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Date : 20120308


Dossier : T-1485-09

Référence : 2012 CF 297

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 mars 2012

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

 

ENTRE :

 

LE CHEF LLOYD CHICOT,

AGISSANT EN SON NOM

ET AU NOM DE TOUS LES MEMBRES

DE LA PREMIÈRE NATION KA’A’GEE TU

ET LA PREMIÈRE NATION KA’A’GEE TU

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET PARAMOUNT RESOURCES LTD.

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire fait suite à une décision rendue le 20 juillet 2007 par mon collègue le juge Edmond Blanchard, selon laquelle la Couronne du chef du Canada (le Canada ou la Couronne) ne s’est pas acquittée de son obligation de consulter la Première Nation Ka’a’Gee Tu (la PNKT) avant de prendre la décision d’autoriser un projet comportant la mise en valeur de ressources pétrolières et gazières dans les Territoires du Nord‑Ouest de la défenderesse Paramount Resources Ltd. (Paramount). En conséquence, le juge Blanchard a ordonné aux parties d’entreprendre un processus de consultation véritable dans le but de prendre en considération les préoccupations de la PNKT et, le cas échéant, d’y répondre.

 

[2]               La PNKT se présente à nouveau devant la Cour parce que le Canada n’aurait pas agi conformément aux conclusions et directives du juge Blanchard et n’aurait pas entrepris des consultations de bonne foi avec elle dans le but de remédier aux incidences du projet d’expansion. La décision relative à la présente demande repose donc notamment sur une bonne compréhension de la décision du juge Blanchard et sur l’appréciation de la conduite des parties pendant le processus de consultation qui a suivi celle‑ci.

 

1. Les faits

            Le contexte de la première décision et le processus d’autorisation réglementaire

[3]               Il n’est pas nécessaire de relater les faits ayant mené à la décision du juge Blanchard. Ces faits sont bien résumés dans sa décision, Première Nation Ka’a’Gee Tu c Canada (Procureur général), 2007 CF 763, aux paragraphes 2 à 88, 315 FTR 178 [Chicot no 1]. Ainsi, je récapitulerai seulement les éléments les plus pertinents de ce contexte, dans la mesure où cela est nécessaire pour mieux comprendre les questions soulevées en l’espèce.

 

[4]               La PNKT est l’une des 12 collectivités qui se considèrent comme des membres des Premières Nations Deh Cho (les Deh Cho) descendant du peuple South Slavey de la Nation dénée. Le 1er novembre 1990, un sous‑groupe de la bande de Fort Providence résidant au lac Kakisa a formé une bande connue comme la PNKT depuis 1996. Le territoire traditionnel de cette bande se trouve dans le nord‑ouest des Territoires du Nord‑Ouest et comprend le lac Tathlina et les terres environnantes, notamment les collines Cameron, une montagne de faible altitude qui se dresse au sud du lac Tathlina et qui fait partie du bassin hydrographique de celui‑ci (la région des collines Cameron). La bande compte environ 55 personnes qui vivent dans la communauté de Kakisa; environ 62 personnes sont inscrites sur la liste de la PNKT.

 

[5]               Paramount, une société dont le siège est situé à Calgary, a acquis un permis de découverte important dans la région des collines Cameron et, en 2000, elle avait entrepris la mise en valeur intensive des ressources pétrolières et gazières. Les travaux de mise en valeur se faisaient par étapes et comprenaient le forage de puits afin de vérifier la présence de ressources, la construction d’un réseau de pipeline et de conduites de collecte qui a été achevée en 2002 et l’expansion de la production de pétrole et de gaz au moyen du forage proposé d’un nombre maximal de 50 nouveaux puits. Cette dernière phase, connue sous le nom de « projet d’expansion », est l’objet de la présente instance et du processus de consultation en cause. 

 

[6]               Comme le juge Blanchard l’a indiqué et comme la PNKT l’a répété devant la Cour, la PNKT revendique un lien spirituel et culturel profond, de même qu’une dépendance économique, à l’égard des collines Cameron. Les parties en l’espèce ne contestent pas que les terres visées par le projet de mise en valeur de Paramount sont également celles à l’égard desquelles les demandeurs revendiquent des droits issus de traités et des droits ancestraux. La PNKT est signataire du Traité no 11, signé le 27 juin 1921, qui garantit son droit de « se livrer à [ses] occupations ordinaires de la chasse au fusil, de la chasse au piège et de la pêche ». Le Traité no 11 renferme des dispositions relatives à l’abandon et à la cession des terres et prévoit en outre la désignation de terres de réserve pour les Deh Cho. Aucune terre n’a cependant été désignée, et les Deh Cho et le Canada ne s’entendent pas sur l’objet et l’effet juridique du Traité no 11. Alors que, selon le Canada, le Traité no 11 a éteint le titre ancestral sur le territoire revendiqué par les Deh Cho et la seule question qu’il reste à trancher concerne la désignation de terres de réserve, les Deh Cho sont d’avis que ce traité est un traité de paix et d’amitié en vertu duquel le titre ancestral n’a pas été abandonné.

 

[7]               Le Canada et les Deh Cho (y compris la PNKT), ainsi que le gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest, ont convenu en 1998 de régler de manière respectueuse la question des terres au moyen d’un processus moderne de négociation des revendications globales appelé le « processus Deh Cho ». Bien que les négociations se poursuivent, diverses ententes ont été conclues en cours de route, dont l’Entente sur les mesures provisoires (l’EMP), qui envisage notamment l’aménagement du territoire en collaboration, et l’Entente provisoire sur l’exploitation des ressources (l’EPER), qui fixe les modalités en vertu desquelles les Deh Cho et le Canada aborderont notamment l’octroi de droits miniers dans le territoire Deh Cho.

 

[8]               L’exploitation pétrolière et gazière dans la vallée du Mackenzie est complexe et fait jouer plusieurs textes de loi et de règlement et plusieurs organismes administratifs. La construction et l’exploitation d’un réseau de pipeline et de conduites de collecte relèvent du pouvoir de l’Office national de l’énergie en vertu de la Loi sur les opérations pétrolières du Canada, LRC 1985, c O‑7, et de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, LRC 1985, c 36 (2e suppl.). En outre, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, LC 1998, c 25 [la LGRVM], a été adoptée dans le but d’établir un régime législatif régissant un système unifié de gestion des terres et des eaux sur les terres publiques et privées dans les Territoires du Nord‑Ouest. La LGRVM prévoit la création de l’Office des terres et des eaux et de l’Office d’examen des répercussions environnementales (l’Office d’examen), qui ont pour but de « permettre la participation des habitants de la vallée du Mackenzie à la gestion des ressources de cette région, et ce tant dans leur propre intérêt que dans celui des autres Canadiens » (préambule et article 9.1). La participation de la collectivité et la consultation constituent la pierre angulaire de la LGRVM et guident les processus des offices constitués en vertu de celle‑ci.

 

[9]               Le promoteur d’un projet de développement doit présenter une demande à l’Office des terres et des eaux afin d’obtenir des permis d’utilisation des terres et d’utilisation des eaux dans les régions de la vallée du Mackenzie qui font l’objet d’une revendication territoriale (article 60 de la LGRVM). L’article 60.1 de la LGRVM exige expressément que l’Office des terres et des eaux tienne compte du « bien‑être et [du] mode de vie des peuples autochtones du Canada » lorsqu’il prend ses décisions. Aux termes du paragraphe 63(2) de la LGRVM, l’Office doit aviser la collectivité et la Première Nation concernées de toute demande de permis.

 

[10]           La partie 5 de la LGRVM établit le cadre législatif du processus d’examen et du processus d’évaluation environnementale exigés par cette loi. L’un des buts de cette partie consiste à « veiller à ce qu’il soit tenu compte, dans le cadre du processus, des préoccupations des autochtones et du public en général », le processus devant tenir compte de la protection de l’environnement, du maintien du bien‑être social, culturel et économique des habitants et des collectivités de la vallée du Mackenzie et de « l’importance de préserver les ressources pour le bien‑être et le mode de vie des peuples autochtones [...] qui utilisent les ressources d’une région de la vallée du Mackenzie » (articles 114 et 115).

 

[11]           La consultation de la collectivité fait partie intégrante des processus de l’Office des terres et des eaux et de l’Office d’examen. L’article 3 de la LGRVM régit la façon dont cette consultation doit être effectuée :

 

Consultation

 

3. Toute consultation effectuée sous le régime de la présente loi comprend l’envoi, à la partie à consulter, d’un avis suffisamment détaillé pour lui permettre de préparer ses arguments, l’octroi d’un délai suffisant pour ce faire et la possibilité de présenter à qui de droit ses vues sur la question; elle comprend enfin une étude approfondie et impartiale de ces vues.

Consultation

 

3. Wherever in this Act reference is made, in relation to any matter, to a power or duty to consult, that power or duty shall be exercised

 

(a) by providing, to the party to be consulted,

 

(i) notice of the matter in sufficient form and detail to allow the party to prepare its views on the matter,

 

(ii) a reasonable period for the party to prepare those views, and

 

(iii) an opportunity to present those views to the party having the power or duty to consult; and

 

(b) by considering, fully and impartially, any views so presented.

 

[12]           En outre, l’Office des terres et des eaux et l’Office d’examen ont tous deux établi des lignes directrices sur la façon dont les promoteurs doivent mener les consultations lorsque les demandes sont présentées aux offices : voir les lignes directrices sur l’évaluation des incidences environnementales de l’Office d’examen (mars 2004) et les lignes directrices sur la participation des demandeurs de permis de l’Office des terres et des eaux (octobre 2003).

 

[13]           La LGRVM prévoit un processus d’examen en trois étapes : l’examen préalable, l’évaluation environnementale et l’étude d’impact. Les promoteurs doivent envisager l’atténuation des répercussions environnementales et consulter les Premières Nations concernées conformément aux lignes directrices avant de présenter une demande. Lorsque l’Office des terres et des eaux est convaincu que le processus de consultation de la collectivité qui est préalable à la demande a eu lieu, il effectue un examen préalable du projet de développement (article 124 de la LGRVM). Au cours de l’examen préalable, l’information fournie par le demandeur, notamment l’information relative aux consultations, sert à déterminer si le projet de développement est susceptible d’avoir des répercussions importantes sur l’environnement ou d’être la cause de préoccupations pour le public. Dans l’affirmative, l’Office d’examen doit procéder à une évaluation plus approfondie que l’évaluation environnementale. Si le projet de développement est susceptible d’avoir des répercussions négatives importantes, l’Office des terres et des eaux renvoie l’affaire à l’Office d’examen pour qu’il procède à une évaluation environnementale, conformément à l’article 125 de la LGRVM. Dans les autres cas, la demande passe à l’étape de l’octroi de permis.

 

[14]           Lorsque la demande renvoyée par l’Office des terres et des eaux donne lieu à une évaluation environnementale, l’Office d’examen passe en revue l’examen préalable et procède à l’évaluation environnementale, laquelle comporte une étude approfondie du projet de développement afin d’en connaître les répercussions éventuelles sur l’environnement. Ce processus se fait en différentes étapes, qui sont bien décrites dans la section 3 des lignes directrices sur l’évaluation des incidences environnementales. 

 

[15]           L’Office d’examen détermine d’abord la portée de l’évaluation environnementale en définissant le cadre de référence de celle‑ci. Lorsque ce cadre est défini de façon définitive, le promoteur rédige son rapport d’évaluation, qui décrit de façon complète le développement, les répercussions environnementales (y compris les répercussions sur le plan social, culturel et économique) et les mesures d’atténuation et résume les questions qui ont surgi lors des consultations auprès de la collectivité.

 

[16]           Le rapport d’évaluation du promoteur est ensuite soumis à l’Office d’examen, puis remis à toutes les parties, aux intervenants et aux membres du public. L’Office d’examen procède alors à une vérification de conformité dans le but de vérifier que le rapport est conforme au cadre de référence.

 

[17]           Si l’on juge que le rapport d’évaluation du promoteur est conforme au cadre de référence, il fait l’objet d’un examen technique minutieux dans le cadre duquel les participants peuvent faire valoir leur point de vue et présenter des éléments de preuve et des faits à l’Office d’examen. Les questions qui découlent de l’examen technique et qui nécessitent une réponse officielle font l’objet de demandes d’information de la part de n’importe quel intervenant ou membre de l’Office d’examen.

 

[18]           L’Office d’examen détermine ensuite s’il est nécessaire de tenir une audience. Après l’audience, le cas échéant, il décide s’il approuve ou rejette la demande, avec ou sans mesures d’atténuation, ou s’il renvoie l’affaire pour qu’elle fasse l’objet d’une étude d’impact encore plus approfondie si le projet « aura vraisemblablement des répercussions négatives importantes sur l’environnement [...] ou sera vraisemblablement la cause de préoccupations importantes pour le public » (article 128 de la LGRVM).

 

[19]           Les conclusions de l’Office d’examen à cet égard sont communiquées au promoteur, à l’Office national de l’énergie (dans certains cas), au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) (maintenant le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord), à l’organe ayant effectué l’examen préliminaire du projet et à l’organisme de renvoi. Le ministre d’AINC les transmet ensuite à tout ministre compétent (paragraphes 128(3) et (4) de la LGRVM).

 

[20]           Après examen, les ministres peuvent : (i) accepter le rapport d’évaluation environnementale dans son intégralité, (ii) si une recommandation est accompagnée de mesures d’atténuation, l’accepter avec les mesures d’atténuation proposées, (iii) renvoyer l’évaluation environnementale à l’Office d’examen pour réexamen, (iv) consulter l’Office d’examen et accepter la recommandation avec des modifications aux mesures d’atténuation proposées ou (v) rejeter la recommandation et ordonner la réalisation d’une étude d’impact (paragraphe 130(1) de la LGRVM). Ce processus final, qui est maintenant connu sous le nom de « processus de consultation pour fins de modifications », était au cœur du premier contrôle judiciaire.

 

[21]           Comme il a été mentionné précédemment, les travaux de mise en valeur de Paramount comportaient trois étapes : le projet de forage, le projet de réseau de pipeline et de conduites de collecte et le projet d’expansion. Paramount a demandé et obtenu différents permis relativement au projet de forage en 2000 et 2011, après que l’Office d’examen a effectué et publié une évaluation environnementale. L’Office d’examen a recommandé que des permis d’utilisation des terres et d’utilisation des eaux soient délivrés à la condition que l’on respecte les mesures d’atténuation figurant dans le rapport environnemental de Paramount. Le projet de forage a finalement été autorisé sur cette base.

 

[22]           En rapport avec l’étape suivante de ses travaux de mise en valeur – le projet de réseau de pipeline et de conduites de collecte – Paramount a demandé des permis d’utilisation des terres et d’utilisation des eaux en vertu de la LGRVM en avril 2001. Une évaluation environnementale a été réalisée. La PNKT a participé aux processus d’examen préliminaire et d’évaluation environnementale et a présenté des rapports techniques et des demandes d’information. Après l’évaluation environnementale, les ministres ont autorisé la mise en valeur et l’Office des terres et des eaux a délivré les permis en conséquence. Le juge Blanchard a fait remarquer cependant que les demandeurs avaient protesté contre la décision des ministres d’apporter des modifications substantielles aux recommandations nos 13, 15 et 16 et contre la suppression de la recommandation no 17 de l’Office d’examen et qu’ils avaient estimé que cette décision était préjudiciable à leurs intérêts.

 

[23]           En avril 2003, Paramount a présenté à l’Office des terres et des eaux une demande visant à faire modifier ses différents permis d’utilisation des terres et d’utilisation des eaux qui avaient été délivrés à l’égard de son projet initial. Cet élément du projet de développement – appelé le « projet d’expansion » – a marqué le début des travaux de production de Paramount dans les collines Cameron. Le juge Blanchard a écrit au paragraphe 56 :

Il consistait à l’origine à faire approuver cinq puits supplémentaires mais, à terme, il inclurait aussi le forage, la mise à l’essai et le raccordement d’un nombre maximal de 50 puits supplémentaires sur 10 ans, la production de pétrole et de gaz pendant une période de plus de 15 à 20 ans, l’excavation de 733 kilomètres de lignes sismiques, la construction de campements temporaires desservant jusqu’à 200 travailleurs, le retrait d’eau de divers lacs, ainsi que l’élimination de déchets de forage.

 

 

[24]           Après l’examen préliminaire, dans le cadre duquel des groupes intéressés ont été consultés, l’Office des terres et des eaux a renvoyé l’affaire à l’Office d’examen afin que celui‑ci procède à une évaluation environnementale. Huit groupes autochtones intéressés, dont la PNKT, ont participé au processus d’évaluation environnementale, lequel a suivi les étapes qui ont été décrites précédemment dans les présents motifs.

 

[25]           Dans son rapport, l’Office d’examen a conclu que la preuve produite offrait « un fondement solide » aux préoccupations exprimées à propos des collines Cameron, « relativement surtout aux effets possibles du projet de développement proposé sur les activités traditionnelles qui sont importantes pour [la PNKT] » (page 14). Malgré ces observations, l’Office d’examen a conclu que, avec la mise en œuvre des mesures recommandées dans son rapport et les engagements pris par Paramount, [traduction] « [...] le projet de développement proposé n’aura vraisemblablement pas de répercussions importantes sur l’environnement ou ne suscitera pas de préoccupations importantes dans le grand public, et il devrait passer à l’étape réglementaire des autorisations ».

 

[26]           L’Office national de l’énergie a déterminé que six des 17 mesures recommandées dans le rapport d’évaluation environnementale de l’Office d’examen relevaient de sa compétence, et il a entrepris un processus de consultation pour fins de modifications parallèle en vertu de la LGRVM. Ni ce processus ni les recommandations finales de l’Office national de l’énergie n’ont été contestés par la PNKT.

 

[27]           Le 17 novembre 2004, le ministre d’AINC, s’exprimant au nom des ministres compétents, a entrepris de consulter l’Office d’examen, conformément à l’alinéa 130(1)b) de la LGRVM, en envoyant une lettre dans laquelle il proposait des modifications aux recommandations nos 7, 11, 12, 13, 15, et 16 et expliquait les raisons justifiant ces modifications.

 

[28]           Le 17 décembre 2004, la PNKT a fait parvenir au ministre d’AINC une réponse détaillée par suite de la demande de l’Office d’examen qui souhaitait obtenir son point de vue sur les modifications proposées. La PNKT a fait valoir que le processus de consultation pour fins de modifications contrevenait à l’obligation de consultation de la Couronne. Elle s’opposait en particulier aux modifications apportées par les ministres aux mesures d’atténuation nos 15 et 16 proposées. Ces mesures prévoyaient initialement ce qui suit dans le rapport de l’Office d’examen daté du 1er juin 2004 :

[traduction]

R-15 L’Office d’examen recommande que Paramount et les autres parties au plan d’indemnisation relatif à la faune et à la récolte de ressources dans la région des collines Cameron qui est formulé de manière définitive en réponse aux mesures nos 13 et 15 de la décision EE01-005 [le rapport sur le projet de pipeline] établissent le plan d’indemnisation. Si les parties ne parviennent pas à mettre la dernière main à ce plan dans les 90 jours suivant l’acceptation de ce rapport par le ministre fédéral, l’affaire sera soumise à un arbitrage exécutoire, conformément à l’Arbitration Act des TNO. Une lettre signée par les parties et indiquant qu’elles souscrivent au plan d’indemnisation ou, dans le cas d’un arbitrage, à la décision de l’arbitre doit être déposée auprès de l’ONE et de l’OTEVM avant le début des activités de Paramount visées par le permis d’utilisation des terres MV2002A0046.

 

R-16 L’Office d’examen recommande que le GTNO conclue une entente socio-économique avec Paramount, en consultation avec les collectivités touchées, avant que débutent les activités visées par le permis d’utilisation des terres MV2002A0046. L’entente socio-économique traitera de questions telles que les objectifs d’emploi, les possibilités d’instruction et de formation offertes aux habitants de l’endroit, ainsi qu’un plan de consultation communautaire permanent

 

 

[29]           De décembre 2004 à juillet 2005, l’Office d’examen et les ministres ont participé au processus de consultation pour fins de modifications, duquel les demandeurs ont été exclus. Le 5 juillet 2005, le ministre a décidé de donner son autorisation finale au projet d’expansion sur la foi des mesures d’atténuation qui avaient été largement modifiées pendant le processus. Six des 17 mesures d’atténuation ont été modifiées par les ministres. La mesure R‑15 en particulier a été modifiée de façon à ce que Paramount soit tenue de s’engager par écrit à indemniser les parties concernées de toute perte directe sur le plan de la récolte de ressources et d’animaux sauvages et de prendre en considération les pertes indirectes au cas par cas, plutôt qu’être tenue d’établir un programme d’indemnisation exécutoire par voie d’arbitrage exécutoire. Quant à la mesure R‑16, elle a été modifiée de façon à ce que Paramount ne soit pas tenue de conclure une entente socioéconomique avec les collectivités concernées, comme l’Office d’examen l’avait recommandé, mais qu’elle ait plutôt l’obligation de rendre compte chaque année de son rendement sur le plan de la prestation de bénéfices socioéconomiques aux collectivités. Ces mesures modifiées sont reproduites ci‑dessous :

[traduction]

R-15 L’Office d’examen recommande que Paramount, dans la lettre adressée aux parties à l’évaluation environnementale, s’engage à indemniser la Première nation Ka’a’Gee Tu et les autres groupes autochtones concernés de toute perte directe sur le plan de la récolte de ressources et d’animaux sauvages découlant des activités abouties dans le cadre du projet, et de prendre en considération les pertes indirectes au cas par cas.

 

R-16 L’Office d’examen recommande que Paramount rende compte chaque année au gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest et aux autres parties à l’évaluation environnementale de ses résultats sur le plan de la prestation d’avantages socioéconomiques, comme des occasions d’emploi et de formation pour les habitants de la région, y compris un plan de consultation communautaire permanent et détaillé exposant les mesures qu’elle a prises et prendra pour améliorer ses résultats à cet égard. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest examinera ce rapport avec Paramount de concert avec les autres parties à l’évaluation environnementale.

 

 

            La première décision

 

[30]           Le 5 juillet 2005, la PNKT a demandé le contrôle judiciaire de la décision des ministres de modifier les mesures d’atténuation recommandées par l’Office d’examen. Elle alléguait que le Canada avait manqué à son obligation constitutionnelle et légale de consultation et d’accommodement à son égard avant d’autoriser le projet d’expansion. Les parties dans Chicot no 1 convenaient que la Couronne avait l’obligation de consulter la PNKT, mais qu’il n’y avait eu aucune entente sur la portée et la teneur de cette obligation.

 

[31]           S’appuyant sur les principes formulés par la Cour suprême du Canada dans Nation haïda c Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004]3 RCS 511 [Nation haïda], le juge Blanchard a conclu que la question de savoir si le processus réglementaire en litige et son application répondaient à l’obligation de la Couronne en matière de consultation et d’accommodement dans les circonstances devait être examinée en fonction de la norme de la raisonnabilité. Par ailleurs, c’est la norme de la décision correcte qui devait s’appliquer aux questions relatives à l’existence et à la teneur de l’obligation (voir les paragraphes 92 et 93).

 

[32]           La Cour a ensuite évalué les droits issus de traités de la PNKT et les droits et titres ancestraux que celle‑ci revendiquait et s’est prononcée sur la portée et la teneur des consultations requises pour que la Couronne s’acquitte de son obligation de consultation relativement à l’autorisation du projet d’expansion. Ayant à l’esprit le principe prédominant selon lequel l’obligation de consultation et d’accommodement varie suivant la solidité de la revendication et l’incidence des actions gouvernementales envisagées sur les droits en cause, le juge Blanchard a tiré plusieurs conclusions fondamentales.

 

[33]           L’existence des vastes droits de chasse, de piégeage et de pêche que le Traité no 11 confère aux demandeurs n’est pas contestée. Le juge Blanchard a cependant tiré les conclusions suivantes au sujet de la solidité de la revendication d’un titre ancestral de la PNKT :

a)   la PNKT revendique la gouvernance des collines Cameron. Il n’y a cependant pas de consensus parmi les groupes autochtones au sujet de la gouvernance de la PNKT puisque plusieurs d’entre eux revendiquent aussi les collines Cameron comme faisant partie de leur territoire traditionnel (paragraphe 7);

 

b)   la PNKT participe au processus Deh Cho, dont le but est de négocier des ententes finales relativement aux titres des Autochtones et de la Couronne. La participation de la Couronne à ce processus est un facteur qui peut aider la Cour à apprécier la solidité du dossier de la PNKT (paragraphes 16, 103 et 104);

 

c)   l’argument voulant que la revendication de la PNKT concernant un titre ancestral soit fondée est étayé par le fait que la Couronne n’a pas désigné de terres de réserve à l’usage exclusif de la PNKT, comme l’exige le Traité no 11, et par l’acceptation des terrains des collines Cameron dans le processus des revendications territoriales globales. Ces facteurs doivent être mis en balance avec le texte du Traité, dont la formulation confirme manifestement la renonciation au titre ancestral à l’égard des terres en question (paragraphes 105 à 107).

 

[34]           Compte tenu de ces faits, le juge Blanchard était convaincu que la revendication de la PNKT soulevait une cause raisonnablement défendable concernant le titre ancestral sur les collines Cameron. Il a dit :

107. Il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire, de se prononcer sur la revendication des demandeurs. Il vaut mieux aborder ces questions dans le contexte du procès où l’on prend en considération et où l’on examine en détail les preuves ethnographiques, historiques et traditionnelles pertinentes. En l’espèce, bien qu’il soit difficile de quantifier la solidité du dossier des demandeurs, je conclus néanmoins que leur cause est raisonnablement défendable. Cette opinion repose sur l’examen du dossier qui m’a été produit, sur la nature de la revendication, sur la formulation du Traité no 11, sur le manquement de la Couronne à l’obligation que lui impose le Traité, de même que sur l’engagement de la Couronne à l’égard du processus des revendications territoriales globales. Dans les circonstances, ces facteurs contribuent à intensifier la teneur de l’obligation de consultation qui incombe à la Couronne puis qu’elle n’est pas exclusivement fondée sur l’interprétation des droits issus du traité qui sont en jeu.

 

Chicot no 1, précitée, au paragraphe 107.

 

 

[35]           En ce qui concerne l’effet potentiel du projet d’expansion sur les droits issus de traités de la PNKT et sur le titre ancestral qu’elle revendiquait, le juge Blanchard a statué que ce projet aura une incidence importante et durable sur les terres faisant l’objet du titre ancestral revendiqué par la PNKT ainsi qu’une incidence marquée sur les droits de chasse, de piégeage et de pêche conférés par traités (paragraphes 14, 101, 102 et 112).

 

[36]           Citant Première nation crie Mikisew c Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2005 CSC 69, [2005] 3 RCS 388 [Mikisew], le procureur général du Canada a fait valoir que l’obligation de la Couronne était minimale selon les propos de la juge en chef McLachlin dans Nation haïda. Le juge Blanchard n’était toutefois pas de cet avis. Il a indiqué que les consultations doivent être plus vastes que ce qui est décrit dans Mikisew pour que l’on considère que la Couronne s’est acquittée de son obligation. Selon lui, les facteurs contextuels militaient en faveur d’une participation en bonne et due forme au processus décisionnel.

 

[37]           Le juge Blanchard a conclu que, jusqu’à l’étape du processus de consultation pour fins de modifications, le processus d’autorisation du projet d’expansion était satisfaisant et que les demandeurs avaient pu participer en bonne et due forme au processus décisionnel (paragraphes 118 et 119). À son avis, on ne pouvait en dire autant au regard du processus de consultation pour fins de modifications parce que les demandeurs n’avaient pas été consultés sérieusement au sujet des nouvelles propositions découlant de ce processus (paragraphe 120). Le juge Blanchard a résumé ses conclusions concernant l’obligation de consultation dans le paragraphe suivant :

Je conclus que la Couronne n’a pas respecté son obligation de consultation dans les circonstances. En résumé, le processus de consultation pour fins de modifications a abouti à des changements de fond à des recommandations importantes formulées en termes du processus de consultation antérieur auquel avaient pris part les demandeurs et d’autres intervenants. Ces changements ont été faits sans la contribution des demandeurs. On ne peut donc pas dire que le processus de consultation pour fins de modifications a été mené dans l’intention véritable d’intégrer dans la décision finale les réserves de la PNKT. À ce stade, les demandeurs ont été essentiellement exclus du processus.

 

Chicot no 1, précitée, au paragraphe 124.

 

 

[38]           Le juge Blanchard a tiré la conclusion générale suivante à la fin de son analyse :

La Couronne du chef du Canada n’a pas respecté son obligation de consultation et, le cas échéant, d’accommodement avant de prendre une décision définitive quant à l’approbation du projet d’expansion. La Couronne du chef du Canada se trouve dans l’obligation de consulter la PNKT au sujet des modifications qu’elle se propose d’apporter aux recommandations de l’Office d’examen suite au processus d’évaluation environnementale concernant le projet d’expansion. Il est nécessaire de faire preuve de bonne foi au stade « consultation pour fins de modifications » du processus, et bien que les parties ne soient pas tenues d’arriver à une entente, il y a cette consultation qui donne lieu à l’obligation de prendre des mesures d’accommodement à l’égard des réserves de la PNKT. La portée et la nature de ces mesures, s’il y en a, ne peuvent être déterminées qu’en termes d’une véritable consultation à ce stade final du processus.

 

Chicot no 1, précitée, au paragraphe 131.

 

 

[39]           Les demandeurs ont demandé au juge Blanchard de déclarer que la décision était invalide et illégale, de l’annuler et d’interdire aux ministres et à Paramount d’entreprendre d’autres démarches en rapport avec l’autorisation du projet d’expansion jusqu’à nouvelle ordonnance de la Cour. Le juge Blanchard n’est toutefois pas allé aussi loin. Selon lui, le redressement approprié dans les circonstances consistait à déclarer que le Canada avait manqué à son obligation de consultation et d’accommodement. Il s’agissait de l’un des redressements demandés par les demandeurs. En conséquence, il a ordonné ce qui suit :

J’ordonnerai donc que, conformément aux motifs qui précèdent les parties doivent entreprendre un processus de consultation véritable afin qu’il soit tenu compte des réserves de la PNKT et, s’il y a lieu, que les mesures d’accommodement qui s’imposent soient prises. Ce processus doit viser à concilier les divergences entre les parties, et ce, d’une manière qui concorde avec le principe de l’honneur de la Couronne ainsi qu’avec les principes que la Cour suprême du Canada a énoncés dans les arrêts Nation haïda et Taku.

 

 

[40]           Compte tenu de la décision de la Cour de ne pas annuler la décision de la Couronne, il semble que les préoccupations et les intérêts de la PNKT ne pouvaient pas être pris en compte dans le cadre de la décision de la Couronne d’autoriser le projet d’expansion avec les mesures d’atténuation modifiées. La décision de la Cour n’a pas été portée en appel.

 

Le processus de consultation ordonné par la Cour

[41]           La PNKT, le Canada et Paramount ont lancé un processus de consultation en conformité avec l’ordonnance du juge Blanchard. Ce processus a débuté en août 2007 et s’est terminé en juin 2009 avec la publication des motifs écrits du Canada justifiant la fin de la consultation en date du 7 août 2009. La consultation est bien documentée, toutes les parties ayant convenu qu’elle devait faire partie du dossier.

 

[42]           Le processus de consultation a été long. Il a duré près de deux ans, au cours desquels il y a eu 16 réunions officielles de consultation, en personne ou par téléconférence; des ordres du jour ont été établis et des comptes rendus ont été dressés et approuvés. De nombreuses lettres ont aussi été échangées. Aucun autre permis d’utilisation des terres ou d’utilisation des eaux n’a été délivré à Paramount à la suite de l’évaluation environnementale de l’Office d’examen pendant cette période.

 

[43]           Lors de la première réunion de consultation, qui s’est déroulée le 30 août 2007 à Yellowknife, dans les Territoires du Nord‑Ouest, la PNKT a énoncé trois questions préliminaires qui devaient être réglées avant que des discussions de fond puissent avoir lieu : a) l’établissement d’un protocole de consultation satisfaisant, b) le financement de la participation au processus de consultation et c) la réalisation d’une étude appropriée sur l’utilisation traditionnelle des terres.

 

[44]           Avant la première réunion, le Canada a préparé un protocole de consultation visant à guider le processus. La PNKT n’était pas satisfaite de ce document et a soumis un protocole de consultation modifié. Il ressortait clairement des modifications apportées que le Canada et la PNKT avaient une idée très différente de la portée de Chicot no 1. Les trois mois suivants ont surtout été consacrés aux négociations visant l’élaboration d’un protocole de consultation. Cette question a fait l’objet de trois réunions et d’une téléconférence. Le 27 novembre 2007, le Canada et la PNKT se sont entendus sur un protocole de consultation, qui a ensuite été confirmé lors de la cinquième réunion de consultation le 29 novembre 2007. Paramount s’opposait toutefois à ce protocole parce que, à son avis, il ne respectait pas l’ordonnance rendue dans Chicot no 1.

 

[45]           La PNKT a demandé des fonds pour pouvoir participer au processus de consultation et s’y préparer adéquatement. Le Canada a consenti à sa demande et lui a versé la somme de 88 394 $, qui devait servir notamment à payer les frais de déplacement et les dépenses de deux représentants de la PNKT et de ses avocats. Le Canada a également accepté de payer les honoraires juridiques de la PNKT pendant tout le processus de consultation.

 

[46]           En ce qui concerne l’utilisation des terres et les connaissances traditionnelles, on a demandé au Canada de financer une étude sur ces questions parce que la PNKT considérait que le rassemblement, le partage et l’évaluation des connaissances traditionnelles étaient une première étape essentielle pour comprendre ses préoccupations. Au début, le Canada était réticent parce que l’information sur les pratiques traditionnelles pouvait déjà être obtenue auprès d’autres sources. Il a finalement accepté le point de vue de la PNKT selon lequel l’étude sur les connaissances traditionnelles était un élément essentiel des consultations ordonnées par la Cour et a accepté d’accorder des fonds. L’étude proposée était plus vaste que ce que le Canada estimait nécessaire, mais l’expert‑conseil de la PNKT a insisté sur la nécessité d’adopter une approche globale. En conséquence, le Canada a versé la somme de 70 840 $ pour financer l’étude sur les connaissances traditionnelles telle qu’elle était proposée.

 

[47]           Comme il a été mentionné précédemment, le Canada et la PNKT ne s’entendaient pas sur la portée des consultations au cours de la négociation du protocole de consultation. Lors de la première réunion, la PNKT a dit au Canada que le processus ne devait pas porter sur les mesures d’atténuation modifiées, mais sur les résultats appropriés. La revendication du titre ancestral de la PNKT était défendable et solide et exigeait des mesures d’accommodement économique. La PNKT soutenait que de telles mesures étaient requises et que les consultations devaient porter sur la violation de ses droits. En d’autres termes, la PNKT était d’avis que l’objet des consultations était la décision finale des ministres d’autoriser le projet d’expansion. En conséquence, les consultations ne devaient pas porter, selon elle, sur les effets des mesures d’atténuation modifiées, mais sur les mesures qui devaient être incluses dans la décision finale autorisant le projet d’expansion afin de tenir compte des effets de celui‑ci sur les droits ancestraux revendiqués par la PNKT, y compris le titre ancestral, et de prendre des mesures d’accommodement en conséquence.

 

[48]           De son côté, le Canada croyait que la Cour avait, dans Chicot no 1, ordonné aux parties de mener des consultations sur les effets négatifs potentiels sur les droits issus de traités et les droits ancestraux potentiels découlant du processus de consultation pour fins de modifications. Selon le Canada, il existe une différence entre les effets, sur la PNKT, des modifications apportées aux mesures d’atténuation recommandées par l’Office d’examen – ce qu’il était disposé à aborder dans le cadre des consultations ordonnées par la Cour – et les effets du projet d’expansion sur le titre ancestral revendiqué par la PNKT. Le Canada estimait que les questions relatives au titre ancestral ne devaient pas être abordées dans le cadre du processus de consultation et qu’elles devaient être réglées par un autre moyen, essentiellement par le processus Deh Cho.

 

[49]           La PNKT et le Canada se sont finalement entendus pour que les questions plus générales concernant les effets du projet d’expansion dans l’ensemble sur les droits ancestraux revendiqués par la PNKT, y compris le titre, soient abordées. L’objet du protocole est décrit dans les termes suivants :

[traduction] Le présent protocole a pour objet d’établir un processus afin de mettre en œuvre l’ordonnance de la Cour enjoignant au Canada et aux Ka’a’Gee Tu de mener de véritables consultations dans le but de prendre en considération les préoccupations des Ka’a’Gee Tu concernant les répercussions négatives, y compris les atteintes potentielles, du projet d’expansion sur les droits issus de traités des Ka’a’Gee et sur les droits ancestraux qu’ils revendiquent, y compris le titre ancestral, et de prendre des mesures d’accommodement en conséquence.

 

 

[50]           Dans le protocole de consultation, la PNKT s’engageait à mettre par écrit ses préoccupations concernant les mesures d’atténuation modifiées et, en particulier, ses préoccupations concernant les répercussions négatives du projet d’expansion, y compris les atteintes potentielles à ses droits, sur ses droits issus de traités et ses droits ancestraux établis ou potentiels, y compris le titre ancestral, Il était entendu que le gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest et Paramount pourraient participer aux discussions.

 

[51]           Les demandeurs ont notamment fait valoir que le Canada avait fait une fausse déclaration lorsqu’il avait convenu d’aborder les questions relatives aux répercussions du projet d’expansion dans l’ensemble sur les droits ancestraux revendiqués par la PNKT, puisqu’il n’avait jamais eu l’intention de consulter celles‑ci sur ces questions plus générales. La Cour reviendra sur cet aspect un peu plus loin.

 

[52]           Une fois le protocole de consultation conclu, les parties ont entrepris l’étape de l’échange de l’information du processus de consultation. Le 27 novembre 2007, la PNKT a transmis un premier document faisant état de ses préoccupations concernant les mesures d’atténuation modifiées. Ce document faisait essentiellement référence aux lettres qu’elle avait adressées à l’Office d’examen le 24 juin et le 17 décembre 2004 et résumait les défauts des mesures d’atténuation modifiées qui étaient décrits plus en détail dans les deux lettres. La PNKT a indiqué clairement qu’elle transmettait ce document pour montrer sa bonne foi et que les étapes suivantes des consultations, au cours desquelles les répercussions du projet d’expansion sur ses droits issus de traités et son titre ancestral devaient être décrites et évaluées et donner lieu à des mesures d’accommodement, étaient nécessaires. Elle a indiqué que les mesures d’atténuation modifiées étaient déficientes à la base car elles découlaient d’un processus décisionnel auquel elle n’avait pas participé et qu’elles ne permettaient pas de tenir compte de l’aspect économique inévitable de son titre ancestral et de ses droits issus de traités ou ne dénotaient aucune intention de le faire. 

 

[53]           Ces commentaires ont été analysés deux jours plus tard, le 29 novembre 2007, au cours d’une réunion tenue à Yellowknife. Il ressort très nettement du compte rendu de cette réunion que la PNKT était plus intéressée à discuter des atteintes à ses droits pour la simple raison qu’elle était d’avis que la loi ne permettait pas aux ministres de revoir leur décision.

 

[54]           En réponse à la présentation de la PNKT du 27 novembre 2007, le Canada a demandé, le 11 janvier 2008, des renseignements détaillés concernant notamment : (i) la région exacte que la PNKT appelait les collines Cameron; (ii) les droits ancestraux et issus de traités précis que la PNKT revendiquait dans cette région; (iii) la question de savoir si la PNKT revendiquait des droits exclusifs sur cette région; (iv) le point de vue de la PNKT sur les revendications, notamment celles des autres Premières Nations et groupes autochtones qui revendiquaient aussi des droits dans cette région; (v) la somme exacte que la PNKT réclamait au regard de l’aspect économique du titre qu’elle revendiquait. La PNKT a répondu à ces questions dans une lettre datée du 22 janvier 2007 et a rappelé au Canada que bon nombre de questions pour lesquelles il demandait des éclaircissements avaient déjà été réglées dans Chicot no 1. La PNKT a aussi transmis au Canada des copies des résolutions adoptées en août 1996 et en décembre 2007 par la Nation dénée afin de confirmer le rôle de la PNKT à titre de principale utilisatrice, gardienne et gestionnaire traditionnelle de son territoire traditionnel, lequel inclut les collines Cameron. 

 

[55]           Le 22 janvier 2008, la PNKT a demandé des renseignements additionnels au Canada concernant notamment les redevances et les revenus générés par le projet d’expansion et les mesures précises que le Canada prenait pour assurer la participation de la PNKT aux retombées économiques liées au projet. Le Canada, qui n’a répondu à la PNKT que le 6 juin 2008, a refusé de fournir des renseignements au sujet des redevances, ces renseignements ne pouvant être divulgués sans l’autorisation écrite expresse de Paramount; quant aux revenus projetés, il a indiqué qu’il serait difficile de les calculer avec exactitude en raison des nombreux facteurs ayant une incidence sur la production d’une année à l’autre. En ce qui concerne la participation de la PNKT aux retombées économiques liées au projet, le Canada s’est appuyé essentiellement sur le plan de retombées économiques soumis par Paramount et approuvé par le ministre en mars 2001, en application de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada.

 

[56]           Le 24 avril 2008, la PNKT a remis aux parties un nouveau document faisant état de ses intérêts et de ses préoccupations concernant le projet d’expansion. Dans ce document de même qu’à la réunion, la PNKT a résumé l’information concernant son utilisation et son occupation de la région des collines Cameron et a répété les conclusions de l’Office d’examen et de la Cour dans Chicot no 1 au sujet des risques découlant du projet d’expansion de Paramount pour sa population. Elle a aussi décrit cinq aspects qui devaient, selon elle, faire l’objet de consultations et de mesures d’accommodement :

a)      le programme de surveillance et d’atténuation environnementales (dans le but de régler le problème de l’absence de données de base servant à évaluer les répercussions et à prendre des décisions judicieuses en matière de gestion, et de compléter les programmes de surveillance existants);

b)      le protocole d’échange de l’information conclu par la PNKT et Paramount (dans le but de régler la question de l’échange de l’information à l’étape préalable à la demande, de faire en sorte que des mises à jour sur le projet soient produites régulièrement, etc.);

c)      le fonds d’indemnisation concernant l’utilisation traditionnelle des terres de la PNKT (afin d’aborder les répercussions potentielles sur l’utilisation traditionnelle des terres et d’appuyer les activités relatives aux terres traditionnelles de la PNKT au moyen de programmes destinés aux jeunes et en conduisant les Aînés au lac Tathlina);

d)      l’indemnisation au titre des ressources perdues (essentiellement, la PNKT cherchait à recouvrer ses frais de litige et les frais afférents);

e)      la participation de la PNKT aux retombées économiques de l’exploitation des ressources (selon la PNKT, [traduction] « il est nécessaire de prendre des mesures d’accommodement relativement aux atteintes à l’aspect économique du titre ancestral ». La PNKT a indiqué que sa participation aux retombées économiques de l’exploitation des ressources pouvait prendre la forme de possibilités en matière de contrat et de coentreprise et de partage des revenus tirés des ressources).

 

[57]           Dans une lettre datée du 19 juin 2008, le Canada a proposé une réponse à quatre volets aux préoccupations de la PNKT. Premièrement, il a proposé de travailler avec la PNKT à la conception d’un programme de surveillance environnementale intégré concernant les collines Cameron. Deuxièmement, il a offert de tenir une journée portes ouvertes annuelle et de suivre, à titre d’observateur, la conception et la mise en œuvre d’un protocole de partage de l’information entre la PNKT et Paramount. Troisièmement, il a proposé de faciliter le processus de renouvellement du plan de récolte d’animaux sauvages dans les collines Cameron. Enfin, il a suggéré que la PNKT présente son point de vue sur les retombées économiques locales des plans de retombées économiques au personnel de la Direction générale du pétrole et du gaz du Nord d’AINC lors d’une rencontre communautaire, pendant que les fonctionnaires envisageraient la planification d’un examen plus large des retombées économiques.

 

[58]           Certes, cette dernière proposition est bien en deçà de ce que la PNKT demandait. Le Canada estimait toujours que la PNKT était déjà en mesure de tirer profit de l’exploitation des ressources grâce à l’Entente provisoire sur l’exploitation des ressources mise au point dans le cadre du processus Deh Cho, auquel la PNKT est partie. Le Canada a aussi indiqué clairement lors de la réunion du 24 avril 2008 qu’il devait prendre en compte les revendications d’autres Premières Nations visant la même région et que ces revendications de titre et de droits devaient être réglées dans le cadre du processus Deh Cho.

 

[59]           Au cours des mois qui ont suivi, des discussions sur les questions soulevées par la PNKT ont eu lieu et des progrès ont été réalisés quant à certaines d’entre elles. Je résumerai maintenant brièvement le résultat de ces discussions au regard des cinq sujets de préoccupation décrits par la PNKT.

 

Le plan de surveillance et d’atténuation environnementales

[60]           La PNKT a exposé ses préoccupations concernant l’absence de données de base relatives aux terres, aux eaux et à la faune dans le territoire traditionnel qu’elle revendique. Plus précisément, ses membres ont exprimé leurs inquiétudes quant aux répercussions potentielles du projet d’expansion sur la faune, les terres et les eaux. En conséquence, la PNKT voulait que soit mis en place un programme pluriannuel de surveillance des eaux et de la faune avec la participation, en plus d’elle‑même, d’AINC, du gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest et de Paramount. La PNKT voulait également jouer un rôle dans la conception, la mise en œuvre et la surveillance d’un programme environnemental dans le but de faire en sorte que ses connaissances traditionnelles soient incorporées et que les répercussions du projet d’expansion soient réduites.

 

[61]           Des renseignements sur les conditions environnementales des collines Cameron étaient disponibles, notamment des rapports réguliers de Paramount sur ses activités environnementales obligatoires, une initiative environnementale du gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest, le programme de surveillance de la faune réalisé par la PNKT dans les environs du projet d’expansion en 2007‑2008 et le rapport sur l’état des connaissances concernant le territoire traditionnel de la PNKT préparé par SENES Consultants Ltd.

 

[62]           Après avoir entendu les préoccupations de la PNKT et avoir pris connaissance de l’information disponible concernant l’environnement des collines Cameron, le Canada a reconnu qu’une approche plus intégrée en matière de surveillance était nécessaire et que la participation directe de la PNKT serait utile. Un programme de surveillance intégré aiderait la PNKT à déterminer ses pertes indirectes en vue de l’indemnisation relative aux animaux sauvages, comme l’exigeait Paramount, en plus d’aider l’Office des terres et des eaux à définir des mesures d’atténuation dont pourraient être assortis les permis que Paramount pourrait éventuellement demander. Aussi, le Canada a offert à la PNKT la somme de 30 000 $ pour qu’elle participe à la conception d’un programme de surveillance environnementale intégré. Le Canada a aussi demandé à la PNKT de participer directement à la surveillance et au signalement des répercussions négatives potentielles du projet d’expansion. Paramount a indiqué qu’elle appuyait le programme en principe et a accepté d’avancer des fonds si la conception du programme était approuvée. La PNKT aurait aimé que le programme existe pendant toute la durée du projet d’expansion, mais AINC a fait savoir qu’il ne pouvait pas s’engager pour plusieurs années sur le plan financier et qu’il ferait tout en son pouvoir pour continuer à soutenir le programme.

 

[63]           La PNKT a accepté cette mesure d’accommodement et a soumis une proposition concernant la conception du programme. Le plan de surveillance et d’atténuation environnementales n’est donc pas en litige dans le cadre de la présente instance.

 

            Le protocole d’échange de l’information

[64]           La PNKT a cherché à conclure avec Paramount un protocole d’échange de l’information qui régirait l’échange de l’information à l’étape préalable à la demande, les réunions de mise à jour du projet, les connaissances traditionnelles ainsi que d’autres questions. Le Canada a recommandé que la PNKT et Paramount s’efforcent de conclure un tel protocole. Pour faciliter le processus d’échange de l’information, le Canada a offert de tenir chaque année une journée portes ouvertes. La PNKT n’a pas accepté cette offre.

 

Le fonds d’indemnisation concernant l’utilisation traditionnelle des terres

[65]           La PNKT a fait savoir au Canada que la mesure d’atténuation modifiée R‑15 ne convenait pas et était insuffisante, et elle s’est opposée à Paramount qui entendait limiter l’indemnisation aux répercussions directes et démontrées, sur les exploitants, des activités non autorisées par un permis. Selon elle, les répercussions sur son utilisation traditionnelle des terres étaient ressenties par l’ensemble de la collectivité. Elle a demandé qu’un fonds administré par la collectivité soit créé pour appuyer les activités relatives à l’utilisation traditionnelle des terres, y compris les voyages des Aînés au lac Tathlina, la reconstruction des chemins, la formation des trappeurs et les activités des jeunes touchant les pratiques traditionnelles.

 

[66]           En réponse, le Canada a proposé d’aider Paramount et les groupes autochtones susceptibles d’être touchés, dont la PNKT, à s’entendre sur un plan de récolte d’animaux sauvages dans les collines Cameron, comme le prévoyait la mesure d’atténuation originale R‑15. Une telle mesure était inacceptable aux yeux de la PNKT. Lors d’une réunion de consultation le 2 juillet 2008, celle‑ci a répété sa proposition d’avril 2008 selon laquelle les répercussions sur l’utilisation traditionnelle des terres devaient être abordées au moyen de programmes communautaires d’utilisation des terres, et non par la négociation d’une indemnité pour les pertes subies en matière de trappage par les membres de la collectivité. Dans une lettre datée du 16 octobre 2008, le Canada a accepté d’examiner une proposition visant la création d’un programme sur les pratiques traditionnelles propre à la PNKT.

 

[67]           La PNKT avait d’abord demandé une somme de 50 000 $ par année pour toute la durée du projet d’expansion. Le Canada a indiqué qu’il ne savait pas comment cette somme avait été calculée. Il a plutôt proposé, dans une lettre datée du 5 novembre 2008, de financer un programme d’utilisation traditionnelle des terres et a offert de verser à la PNKT une somme de 20 000 $ pour les services d’un expert‑conseil qui serait chargé de rédiger une proposition concernant la conception et la mise en œuvre du programme. Il a aussi indiqué qu’il ne pouvait s’engager à soutenir financièrement le programme proposé pendant plusieurs années à cause de la nature des procédés de financement du gouvernement, mais qu’il s’engageait à faire tout ce qu’il pourrait pour assurer un financement continu pour la mise en œuvre du programme. Le Canada a mentionné à la réunion du 1er décembre 2008 que l’information recueillie dans le cadre du programme sur les pratiques traditionnelles devrait être utile à la PNKT au regard des mécanismes réglementaires qui pourraient être mis en place dans l’avenir. Paramount a fait savoir qu’elle appuyait le programme en principe et a convenu d’envisager la possibilité de verser des fonds si la conception du programme était approuvée.

 

[68]           Tout en soulignant que l’absence d’un engagement ferme en matière de financement à long terme limitait considérablement la capacité du programme de tenir compte véritablement des répercussions du projet d’expansion, la PNKT a indiqué dans une lettre datée du 9 juin 2009 que ce programme (tout comme le programme de surveillance environnementale) constituait une première étape importante visant à répondre à deux de ses préoccupations et a convenu de travailler de concert avec AINC et Paramount à la création de ces deux programmes. La PNKT a soumis une proposition concernant la conception du programme en juillet 2009.

 

L’indemnisation pour les ressources perdues

[69]           La PNKT voulait être indemnisée des ressources perdues liées aux frais engagés en matière de litiges. Le Canada a répondu qu’il existe un recours juridique pour recouvrer ces frais. La PNKT n’a pas donné suite à cette mesure d’accommodement proposée.

 

Le titre autochtone revendiqué et la participation aux retombées économiques de l’exploitation des ressources

[70]           Cette question a dominé le processus de consultation et a été le principal sujet de divergence entre le Canada et la PNKT. Dès la première réunion de consultation le 30 août 2007, la PNKT a fait valoir que le titre ancestral qu’elle revendiquait comportait un aspect économique qui exigeait des mesures d’accommodement qui, selon elle, devaient être prévues dans une entente entre elle et Paramount; à défaut d’entente, c’est le Canada qui devrait lui verser une indemnité financière. Dans une lettre datée du 24 septembre 2007, l’avocat des demandeurs a bien exprimé l’essence de la prétention de la PNKT :

[traduction] La consultation et l’accommodement ont pour but d’établir des mesures provisoires qui visent à régler les atteintes potentielles à un titre ancestral et aux droits ancestraux et issus de traités jusqu’à ce que des instruments plus généraux de conciliation aient été mis au point dans le cadre de processus plus longs comme les négociations relatives à des revendications globales. Les préoccupations suscitées par de telles atteintes potentielles, notamment celles relatives au titre ancestral des Ka’a’Gee Tu, doivent être soupesées, comprises et prises en compte dans le cadre de cette consultation. Renvoyer la question du titre des Ka’a’Gee Tu afin qu’elle soit réglée dans le cadre du processus Deh Cho serait incompatible avec la jurisprudence et compromettrait, au lieu de les atteindre, les objectifs fondamentaux du processus honorable de consultation et d’accommodement.

 

 

[71]           Comme il a été mentionné précédemment, la PNKT a exposé ses attentes concernant les mesures d’accommodement relatives au titre ancestral qu’elle revendiquait le 24 avril 2008. Plus précisément, elle a demandé, à titre d’indemnité, à participer à la mise en valeur des ressources en concluant des contrats et des ententes de coentreprise avec Paramount et à avoir droit à une partie des revenus tirés des ressources.

 

[72]           Paramount a présenté, en vertu de l’article 5.2 de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, un plan de retombées économiques et une mise à jour de ce plan relativement à ses opérations pétrolières et gazières dans les collines Cameron. Le plan et la mise à jour énoncent les principes, pratiques et procédés que Paramount a mis en place pour permettre aux Canadiens de profiter de possibilités d’emploi, de formation et d’affaires. Or, la PNKT est d’avis que ce plan et cette mise à jour n’ont jamais été préparés à l’intention des collectivités locales, dont elle‑même, et qu’ils n’ont jamais eu pour but d’offrir de telles possibilités aux collectivités locales.

 

[73]           En outre, la mesure d’atténuation modifiée R‑16 exige que Paramount dépose un rapport annuel faisant état de son rendement sur le plan de la prestation de bénéfices socioéconomiques, comme les possibilités d’emploi et de formation offertes aux résidants locaux, comprenant un plan détaillé des consultations en cours avec la collectivité. Paramount présente ses rapports annuels à AINC, qui en remet ensuite une copie aux collectivités autochtones potentiellement touchées. Ces rapports peuvent aider les parties à se préparer en vue des possibilités d’emploi qui sont attendues. De plus, Paramount avise les collectivités autochtones potentiellement touchées des possibilités contractuelles concernant des activités à venir. En ce qui concerne la PNKT en particulier, Paramount a conclu des contrats avec des sociétés liées à Kakisa ou lui appartenant pour une valeur moyenne de 829 588,55 $ chaque année entre 2002 et 2007. La PNKT estime toutefois qu’il ne s’agit pas d’une mesure d’accommodement suffisante puisque les retombées économiques de ces contrats profitent non pas à la collectivité, mais à certains des membres de celle‑ci. Elle a aussi indiqué qu’un seul de ses membres a été employé directement par Paramount.

 

[74]           Il semble que Paramount ne souhaite pas créer une coentreprise avec la PNKT. Le Canada ne peut évidemment pas la forcer à le faire, la loi ne lui conférant pas ce pouvoir. Il a néanmoins offert de fournir un soutien et une expertise techniques par l’entremise de programmes de développement économique comme le Programme d’opportunités économiques pour les communautés et le Programme de développement économique des communautés, afin d’aider la PNKT à accroître sa capacité en matière commerciale. La PNKT n’a pas accepté cette offre.

 

[75]           Pour ce qui est du partage des revenus tirés des ressources, la PNKT voulait conclure une entente avec Paramount et elle a donné différents exemples de mesures d’accommodement qu’elle était prête à accepter relativement au titre ancestral qu’elle revendique. Subsidiairement, elle a demandé une compensation financière au Canada.

 

[76]           Il semble y avoir des revendications rivales de droits ancestraux, y compris le titre ancestral, dans les collines Cameron. Dans une lettre du 22 avril 2009, le Canada a donné des exemples d’autres groupes autochtones (tous des membres des Premières Nations Deh Cho) qui revendiquent un titre et des droits ancestraux dans la région des collines de Cameron, ce qui, selon lui, montre clairement que la revendication de la gouvernance de cette région par la PNKT n’est généralement pas acceptée par les autres groupes autochtones. Les Premières Nations Deh Cho revendiquent des droits ancestraux (y compris le titre) collectivement au nom de leurs membres de la région Deh Cho, où est située la région des collines Cameron. De plus, la Première Nation Dene Thá de l’Alberta et les Métis des Territoires du Nord‑Ouest revendiquent des droits ancestraux sur la région des collines Cameron. Le Canada était donc d’avis que la question du titre ancestral devait être réglée dans le cadre du processus de revendication territoriale des Deh Cho et qu’il ne s’agissait pas d’un sujet approprié pour des consultations. Selon le Canada, la Cour n’avait pas l’intention, en ordonnant la tenue de consultations, de créer un autre processus de revendication territoriale différent du processus Deh Cho existant, auquel la PNKT participe en tant que membre des Premières Nations Deh Cho.

 

[77]           La PNKT semble reconnaître l’existence de revendications rivales et l’absence de consensus au sein des groupes autochtones. Elle soutient cependant que, par suite de Chicot no 1, où le juge Blanchard a conclu qu’elle avait une cause raisonnablement défendable relativement à l’existence d’un titre ancestral sur les collines Cameron, et en raison de sa revendication du titre ancestral et de la preuve recueillie à l’appui, une compensation financière concernant le titre ancestral qu’elle revendique sur la région où est situé le projet d’expansion est justifiée. En l’absence d’une entente avec Paramount, la PNKT a demandé la création d’un fonds réglementaire et de développement communautaire financé par le Canada, dans lequel une contribution initiale de 1,5 million de dollars puis une somme de 500 000 $ par année pendant toute la durée du projet d’expansion seraient versées.

 

[78]           Pour étayer sa revendication du titre autochtone sur les collines Cameron, la PNKT a envoyé au Canada deux résolutions adoptées par la Nation dénée, à laquelle appartiennent toutes les collectivités Deh Cho. La première résolution, adoptée à l’assemblée dénée tenue en août 1996, indique que la PNKT [traduction] « est la principale utilisatrice, gardienne et gestionnaire traditionnelle de son territoire traditionnel, lequel inclut les collines Cameron » et [traduction] « dépend des terres et des eaux dans la région pour sa subsistance ». En conséquence, l’assemblée dénée [traduction] « appuie totalement le droit [de la PNKT] de donner l’approbation finale aux futures activités économiques et d’utilisation des terres dans son territoire traditionnel, lequel inclut les collines Cameron ». La deuxième résolution, adoptée en décembre 2007, faisait référence à la résolution précédente et à Chicot no 1 et indiquait qu’il avait été décidé que [traduction] « les dirigeants dénés appuient la demande présentée par la Première Nation Ka’a’Gee Tu afin que le Canada et l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie ne délivrent aucun permis à Paramount relativement aux collines Cameron tant que le Canada n’a pas répondu aux préoccupations de la Première Nation Ka’a’Gee Tu au moyen de véritables consultations et mesures d’accommodement ».

 

[79]           La PNKT a fait valoir depuis le début que le Canada a l’obligation, selon la Constitution, de consulter les peuples autochtones au sujet des décisions et des mesures susceptibles de nuire à leurs intérêts, et de trouver des accommodements à ces intérêts, jusqu’au règlement de leurs revendications dans le cadre de négociations de traités. L’existence de revendications d’autres Premières nations peut être prise en compte lorsque la solidité d’une revendication est évaluée, mais ce facteur ne dégage pas la Couronne de son obligation de consultation en vue d’élaborer des mesures d’accommodement économique qui tiennent compte des atteintes au titre ancestral revendiqué par la PNKT. En outre, celle‑ci a demandé au Canada de préciser, par écrit, l’information et les faits sur lesquels était fondée son évaluation préliminaire de la solidité de la revendication de la PNKT concernant un titre et des droits ancestraux non éteints afin que celle‑ci puisse y répondre. Enfin, la PNKT a reconnu qu’il n’y avait ni conflit ni chevauchement entre le processus Deh Cho et le processus de consultation. Selon elle, la consultation sur les mesures d’accommodement visant les répercussions et les atteintes d’un projet en particulier n’est pas analogue à une négociation relative à une revendication, mais constitue plutôt le processus exigé par la Constitution pour trouver des mesures provisoires honorables visant à protéger les droits et les intérêts garantis au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), 1982, c 11, et à leur trouver des accommodements, jusqu’à ce que, entre autres, le processus de négociation des revendications des Premières Nations Deh Cho soit terminé.

 

[80]           Le Canada a aussi fait valoir que les questions relatives au partage des revenus tirés de l’exploitation des ressources pendant la négociation d’une entente sur les revendications territoriales sont régies expressément par l’EPER conclue par la Couronne et les Premières Nations Deh Cho le 17 avril 2003. Cette entente avait pour objet de permettre aux membres des Premières Nations Deh Cho de soutenir l’exploitation et d’en bénéficier pendant la négociation du processus Deh Cho. Le Canada a reconnu que l’EPER n’a peut‑être pas été négociée avec l’intention expresse qu’elle constitue une mesure d’accommodement aux atteintes à l’aspect économique du titre ancestral découlant de projets particuliers, mais plutôt pour favoriser l’exploitation des ressources dans le territoire Deh Cho. Le Canada affirme néanmoins qu’il peut trouver des accommodements aux répercussions négatives éventuelles sur les droits ancestraux ou issus de traités établis ou potentiels jusqu’au règlement final des revendications. Il est donc d’avis qu’il incombe à la PNKT de demander des fonds supplémentaires aux Premières Nations Deh Cho et que toute nouvelle entente de partage des revenus tirés de l’exploitation des ressources dans la vallée du Mackenzie doit être négociée par le Canada et les Premières Nations Deh Cho.

 

[81]           La dernière réunion de consultation en personne du Canada et de la PNKT a eu lieu le 1er décembre 2008 à Kakisa. La PNKT a continué d’insister sur le fait que des mesures visant les répercussions sur le titre ancestral étaient nécessaires et a indiqué qu’elle était disposée à examiner différentes options. Lors de cette réunion, le Canada a évoqué la possibilité que les parties soumettent leur différend quant au titre à la médiation ou à l’arbitrage. La PNKT a confirmé qu’elle était intéressée à explorer cette option et, après la réunion, elle a demandé au Canada de lui donner une autre occasion d’examiner les options de médiation et d’arbitrage. Après mûre réflexion, le Canada a fait savoir, dans une lettre datée du 22 avril 2009, que ces options n’étaient pas appropriées car elles ne permettraient pas de mieux comprendre les préoccupations de la PNKT.

 

[82]           Le Canada a conclu que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, il n’était pas raisonnable de négocier, dans le cadre du processus de consultation, une compensation financière pour toute atteinte potentielle au titre ancestral revendiqué par la PNKT. Il a mis fin au processus de consultation le 24 juin 2009 et a motivé cette décision dans une lettre datée du 7 août 2009.

 

2. Les questions en litige

[83]           La seule question soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le Canada, représenté par AINC, s’est acquitté de son obligation de consultation et, le cas échéant, d’accommodement dans le cadre du processus de consultation ordonné par la Cour par suite de la décision qu’elle a rendue dans Chicot no 1.

 

3. Analyse

[84]           L’avocate du Canada a fait valoir, à titre d’argument préliminaire, que l’affidavit de Joe Acorn, signé le 16 octobre 2009, est irrégulier parce qu’il contient du ouï‑dire et des arguments et qu’il fait référence à des questions dépourvues de pertinence. Aucune requête en radiation n’a été déposée, mais l’avocate a demandé à la Cour de n’accorder aucun poids à cet affidavit.

 

[85]           Le paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, prévoit explicitement que « [l]es affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle [...] ». La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que la Cour peut radier des affidavits ou des parties de ceux‑ci lorsqu’ils sont abusifs ou n’ont clairement aucune pertinence, lorsqu’ils renferment une opinion, des arguments ou des conclusions de droit (voir Canada (Procureur général) c Quadrini, 2010 CAF 47, au paragraphe 18, 399 NR 33). Un affidavit n’est pas destiné à remplacer ou à compléter la plaidoirie qui sera présentée par l’avocat; il a pour objet de présenter les faits qui sont pertinents quant au litige, et rien de plus.

 

[86]           Selon ce critère, il est incontestable que l’affidavit de Joe Acorn, un expert‑conseil dans le domaine de l’environnement au service de la PNKT, est rempli de ouï‑dire et d’arguments. En outre, des documents qui y sont joints n’étaient pas à la disposition du décideur pendant le processus de consultation qui a suivi Chicot no 1. En fait, cet affidavit (en particulier les paragraphes 19 à 33) semble avoir été déposé principalement pour renforcer la prétention de la PNKT selon laquelle le Canada a négocié les retombées économiques et des ententes socioéconomiques du type demandé par la PNKT dans le contexte du processus d’autorisation réglementaire applicable aux grands projets dans la vallée du Mackenzie et il serait seulement équitable qu’elle ait droit à un traitement similaire.

 

[87]           L’avocat des demandeurs a fait valoir que l’existence de ces ententes a été confirmée, dans une large mesure, pendant le contre‑interrogatoire du témoin de la Couronne. Or, ce n’est pas ce qui est en cause ici. Même si je présumais que les représentants du Canada étaient au courant de ces ententes pendant le processus de consultation, celles‑ci n’ont jamais été discutées aux différentes réunions ou dans la correspondance, si ce n’est de manière très générale. Plus important, la pertinence de ces documents n’a pas été démontrée clairement et la Cour ne peut qu’émettre des hypothèses quant aux conclusions qui devraient être tirées de ces documents concernant d’autres groupes autochtones et d’autres projets d’exploitation des ressources à l’extérieur de la région des collines Cameron. En conséquence, ces documents ne peuvent servir à démontrer que des ententes similaires auraient dû faire partie du processus de consultation, encore moins que la PNKT a été traitée de manière inéquitable.

 

[88]           Outre les paragraphes 1 à 6, qui décrivent les antécédents professionnels de M. Acorn, les autres paragraphes (7 à 18) visaient à décrire ce qui s’est passé devant l’Office d’examen, ce que la PNKT cherchait à obtenir, les raisons pour lesquelles elle sollicitait différents types d’ententes, ce que le rapport de l’Office d’examen indique et comment la recommandation no 16 a été modifiée au moyen du processus de consultation pour fins de modifications. Certaines des déclarations contenues dans l’affidavit ne concernent pas les faits dont le déclarant avait une connaissance personnelle et devraient plutôt être faites par la PNKT elle‑même. Le paragraphe 18 est nettement de la nature d’une preuve d’expert car il y est écrit que [traduction] « les ententes sur les retombées économiques et les ententes socioéconomiques sont des aspects bien établis du processus d’autorisation réglementaire pour ce qui est des projets majeurs dans la vallée du Mackenzie et la région arctique [...] ». Dans l’ensemble, je suis d’accord avec l’avocate du Canada lorsqu’elle dit que cet affidavit a peu de valeur et qu’il faut en conséquence lui accorder peu de poids.

 

[89]           La norme de contrôle applicable en l’espèce n’est pas contestée par les parties. Mon collègue le juge Blanchard l’a bien résumée dans Chicot no 1, en s’appuyant sur les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Nation haïda, précité. Il n’est donc pas nécessaire de réexaminer cette question. Une cour de révision doit faire montre de très peu de déférence à l’égard du décideur lorsqu’elle détermine si l’obligation de consultation s’applique ou lorsqu’elle limite la portée et l’étendue de l’obligation en tenant compte des limites légales et constitutionnelles. Par ailleurs, c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique à la question de savoir si la Couronne s’est acquittée de son obligation de consultation et d’accommodement.

 

[90]           Trois réserves doivent être formulées à l’égard de cette explication apparemment simple de la norme de contrôle applicable. Premièrement, l’obligation de consultation et d’accommodement dépend largement des circonstances particulières de chaque cas et les questions de droit seront donc souvent inextricablement liées aux questions de fait. Comme la juge en chef l’a dit dans Nation haïda, précité, aux paragraphes 61 et 63 :

[...] L’existence et l’étendue de l’obligation de consulter ou d’accommoder sont des questions de droit en ce sens qu’elles définissent une obligation légale. Cependant, la réponse à ces questions repose habituellement sur l’appréciation des faits. Il se peut donc qu’il convienne de faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait du premier décideur. La question de savoir s’il y a lieu de faire montre de déférence et, si oui, le degré de déférence requis dépendent de la nature de la question dont était saisi le tribunal administratif et de la mesure dans laquelle les faits relevaient de son expertise [...]

 

Si le gouvernement n’a pas bien saisi l’importance de la revendication ou la gravité de l’atteinte, il s’agit d’une question de droit qui devra vraisemblablement être jugée selon la norme de la décision correcte. Si le gouvernement a raison sur ces points et agit conformément à la norme applicable, la décision ne sera annulée que si le processus qu’il a suivi était déraisonnable. Comme il a été expliqué précédemment, l’élément central n’est pas le résultat, mais le processus de consultation et d’accommodement.

 

 

[91]           Deuxièmement, la perfection n’est pas requise lorsqu’on évalue la conduite des fonctionnaires de la Couronne. Comme c’est toujours le cas lorsque la norme de la raisonnabilité est appliquée, la meilleure issue n’est pas nécessairement le point de référence; tant et aussi longtemps que l’on peut démontrer que des efforts raisonnables ont été faits pour consulter et accommoder et que la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, il n’y a aucune raison d’intervenir.

 

[92]           Enfin, l’importance ne doit pas être accordée au résultat, mais au processus de consultation et d’accommodement. Cette observation est étroitement liée à la précédente.

 

[93]           Ayant ces principes à l’esprit, j’examinerai maintenant les différents arguments avancés par les avocats des demandeurs et des défendeurs.

 

[94]           L’obligation de consultation a été analysée avec soin par mon collègue le juge Blanchard dans Chicot no 1, et il n’est pas vraiment nécessaire de la réexaminer longuement. Il suffit de dire que cette obligation trouve sa source dans l’honneur de la Couronne, laquelle donne naissance à différentes obligations selon les circonstances. Ainsi, elle peut créer une obligation de fiduciaire lorsque la Couronne a assumé le contrôle discrétionnaire sur des intérêts autochtones particuliers (Bande indienne Wewaykum c Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 RCS 245), et elle imprègne également le processus de conclusion de traités et l’interprétation des traités (R c Marshall, [1999] 3 RCS 456; R c Sparrow, [1990] 1 RCS 1075). Dans Delgamuukw c Colombie‑Britannique, [1997] 3 RCS 1010 [Delgamuukw], la Cour suprême a conclu que la question de savoir si et dans quelle mesure un groupe autochtone a été consulté sera utile pour déterminer si l’atteinte au titre ancestral est justifiée.

 

[95]           La Cour suprême est allée un peu plus loin dans Nation haïda, précité, en reconnaissant pour la première fois que l’obligation de consultation peut exister en l’absence d’un droit ancestral établi (par un jugement déclaratoire ou un traité) ou reconnu. Se demandant pour la forme si la Couronne pouvait exploiter les ressources en question comme bon lui semblait en attendant que la revendication autochtone soit établie et réglée, la Cour suprême a conclu que la conciliation doit être réalisée par une consultation et des mesures d’accommodement honorables de manière active et continue et ne doit pas être séparée et réglée par des négociations à long terme. Elle a dit dans Nation haïda, précité, au paragraphe 27 :

La réponse à cette question découle, encore une fois, de l’honneur de la Couronne. Si cette dernière entend agir honorablement, elle ne peut traiter cavalièrement les intérêts autochtones qui font l’objet de revendications sérieuses dans le cadre du processus de négociation et d’établissement d’un traité. Elle doit respecter ces intérêts potentiels mais non encore reconnus. La Couronne n’est pas paralysée pour autant. Elle peut continuer à gérer les ressources en question en attendant le règlement des revendications. Toutefois, selon les circonstances, question examinée de façon plus approfondie plus loin, le principe de l’honneur de la Couronne peut obliger celle-ci à consulter les Autochtones et à prendre raisonnablement en compte leurs intérêts jusqu’au règlement de la revendication. Le fait d’exploiter unilatéralement une ressource faisant l’objet d’une revendication au cours du processus visant à établir et à régler cette revendication peut revenir à dépouiller les demandeurs autochtones d’une partie ou de l’ensemble des avantages liés à cette ressource. Agir ainsi n’est pas une attitude honorable.

 

 

[96]           La difficulté réside bien sûr dans la détermination de la question de savoir à quel moment cette obligation prend naissance et ce qu’elle suppose. Pour ce qui du premier point, la Cour suprême a indiqué qu’il suffira que la Couronne « [ait] connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui‑ci » (Nation haïda, précité, au paragraphe 35). S’appuyant sur Delgamuukw, où la Cour suprême a considéré l’obligation de consultation et d’accommodement dans le contexte de revendications établies, la juge en chef a utilisé l’idée d’un continuum pour définir le contenu général de cette obligation. Il faudra tenir une « consultation approfondie » lorsque la revendication repose sur une preuve à première vue solide et où l’atteinte potentielle est d’une haute importance pour les peuples autochtones. Par contre, l’obligation de consultation sera moins exigeante et la Couronne pourra s’en acquitter en donnant un avis, en divulguant de l’information et en examinant toute question soulevée par les peuples autochtones lorsque la revendication du titre et la possibilité d’une atteinte sont faibles. La plupart des situations se trouvent bien sûr entre ces deux extrêmes. Comme la juge en chef l’a affirmé au nom de tous les juges de la Cour dans Rio Tinto Alcan Inc. c Conseil tribal Carrier Sekani, 2010 CSC 43, au paragraphe 36, [2010] 2 RCS 650 [Rio Tinto], « [l]a consultation exigée est plus approfondie lorsque la revendication autochtone paraît de prime abord fondée et que l’effet sur le droit ancestral ou issu de traité sous‑jacent est grave [...] ».

 

[97]           En l’espèce, il n’est pas nécessaire de déterminer ce qu’exigent l’honneur de la Couronne et la réconciliation entre elle et la PNKT. La portée et le contenu de l’obligation de consultation et d’accommodement ont été établis par le juge Blanchard dans Chicot no 1, et on doit considérer que ses conclusions sont définitives puisque sa décision n’a pas été portée en appel.

 

[98]           Le juge Blanchard a tiré les conclusions suivantes au sujet de la solidité de la revendication des droits issus de traités de la PNKT et du titre ancestral qu’elle revendique. En premier lieu, il a fait remarquer que l’existence des droits issus de traités qu’ont les demandeurs de chasser, de pêcher et de piéger dans la région des collines Cameron n’est pas contestée (voir Chicot no 1, précitée, aux paragraphes 14 et 101). En ce qui concerne la revendication de la PNKT concernant le titre ancestral, il a conclu qu’elle est « raisonnablement défendable » en ce qui a trait aux collines Cameron (Chicot no 1, précitée, aux paragraphes 103 à 107), malgré le fait qu’il n’y a pas de consensus au sein d’un certain nombre d’autres groupes autochtones au sujet de la gouvernance de cette région (Chicot no 1, précitée, au paragraphe 7). Se fondant sur ces conclusions, il a conclu que l’obligation de consultation de la Couronne est « intensifi[ée] » par rapport à ce qu’elle aurait été si le contenu de cette obligation était fondé exclusivement sur l’interprétation des droits issus de traités qui sont en jeu (Chicot no 1, précitée, au paragraphe 107).

 

[99]           En ce qui concerne la gravité des répercussions du projet d’expansion sur la PNKT, le juge Blanchard a déterminé que le projet aurait une « incidence importante et durable » sur la région des collines Cameron et, par conséquent, sur les terres visées par le titre ancestral revendiqué par la PNKT. Il était convaincu également que le projet pouvait avoir une « incidence marquée » sur les droits étendus de chasse, de piégeage et de pêche de la PNKT (Chicot no 1, précitée, au paragraphe 112).

 

[100]       En conséquence, le juge Blanchard a affirmé que l’obligation de consultation n’était pas minimale et exigeait une plus grande participation que ce qui avait été décidé dans Mikisew, précité, où la Cour suprême a conclu que la Couronne devait aviser les Mikisew et nouer un dialogue directement avec eux. Le juge Blanchard a décrit le contenu de l’obligation de consultation en l’espèce dans les termes suivants :

117. À mon avis, vu le contexte, et surtout la gravité des effets que pourraient faire subir aux Autochtones, les actions envisagées par la Couronne et de la solidité du dossier de revendication des droits ancestraux des demandeurs, militent en faveur de consultations plus approfondies. Dans ces circonstances, l’obligation implique une participation officielle au processus décisionnel.

                       

                        Chicot no 1, précitée, au paragraphe 117.

 

 

[101]       Les parties comprennent de manière tout à fait opposée les défauts du processus de consultation décrits par le juge Blanchard et ont des avis totalement divergents sur l’étendue de la consultation qu’il a ordonnée après avoir conclu que le Canada avait manqué à son obligation de consultation avant de décider d’autoriser le projet d’expansion. L’avocat des demandeurs a soutenu avec vigueur que la décision exigeant la consultation était la décision finale d’autoriser le projet d’expansion étant donné que c’est cette décision qui aura au bout du compte des répercussions importantes sur le titre revendiqué par la PNKT. Cette dernière fait valoir que la consultation ordonnée par la Cour aurait dû englober un examen des types de répercussions et de mesures d’accommodement propres à son titre ancestral, lequel inclut un droit de propriété et le droit de tirer des bénéfices économiques de l’utilisation des terres visées par le titre, différents des droits issus de traités ou d’autres formes de droits ancestraux.

 

[102]       Pour sa part, l’avocate du Canada a soutenu que le défaut du processus de consultation relevé dans Chicot no 1 est le fait que la PNKT n’a pas été consultée au sujet des modifications apportées aux mesures recommandées et, en particulier, au sujet des modifications apportées aux mesures R‑15 et R‑16, qui traitaient d’un plan relatif à la récolte des animaux sauvages et des ressources et d’une entente socioéconomique visant à faire profiter des retombées économiques la PNKT et les autres groupes autochtones touchés vivant dans les collines Cameron. Selon le Canada, les consultations additionnelles ordonnées dans Chicot no 1 ne devraient pas porter sur l’incidence de l’autorisation finale du projet d’expansion, mais sur les répercussions négatives potentielles, sur la PNKT, des mesures d’atténuation modifiées par les ministres responsables.

 

[103]       Je conviens avec les demandeurs qu’il est important de bien déterminer la décision en cause en l’espèce, à la fois sur le plan juridique et sur le plan pratique. Si la Couronne doit évaluer correctement la portée des consultations requises, elle doit évidemment bien déterminer la décision qui est en cause et ses répercussions potentielles sur les peuples autochtones concernés. De même, les mesures d’accommodement éventuelles qui feront l’objet des discussions dépendront très largement de cette détermination.

 

[104]       Cela étant dit, je conviens avec le Canada que les consultations additionnelles que le juge Blanchard avait à l’esprit devaient permettre de remédier aux défauts du processus de consultation pour fins de modifications, au cours duquel des modifications ont été apportées aux recommandations R‑15 et R‑16 sans la participation de la PNKT. Une lecture attentive des motifs du juge Blanchard révèle que, à son avis, le processus d’autorisation du projet d’expansion était satisfaisant et conforme à l’obligation de consultation de la Couronne jusqu’à l’étape de la consultation pour fins de modifications du processus prévu par la LGRVM. Certes, il ressort des paragraphes 74 à 85 de ses motifs que la PNKT a été en mesure de donner son avis même au cours de la dernière étape du processus, après avoir été invitée par l’Office d’examen à faire part de ses observations concernant les modifications que les ministres responsables proposaient d’apporter aux mesures d’atténuation. La PNKT a toutefois été exclue du processus de consultation pour fins de modifications à partir du moment où elle a fait part de ses observations le 17 décembre 2004. L’Office a adopté les recommandations modifiées le 15 mars 2005, après une réunion avec les ministres à laquelle la PNKT n’avait pas été invitée, et les ministres ont entériné les mesures d’atténuation modifiées recommandées par l’Office le 5 juillet 2005, sans même répondre aux six lettres adressées directement au ministre d’AINC par l’avocat de la PNKT.

 

[105]       Après avoir examiné ce processus, le juge Blanchard a conclu que le processus de consultation prévu par la Loi est exhaustif et offre la possibilité de tenir des consultations significatives entre le promoteur et les groupes autochtones concernés. Il a affirmé en outre que les demandeurs ont « participé de près » au processus et que le rapport d’évaluation environnementale de l’Office d’examen « montre clairement » que l’on a tenu compte d’un grand nombre de leurs préoccupations. Il a formulé ensuite les remarques fondamentales suivantes :

119. Jusqu’à ce stade, le processus a, selon moi, permis aux demandeurs de faire valoir leurs intérêts et leurs préoccupations; ces préoccupations ont été sérieusement prises en considération et, dans toute la mesure du possible, manifestement intégrées dans le plan d’action proposé. Je conclus que, jusqu’à ce stade du processus, les demandeurs ont pu participer officiellement au processus décisionnel.

 

Chicot no 1, précitée, au paragraphe 119.

 

 

[106]       Il ne fait aucun doute à mon avis que le défaut de la Couronne de s’acquitter de son obligation de consultation relevé par le juge Blanchard a trait à la manière dont le processus de consultation pour fins de modifications a été mis en application. Le paragraphe suivant de ses motifs indique très clairement que la Couronne a manqué à son obligation de fiduciaire parce qu’elle n’a pas véritablement donné à la PNKT la possibilité de participer aux modifications qui ont été finalement apportées aux recommandations de l’Office d’examen. Il convient de reproduire intégralement ce paragraphe des motifs du juge Blanchard, vu sa pertinence et son importance fondamentale aux fins du règlement du litige entre les parties concernant l’interprétation qu’il faut lui donner :

120. En l’espèce, le problème est survenu quand la Couronne a décidé de se prévaloir du « processus de consultation pour fins de modifications » que prévoit la Loi. Aux termes de celle-ci, quand l’Office d’examen recommande d’approuver un projet et que cette recommandation est soumise à l’imposition de mesures jugées nécessaires pour éviter les répercussions défavorables importantes du projet, la loi prévoit que, dans le cadre de ce processus, les ministres compétents peuvent convenir d’adopter la recommandation avec modifications après avoir consulté l’Office d’examen. Par suite du processus de consultation pour fins de modifications, un grand nombre des recommandations de l’Office d’examen ont été modifiées. Les recommandations R‑15 et R‑16 revêtaient une importance particulière pour les demandeurs, car elles se répercutaient sur le plan d’indemnisation relatif aux ressources fauniques et sur l’entente socio-économique. Cela s’est fait malgré la position exprimée fermement et de longue date par les demandeurs selon laquelle ces recommandations étaient pour eux d’une importance capitale. À part le fait de s’opposer à ce que l’on change ou que l’on supprime ces recommandations, les demandeurs n’ont eu aucune possibilité de contribuer de quelque manière aux changements que l’on proposait d’apporter à ces recommandations. Il aurait peut-être fort bien pu y avoir d’autres options qui auraient pu répondre dans une large mesure aux objections des demandeurs. En l’absence de consultations, jamais nous ne le saurons. Dans les circonstances, le processus de consultation pour fins de modifications a essentiellement permis à la Couronne de modifier unilatéralement l’issue de ce qui avait été jusque-là, pourrait-on dire, un processus de consultation sérieux. La mise en œuvre des mesures d’aménagement recommandées par l’Office d’examen n’aurait peut-être pas été suffisante pour répondre à toutes les réserves des demandeurs, mais, dans les circonstances, elle aurait éventuellement répondu à l’obligation de la Couronne en matière de consultation et d’accommodement. Les recommandations étaient en effet l’aboutissement d’un processus qui donnait aux Autochtones la possibilité d’y contribuer concrètement et par lequel la Couronne, par l’entremise de l’Office d’examen, faisait montre de l’intention de répondre réellement à leurs préoccupations. À l’évidence, cela ne peut être dit du processus de consultation pour fins de modifications. Les nouvelles propositions qui en ont découlé n’ont jamais été communiquées aux demandeurs pour observations. Il n’y a tout simplement pas eu de consultation, a fortiori de consultation véritable, à ce stade.

 

Chicot no 1, précitée, au paragraphe 120.

 

 

[107]       Pour que ce soit bien clair, le juge Blanchard répète dans l’avant‑dernier paragraphe de son analyse de cette question que c’est à la dernière étape du processus prévu par la Loi que la Couronne a omis de respecter ses obligations constitutionnelles. Il est utile de reproduire ce paragraphe encore une fois :

124. Je conclus que la Couronne n’a pas respecté son obligation de consultation dans les circonstances. En résumé, le processus de consultation pour fins de modifications a abouti à des changements de fond à des recommandations importantes formulées en termes du processus de consultation antérieur auquel avaient pris part les demandeurs et d’autres intervenants. Ces changements ont été faits sans la contribution des demandeurs. On ne peut donc pas dire que le processus de consultation pour fins de modifications a été mené dans l’intention véritable d’intégrer dans la décision finale les réserves de la PNKT. À ce stade, les demandeurs ont été essentiellement exclus du processus.

                       

                        Chicot no 1, précitée, au paragraphe 124.

 

[108]       Je ne vois pas comment on peut sérieusement prétendre que les consultations ordonnées par le juge Blanchard étaient destinées à porter notamment sur les mesures d’atténuation visant à tenir compte des répercussions du projet d’expansion sur le titre revendiqué par la PNKT. Non seulement cela serait incompatible avec les raisons pour lesquelles ces consultations additionnelles ont été ordonnées, mais cela ne correspondrait même pas à ce que la PNKT demandait lorsqu’elle a écrit au ministre d’AINC le 24 mars 2005 pour lui faire part de ses commentaires sur les modifications proposées. À l’époque, il semble que la PNKT voulait que les répercussions environnementales fassent l’objet d’un examen exhaustif parce qu’elle estimait que les modifications proposées équivalaient en fait au rejet des recommandations initiales (voir Chicot no 1, précitée, au paragraphe 83). La PNKT ne pouvait pas se servir de la réouverture du processus de consultation ordonné par le juge Blanchard pour revenir en arrière et exposer dans le détail ce qui avait été discuté depuis le début.

 

[109]       L’avocat des demandeurs a fait valoir que c’est la décision d’autoriser le projet d’expansion qui justifie la tenue des consultations parce que c’est cette décision qui aura les répercussions les plus graves et les plus durables sur les terres dont le titre est revendiqué par la PNKT. C’est donc cette décision qui doit être revue au cours des consultations ordonnées par la Cour afin que les préoccupations de la PNKT soient prises en compte. Avec égards, je ne vois pas où le juge Blanchard a déterminé dans sa décision qu’il a ordonné la tenue de consultations additionnelles à cause de l’autorisation finale du projet d’expansion et que les répercussions sur le titre ancestral de la PNKT devaient être prises en compte dans le cadre de ces consultations.

 

[110]       Au contraire, et pour les motifs exposés précédemment, le juge Blanchard a incontestablement mis l’accent sur le défaut du Canada de mener des consultations à la dernière étape du processus. Il est vrai qu’il semble employer un langage général lorsqu’il ordonne aux parties de « lancer un processus de consultation véritable dans le but de tenir compte des réserves de la PNKT et, s’il y a lieu, de prendre les mesures d’accommodement qui s’imposent ». On ne doit toutefois pas oublier qu’il a limité la portée de son ordonnance en employant, au début de celle‑ci, les mots « [c]onformément aux motifs qui précèdent », ce qui ne laisse aucun doute quant à son intention concernant la portée des consultations additionnelles. Il n’y a aucune ambiguïté lorsque l’on tient compte de l’ensemble de ses motifs (dont j’ai reproduit les paragraphes les plus pertinents aux paragraphes 38 et 105 à 107 ci‑dessus) : les consultations additionnelles avaient pour but de remédier aux défauts du processus de consultation pour fins de modifications, et non de rouvrir tout le processus décisionnel exigé par la LGRVM.

 

[111]       Il est très révélateur que le juge Blanchard n’ait pas jugé bon d’annuler la décision des ministres responsables d’autoriser le projet d’expansion. S’il avait été d’avis que tout le processus était vicié par un manque de consultation, c’est fort probablement ce qu’il aurait fait. En conséquence, la participation de la PNKT à cette décision, qui est demandée par l’avocat des demandeurs, n’aurait pas seulement été indéfendable, mais elle aurait été dépourvue de sens et d’objet. Les consultations additionnelles ne pouvaient servir qu’à tenir compte des préoccupations de la PNKT concernant les recommandations modifiées et de leur trouver des accommodements raisonnables pendant les travaux relatifs au projet d’expansion. En conséquence, j’estime que le Canada a bien défini la portée des consultations qui ont été ordonnées par le juge Blanchard dans Chicot no 1.

 

[112]       Ayant examiné avec soin le dossier déposé par les parties, j’estime également que le processus de consultation consécutif à la décision du juge Blanchard était satisfaisant et transparent et qu’il était conforme aux exigences établies par la Cour suprême dans des arrêts comme Nation haïda, précité, Première nation Tlingit de Taku River c Colombie‑Britannique (Directeur d’évaluation de projet), 2004 CSC 74, [2004] 3 RCS 550 [Taku River], Mikisew, précité, et Beckman c Première nation de Little Salmon/Carmacks, 2010 CSC 53, [2010] 3 RCS 103. Les éléments suivants qui ont été signalés par le Canada sont particulièrement importants :

a)   la participation de la PNKT et la participation de son avocat ont été financées en entier;

b)   les représentants de la PNKT ont assisté à toutes les réunions et ont participé pleinement au processus particulier qu’ils ont eux‑mêmes mis au point;

c)   l’information était échangée régulièrement et ouvertement entre le Canada et la PNKT, sauf lorsque celle‑ci indiquait qu’elle souhaitait que l’information demeure confidentielle, comme ce fut le cas de l’étude sur les connaissances traditionnelles;

d)   le processus de consultation faisait partie du dossier et les comptes rendus des consultations ont été transmis aux parties et approuvés par elles;

e)   comme la PNKT le souhaitait, les discussions ont commencé seulement après qu’un protocole de consultation décrivant la portée des consultations ordonnées par la Cour a été rédigé (cette rédaction a duré trois mois);

f)   la PNKT a eu maintes occasions de faire connaître ses préoccupations, lesquelles ont fait l’objet d’un examen exhaustif, et elle a eu son mot à dire lorsque des façons de répondre à ces préoccupations ont été explorées.

 

[113]       Le dossier révèle également que la Canada a véritablement tenté de répondre aux préoccupations de la PNKT concernant les mesures d’accommodement proposées. Par exemple, le Canada a financé une étude sur l’utilisation traditionnelle des terres, malgré le fait que des données similaires sur cette question étaient déjà disponibles, parce qu’il a respecté le point de vue de la PNKT selon lequel une étude était nécessaire. Le Canada a aussi accepté de financer un programme sur les pratiques traditionnelles ayant pour but d’appuyer les activités d’utilisation traditionnelle des terres de la PNKT, ainsi qu’un programme de surveillance environnementale intégré au contrôle de la conception duquel la PNKT a participé. Le Canada a également proposé d’organiser et de financer une journée portes ouvertes annuelle dans le but de communiquer de l’information sur la mise en valeur des collines Cameron et a offert d’aider la PNKT à renforcer ses capacités en matière commerciale au moyen de programmes de développement économique.

 

[114]       L’exécution de l’obligation de consultation ne doit évidemment pas être évaluée à l’aune des sommes versées par la Couronne ni du cadre procédural mis en place en vue des discussions. En l’espèce cependant, la bonne foi démontrée lors des discussions a mené à des ententes sur des mesures d’accommodement visant à répondre aux préoccupations de la PNKT concernant les répercussions du projet d’expansion sur ses droits issus de traités et sur les droits ancestraux qu’elle revendiquait. Comme il a été mentionné précédemment, les parties sont parvenues à s’entendre sur un plan de surveillance et d’atténuation environnementales, ainsi que sur un fonds d’indemnisation concernant l’utilisation traditionnelle des terres. En fait, la seule pierre d’achoppement des cinq aspects devant faire l’objet de mesures d’accommodement définis par la PNKT le 24 avril 2008 était le partage des revenus tirés des ressources.

 

[115]       Le dossier dont dispose la Cour montre que la PNKT était préoccupée pendant tout le processus de consultation par la question de l’indemnité financière pour le titre qu’elle revendiquait. La PNKT est allée jusqu’à fixer le montant exact de l’indemnité qui la dédommagerait de l’atteinte portée au titre qu’elle revendiquait : elle a réclamé au Canada une somme de 1,5 million de dollars et des versements annuels subséquents de 555 000 $ pendant toute la durée du projet d’expansion. Malgré le fait que les parties se sont entendues pour examiner cette question dans le cadre du protocole de consultation, les demandeurs font valoir que le Canada n’a jamais eu l’intention de discuter véritablement de ce type d’accommodement. Selon eux, le Canada n’a pas agi de bonne foi et a fait une fausse déclaration.

 

[116]       Pour étayer cette accusation, l’avocat de la PNKT a fait référence à certaines déclarations des principaux négociateurs d’AINC selon lesquelles ils n’avaient pas le mandat d’aborder la question du titre ancestral et de son aspect économique. La PNKT a aussi fait remarquer que le Canada n’avait jamais eu de discussions avec elle au sujet des différentes ententes socioéconomiques qu’elle avait déposées et qui ont été appliquées partout dans les Territoires du Nord‑Ouest pour tenir compte des répercussions des projets majeurs sur les collectivités autochtones.

 

[117]       Il n’y a pas de doute que, à différents moments au cours des discussions, les représentants d’AINC ont affirmé que les questions relatives au titre ancestral dépassaient le cadre du processus de consultation et qu’il était préférable de les examiner dans un autre cadre, celui du processus Deh Cho par exemple. Je ne pense pas que ces commentaires reflètent véritablement et fidèlement ce qui s’est passé pendant tout le processus de consultation. 

 

[118]       Comme il a été mentionné précédemment, les comptes rendus des consultations montrent que le titre revendiqué par la PNKT et son prétendu droit à une indemnité pour l’atteinte à son droit de propriété ont dominé les discussions qui ont eu lieu après que les parties se sont entendues sur le protocole de consultation. Malgré le fait que le Canada était d’avis que les consultations ordonnées par la Cour devaient porter sur les répercussions découlant des modifications apportées aux mesures d’atténuation, il s’est montré disposé à envisager des moyens de répondre aux préoccupations de la PNKT concernant l’atteinte au titre sur les collines Cameron qu’elle revendiquait. Il est vrai que les fonctionnaires d’AINC n’étaient pas disposés à discuter de la question du titre en soi et ce, pour de bonnes raisons. Il ne convient pas, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’apprécier le poids de la preuve ou de tirer des conclusions de fait détaillées sur la solidité de la revendication de la PNKT concernant le titre ancestral. Comme le juge Blanchard l’a dit, « [i]l vaut mieux aborder ces questions dans le contexte du procès où l’on prend en considération et où l’on examine en détail les preuves ethnographiques, historiques et traditionnelles pertinentes » (Chicot no 1, précitée, au paragraphe 107). En outre, la Couronne du chef du Canada a accepté en 1998 que la revendication territoriale globale relative au Traité no 11, qui englobe les collines Cameron, fasse l’objet de négociations; cette revendication est actuellement l’objet du processus Deh Cho. 

 

[119]       Cela étant dit, le Canada était disposé à discuter des répercussions du projet d’expansion sur le titre revendiqué par la PNKT et il a demandé à cette dernière de fournir des renseignements additionnels sur ces répercussions. Or, la PNKT n’a pas communiqué de renseignements sur les répercussions particulières que, selon elle, la région des collines Cameron subirait et qui exigeaient des mesures d’accommodement économique, et elle n’a fait aucune suggestion claire, outre le versement d’une indemnité financière, quant aux moyens que le Canada pourrait prendre pour atténuer les prétendues atteintes à son droit sous‑jacent – non encore prouvé – sur les collines Cameron. La PNKT cherchait essentiellement à obtenir des dommages‑intérêts.

 

[120]       Le fait que le Canada et la PNKT ont été incapables de s’entendre sur cet aspect particulier des demandes de celle‑ci ne dénote pas de la mauvaise foi. Après tout, il ne faut pas oublier que l’obligation de consultation ne se traduit pas par une obligation d’accommodement ou par l’obligation de s’entendre sur des mesures spécifiques d’atténuation des répercussions potentielles d’un projet ou d’une décision. Comme la Cour suprême l’a dit au paragraphe 42 de Nation haïda, précité, il n’y a pas obligation de parvenir à une entente, seulement de procéder à de véritables consultations (voir également Taku River, précité, au paragraphe 22; Première nation Dene Tah’ c Ministre de l’Environnement, 2006 CF 1354, au paragraphe 82, 303 FTR 106; Platinex Inc. c Kitchenuhmaykoosib Inninuwug First Nation, 2006 CanLII 26171, au paragraphe 91 (CS Ont)). En outre, la Couronne ne doit pas seulement établir un équilibre entre les préoccupations des Autochtones et l’incidence potentielle de la décision sur le droit ou le titre revendiqué, mais également prendre en considération les autres intérêts sociétaux ainsi que les droits revendiqués par d’autres groupes (Nation haïda, précité, au paragraphe 50).

 

[121]       Le titre ancestral comprend incontestablement un droit de propriété ainsi que le droit corrélatif d’être indemnisé en cas d’atteinte à ce droit. Cela ne signifie pas toutefois que des consultations doivent inclure, avant que le titre soit bien établi, de véritables discussions sur les répercussions sur l’aspect économique de ce titre et la prise de mesures d’accommodement en conséquence. Comme le juge Hall, de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, l’a dit dans Musqueam Indian Band c British Columbia (Minister of Sustainable Resource Management), 2005 BCCA 128, au paragraphe 97, 251 DLR (4th) 717, [traduction] « [...] il est trop tôt pour être catégorique quant à l’étendue des mesures d’accommodement appropriées qui devront être efficaces non seulement pour les Premières Nations, mais pour toute la population compte tenu de manière générale de l’intérêt public ».

 

[122]       L’obligation d’accommodement n’est pas un droit indépendant. Elle est accessoire à l’obligation de consultation, laquelle vise à prévenir les dommages irréversibles aux droits revendiqués par les Autochtones jusqu’à ce que ceux‑ci soient établis au moyen de négociations de traités. Les raisons justifiant l’obligation de consultation, qui ont été exposées par la juge en chef McLachlin dans Nation haïda, précité, au paragraphe 33, confirment que l’accommodement est parfois requis parce que les négociations à long terme nécessaires pour régler les revendications officielles pourraient se révéler vaines :

Limiter l’application du processus de conciliation aux revendications prouvées comporte le risque que la conciliation soit considérée comme un objectif formaliste éloigné et se voie dénuée du « sens utile » qu’elle doit avoir par suite de l’« engagement solennel » pris par la Couronne lorsqu’elle a reconnu et confirmé les droits et titres ancestraux : Sparrow, précité, p. 1108. Une telle attitude risque également d’avoir des conséquences fâcheuses. En effet, il est possible que, lorsque les Autochtones parviennent finalement à établir le bien-fondé de leur revendication, ils trouvent leurs terres changées et leurs ressources épuisées. Ce n’est pas de la conciliation, ni un comportement honorable.

 

 

[123]       L’obligation de consultation n’a pas pour but d’accorder immédiatement aux peuples autochtones ce à quoi ils pourraient avoir droit, s’ils démontrent le bien‑fondé de leurs revendications et concluent un traité pour les régler. S’il en était autrement, rien n’inciterait les peuples autochtones à négocier des traités ou à tenter de démontrer le bien‑fondé de leurs revendications. L’obligation de consultation n’a donc pas pour but de constituer une solution de rechange au règlement des revendications territoriales globales, mais plutôt de faire en sorte que les terres et les ressources qui font l’objet de négociations n’auront pas été irrémédiablement épuisées ou aliénées avant qu’une entente soit conclue.

 

[124]       La PNKT prétendait que les représentants du Canada avaient l’esprit fermé au cours des discussions. Ils n’étaient pas disposés à discuter des différentes mesures d’accommodement susceptibles d’atténuer les répercussions sur le titre, ni des autres types d’ententes et de mesures qui sont généralement utilisées dans les Territoires du Nord‑Ouest et à s’intéresser aux répercussions des projets majeurs sur les collectivités autochtones. C’est dans ce contexte que la PNKT a déposé un certain nombre d’ententes socioéconomiques relatives à d’autres projets majeurs en cours dans les Territoires du Nord‑Ouest.

 

[125]       Cet argument ne tient pas compte du fait que les exigences de l’obligation de consultation et, le cas échéant, de l’obligation d’accommodement varient en fonction des circonstances. Chaque cas doit être examiné en tenant compte de ses propres faits, comme la Cour suprême l’a reconnu au paragraphe 45 de Nation haïda, précité :

Entre les deux extrémités du continuum décrit précédemment, on rencontrera d’autres situations. Il faut procéder au cas par cas. Il faut également faire preuve de souplesse, car le degré de consultation nécessaire peut varier à mesure que se déroule le processus et que de nouveaux renseignements sont mis au jour. La question décisive dans toutes les situations consiste à déterminer ce qui est nécessaire pour préserver l’honneur de la Couronne et pour concilier les intérêts de la Couronne et ceux des Autochtones. Tant que la question n’est pas réglée, le principe de l’honneur de la Couronne commande que celle-ci mette en balance les intérêts de la société et ceux des peuples autochtones lorsqu’elle prend des décisions susceptibles d’entraîner des répercussions sur les revendications autochtones. Elle peut être appelée à prendre des décisions en cas de désaccord quant au caractère suffisant des mesures qu’elle adopte en réponse aux préoccupations exprimées par les Autochtones. Une attitude de pondération et de compromis s’impose alors.

 

 

[126]       Les ententes socioéconomiques et les ententes provisoires sur les retombées économiques dépendent largement des faits. Elles dépendent du contexte réglementaire, ainsi que de nombreux autres facteurs comme la nature et la taille d’un projet, son incidence probable sur la collectivité autochtone et la structure de cette collectivité. Comme Paramount l’a souligné, le projet d’expansion dans les collines Cameron n’a pas la même envergure que les autres projets majeurs en cours actuellement dans les Territoires du Nord‑Ouest qui ont été mentionnés par la PNKT. En outre, les parties conviennent que Paramount satisfait aux obligations qui lui sont imposées par la loi de faire bénéficier des retombées les résidents du Nord au moyen d’un plan de retombées économiques approuvé en vertu de la Loi sur les opérations pétrolières du Canada et de l’Entente sur les mesures provisoires élaborée dans le cadre du processus Deh Cho.

 

[127]       En outre, les raisons données par le Canada pour refuser de prendre des mesures d’accommodement économique visant à tenir compte de l’atteinte à son titre ancestral alléguée par la PNKT n’étaient pas arbitraires. La première de ces raisons est le fait que d’autres collectivités autochtones – six, selon les représentants d’AINC – revendiquent des droits sur les collines Cameron. Il est vrai qu’aucune de ces revendications n’était étayée par la preuve, et que l’assemblée de la Nation dénée a reconnu à deux reprises la PNKT comme la principale utilisatrice et gardienne des collines Cameron. Il n’était cependant pas nécessaire que le Canada évalue le sérieux de ces revendications rivales, notamment parce que le juge Blanchard avait déjà conclu que la PNKT avait une cause défendable, malgré l’absence de consensus au sein de ces groupes autochtones. Le juge Blanchard a conclu également que le bien‑fondé de ces revendications rivales devait être établi parmi ces Premières Nations elles‑mêmes. De plus, les représentants de la PNKT ont dit au cours des consultations que d’autres groupes autochtones [traduction] « exerçaient des pressions » sur elle ou la [traduction] « décrédibilisaient ». En ce qui concerne les résolutions de l’assemblée de la Nation dénée, elles ne constituent pas nécessairement une reconnaissance d’un titre foncier exclusif appartenant à la PNKT et ne représentent pas nécessairement l’opinion de la Première Nation Deh Cho, le sous‑groupe revendiquant un titre ancestral collectif sur le territoire, y compris les collines Cameron. Dans ces circonstances, il aurait été périlleux que le Canada règle ces revendications dans le cadre du processus de consultation, en particulier si son évaluation d’une revendication se révélait différente de celle découlant du processus Deh Cho.

  

[128]       Le Canada a indiqué depuis le début que, si les négociations relatives aux revendications territoriales globales se déroulant dans le cadre du processus Deh Cho ne répondaient pas aux besoins et aux intérêts de la PNKT, il serait disposé à envisager d’autres processus avec elle. Cette offre ayant été rejetée, il était tout à fait raisonnable qu’il n’entame pas de négociations visant à trouver des accommodements à la revendication d’un titre ancestral avec l’une des Premières Nations Deh Cho, alors que celle‑ci participe toujours au processus Deh Cho.

 

[129]       La deuxième raison donnée par le Canada pour rejeter la demande de mesures d’accommodement économique de la PNKT était l’existence de l’EPER, l’entente provisoire négociée dans le cadre du processus Deh Cho. Comme il a été mentionné précédemment, l’EPER prévoit qu’un faible pourcentage des redevances des ressources fédérales dans la vallée du Mackenzie sera mis de côté chaque année et pris en compte lors du règlement final éventuel de revendications. Les Premières Nations Deh Cho ont droit au plus à 50 % de cette somme annuelle aux fins du soutien des possibilités de développement économique sur le territoire qu’elles revendiquent. La somme annuelle est gérée par un comité Deh Cho, qui étudie les plans d’affaires présentés et alloue les fonds.

 

[130]       Les parties conviennent que l’EPER a été conclue pour aider les membres et les entreprises des Premières Nations Deh Cho à créer des possibilités d’affaires et de développement économique, et non pour permettre que des mesures provisoires soient prises pour tenir compte des atteintes au titre ancestral découlant de projets comme les opérations pétrolières et gazières de Paramount de manière collective. Aussi, rien n’empêche la PNKT de demander au comité Deh Cho des fonds additionnels en vertu de l’EPER, ou bien une nouvelle entente de partage des revenus, tenant compte des intérêts de la collectivité. L’EPER prévoit qu’elle peut être modifiée en tout temps par une entente conclue par la Couronne et les Premières Nations Deh Cho. La PNKT dispose d’autres recours pour se plaindre de la façon dont les fonds sont alloués en vertu de l’EPER. Encore une fois, il était raisonnable que le Canada considère que la question des mesures d’accommodement économique relatives au titre ancestral revendiqué par la PNKT ne devait pas être réglée dans le cadre du processus de consultation, mais plutôt lors des négociations relatives aux revendications territoriales globales.

 

[131]       En conclusion, je suis convaincu que le Canada a défini correctement la portée et l’étendue des consultations ordonnées par le juge Blanchard dans Chicot no 1. De plus, j’estime que ses fonctionnaires ont agi de manière raisonnable pendant le processus de consultation ordonné par le juge Blanchard et que le Canada a agi honorablement durant toutes ces consultations. Il y a eu de véritables consultations, celles‑ci ont été transparentes, la PNKT avait le pouvoir de démontrer le bien‑fondé de ses prétentions du mieux qu’elle le pouvait et elle a eu la possibilité de faire entendre ses préoccupations. En outre, les parties se sont entendues sur des mesures substantielles répondant à une grande partie des préoccupations de la PNKT suscitées par les répercussions du projet d’expansion et les raisons données par le Canada pour refuser de prendre des mesures d’accommodement économique à l’égard du titre ancestral revendiqué par la PNKT étaient convaincantes et défendables.

 

[132]       Pour tous les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée, avec dépens.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1485-09

 

INTITULÉ :                                       LE CHEF LLOYD CHICOT ET AL c

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             Les 13, 14, 15 et 16 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 mars 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tim Howard

 

                                 POUR LES DEMANDEURS

 

Ursula Tauscher

Janell Koch

                                 POUR LE DÉFENDEUR

                                 (LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                 DU CANADA)

 

Everett Bunnell, c.r.

Beth Younggren

                                 POUR LA DÉFENDERESSE

                                 (PARAMOUNT RESOURCES

                                 LTD.)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mandell Pinder

Vancouver (C.-B.)

 

                                 POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

                                 POUR LE DÉFENDEUR

                                 (LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                 DU CANADA)

 

Macleod Dixon LLP

Calgary (Alb.)

                                 POUR LA DÉFENDERESSE

                                 (PARAMOUNT RESOURCES

                                 LTD.)

 

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