Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120320


Dossier : IMM-5753-11

Référence : 2012 CF 338

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

VARNAN PARAMANATHAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Varnan Paramanathan, sollicite le contrôle judiciaire de la décision, en date du 29 juillet 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

 

I.          Exposé des faits

 

[2]               Le demandeur est un Tamoul originaire de Jaffna, dans le Nord du Sri Lanka. Il a toutefois vécu dans le secteur de Kotahena, à Colombo, pendant deux ans et deux mois avant de quitter son pays.

 

[3]               Il a allégué que sa famille a fait l’objet de harcèlement de la part des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) et, par la suite, des forces de sécurité. Il a expliqué qu’il a été détenu à plusieurs reprises pendant de brèves périodes au cours desquelles il a été interrogé et battu avant d’être relâché. Ainsi, il a été détenu dans les situations suivantes :

•           Août 2007 – Après une embuscade tendue par les TLET au camp militaire local, à Uduvil, il a été détenu avec d’autres Tamouls pendant cinq jours au cours desquels il a été battu et blessé, avant que son père ne négocie sa libération.

•           Juillet 2008 – Il a été détenu par l’armée au poste de contrôle d’Omanthai, où il se trouvait pour aider son oncle, mais il a été libéré au bout de trois heures.

•           Août 2008 – Lorsqu’il habitait avec sa tante à Colombo, il a été détenu et interrogé pendant trois jours par les agents de la division des enquêtes criminelles (la CID) avant qu’un policier à la retraite n’intervienne en sa faveur pour qu’il soit libéré.

•           Avril 2009 – Lors d’une ronde de police, il a été détenu dans le secteur de Kotahena, à Colombo, avec d’autres Tamouls juste avant la fin de la guerre, mais son patron a réussi à le faire libérer après deux jours.

•           Juillet 2010 – Il a été arrêté par l’armée, le CID et des paramilitaires de Karuna à la résidence de sa tante située dans le secteur de Kotahena, à Colombo, et détenu pendant trois jours au camp militaire de Petteh, soit jusqu’à ce qu’un homme d’affaires engagé par sa tante verse un pot‑de‑vin à la police en échange de sa libération.

 

[4]               Le demandeur affirme qu’un agent l’a aidé à s’enfuir du Sri Lanka le 9 septembre 2010.

 

II.        Décision contestée

 

[5]               La Commission n’a pas cru que le demandeur craignait avec raison d’être persécuté ou qu’il existait une possibilité sérieuse qu’il soit exposé à un risque advenant son retour au Sri Lanka. Il a été toujours été libéré, même si des pots‑de‑vin ont parfois dû être versés. La Commission a cru, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun mandat d’arrestation n’avait été décerné à son endroit et que son nom ne figurait pas sur la liste de surveillance à haute sécurité du gouvernement.

 

[6]               La Commission a procédé à l’analyse du changement de circonstances au Sri Lanka. Après avoir examiné des renseignements souvent incohérents, la Commission a conclu que la situation des Tamouls au pays s’était considérablement améliorée au cours des deux dernières années. On a vu le gouvernement tendre la main à la communauté tamoule en engageant plus de Tamouls dans les forces policières et militaires. Toutefois, la Commission a reconnu que les minorités ethniques, particulièrement les Tamouls, continuaient d’être couramment victimes de discrimination. Considérant la preuve dans son ensemble, la Commission a tranché que « la situation, bien que non idéale, n’est pas à ce point dangereuse que le demandeur d’asile risque d’être persécuté pour un motif prévu à la Convention ou de subir un préjudice suivant l’article 97 de la Loi ».

 

[7]               Finalement, il a été question du risque que le demandeur soit victime d’extorsion de la part de membres indésirables des forces de sécurité et des paramilitaires de Karuna. Le demandeur s’est dit préoccupé par le fait qu’il serait considéré, parce qu’il revenait d’un pays occidental, comme une riche cible potentielle. La Commission a néanmoins conclu que le risque auquel serait exposé le demandeur constituerait un risque courant et généralisé qui touche son sous‑groupe et qui n’est pas visé par l’alinéa 97(1)b).

 

III.       Questions à trancher

 

[8]               Le demandeur soulève plusieurs questions qui peuvent être formulées comme suit :

 

a)         La Commission a‑t‑elle fait erreur en ne tenant pas compte d’un autre motif prévu à la       Convention?

 

b)         La Commission a‑t‑elle fait erreur dans l’application du critère juridique d’appréciation de la crainte de persécution du demandeur?

 

c)         La Commission a‑t‑elle fait erreur en ne tenant pas compte de l’effet cumulatif des            détentions du demandeur?

 

d)         La Commission a‑t‑elle omis de tenir compte de la menace que constituent les        groupes paramilitaires pour le demandeur?

 

e)         La Commission a‑t‑elle fait erreur dans les conclusions qu’elle a tirées concernant la           crédibilité?

 

f)         La Commission a‑t‑elle fait erreur dans son appréciation du changement de circonstances au Sri Lanka?

 

g)         La Commission a‑t‑elle fait erreur en rapportant incorrectement les faits?

 

IV.       Norme de contrôle

 

[9]               La majorité de ces questions sont des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit qui commandent l’application de la norme de la décision raisonnable (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2009] 1 RCS 190, au paragraphe 51).

 

[10]           Dans l’application de cette norme, la Cour doit s’intéresser « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[11]           L’application d’un critère juridique est toutefois une question de droit qui doit faire l’objet d’un contrôle suivant la norme de la décision correcte (voir l’arrêt Dunsmuir, précité au paragraphe 50; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 44).

 

V.        Analyse

 

A.        Défaut de tenir compte d’un motif prévu à la Convention

 

[12]           Le demandeur avance que la Commission a fait erreur en n’examinant pas la question de savoir s’il serait ciblé en tant que membre du groupe social particulier des demandeurs d’asile déboutés. Au cours de l’audience, l’avocat a présenté des observations et deux articles pour étayer cette position.

 

[13]           Le défendeur soutient que cette omission ne constitue pas une erreur étant donné que le demandeur a affirmé dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP) qu’il craignait d’être persécuté par [traduction] « les forces de sécurité et les hommes de main », et non en tant que demandeur d’asile débouté. Ce dernier argument n’était pas un élément central de sa demande. Qui plus est, la preuve prépondérante présentée se rapportait à la situation à laquelle les Tamouls doivent faire face au Sri Lanka. Au moins un des articles portant sur la question des risques liés au retour des demandeurs d’asile déboutés décrivait une situation qui pouvait être différenciée de celle que le demandeur doit affronter.

 

[14]           Après avoir examiné la jurisprudence pertinente, je reconnais que notre Cour a annulé des décisions en matière d’immigration parce qu’un autre motif de persécution n’avait pas été examiné. Dans Ghirmatsion c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519, [2011] ACF no 650, au paragraphe 106, par exemple, la juge Judith Snider a affirmé que, même s’il est loisible à un agent des visas d’examiner un autre motif de persécution et de le rejeter, le défaut d’expliquer pourquoi ce risque n’a pas été évalué constitue une erreur susceptible de contrôle.

 

[15]           La Cour a néanmoins souligné que la Commission est seulement tenue d’examiner un autre motif de persécution lorsque la preuve au dossier permet de l’étayer (voir Galyana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 254, [2011] ACF no 305, aux paragraphes 9 à 11; Casteneda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1012, [2011] ACF no 1253, au paragraphe 19).

 

[16]           Plus particulièrement, la juge Snider a reconnu dans Mersini c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1088, [2004] ACF no 1364, au paragraphe 8, que, même si le fait d’écarter une partie d’une demande d’asile constitue normalement une erreur grave, ce n’est pas le cas lorsque l’appartenance à un groupe social n’est pas un élément central de la demande et semble « avoir été le résultat d’une réflexion après coup, aucunement appuyée par la preuve ».

 

[17]           À la lumière de ces décisions, je suis disposé à accepter la position du défendeur selon laquelle le défaut d’examiner précisément un autre motif de persécution, en l’occurrence le fait que le demandeur est un demandeur d’asile débouté, ne constitue pas une erreur justifiant l’intervention de la Cour.

 

[18]           De la même manière que dans la décision Mersini, précitée, cette question est en fait le résultat d’une réflexion après coup plutôt que le fondement central de la demande d’asile. D’ailleurs, les allégations du demandeur portent principalement sur les mauvais traitements dont il a été victime au Sri Lanka en tant que Tamoul. Le dossier de preuve et le témoignage du demandeur reflètent cette préoccupation. La Commission a en fin de compte conclu qu’il n’existe pas vraiment de risque sérieux qu’il soit persécuté pour « un motif prévu à la Convention ».

 

[19]           Même si l’avocat du demandeur a versé en preuve deux articles portant sur les risques auxquels sont exposés les demandeurs d’asile déboutés, leur importance était limitée par rapport à la documentation intéressant l’élément central de sa demande, et ces articles n’étaient pas suffisants pour établir que la Commission avait clairement l’obligation de trancher la question. Comme le souligne le défendeur, « le demandeur conserve l’obligation juridique ou le fardeau d’établir le bien‑fondé de ses allégations de façon claire et non équivoque » (voir Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1183, [2006] ACF no 1481, au paragraphe 18; Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, [2000] ACF no 2118, aux paragraphes 10 et 11). De plus, dans la décision Galyana, précitée, le juge Russel Zinn a souligné que la Commission n’est pas dans l’obligation de « se livrer à un examen microscopique du dossier dont elle est saisie afin de déceler tout risque éventuel ».

 

B.        Critère juridique d’évaluation du risque de persécution

 

[20]           Le demandeur n’est pas d’accord avec la Commission sur la description qu’elle donne du critère d’évaluation du risque de persécution au paragraphe 52 de ses motifs, description suivant laquelle « la situation, bien que non idéale, n’est pas à ce point dangereuse que le demandeur d’asile risque d’être persécuté pour un motif prévu à la Convention ou de subir un préjudice suivant l’article 97 de la Loi ».

 

[21]           Selon le demandeur, le critère applicable se situe entre la prépondérance des probabilités (ou le fait que la persécution soit plus probable que le contraire) et l’existence de plus qu’une simple possibilité de persécution (voir Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680, [1989] ACF no 67 (CAF)). Traitant de cette distinction, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit dans Chan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593, [1995] ACS no 78, au paragraphe 120 :

[120]    Tant l’existence d’une crainte subjective que le fondement objectif de cette crainte doivent être établis selon la prépondérance des probabilités. Dans l’arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680, la Cour d’appel fédérale a statué que, dans le contexte spécifique de la détermination du statut de réfugié, le demandeur n’est pas tenu d’établir, pour satisfaire à l’élément objectif du critère, qu’il est plus probable qu’il sera persécuté que le contraire. Il doit cependant établir qu’il existe plus qu’une « simple possibilité » qu’il soit persécuté. On a décrit le critère applicable comme étant l’existence d’une « possibilité raisonnable » ou, plus justement à mon avis, d’une « possibilité sérieuse ». Voir R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Sivakumaran, [1988] 1 All E.R. 193 (C.L.).

 

[22]           Le défendeur reconnaît que la Commission a énoncé de façon inexacte le critère au paragraphe 52, mais il soutient que le critère a été appliqué correctement ailleurs dans la décision et que le demandeur n’y a pas satisfait.

 

[23]           Je souscris à l’analyse du défendeur. Même si la Commission a proposé un critère préliminaire plus rigoureux que celui énoncé dans l’arrêt Adjei, précité, cette erreur n’est pas fatale puisqu’il ressort clairement du reste de la décision qu’elle a tenu compte du bon critère. Au paragraphe 10 de ses motifs, la Commission affirme qu’elle « ne croit pas que la crainte du demandeur d’asile soit fondée ou qu’il serait sérieusement possible que celui‑ci soit exposé à un risque s’il retournait dans son pays d’origine ». De la même manière, elle affirme au paragraphe 20 que, « [s]e fondant sur un examen rigoureux de renseignements souvent incohérents, le tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, la situation des Tamouls dans le pays s’est considérablement améliorée au cours des deux dernières années et que le demandeur d’asile ne risque pas sérieusement d’être persécuté […]. Le tribunal considère aussi peu probable que le demandeur d’asile serait exposé à une des menaces énoncées à l’article 97 de la LIPR ».

 

[24]           Il faut reconnaître que la Commission aurait pu être plus claire en choisissant mieux ses mots. Les déclarations en question ne laissent toutefois pas croire qu’un critère préliminaire déraisonnablement rigoureux a été appliqué en fin de compte. La Commission a simplement conclu que le demandeur n’avait pas établi l’existence d’une crainte subjective ou objective de persécution selon les critères pertinents.

 

C.        Persécution cumulative

 

[25]           Le demandeur se dit également préoccupé par le fait que la Commission n’a pas examiné la question de savoir si les incidents où il a été détenu constituaient cumulativement de la persécution. Plus particulièrement, il avance que la Commission n’a pas abordé la question de savoir s’il existait plus qu’une simple possibilité qu’il soit détenu, comme il l’a été plusieurs fois par le passé, parce qu’il est un jeune Tamoul du Nord, ni le risque qu’il fasse l’objet de mesures discriminatoires. Le demandeur attire l’attention sur la preuve concernant le maintien en détention pour des raisons de sécurité qui est appliqué de façon discriminatoire, ainsi que sur le fait que la Commission a reconnu le recours à la violence et à la torture durant les interrogatoires.

 

[26]           Dans Munderere c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 84, [2008] ACF no 395, au paragraphe 42, la Cour d’appel fédérale a souligné ce qui suit :

[42]      […] la Commission a l’obligation de tenir compte de tous les faits qui peuvent avoir une incidence sur l’affirmation du demandeur d’asile suivant laquelle il craint avec raison d’être persécuté, y compris des incidents qui, pris isolément, ne constitueraient pas de la persécution mais qui, pris globalement, pourraient justifier une allégation de crainte fondée de persécution. […]

 

[27]           La Commission se doit de tenir compte de la nature cumulative des incidents et de se demander s’ils constituent de la persécution. À mon avis, la Commission a satisfait à cette exigence en l’espèce.

 

[28]           Dès le départ, il a été souligné que la demande d’asile du demandeur se fondait sur le harcèlement exercé par les TLET puis par les forces de sécurité. Ce harcèlement se traduisait par le fait qu’il « avait été détenu à plusieurs reprises pendant de brèves périodes, qu’il avait alors été interrogé et battu, mais que, chaque fois, il avait été libéré ». La Commission a plus loin fait remarquer que « [l]e fait qu’il ait été libéré dans tous les cas, bien que, à l’occasion, en raison du versement de pots‑de‑vin, amène le tribunal à croire » que sa crainte n’était pas bien fondée. Ces affirmations démontrent que la Commission a examiné la preuve en tenant compte de l’importance de l’ensemble des détentions. En fait, la demande était elle‑même fondée sur l’effet combiné des détentions car aucun incident pris isolément n’était déterminant.

 

[29]           Je tiens compte également de la conclusion tirée dans Fernandopulle c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 91, [2005] ACF no 412, au paragraphe 25 :

 

[…] La preuve des persécutions dont le demandeur a déjà été victime peut justifier la conclusion de fait qu’il a raison de craindre d’être persécuté à l’avenir, mais cette conclusion ne sera pas nécessairement tirée. Si, par exemple, la preuve démontre que la situation a changé au pays d’origine depuis que les persécutions ont eu lieu, il faut évaluer ces éléments de preuve pour déterminer si la crainte demeure justifiée.

 

[30]           Le demandeur fait état de plusieurs détentions, mais compte tenu de la conclusion dans l’arrêt Fernandopulle, précité, ces incidents ne sont pas nécessairement déterminants dans l’analyse relative à la persécution. La Commission a tenu compte de façon raisonnable de ce qu’avait vécu le demandeur et de la preuve contradictoire relative au changement de circonstances dans le pays avant de conclure que le demandeur d’asile « ne risque pas sérieusement d’être persécuté » du fait de son origine ethnique.

 

[31]           Le demandeur n’a pas démontré que la Commission a clairement commis une erreur dans son analyse de l’effet cumulatif des incidents de détention pour déterminer s’ils constituaient de la persécution.

 

D.        Menace que constituent les groupes paramilitaires

 

[32]           Le demandeur reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les paramilitaires le menaçaient de dire aux autorités sri‑lankaises qu’il faisait partie des TLET.

 

[33]           Je constate cependant que la Commission s’est intéressée à la menace d’extorsion de la part de groupes paramilitaires dans la section portant sur le risque généralisé. Il existe un risque pour le demandeur en tant que personne revenant de l’étranger et considérée comme fortunée, mais il s’agit d’un risque courant qui touche son sous‑groupe.

 

[34]           Cette conclusion était raisonnable. Le demandeur n’a pas fait ressortir un élément de preuve en particulier devant la Commission en ce qui a trait aux autres menaces que représentaient les groupes paramilitaires afin de contester la qualification de cette menace de risque généralisé d’extorsion.

 

E.         Conclusions touchant la crédibilité

[35]           Le demandeur conteste la conclusion de la Commission selon laquelle il n’avait pas fait l’objet d’un mandat d’arrestation parce qu’il était toujours libéré chaque fois qu’il était mis en détention et parce qu’il avait réussi à quitter le Sri Lanka à partir de l’aéroport. Il fait observer qu’il n’a pas dit qu’il avait fait l’objet d’un mandat d’arrestation.

 

[36]           Il me faut convenir avec le défendeur que cela ne permet pas d’en déduire que les conclusions de la Commission concernant la crédibilité étaient déraisonnables. La Commission a simplement inféré que, puisque le demandeur avait été libéré par le passé et qu’il n’avait été arrêté à l’aéroport lorsqu’il a quitté le Sri Lanka, son nom n’était pas inscrit sur une liste de surveillance à haute sécurité. Elle n’a pas laissé entendre que le demandeur avait affirmé qu’un mandat d’arrestation avait été lancé contre lui. Dans l’appréciation de la crainte du demandeur et du risque, il n’y a rien de déraisonnable dans le fait de faire des déductions concernant un mandat d’arrestation de cette manière. Cela faisait partie des issues possibles acceptables.

 

[37]           La Commission est investie du pouvoir discrétionnaire d’apprécier la preuve et de tirer des conclusions concernant la crédibilité du demandeur. Dans la mesure où elle tire ses conclusions « en termes clairs et explicites » (Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 130 NR 236, [1991] ACF no 228, au paragraphe 6), comme en l’espèce, ou en ne tenant pas compte de la preuve, il est difficile de justifier l’intervention de la Cour.

 

F.         Changement de circonstances

 

[38]           Le demandeur conteste les conclusions de la Commission sur le changement de circonstances. La Commission a mentionné que des réfugiés retournent au pays et que d’autres décident d’y rester ou de se rendre en Inde, ainsi que le fait que des Sri‑Lankais du Sud font du tourisme dans le Nord. Selon lui, ces conclusions sont dépourvues de pertinence dans le cadre de sa demande d’asile.

 

[39]           Toutefois, tout comme le défendeur, je suis d’avis que le demandeur n’a pas démontré que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables. Compte tenu de la preuve, la Commission était justifiée de laisser entendre que le retour d’anciens réfugiés au Sri Lanka et la présence de touristes dans le Nord du pays, qu’ils soient Sri‑Lankais du Sud ou étrangers, étaient des signes de changement de circonstances. Cette façon de faire est compatible avec les attributions de la Commission consistant à soupeser et faire ressortir la preuve pertinente.

 

[40]           De plus, le demandeur souligne que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve que des policiers tamouls nouvellement engagés proviennent des groupes paramilitaires ou que le Comité international de la Croix‑Rouge (le CICR) s’était vu refuser l’accès dans le Nord du pays en 2009.

 

[41]           Comme le défendeur l’a clairement indiqué, cela ne démontre pas que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve. Jusqu’à preuve contraire, la Commission est « présumé[e] avoir pesé et considéré toute la preuve dont [elle] est saisi[e] » (Florea c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598). Aussi, la Commission n’est pas tenue de mentionner expressément chaque élément de preuve (Hassan c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 NR 317, [1992] ACF no 946).

 

[42]           De plus, la principale chose que le demandeur conteste relativement au changement de circonstances dont fait état la Commission est le poids accordé à ces éléments de preuve. La Commission a reconnu que les Tamouls continuaient de faire l’objet de discrimination et qu’ils étaient battus durant les interrogatoires. Elle a néanmoins conclu, en « [s]e fondant sur un examen rigoureux de renseignements souvent incohérents » que la situation des Tamouls s’était améliorée au cours des deux dernières années. Pareille évaluation équilibrée démontre la justification et la transparence de la décision, et l’intelligibilité du processus décisionnel.

 

G.        Faits incorrectement rapportés

 

[43]           Enfin, le demandeur affirme que la Commission a fait erreur en rapportant les faits incorrectement à deux reprises dans ses motifs. Le défendeur insiste toutefois pour dire que ces faits incorrectement rapportés sont dépourvus de pertinence quant à la demande d’asile.

 

[44]           La Commission a mentionné que l’EPDP (Parti démocratique populaire de l’Eelam) était un groupe dissident des TLET, mais il s’agit en fait d’un parti politique distinct. Cette distinction n’a d’aucune manière causé préjudice au demandeur, puisqu’il n’a fondé sa demande d’asile sur aucune question particulière touchant l’EPDP. Cette déclaration erronée a été faite au cours de l’examen de la situation générale qui règne dans le pays, et non dans le cadre de l’analyse des éléments particuliers des allégations du demandeur.

 

[45]           De la même manière, la discussion concernant la « liste de surveillance à haute sécurité », par opposition à une [traduction] « liste d’alerte », selon la formulation employée dans la preuve documentaire, n’a aucune incidence sur l’évaluation générale faite par la Commission. Comme le défendeur le souligne, la conclusion principale sur cette question était que le demandeur avait été libéré chaque fois qu’il avait été mis en détention et qu’il avait franchi les douanes à un aéroport international sans être arrêté, ce qui a amené la Commission à conclure que le demandeur ne craignait pas avec raison d’être persécuté. La qualification exacte de la liste est dépourvue de pertinence.

 

[46]           Les faits incorrectement rapportés qui ont été relevés par le demandeur sont mineurs dans le contexte général de sa demande d’asile et ne constituent pas une erreur susceptible de contrôle.

 

VI.       Conclusion

 

[47]           En dépit de toutes les questions qu’il a soulevées, le demandeur n’a pas démontré l’existence d’un fondement de nature à justifier l’intervention de la Cour. Par conséquent, sa demande est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5753-11

 

INTITULÉ :                                      PARAMANATHAN c. MCI

                                                           

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 9 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 mars 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

Meva Motwani

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AUDOSSIER :

 

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.