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Date : 20120316

Dossier : IMM‑6487‑11

Référence : 2012 CF 315

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2012

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

JUAN CARLOS HERNANDEZ OLIVA

LETICIA ROSAS RODRIGUEZ

KARLA PAMELA HERNANDEZ ROSAS (MINEURE)

CARLOS IVAN HERNANDEZ ROSAS (MINEUR)

SAMANTHA NATALY HERNANDEZ ROSAS (MINEURE)

 

 

 

demandeurs

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie de la question de savoir s’il aurait été déraisonnable de la part des demandeurs, tous des citoyens mexicains, de se réfugier à Guadalajara plutôt que de revendiquer le statut de réfugié au Canada. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu que Guadalajara constituerait une possibilité de refuge intérieur viable (PRI). À mon avis, cette décision n’était pas déraisonnable et ne devrait pas être infirmée.

 

[2]               Les demandeurs sont des résidents de Leon. Ils craignent leur ancien voisin, apparemment un criminel, un certain M. Sanchez Reynoso, surnommé « El Cosmos ». En 2008, ils se sont rendu compte qu’El Cosmos, qui s’était depuis peu installé dans le quartier, vendait des stupéfiants. Ils ont fait une dénonciation anonyme à la police par téléphone. El Cosmos a été arrêté. Par la suite, ils ont été intimidés par des individus, lesquels étaient peut‑être des membres de l’organisme d’enquête fédéral, qui leur ont dit qu’ils devaient verser de l’argent à El Cosmos.

 

[3]               M. Hernandez Oliva en a informé son superviseur au travail, qui lui a recommandé quelqu’un chez qui la famille pourrait rester à Aguascalientis. Ils y ont déménagé, mais ils ont été retrouvés. Ils se sont ensuite enfuis à Mexico, mais là encore on les a retrouvés.

 

[4]               Quoique la Commission ait exprimé quelques préoccupations quant à la crédibilité du demandeur, la décision reposait sur la PRI. Je peux supposer que les demandeurs étaient crédibles et que leur crainte subjective d’El Cosmos était légitime.

 

[5]               Comme la famille n’a pas fait modifier sa résidence dans des documents officiels, n’a pas envoyé ses enfants à l’école et était rémunérée en argent comptant, la question se pose de savoir comment ils ont été retrouvés par El Cosmos. La seule explication est que M. Hernandez Oliva a continué de communiquer avec son ancien patron par les lignes téléphoniques terrestres. Comme El Cosmos les a retrouvés après leur dénonciation anonyme, il se peut qu’il ait pu écouter clandestinement les communications téléphoniques à Leon. Quant à la question de savoir si son influence s’étendait au‑delà de cette ville, un article de journal qui a été déposé faisait état d’un puissant trafiquant de stupéfiants surnommé El Cosmos, qui avait sa base à Cancún. Cependant, absolument rien ne démontre que les deux « El Cosmos » sont la même personne.

 

[6]               Quant à l’existence d’une PRI viable, la Commission a indiqué qu’elle devait être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait pas de véritable possibilité que les demandeurs soient persécutés ou soumis à la torture ou exposés à une menace à leur vie ou au risque de subir des peines ou des traitements cruels et inusités à Guadalajara, et que les conditions dans cette ville étaient telles qu’il serait raisonnable, vu l’ensemble des circonstances, que les demandeurs s’y réfugient.

 

[7]               Comme le tribunal n’était pas convaincu que l’influence d’El Cosmos s’étendait au‑delà de Leon et qu’il supposait que M. Hernandez Oliva arrêterait de communiquer avec son ancien patron, la décision n’était pas déraisonnable.

 

[8]               Une demande d’asile est dans son essence même orientée vers l’avenir. Les demandeurs soutiennent que la décision de la Commission, loin de découler d’une inférence, était purement conjecturale. Cependant, le fardeau de la preuve incombe aux demandeurs et, s’il y a conjectures, ce sont eux qui les font.

 

[9]               Dans des cas comme celui‑ci, il n’est pas possible de connaître tous les faits et le fardeau de la preuve constitue donc un élément important à prendre en compte.

 

[10]           La PRI est un élément intrinsèque de toute décision sur la question de savoir si une personne est un réfugié, le fardeau incombant au demandeur (Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)), [1992] 1 CF 706, [1991] ACF no 1256 (QL) (CAF), Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, [1993] ACF no 1172 (QL) (CAF)). Comme l’a dit le juge Devlin (tel était alors son titre) dans Waddle c Wallsend Shipping Company, Ltd, [1952] 2 Lloyd’s Rep 105, à la page 139 :

[traduction]

Dans une affaire où l’essentiel des faits a été mis au jour, il est sans aucun doute légitime de plaider qu’il faut trouver une cause quelconque, et que donc la cause qui paraît la mieux établie devrait être choisie. Lorsqu’on peut dire à juste titre que toutes les causes possibles ont été examinées à fond, c’est la plus forte qui doit l’emporter. Mais dans un cas où il n’existe aucune preuve directe, il n’y a pas de raison de dire que la conjecture la plus plausible doit nécessairement être la bonne explication. Il se peut bien qu’on doive constater qu’on n’en connaît pas assez au sujet des circonstances du sinistre pour permettre à celui qui enquête de dire comment c’est arrivé. Tout ce qu’il peut dire c’est qu’aucune théorie proposée n’a pu trouver suffisamment d’appui dans les faits pour rendre plus probable que cela est arrivé de cette façon et non d’une autre [...]

 

 

[11]           Par conséquent, la demande est rejetée.

 

[12]           Les parties conviennent qu’il n’y a pas de question sérieuse de portée générale à certifier.

 


 

ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS,

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question sérieuse de portée générale à certifier.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑6478‑11

 

 

INTITULÉ :                                                   JUAN CARLOS HERNANDEZ OLIVA ET AL c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 mars 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 16 mars 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Armelle Carrara

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Thomas John Cormie

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Armelle Carrara

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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