comme l’exige l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité, elle indique clairement le fondement de la décision. La Cour doit tenir compte du passage cité dans cette décision suivant lequel [traduction] « [i]l ne faut pas examiner les motifs dans l’abstrait; il faut examiner le résultat dans le contexte de la preuve, des arguments des parties et du processus. Il n’est pas nécessaire que les motifs soient parfaits ou exhaustifs » (au paragraphe 18).

 

[29]           Je conclus par conséquent que c’est de façon raisonnable que la Commission a conclu que le traitement subi par les demandeurs en l’espèce n’était pas assimilable à de la persécution.

 

C.        La Commission a‑t‑elle commis une erreur ne procédant pas à une analyse en vertu de l’article 96?

 

[30]           Pour des motifs semblables, les demandeurs insistent pour dire que la Commission a omis de procéder à une analyse raisonnée des allégations des demandeurs en vertu de l’article 96. En tant que personnes d’origine ethnique indienne, les demandeurs font partie d’une petite minorité à Saint‑Vincent et ont été victimes de discrimination raciale. La situation de la demanderesse principale, en tant que seule femme médecin célibataire de l’île, exacerbe encore plus leur sentiment de vulnérabilité et de peur.

 

[31]           Je suis toutefois d’accord avec le défendeur pour dire qu’il n’y a rien qui permette de penser que la Commission n’a pas tenu compte des motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs arguments fondés sur l’article 96. Au paragraphe 2 de ses motifs, la Commission prend acte du profil professionnel, sexuel et personnel de la demanderesse principale en tant qu’« Indienne aisée vivant seule et ayant fourni des témoignages d’expert dans d’autres affaires pénales en tant que médecin. »

 

[32]           Comme nous l’avons déjà signalé, la Commission a simplement conclu que la discrimination que les demandeurs avaient subie à Saint‑Vincent n’avait pas atteint le degré exigé pour leur permettre de présenter une demande fondée sur la persécution au sens de l’article 96. Il était raisonnable de la part de la Commission d’évaluer ainsi les éléments de preuve portés à sa connaissance.

 

D.        La Commission a‑t‑elle commis une erreur en estimant que le temps que la demanderesse principale avait laissé s’écouler avant de présenter sa demande d’asile minait sa crédibilité?

 

[33]           La demanderesse principale s’oppose à la conclusion de la Commission suivant laquelle le délai qu’elle a laissé s’écouler avant de présenter sa demande d’asile a eu une incidence négative sur sa crédibilité. Elle explique qu’après être entrée au Canada comme visiteuse, elle a présenté sa demande d’asile avant l’expiration du délai de six mois. Après son arrivée au Canada, elle a continué à être préoccupée par un éventuel retour à Saint‑Vincent et a tenté de s’informer des diverses options qui s’offraient aux ressortissants étrangers souhaitant immigrer. De plus, la Commission a affirmé à tort qu’en tant que médecin, elle était davantage informée et qu’elle aurait dû être au courant du processus canadien de demande d’asile alors que, dans son esprit, elle avait une perception différente des personnes pouvant être considérées comme des réfugiés.

 

[34]           Les arguments du défendeur m’ont toutefois convaincu que la conclusion tirée par la Commission concernant le temps que la demanderesse principale avait laissé s’écouler avant de demander l’asile était raisonnable.

 

[35]           Dans l’arrêt Huerta c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 157 NR 225, [1993] ACF no 271, la Cour d’appel fédérale a expliqué que « le retard à formuler une demande de statut de réfugié n’est pas un facteur déterminant en soi » et qu’il s’agit d’un « élément pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour apprécier les dires ainsi que les faits et gestes d’un revendicateur ».

 

[36]           La Commission a examiné l’explication fournie par la demanderesse principale pour justifier son retard à agir, mais a estimé que cette explication n’était « pas satisfaisant[e] ». Même si elle se trouvait au Canada légalement comme visiteuse à ce moment‑là, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que la demanderesse principale présente une demande d’asile à la première occasion, et son omission de le faire mine sa crédibilité et permet de douter de sa crainte subjective (Jeune c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 835, [2009] ACF no 965, au paragraphe 15). Ainsi que le défendeur le souligne, le fait que la demanderesse principale a attendu que son visa de visiteuse soit sur le point d’expirer avant de tenter de s’informer des options qui s’offraient à elle appuie la conclusion de la Commission.

 

[37]           De plus, le fait que la Commission mentionne qu’en tant que médecin, la demanderesse principale était instruite, mais qu’elle n’avait pas présenté de demande d’asile plus tôt ne constitue pas une erreur. La demanderesse principale aurait peut‑être préféré que la Commission accorde une plus grande importante à son argument qu’elle avait une perception différente des réfugiés lorsqu’elle a été informée pour la première fois des options qui s’offraient à elle, mais il ne s’ensuit pas pour autant que le raisonnement suivi par la Commission est nécessairement déraisonnable. Ainsi que le défendeur l’indique clairement, il appartient aux issues possibles acceptables de s’attendre à ce qu’une personne instruite et avertie qui craint pour sa vie ait une idée de ce qu’elle entend faire une fois admise au Canada.

 

[38]           Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en tenant compte du délai que la demanderesse principale a laissé s’écouler avant de présenter sa demande d’asile et en tirant une conclusion à cet égard relativement à la crédibilité de la demanderesse principale.

 

E.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en n’examinant pas la question de la protection de l’État?

 

[39]           Comme argument final, les demandeurs reprochent à la Commission de ne pas avoir analysé la question de la protection de l’État, compte tenu de la preuve abondante qu’ils avaient soumise à ce sujet, y compris les admissions des policiers dont a fait part la demanderesse principale. Suivant le défendeur, ces arguments ne tiennent cependant pas compte de la conclusion de la Commission suivant laquelle la demanderesse n’avait pas de crainte subjective de persécution.

 

[40]           Comme elle s’était prononcée sur les questions liées à la crédibilité des demandeurs en se fondant sur un incident critique et qu’elle avait conclu que la discrimination et le harcèlement dont les demandeurs avaient été victimes n’étaient pas assimilables à de la persécution, je suis d’accord pour dire qu’il n’était pas nécessaire que la Commission analyse la question de la protection de l’État, et j’estime qu’elle n’a commis aucune erreur en ne le faisant pas.

 

VI.       Conclusion

 

[41]           Malgré leur brièveté, les conclusions tirées par la Commission au sujet de la crédibilité, sa conclusion que la discrimination et le harcèlement subis par les demandeurs n’étaient pas assimilables à de la persécution, et l’analyse à laquelle elle a procédé en vertu de l’article 96 étaient toutes raisonnables. Vu ces conclusions, la Commission n’était pas tenue de procéder à une analyse de la protection de l’État.

 

[42]           Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5626‑11

 

 

INTITULÉ :                                                   MALLAMPALLY ET AUTRE c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 8 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 27 février 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adela Crossley

 

POUR LES DEMANDEURS

 

David Knapp

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Adela Crossley

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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