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Date : 20120314

Dossier : T‑1974‑11

Référence : 2012 CF 305

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 14 mars 2012

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

 

ADVENTURE TOURS INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

ADMINISTRATION PORTUAIRE

DE ST. JOHN’S

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La requête que présente l’Administration portuaire de St. John’s (l’APSJ) découle d’une contestation de sa présumée décision de refuser de délivrer à la demanderesse, Adventure Tours Inc. (ATI), une licence d’exploitation de bateaux d’excursion. La licence permettrait à celle‑ci d’exploiter deux bateaux d’excursion dans le port de St. John’s.

 

[2]               ATI est une société qui exploite en saison des bateaux d’excursion. Les conditions et la nature de la relation en cause ne fait pas consensus : selon ATI elle existe de façon continue depuis 1986, tandis que selon l’APSJ, ATI n’exploite plus dans le port depuis 2005. Même si cela n’est pas essentiel pour la présente requête, je retiens pour les besoins de l’espèce que la conclusion de l’APSJ est exacte. De plus, alors que celle‑ci qualifie la demande de licence par ATI de [traduction] « service de transport maritime de détail et de magasin de souvenirs pendant la saison », je conclus pour les besoins de la présente décision que même si le service comprend peut‑être un « magasin de souvenirs » ou un « service de détail », il n’empêche qu’en tant que service de bateau d’excursion, il a pour fonction principale le transport des passagers.

 

[3]               Le 28 octobre 2011, ayant l’intention de reprendre ses activités en tant que société de bateaux d’excursion, le capitaine Charles Anonsen d’ATI a écrit à l’APSJ pour savoir si une licence spéciale était requise à cette fin. Voici la partie de la lettre qui nous intéresse en l’espèce :

[traduction] J’espère reprendre mes activités en tant qu’entreprise de bateaux d’excursion pour la prochaine saison 2012. Faudra‑t‑il une licence spéciale, outre le certificat d’inspection de sécurité nautique que délivre Transports Canada?

 

(Pièce 1, affidavit de Brian Scott)

 

[4]               Le président directeur général de l’APSJ, Sean Hanrahan, a répondu par lettre du 7 novembre 2011 à cette demande de renseignements et a indiqué notamment ce qui suit :

[traduction] Comme suite à votre lettre du 28 octobre 2011, je vous informe que l’APSJ a déjà conclu des ententes visant les activités de bateaux d’excursion dans le port. Pour l’instant, nous ne sollicitons ni n’acceptons de demandes d’exploitants supplémentaires.

 

(Pièce 2, affidavit de Brian Scott)

 

[5]               ATI demande à la Cour par voie de contrôle judiciaire d’annuler la décision de l’APSJ de refuser la demande de licence présentée par la demanderesse, au motif que le refus est contraire à l’article 27 du Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires, DORS/2000‑55 (le Règlement). ATI soutient que suivant le paragraphe 27(2) du Règlement l’autorisation est accordée automatiquement s’il ne s’agit pas de l’une des exceptions énumérées. ATI sollicite en outre une ordonnance de mandamus enjoignant à l’APSJ d’accorder une licence d’exploitation de bateaux d’excursion à compter de 2012.

 

[6]               Dans la présente requête en radiation, qu’elle a déposée le 22 décembre 2011, l’APSJ soutient que la Cour n’a pas compétence pour entendre la demande d’ATI.

 

[7]               La Cour doit, pour apprécier la position des parties, examiner les questions suivantes :

                                                               i.      ATI a‑t‑elle le droit d’exercer ses activités dans le port de St. John’s?

                                                             ii.      La lettre du 7 novembre 2011 constitue‑t‑elle une conduite susceptible de contrôle judiciaire ?

                                                            iii.      L’activité d’ATI correspond‑elle à au moins l’une des principales activités portuaires que prévoit l’alinéa 28(2)a) de la Loi maritime du Canada, LC 1998, c 10 (la Loi)? L’APSJ a‑t‑elle agi à titre d’« office fédéral »?

 

(i)         ATI a‑t‑elle le droit d’exercer ses activités dans le port de St. John’s?

 

[8]               ATI soutient qu’en qualité d’utilisateur portuaire exerçant des activités qui touchent à la fonction essentielle du port, elle a le droit d’exercer ses activités et n’a pas besoin [traduction] « d’autorisation, de licence ou de permission » de la part de l’APSJ (collectivement ci‑après « la licence »). ATI fait valoir que l’APSJ n’a ni la compétence ni le droit d’interdire des activités de bateaux d’excursion, sauf dans la mesure prévue par la Partie 1 du Règlement. Elle fait aussi valoir que le paragraphe 27(2) prévoit un droit automatique à l’usager de vendre ses services.

 

[9]               Dans le cadre d’une requête en radiation, la Cour ne saurait déterminer quelle licence doit détenir un exploitant de bateaux d’excursion. Je ne peux toutefois accepter l’idée qu’aucune licence n’est exigée. S’il n’y avait pas obligation d’obtenir une licence pour autoriser les activités de bateaux d’excursion, le port ne pourrait gérer correctement ses activités; ce résultat serait illogique. Il serait impossible de prévoir, de surveiller ou de limiter le nombre de bateaux d’excursion en activité à un moment donné. Il ressort de la correspondance du capitaine Charles Anonsen avec l’APSJ en octobre 2011 qu’il comprend lui aussi que ses activités doivent être autorisées. Je conclus donc qu’une licence est exigée et j’estime que l’article 27 du Règlement ne donne pas à ATI un droit automatique à cet égard. Il n’existe pas de droit automatique d’exploiter un bateau d’excursion dans le port.

 

(ii)        La lettre du 7 novembre 2011 constitue‑t‑elle une conduite susceptible de contrôle judiciaire?

 

[10]           La Cour est consciente que lorsqu’elle décide d’accueillir une requête en radiation dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire le critère à satisfaire est très élevé. Il faut accueillir ce type de requête uniquement s’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui est « manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie » (David Bull Laboratories (Canada) c Pharmacia, [1995] 1 CF 588, au paragraphe 15). C’est une mesure d’exception à laquelle on ne peut faire appel que si la Cour est en mesure de déterminer que la demande en question n’invoque aucun fait nouveau (LJP Sales Agency c Canada (Revenu national), 2007 CAF 114, au paragraphe 8).

 

[11]           L’APSJ soutient que la correspondance dont se plaint la demanderesse était en fait une lettre, par laquelle elle répondait à l’intérêt qu’elle avait manifesté et qui l’informait que pour l’instant, l’APSJ ne recevait pas de propositions. L’APSJ fait valoir que cet acte ne donne pas ouverture à une demande de contrôle judiciaire, et qu’en l’espèce, celle‑ci doit être radiée.

 

[12]           Dans un récent arrêt Air Canada c Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347 (Air Canada), la Cour d’appel fédérale a conclu que l’existence d’une « décision » ou « d’une ordonnance » n’est pas indispensable pour présenter une demande de contrôle judiciaire. La Cour explique au paragraphe 24 ce qui peut constituer l’objet d’une demande de contrôle judiciaire :

Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales énonce qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est « directement touché par l’objet de la demande ». La question qui peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire ne comprend pas seulement une « décision ou ordonnance », mais tout objet susceptible de donner droit à une réparation aux termes de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales : Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476 (C.A.). Le paragraphe 18.1(3) apporte d’autres précisions à ce sujet, indiquant que la Cour peut accorder une réparation à l’égard d’un « acte », de l’omission ou du refus d’accomplir un « acte », ou du retard mis à exécuter un « acte », une « décision », une « ordonnance » et une « procédure ». Enfin, les règles qui régissent les demandes de contrôle judiciaire s’appliquent aux « demandes de contrôle judiciaire de mesures administratives », et non pas aux seules demandes de contrôle judiciaire de « décisions ou ordonnances » : article 300 des Règles des Cours fédérales.

 

 

[13]           Le contrôle judiciaire convient donc dans des situations où la conduite attaquée met en cause un quelconque droit du demandeur, notamment en mettant en jeu des droits ou des obligations juridiques, ou des effets préjudiciables (Air Canada, paragraphes 26 et 29). Les lettres de politesse ou les opinions ne liant pas leur auteur sont parmi les conduites qui ne donnent pas lieu au contrôle judiciaire suivant les principes énoncés dans l’arrêt Air Canada (Philipps c Canada (Bibliothécaire et Archiviste), 2006 CF 1378; Rothmans, Benson & Hedges Inc c Ministre du Revenu national, [1998] 2 CTC 176).

 

[14]           À mon avis, l’examen de la correspondance montre que l’APSJ n’a rien fait qui puisse mettre en cause les droits d’ATI. Dans sa lettre, ATI pose une question : me faut‑il une licence? Et l’APSJ de répondre : pour l’instant, nous n’acceptons pas de demande. ATI n’a pas présenté de demande officielle ou déposé de demande, et la réponse de l’APSJ n’écarte pas la possibilité de futures demandes de licence ou d’autres demandes de renseignements; l’APSJ a simplement informé la demanderesse de ce qu’il en était à ce moment du processus de traitement des licences. Il est admis que les relations d’affaires des parties ont été tumultueuses. Pour ce seul motif, on se serait attendu à ce que la lettre d’ATI ait été plus précise et à ce qu’elle présente une demande plus formelle. Vu son libellé, la lettre de l’APSJ du 7 novembre 2011 ne porte pas atteinte aux droits d’ATI, n’impose pas d’obligation juridique ni n’entraîne d’effet préjudiciable. La nature de la correspondance et la conduite dont se plaint ATI ne constituent pas dans l’ensemble une conduite susceptible de faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Par conséquent, pour les motifs que j’ai énoncés aux paragraphes 11 à 14 ci‑dessus, je conclus que la requête en radiation présentée par l’APSJ est accueillie.

 

[15]           Dans le cas toutefois où ma conclusion serait erronée, surtout dans l’anticipation d’une demande plus officielle de délivrance de licence de la part d’ATI et par souci d’économie des ressources judiciaires, je considère qu’il convient d’analyser la question de la compétence et celle de savoir si l’APSJ a agi à titre d’« office fédéral ». Le raisonnement étoffé ci‑après fait en conséquence également partie de la ratio decidendi de la présente décision.

 

(iii)       L’activité d’ATI correspond‑elle à au moins l’une des principales activités portuaires que prévoit l’alinéa 28(2)a) de la Loi maritime du Canada, LC 1998, c 10 (la Loi)? L’APSJ a‑t‑elle agi à titre d’« office fédéral »?

 

[16]           Le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (Loi sur les Cours fédérales), confère à la Cour fédérale la compétence à l’égard des demandes de contrôle judiciaire visant à obtenir réparation de la part d’un « office fédéral ». L’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales définit ainsi l’expression « office fédéral » :

Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

 

[17]           Dans les cas où la décision contestée n’a pas été prise par un « office fédéral », la Cour fédérale a compétence pour radier la demande. Le pouvoir exercé par l’organe assujetti au contrôle judiciaire doit être de nature publique; la Cour fédérale n’a pas compétence lorsque l’organe exerce un pouvoir de nature privée (DRL Vacations Ltd c Administration portuaire de Halifax, 2005 CF 860 (DRL Vacations), au paragraphe 23). Le juge Stratas expose succinctement ce qui précède au paragraphe 50 de l’arrêt Air Canada :

L’Administration portuaire de Toronto soutient toutefois que cette seule exigence ne suffit pas à démontrer que l’entité agissait en qualité d’« office fédéral » lorsqu’elle a pris la mesure ou exercé le pouvoir visé par la demande de contrôle judiciaire. Elle a cité de nombreuses décisions à l’appui de la proposition selon laquelle la mesure prise ou le pouvoir exercé doit être de nature publique. Un organe n’agit pas en qualité d’« office fédéral » lorsqu’il prend une mesure de nature privée ou exerce un pouvoir de nature privée : […].

 

 

[18]           Il faut donc établir si dans sa lettre à ATI relativement aux licences de bateaux d’excursion l’APSJ agissait en qualité d’« office fédéral » et aussi si le pouvoir ayant été exercé, soit le refus allégué de licence, est de nature privée ou publique.

 

[19]           La Cour d’appel fédérale expose plus en détail au paragraphe 60 de l’arrêt Air Canada le cadre d’analyse de la compétence et énonce les facteurs pertinents suivants pour déterminer s’il s’agit d’un pouvoir de nature publique ou privée :

1.          La nature de la question visée par la demande de contrôle;

2.          La nature du décideur et ses attributions;

3.          La mesure dans laquelle la décision est fondée et influencée par le droit et non pas par un pouvoir discrétionnaire de nature privée;

4.          Les rapports entre l’organisme en cause et d’autres régimes législatifs ou d’autres parties du gouvernement;

5.          La mesure dans laquelle le décideur est un mandataire du gouvernement ou est dirigé, contrôlé ou influencé de façon importante par une entité publique;

6.          Le caractère approprié des recours de droit public;

7.          L’existence d’un pouvoir de contrainte;

8.          Une catégorie d’affaires « exceptionnelles » dans laquelle les mesures prises ont acquis une dimension publique importante.

 

[20]           Aucun facteur n’est déterminant, toutefois la Cour précise que la question de savoir « si tel facteur ou tel ensemble de facteurs particuliers fait pencher la balance d’un côté et rend une question “publique” dépend des faits de l’affaire et de l’impression d’ensemble donnée à la Cour » (Air Canada, au paragraphe 60). Ainsi, et bien que l’examen effectué par l’APSJ des facteurs 3, 4, 6, 7 et 8 du paragraphe 60 de l’arrêt Air Canada puisse à des degrés divers être favorable à sa position, la Cour a conclu après réflexion et examen de la nature de la question visée par la présente demande ainsi que de celle du décideur et de ses attributions, que la question en jeu relève du droit public.

 

[21]           En conséquence, pour les motifs qui suivent, la Cour est somme toute d’avis que la question faisant l’objet du contrôle dans la présente demande est de nature publique, et qu’en la traitant, l’APSJ agissait en qualité d’« office fédéral ».

 

1)         La nature de la question visée par la demande de contrôle

 

[22]           L’APSJ fait valoir que la décision de délivrer une licence à un service de transport maritime de détail saisonnier est de nature purement commerciale et qu’elle se rattache à ses principales responsabilités concernant l’exploitation du port. L’APSJ soutient en outre que cette décision relève des pouvoirs généraux de gestion et qu’elle n’est qu’accessoire à sa personnalité juridique et non susceptible de contrôle judiciaire.

 

[23]           L’APSJ soutient que la Cour devrait faire sienne la conclusion de la juge Mactavish dans DRL Vacations, selon laquelle le processus concurrentiel d’octroi de permis d’exploitation de marchés de détail est de nature privée et commerciale. L’APSJ soutient qu’on ne peut établir de véritable distinction entre la délivrance d’une licence à un service de transport maritime de détail saisonnier, visée par la présente demande, et les activités dont il est question dans DRL Vacations et dans 54039 Newfoundland and Labrador Ltd (George Street Association) c Administration portuaire de St. John’s, 2011 CF 740 (54039 Newfoundland).

 

[24]           Il fallait trancher dans DRL Vacations la question de savoir si l’Administration portuaire de Halifax avait agi en qualité d’« office fédéral » en entreprenant des négociations pour exploiter une boutique de cadeaux. Faisant directement et clairement référence à la Loi, la juge Mactavish fait référence au libellé même de l’alinéa 28(2)a) pour conclure qu’une boutique de cadeaux est une entreprise purement commerciale. Le paragraphe 28(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

(2) L’autorisation donnée à une administration portuaire d’exploiter un port est restreinte aux activités suivantes :

 

a) les activités portuaires liées à la navigation, au transport des passagers et des marchandises, et à la manutention et l’entreposage des marchandises, dans la mesure prévue par les lettres patentes;

 

b) les autres activités qui sont désignées dans les lettres patentes comme étant nécessaires aux opérations portuaires.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[25]           La juge Mactavish conclut sur ce fondement que les activités d’une boutique de cadeaux sont « accessoire[s] à la responsabilité principale de l’APH, à savoir gérer les activités portuaires liées à la navigation, au transport des marchandises et des passagers, et à l’entreposage des marchandises » [Non souligné dans l’original.] (DRL Vacations, au paragraphe 55). De plus, il est entendu que les activités prévues à l’alinéa 28(2)a) de la Loi sont les fonctions essentielles relevant de la capacité et du pouvoir des administrations portuaires, et que les boutiques de cadeaux ne comptent pas parmi celles‑ci.

 

[26]           De même dans 54039 Newfoundland, la Cour a conclu qu’à l’égard d’un restaurant, l’APSJ n’agissait pas en qualité d’office fédéral. Autrement dit, la boutique de cadeaux et le restaurant ne sont pas intimement liés aux fonctions essentielles des administrations portuaires, énoncées à l’alinéa 28(2)a) de la Loi (54039 Newfoundland, au paragraphe 11).

 

[27]           Compte tenu de l’analyse qui précède, je conclus que les circonstances de l’espèce sont nettement différentes de celles exposées tant dans DRL Vacations que dans 54039 Newfoundland. J’estime que l’exploitation d’un service de bateaux d’excursion pour transporter des passagers, même s’il ne s’agit pas forcément d’un service de traversiers, mais uniquement d’un service de transport pour les touristes, est de toute évidence visé par l’alinéa 28(2)a) de la Loi. À la différence d’un restaurant ou d’une boutique de cadeaux, le service de bateaux d’excursion d’ATI est plus intimement lié à une responsabilité essentielle en matière de gestion des activités portuaires.

 

[28]           Le juge Stratas souligne ce qui suit au paragraphe 52 de l’arrêt Air Canada :

Par exemple, supposons qu’un tribunal administratif fédéral bien connu résilie le contrat conclu avec une société relativement aux services de conciergerie pour ses locaux. Ce faisant, il n’exerce pas un pouvoir central à la mission administrative que lui a attribuée le législateur. Il ne fait en réalité qu’agir comme n’importe quelle autre entreprise. Le pouvoir qu’exerce le tribunal administratif dans ce cas doit être qualifié de pouvoir de nature privée et non publique.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[29]           L’activité proposée, visée par la présente demande, concerne une activité que seule une administration portuaire peut autoriser. Il ne s’agit pas de quelque chose que pourrait faire n’importe quelle autre entreprise; il s’agit du mandat législatif exclusif de l’administration portuaire. Je conclus qu’est en cause en l’espèce un « service de bateaux d’excursion » – soit une activité portuaire qui n’est pas simplement accessoire aux principales responsabilités de gestion de l’APSJ – et que la question visée par le contrôle est de nature publique.

 

2)         La nature du décideur et ses attributions

 

[30]           L’APSJ est une entreprise relevant du gouvernement fédéral, constituée par lettres patentes en vertu de la Loi. Il n’y a guère de doute qu’en qualité d’administration portuaire, l’APSJ exerce la majeure partie de ses activités indépendamment du gouvernement. Toutefois, les administrations portuaires sont, aux termes de l’article 7 de la Loi, des mandataires de Sa Majesté du chef du Canada pour les fins énoncées au paragraphe 28(2) de la Loi, dont il est question ci‑dessus. Puisque j’ai déjà conclu que le service de bateaux d’excursion est une fonction essentielle visée à l’alinéa 28(2)a) de la Loi, l’APSJ agit, en exerçant cette activité, à titre de mandataire de l’État. À cet égard le facteur 5 de l’arrêt Air Canada, qui fait pencher la balance du côté de la dimension « publique », entre en jeu.

 

[31]           L’APSJ soutient toutefois que ceci n’est pas déterminant et qu’il importe peu qu’elle agisse ou non à titre de mandataire de l’État dans les cas où la question n’est pas étroitement liée à une responsabilité publique. Je conclus là encore qu’en tant que fonction essentielle, l’autorisation d’exploiter des bateaux d’excursion est une responsabilité publique. Je conclus que, s’agissant de la délivrance de licences pour bateaux d’excursion, l’APSJ agit en qualité d’office fédéral.

 

[32]           J’estime que les conclusions ci‑dessus suffisent à établir que l’objet de la demande est de nature publique et que l’APSJ a agi à titre d’organisme public. N’eût été la conclusion de la Cour, dont il est question aux paragraphes 11 à 14 des présents motifs, le contrôle judiciaire aurait été recevable et la requête en radiation de l’APSJ aurait été rejetée.

 

[33]           La Cour n’entend pas aborder la question de l’équité procédurale ou celle de la nature discrétionnaire du contrôle judiciaire. Ces arguments portent sur le fond et il ne convient pas de les traiter dans le cadre d’une requête en radiation.

 

[34]           Néanmoins, comme l’indique la fin du paragraphe 14 des présents motifs, la requête de l’APSJ sollicitant la radiation de la présente demande sera accueillie.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ordonne que soit accueillie la requête de l’APSJ sollicitant la radiation de la demande d’ATI, le tout avec dépens.

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1974‑11

 

 

INTITULÉ :                                                   ADVENTURE TOURS INC.

                                                                        et

                                                                        ADMINISTRATION PORTUAIRE DE ST. JOHN’S

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 8 mars 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 14 mars 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas W. Lutz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jamie M. Smith

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Muttarts Law Firm

Kentville (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Smith Law Offices

St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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