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Date : 20120404

Dossier : T‑752‑11

Référence : 2012 CF 394

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 avril 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

RUSHAD TEHEMTON UDWADIA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Vue d’ensemble

 

[1]               Le Dr Udwadia est arrivé au Canada, de l’Inde, le 21 avril 2004 où il s’est vu accorder le statut de résident permanent. Il était accompagné de son épouse et de ses deux enfants. Le Dr Udwadia est un chirurgien généraliste qui a été formé à Mumbai (Inde), où il est toujours un professeur de chirurgie.

 

[2]               En 2009, le Dr Udwadia a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Un juge de la citoyenneté a conclu qu’il satisfaisait aux exigences de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, ch. C‑29, et a accueilli sa demande.

 

[3]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soutient que la décision du juge de la citoyenneté devrait être annulée, parce qu’il a erronément conclu que le Dr Udwadia avait satisfait à l’exigence de la Loi de résider au Canada pendant trois des quatre années précédant sa demande.

 

[4]               Quoiqu’il reconnaisse n’avoir été au Canada que pendant 717 jours pendant la période pertinente, le Dr Udwadia soutient avoir fait du Canada son foyer et allègue que le temps qu’il a passé hors du Canada devrait être pris en compte.

 

[5]               À mon avis, la conclusion du juge de la citoyenneté selon laquelle le Dr Udwadia satisfaisait à l’exigence relative à la résidence de la Loi sur la citoyenneté était erronée. Par conséquent, j’accueillerai l’appel du ministre. Le Dr Udwadia devra présenter une nouvelle demande.

 

[6]               La seule question en litige consiste à savoir si le juge de la citoyenneté a correctement appliqué l’exigence relative à la résidence.

 

II.         Les faits

 

[7]               La période pertinente pour évaluer le temps pendant lequel le Dr Udwadia a résidé au Canada s’étend du 12 février 2005 au 12 février 2009. Le Dr Udwadia a été au Canada avec sa famille pendant six semaines entre avril et juin 2004, alors qu’il s’informait des exigences auxquelles il devrait satisfaire pour pratiquer la chirurgie à titre de chirurgien généraliste au Canada. Il a ensuite quitté le Canada pour étudier en vue de passer les examens requis. Il est revenu avec sa famille en mai 2005, lorsque le collège des médecins et des chirurgiens de la C.‑B. l’a informé qu’il devait passer deux autres examens. Il a subi l’un de ces examens et est retourné en Inde avec sa famille en juin 2005. Il est revenu au Canada de nouveau entre les mois de novembre et décembre 2005 et de nouveau entre janvier et mars 2006, afin de se soumettre à d’autres évaluations et de passer d’autres examens.

 

[8]               Pendant la période pertinente de quatre ans, qui équivalait au total à 1 460 jours, le Dr Udwadia n’a été physiquement présent au Canada que 717 jours. Il a été absent pendant 743 jours, soit une période bien inférieure à celle de trois ans (1 095 jours) exigée pour obtenir la résidence permanente.

 

[9]               Le Dr Udwadia a déclaré 20 absences du Canada au cours de la période pertinente. Il est retourné plusieurs fois en Inde pour maintenir ses qualifications professionnelles. Il soutient que ces voyages étaient nécessaires pour répondre aux exigences du collège des médecins et des chirurgiens de la C.‑B.

 

[10]           La famille du Dr Udwadia a vécu avec lui de manière intermittente pendant toute la période pertinente. La période de cohabitation la plus longue a été d’août 2006 à juillet 2007, lorsque ses enfants fréquentaient l’école à North Vancouver. Cependant, son épouse a dû alors retourner en Inde pour s’occuper des parents du demandeur et les enfants l’ont accompagnée.

 

[11]           Depuis septembre 2007, le Dr Udwadia vit dans un condominium à North Vancouver. Il a commencé à payer des impôts au Canada en 2006 et ses déclarations de revenus, lesquels ont atteint 92 483 $ en 2008, révèlent une constante augmentation de son revenu au Canada. Il a un compte bancaire à North Vancouver, dans lequel il détient la somme de 300 000 $.

 

III.       La décision du juge de la citoyenneté

 

[12]           Le juge s’est employé à appliquer le critère relatif à la résidence énoncé dans Koo (Re), [1993] 1 CF 286 (TD), soit la question de savoir si « le Canada est le lieu où le requérant vit régulièrement, normalement ou habituellement? » ou « le pays où le requérant a centralisé son mode d’existence? »

 

[13]           Le juge a considéré les six questions suivantes :

 

            1.         La personne avait‑elle été physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s’être absentée peu avant la présentation de sa demande de citoyenneté?

 

[14]           Le juge a noté que, du 12 février 2004 jusqu’au 24 août 2006, le Dr Udwadia s’est trouvé hors du pays pendant 389 jours. Du 26 août 2006 jusqu’au 12 février 2009, il a été absent pendant encore 328 jours. Il s’agissait dans la plupart des cas de séjours à Mumbai pour maintenir ses compétences chirurgicales.

 

            2.         Où résident la famille proche et les personnes à charge, ainsi que la famille étendue, du requérant ?

 

[15]           La famille du Dr Udwadia a vécu au Canada pendant un an du mois d’août 2006 jusqu’au mois de juillet 2007. Avant et après cette période, ils se sont trouvés au Canada pendant des périodes plus courtes. Ils sont retournés à Mumbai en juillet 2007. Depuis lors, sa famille est revenue au Canada deux ou trois fois par année. La famille prévoit résider au Canada lorsque le Dr Udwadia y exercera sa profession.

 

            3.         La forme de présence physique de la personne au Canada dénote‑t‑elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu’elle n’est qu’en visite?

 

[16]           Depuis le mois d’août 2006, le Dr Udwadia a passé la majeure partie de chaque année au Canada et n’est retourné à Mumbai que pour maintenir ses compétences chirurgicales. Il n’a aucune résidence à Mumbai; il habite chez les parents de son épouse. Le Dr Udwadia et son épouse ont transféré la plus grande partie de leurs biens au Canada en 2006 et ont acheté un condominium à North Vancouver en 2007. Le Dr Udwadia vit dans le condominium qui n’est grevé d’aucune hypothèque.

 

            4.         Quelle est l’étendue des absences physique?

 

[17]           Les absences physiques du Dr Udwadia pendant la période pertinente étaient fréquentes. Cependant, le pourcentage du temps qu’il passe au Canada a augmenté de façon constante.

 

            5.         L’absence physique est‑elle imputable à une situation manifestement temporaire?

 

[18]           Le juge a noté que, lorsque le Dr Udwadia aura passé les examens nécessaires, il n’aura plus à retourner aussi souvent à Mumbai. Il prévoit amener sa famille au Canada et il a déclaré en insistant qu’il voulait que ses enfants apprennent le français.

 

            6.         Quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada?

 

[19]           Le Dr Udwadia a essayé d’obtenir les qualifications requises pour exercer la chirurgie comme chirurgien généraliste en C.‑B. Il a travaillé à la New Westminster Vein Clinic pendant quatre ans et a payé des impôts et acquis des biens en C.‑B. Le juge était convaincu que, dès que le Dr Udwadia aura établi un cabinet au pays, sa famille le rejoindrait. Entre-temps, sa famille vient le voir aussi souvent que possible. Les biens et la vie professionnelle du Dr Udwadia sont centralisés au Canada.

 

[20]           Le juge a conclu que le Dr Udwadia avait centralisé son mode de vie au Canada et que ses liens avec le Canada étaient plus importants que ceux qu’il pouvait avoir avec tout autre pays.

 

IV.       Le juge de la citoyenneté a‑t‑il correctement appliqué le critère relatif à la résidence?

 

[21]           À mon avis, la question de la résidence appelle l’application d’un critère à deux volets. Le juge doit d’abord trancher la question de savoir si le demandeur a établi une résidence au Canada. Si oui, il faut déterminer si le demandeur satisfait à l’exigence du nombre total de jours de résidence. L’analyse effectuée dans Koo, ci‑dessus, s’applique à ce second volet.

 

[22]           En l’espèce, le juge n’a pas répondu à la première question. La résidence du demandeur au Canada « a commencé à la date où l’on peut dire qu’il a établi sa résidence au Canada » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Nandre, 2003 CFTP 650, au paragraphe 23). Le juge de la citoyenneté doit déterminer cette date.

 

[23]           La date la plus ancienne à laquelle le Dr Udwadia a pu commencer à résider au Canada est août 2006, lorsqu’il a commencé à travailler à temps plein à la Vein Clinic. Avant cette date, il ne faisait que visiter le Canada pour subir des examens et accomplir des démarches en vue de travailler ici.

 

[24]           Comme il a demandé la citoyenneté en février 2009, le Dr Udwadia devait démontrer qu’il avait établi sa résidence au Canada au cours du mois de février 2006 ou auparavant (Nandre, ci‑dessus, au paragraphe 27). Le juge de la citoyenneté ne disposait d’aucune preuve que le Dr Udwadia l’avait fait.

 

V.        Conclusion et dispositif

 

[25]           Rien ne permettait au juge de la citoyenneté de conclure que le Dr Udwadia avait établi sa résidence au Canada pendant les trois ans ayant précédé sa demande de citoyenneté. Par conséquent, pour ce seul motif, la décision du juge de lui accorder la citoyenneté était déraisonnable. Par conséquent, j’accueillerai l’appel et j’infirmerai la décision du juge de la citoyenneté.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

  1. L’appel est accueilli.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITRS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑752‑11

 

INTITULÉ :                                                   MCI

                                                                        c

                                                                        RUSHAD TEHEMTON UDWADIA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 24 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hilla Aharon

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Vivian Yuen

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Larlee Rosenberg

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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