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Date : 20120405

Dossier : T‑857‑11

Référence : 2012 CF 398

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

LE CONSEIL DE BANDE DE LA

PREMIÈRE NATION ELSIPOGTOG

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

MARY JANE PETERS

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un arbitre le 22 avril 2011 en vertu du Code canadien du travail, LRC 1985, c L‑2 (le Code). L’arbitre a estimé qu’il n’était pas functus officio et il a déclaré qu’il demeurait compétent pour statuer sur des questions non réglées par les parties afin de compléter sa décision initiale par laquelle il avait accordé une indemnité pour congédiement injuste.

 

I.          Contexte

 

[2]               Mary Jane Peters (la défenderesse) a travaillé pour le conseil de bande de la Première nation Elsipogtog entre juin 1998 et le 8 avril 2009, date à laquelle elle a été congédiée. Elle a déposé une plainte pour contester ce congédiement en vertu du Code.

 

[3]               Le 10 février 2011, l’arbitre, Me Charles LeBlond, c.r., a fait droit à sa plainte et a déclaré qu’elle avait été congédiée injustement. Il lui a accordé une indemnité correspondant à 18 mois de salaire, pour un total de 93 000 $ en dommages‑intérêts compensatoires pour perte de revenu, ainsi que 2 715 $ en intérêts accumulés.

 

[4]               De ce montant, il fallait retrancher 2 000 $ pour les gains accumulés au cours de la période visée par l’indemnisation, ainsi que la rémunération supplémentaire provenant de l’emploi de la demanderesse au cours de la période d’indemnisation de 18 mois. Le montant exact de cette rémunération supplémentaire à déduire du montant de l’indemnité n’a pas été précisé dans la décision arbitrale.

 

[5]               L’arbitre a également accordé un montant non précisé à titre de cotisations de retraite versées par l’employeur et par Mme Peters au cours de la période de 18 mois en question. Les parties devaient s’entendre sur le montant de ces cotisations mensuelles. L’arbitre a déclaré qu’à défaut d’entente, il entendrait les parties sur cette question.

 

[6]               La défenderesse s’est vu adjuger ses dépens, qui ont été fixés à la somme de 5 000 $ majorée de la TVH.

 

[7]               En conséquence, il restait aux parties deux questions à régler à la suite de la décision arbitrale, à savoir, le montant exact de la rémunération supplémentaire à déduire du montant de l’indemnité, et les cotisations de retraite.

 

[8]               Les avocats de chacune des parties (Me Jane MacEachern, pour la demanderesse, et Me Judith Begley, pour la défenderesse) ont commencé à correspondre en vue de résoudre ces questions.

 

[9]               Les premiers échanges qui ont été faits en vue de préciser les montants en question se sont révélés infructueux. Me Begley a avancé un chiffre pour le volet relatif aux cotisations de retraite, tandis que Me MacEachern a soutenu que Mme Peters avait touché des prestations qu’il fallait soustraire du montant des dommages‑intérêts. Mme Begley n’était pas au courant de l’existence de ces prestations.

 

[10]           Le 17 mars 2011, Me Begley a envoyé à Me MacEachern une télécopie dans laquelle elle précisait qu’elle n’avait pas encore reçu de réponse à ses diverses demandes de renseignements relatives au calcul du montant se rapportant à la pension. Elle a joint à cette télécopie une liste des sommes dues. Elle a fixé à 17 h, le 25 mars 2011, l’heure et la date limite de réception d’un chèque de ce montant, à défaut de quoi elle [traduction] « soumettra immédiatement la question à MLeBlond pour qu’il la tranche, en plus de réclamer des frais additionnels ».

 

[11]           En réponse, Me MacEachern a déclaré que la position de sa cliente était que la décision de l’arbitre [traduction] « constitue une décision définitive sur le fond, à l’exception de la question du droit à pension de Mme Peters », ajoutant que [traduction] « toutes les questions se rapportant au montant à déduire de l’indemnité accordée à Mme Peters ainsi qu’au montant de la rémunération qu’elle avait par conséquent reçue au cours de la période en cause sont des questions qui doivent être réglées par les parties ». Elle a également laissé entendre que la décision arbitrale était mal formulée en ce qui concernait le droit à pension et que Mme Peters n’avait droit qu’aux cotisations de retraite versées par son employeur pendant la période pertinente.

 

[12]           Le 22 mars 2011, Me Begley a insisté pour dire que la décision de l’arbitre était [traduction] « limpide » et qu’elle ne laissait planer aucun doute quant au droit de Mme Peters de recevoir les cotisations de retraite mensuelles qu’elle avait versées en plus de celles de son employeur. Elle a ajouté :

[traduction]

Il n’y a rien d’inusité ou de complexe dans cette décision, et rien qui nécessite un long examen. Il est extraordinaire que votre cliente n’ait pas encore réussi à en respecter les modalités non équivoques. Nous ne voyons pas comment votre cliente ne serait pas en mesure de prendre les dispositions nécessaires pour effectuer un paiement complet d’ici la fin de la semaine, six mois après le prononcé de la décision. Je vous demande donc de prendre les mesures nécessaires pour nous remettre au plus tard à 17 h, le vendredi 25 mars 2011, un chèque au montant de 109 660,84 $ libellé à l’ordre de Begley Lordon, en fiducie. Si nous ne recevons pas un paiement intégral à cette date conformément à nos instructions, nous soumettrons la question à l’arbitre LeBlond pour qu’il tranche la question de façon définitive […]

 

[13]           Le 24 mars 2011, Me MacEachern a maintenu que la décision de l’arbitre était définitive et que [traduction] « MLeBlond n’a plus compétence pour statuer sur la présente affaire en raison de la clause privative contenue dans le Code canadien du travail et de la jurisprudence applicable, de sorte qu’il est maintenant functus officio ».

 

[14]           Le 28 mars 2011, Me Begley a informé Me MacEachern que les questions relatives à la pension et à la réduction du montant de l’indemnité avaient été soumises à l’arbitre LeBlond pour qu’il rende une décision définitive et qu’il fournisse des éclaircissements. Se fondant sur la jurisprudence récente de notre Cour, Me Begley a soutenu que [traduction] « en vertu du Code canadien du travail, l’arbitre conserve toujours sa compétence pour donner les éclaircissements nécessaires de sorte à s’assurer que les montants précis accordés aux termes d’une décision soient clairement exprimés et que la décision soit susceptible d’être mise à exécution ».

 

[15]           Dans la correspondance qu’elle a échangée avec l’arbitre LeBlond, Me Begley a laissé entendre qu’elle n’avait pas réussi à s’entendre avec l’employeur sur trois questions, à savoir, le montant des cotisations de retraite mensuelles, la question de savoir si Mme Peters devait être indemnisée pour ses cotisations ou seulement pour celles de son employeur, ainsi que la question du montant qui devait être déduit de l’indemnité à titre de rémunération supplémentaire. Elle n’a toutefois fait aucune mention de l’argument de la demanderesse suivant lequel l’arbitre pouvait être incompétent parce qu’il était functus officio.

 

[16]           L’arbitre LeBlond a répondu ce qui suit le 31 mars 2011 : [traduction] « Il est malheureux que les parties n’aient pas réussi à s’entendre sur ce qui ne devrait être que des calculs simples ». Il a suggéré à Mme Peters de produire une preuve de ses revenus pour la période de 18 mois en question, en produisant par exemple des feuillets T4, et a demandé qu’on lui confirme que ces éléments de preuve pouvaient être présentés avant qu’il se prononce sur la nécessité de tenir une autre audience. Sur la question des cotisations de retraite, l’arbitre a précisé que [traduction] « la décision arbitrale vise à forcer l’employeur à payer les cotisations qu’il aurait normalement versées au cours de la période de 18 mois en question ».

 

[17]           L’arbitre a demandé que les parties l’informent si elles ne réussissaient pas à s’entendre sur ces questions, ajoutant qu’avant de pouvoir tenir une audience, il lui faudrait des éléments de preuve documentaire connexes.

 

[18]           Le 4 avril 2011, Me Begley a confirmé qu’il existait une preuve des revenus pour la période applicable, en l’occurrence, un feuillet T4. Reprenant les propos de l’arbitre, elle a adopté le point de vue selon lequel le montant des cotisations de retraite de l’employeur devait s’élever à 5 197,92 $.

 

[19]           L’arbitre a demandé à Me MacEachern si elle était d’accord avec ces chiffres. Dans l’affirmative, il pouvait ajouter un addenda à sa décision.

 

[20]           Me MacEachern a toutefois avisé l’arbitre que [traduction] « la décision arbitrale que vous avez rendue dans la présente affaire est une décision définitive qui permet aux parties de préciser le montant en cause, et vous êtes maintenant functus officio et n’avez plus compétence pour examiner les éléments de preuve supplémentaires ou pour prononcer d’autres ordonnances connexes ou définitives ». Me MacEachern a cité à l’arbitre une série de décisions à l’appui de cet argument.

 

[21]           Dans un courriel daté du même jour, l’arbitre a répondu : [traduction] « J’essayais simplement de boucler la présente affaire parce que j’avais cru comprendre que les deux avocates me demandaient de l’aide ». Il a ajouté que, comme Me MacEachern était d’avis qu’il était functus officio, il n’examinerait pas davantage la question.

 

[22]           Me Begley s’est immédiatement opposée à la conclusion suivant laquelle l’arbitre était functus officio. Elle a insisté pour dire que l’arbitre était [traduction] « obligé de prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre une décision qui précise un montant d’indemnité susceptible d’exécution ». L’arbitre ne pouvait présumer qu’il était functus officio simplement parce que la demanderesse l’affirmait.

 

[23]           Par conséquent, l’arbitre a accordé aux deux parties la possibilité d’aborder la question de savoir s’il était functus officio, s’engageant à examiner la jurisprudence et à les informer ensuite de sa position.

 

[24]           Me MacEachern a rappelé que l’arbitre avait déjà conclu qu’il n’avait plus compétence. Elle a soutenu que [traduction] « le fait que la plaignante ait continué à vous soumettre d’autres éléments de preuve, opinions et renseignements sur les points en litige a fait en sorte que vous avez reçu des informations auxquelles vous avez donné suite sans que la défenderesse ait eu la possibilité de faire valoir son point de vue ».

 

[25]           Quoi qu’il en soit, les deux parties ont soumis leurs arguments au sujet de la question de savoir si l’arbitre était functus officio. L’arbitre LeBlond a rendu sa décision le 22 avril 2011. La demanderesse (le conseil de bande de la Première nation Elsipogtog) demande maintenant à notre Cour de procéder au contrôle judiciaire de cette décision.

 

II.         La décision à l’examen

 

[26]           L’arbitre a fait observer que les parties n’avaient pas réussi à s’entendre sur les questions qu’il avait laissées en suspens dans sa décision du 10 février 2011, en l’occurrence, la rémunération à déduire du montant de l’indemnité ainsi que les cotisations de retraite de l’employeur.

 

[27]           L’arbitre a estimé que, suivant la jurisprudence, il pouvait conserver sa compétence et statuer sur les questions qui devaient être résolues afin de « compléter sa décision », sans toutefois aller jusqu’à instruire à nouveau l’affaire ou à réexaminer ou modifier sa décision.

 

[28]           Citant des décisions dans lesquelles les tribunaux avaient jugé qu’il est loisible à un tribunal administratif de fournir des éclaircissements au sujet de la décision qu’il a rendue dans le prolongement de l’instance initiale dès lors qu’il ne crée pas ainsi des droits nouveaux ou plus étendus, l’arbitre a conclu qu’il lui était loisible de tenir une audience dans le seul but d’aborder des questions qui lui permettraient d’achever son travail. Il a insisté pour dire qu’il n’avait pas [traduction] « l’intention d’aller au‑delà des questions litigieuses que les parties n’ont pas réussi à résoudre entre elles ».

 

III.       Questions en litige

 

[29]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

 

a)         Quelle est la norme de contrôle applicable?

b)         L’arbitre était‑il functus officio une fois la décision arbitrale rendue?

c)         L’arbitre a‑t‑il violé un principe de justice naturelle ou commis un manquement à l’équité procédurale?

 

IV.       Analyse

 

A.        Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

(i)         Functus officio

 

[30]           Les parties ne s’entendent pas sur la norme de contrôle à appliquer dans le cas de la conclusion de l’arbitre suivant laquelle il n’était pas functus officio. La demanderesse affirme que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique à la question de savoir si l’arbitre a débordé le cadre de sa compétence ou a commis une erreur dans l’application d’un critère juridique, tandis que la défenderesse soutient que la présente affaire soulève une question mixte de fait et de droit qui est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable. La jurisprudence semble partagée sur cette question.

 

[31]           Dans le jugement Canada Post Corp c Canadian Union of Postal Workers, [2008] OJ no 2633, 238 OAC 195, au paragraphe 13, la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Cour divisionnaire) a jugé que [traduction] « la question de savoir si l’arbitre était functus officio est une question de droit pure assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte ».

 

[32]           La juge Snider, de notre Cour, a laissé entendre, dans le jugement M.P. Group Limited c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CF 517, [2007] ACF no 698, aux paragraphes 25 à 28, que la question de savoir si l’exception au principe du functus officio s’appliquait pouvait être une question mixte de fait et de droit. Elle a néanmoins conclu que, dans le cas précis d’une convention collective, « même si je reconnais en l’espèce que la décision repose en partie sur les faits, je suis d’avis que la question est davantage une question de droit ». Elle a appliqué la norme de contrôle de la décision correcte.

 

[33]           Par contraste, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a, dans l’arrêt Capital District Health Authority c Nova Scotia Government and General Employees Union, 2006 NSCA 85, [2006] NSJ no 281, estimé qu’il s’agissait en réalité de questions principalement axées sur les faits, ajoutant que la décision arbitrale commandait la déférence. Écrivant au nom de la Cour, le juge Cromwell (maintenant juge à la Cour suprême du Canada), a conclu ce qui suit, aux paragraphes 52 et 53 :

                        [traduction] 

[52]      La question déterminante en l’espèce est celle de savoir si le libellé de la décision arbitrale principale concrétisait l’intention manifeste du conseil d’arbitrage. Une grande partie de l’analyse des quatre facteurs contextuels appuie l’idée qu’il convient de faire preuve d’une certaine déférence envers le conseil d’arbitrage à cet égard. Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit qui joue un rôle essentiel en ce qui concerne le mandat dévolu au conseil et qui touche de près son expertise en matière de relations du travail. Toutefois, c’est la réponse à cette question qui délimite le pouvoir d’intervention du conseil, ce qui donne à penser que le règlement de cette question ne devrait pas se voir accorder le degré de déférence le plus élevé. Je conclurai donc qu’à défaut d’erreur concernant un principe juridique (qu’il s’agisse d’une erreur explicite ou d’une erreur ressortant de la façon dont le conseil a appliqué les principes), principe au sujet duquel le conseil devait tirer des conclusions bien fondées, sa conclusion quant à la question de savoir si la décision initiale concrétisait son intention manifeste est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable. En d’autres termes, la conclusion tirée par le conseil au sujet de son intention manifeste doit être raisonnablement appuyée par le libellé de sa décision initiale prise dans son ensemble et en fonction du contexte.

 

[53]      La norme de contrôle de la décision raisonnable me semble représenter un équilibre approprié entre l’objectif du caractère définitif des décisions et celui de l’efficacité dans le contexte de l’arbitrage des différends. En témoignant envers le conseil d’un certain degré de déférence en ce qui concerne la détermination de sa propre intention manifeste, on contribuera à aider le conseil à mener à terme le travail qui lui est confié. Le fait d’insister pour dire que la conclusion qu’il tire à cet égard doit être raisonnable assure toutefois que l’on tienne dûment compte de l’objectif du caractère définitif.

 

[34]           Après avoir examiné ces décisions, je suis d’avis que la norme de la décision raisonnable est celle que l’on devrait appliquer compte tenu du raisonnement suivi dans l’arrêt Capital District, précité. Il m’est impossible de répondre à la question de savoir si l’arbitre était functus officio sans tenir compte de la nature de sa décision initiale. À cet égard, l’arbitre mérite à tout le moins une certaine déférence. Bien que je reconnaisse que la question en litige concerne le pouvoir d’agir de l’arbitre, il ne m’est pas pour autant interdit d’appliquer la norme de la décision raisonnable, compte tenu du contenu factuel de la présente affaire.

 

[35]           Comme la Cour suprême du Canada l’explique dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47, « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

(ii)        Justice naturelle ou équité procédurale

 

[36]           Il est acquis aux débats que la norme à appliquer pour déterminer s’il y a eu violation d’un principe de justice naturelle ou manquement à l’équité procédurale est celle de la décision correcte.

 

[37]           La défenderesse signale toutefois qu’on ne serait pas justifié d’accorder une réparation « si l’erreur procédurale est un vice de forme et n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43).

 

B.         L’arbitre était‑il functus officio une fois la décision arbitrale rendue?

 

(i)         Thèse des parties

 

[38]           La demanderesse affirme que l’arbitre était functus officio. Sa décision initiale constituait une décision définitive sur le fond. L’arbitre n’avait pas le droit de conserver sa compétence pour se prononcer sur les questions en litige ou pour recevoir des éléments de preuve additionnels afin de résoudre ces questions. Par son intervention, l’arbitre tentait d’étoffer ses motifs ou de modifier sa décision, deux choses qui lui étaient interdites.

 

[39]           La demanderesse répète qu’il était facile aux parties de calculer les cotisations de retraite mensuelles et la rémunération à déduire de l’indemnité. Suivant la demanderesse, il s’ensuit que la décision initiale dans sa forme actuelle serait susceptible d’être exécutée.

 

[40]           La défenderesse affirme toutefois que l’arbitre n’était pas functus officio et qu’il pouvait donner des éclaircissements en raison de son obligation de parachever sa décision initiale. L’arbitre peut demeurer saisi des questions en litige et déterminer lui‑même la procédure qu’il entend suivre pour ce faire.

 

[41]           Suivant la défenderesse, la décision arbitrale initiale n’est pas exécutoire parce que, sans plus de précisions, on ne peut en déterminer avec certitude la teneur. La défenderesse serait privée de l’indemnité qui lui a été octroyée à la suite de son congédiement injuste si la demanderesse obtenait gain de cause dans la présente demande de contrôle judiciaire et refusait de collaborer pour régler les questions en suspens, ce qui serait contraire à l’ordre public.

 

[42]           Pour apprécier la thèse de chacune des parties, je vais commencer par un bref résumé des principes généraux du functus officio. Guidé par ces principes, j’examinerai ensuite la nature de la décision initiale de l’arbitre et son intervention subséquente, ce qui me permettra de déterminer si la décision du 22 avril 2011 suivant laquelle il n’était pas functus officio et qu’il pouvait aborder les questions non réglées des cotisations de retraite mensuelles et de la rémunération à déduire de l’indemnité est bien fondée.

 

(ii)        Principes généraux

 

[43]           En règle générale, le principe du functus officio garantit le caractère définitif des décisions administratives. Ainsi que l’expliquent Mes Donald J.M. Brown, c.r., et John M. Evans dans leur ouvrage Judicial Review of Administrative Action in Canada (Toronto, Canvasback Publishing, 2010) :

                        [traduction]

Le principe du functus officio prévoit qu’une fois qu’un arbitre a tout fait ce qui était nécessaire pour compléter sa décision, il lui est alors interdit de la réexaminer, sauf pour corriger des erreurs matérielles ou d’autres fautes mineures.

 

[…]

 

Les autorités chargées de prendre des décisions qui sont assujetties à l’obligation d’agir avec équité – et notamment les tribunaux administratifs – n’ont aucun pouvoir inhérent qui leur permettrait d’instruire de nouveau une affaire ou de réexaminer ou de modifier une décision dès lors qu’elle est devenue définitive. Ayant rendu une décision définitive, ils sont functus officio. Ainsi, sous réserve de l’exception à la règle générale ou peut‑être lorsque les parties en conviennent autrement, le pouvoir d’instruire à nouveau une affaire ou de réexaminer ou de modifier une décision doit être expressément prévu par la loi.

 

[44]           Ces principes sont énoncés dans l’arrêt de principe sur la question du functus officio dans le contexte du droit administratif, l’arrêt Chandler c Alberta Association of Architects, [1989] 2 RCS 848, [1989] ACS no 102, dans lequel le juge Sopinka déclare :

[20]      Je ne crois pas que le juge Martland ait voulu affirmer que le principe functus officio ne s’applique aucunement aux tribunaux administratifs. Si l’on fait abstraction de la pratique suivie en Angleterre, selon laquelle on doit hésiter à modifier ou à rouvrir des jugements officiels, la reconnaissance du caractère définitif des procédures devant les tribunaux administratifs se justifie par une bonne raison de principe. En règle générale, lorsqu’un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu’il a changé d’avis, parce qu’il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s’il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l’arrêt Paper Machinery Ltd. v. J. O. Ross Engineering Corp., précité.

 

[21]      Le principe du functus officio s’applique dans cette mesure. Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d’une cour de justice dont la décision peut faire l’objet d’un appel en bonne et due forme. C’est pourquoi j’estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l’objet d’un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l’intérêt de la justice, afin d’offrir un redressement qu’il aurait par ailleurs été possible d’obtenir par voie d’appel.

 

[22]      Par conséquent, il ne faudrait pas appliquer le principe de façon stricte lorsque la loi habilitante porte à croire qu’une décision peut être rouverte afin de permettre au tribunal d’exercer la fonction que lui confère sa loi habilitante. C’était le cas dans l’affaire Grillas, précitée.

 

[23]      De plus, si le tribunal administratif a omis de trancher une question qui avait été soulevée à bon droit dans les procédures et qu’il a le pouvoir de trancher en vertu de sa loi habilitante, on devrait lui permettre d’achever la tâche que lui confie la loi. Cependant, si l’entité administrative est habilitée à trancher une question d’une ou de plusieurs façons précises ou par des modes subsidiaires de redressement, le fait d’avoir choisi une méthode particulière ne lui permet pas de rouvrir les procédures pour faire un autre choix. Le tribunal ne peut se réserver le droit de le faire afin de maintenir sa compétence pour l’avenir, à moins que la loi ne lui confère le pouvoir de rendre des décisions provisoires ou temporaires. Voir Huneault c. Société centrale d’hypothèques et de logement (1981), 41 N.R. 214 (C.A.F.)

 

[45]           L’arrêt Chandler reconnaît que l’on devrait faire preuve d’une certaine souplesse et permettre de rouvrir des décisions dans le contexte administratif, mais uniquement dans les cas autorisés par la loi ou encore s’il y a eu une erreur dans l’expression de « l’intention manifeste » du tribunal.

 

[46]           Dans le jugement IMP Group Ltd, précité, au paragraphe 58, la Cour a jugé que le fait d’entendre d’autres arguments des parties et de rendre une décision sur des questions qui avaient déjà été abordées ne faisait pas jouer l’exception à la règle du functus officio relative à l’erreur dans l’expression de l’« intention manifeste », étant donné que, dans cette affaire, l’arbitre avait « étoffé » ses motifs.

 

[47]           Le critère déterminant est « celui de savoir si l’on peut dire que l’arbitre avait tranché de façon définitive la plainte dont il était saisi » (Murphy c. Canada (arbitre désigné en vertu du Code du travail), [1994] 1 CF 710, [1993] ACF no 1236, au paragraphe 16 (CAF); Huneault c Société centrale d’hypothèques et de logement, [1981] ACF no 905, (1981) 41 NR 214, au paragraphe 7). Si c’est le cas, l’arbitre est functus officio et il ne peut revenir sur la décision qui a déjà été rendue.

 

[48]           Ce raisonnement est également appuyé par l’arrêt Jacobs Catalytic Ltd c International Brotherhood of Electric Workers, Local 353, 2009 ONCA 749, [2009] OJ no 4501, au paragraphe 60, dans lequel la Cour d’appel de l’Ontario déclare :

[traduction]

[60]      […] Conserver sa compétence sur un aspect d’une affaire n’est en règle générale acceptable que lorsque cet aspect n’a pas été traité à fond; un tribunal administratif ne peut arbitrairement se réserver une compétence élargie sur un aspect de l’affaire qui a déjà été traitée de façon exhaustive […]

 

[49]           Il n’est toutefois pas interdit à l’arbitre de rendre une décision dans laquelle il fournit des éclaircissements dès lors que ceux‑ci n’ont pas pour effet d’accorder des droits nouveaux ou plus larges que ceux qui étaient octroyés par sa décision initiale (pour une confirmation de ce principe, voir le jugement Sherman c Canada (Agence des douanes et du Revenu), 2005 CF 173, [2005] ACF no 209).

 

[50]           Par conséquent, je dois déterminer si la décision initiale de l’arbitre constitue une décision définitive et s’il lui est encore permis de donner des éclaircissements et d’entendre les parties sur les questions en suspens.

 

(iii)       Nature de la décision initiale

 

[51]           Je reconnais qu’il existe certains facteurs qui permettent de conclure que la décision initiale de l’arbitre était définitive. Par exemple, on trouve à l’article 243 du Code une clause privative non équivoque suivant laquelle « les ordonnances de l’arbitre [...] sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires ». Le Code ne prévoit pas la possibilité de réexaminer une décision.

 

[52]           Dans le cas qui nous occupe, toutefois, l’arbitre a laissé le soin aux parties de résoudre deux questions. Ainsi, [traduction] « la rémunération supplémentaire provenant de l’emploi de la demanderesse » au cours de la période applicable devait être déduite du montant total de l’indemnité. L’indemnité comprenait par ailleurs [traduction] « les montants supplémentaires des cotisations de retraite mensuelles versées par elle et par son employeur dans son compte de retraite ».

 

[53]           Dans le jugement Paley c Première Nation de Fishing Lake, 2005 CF 1448, [2005] ACF no 1772, aux paragraphes 26 et 27, le juge Michael Kelen a conclu que, même si elle ne précisait aucun montant, l’ordonnance était quand même susceptible d’exécution par la Cour et constituait une ordonnance définitive. Voici ce qu’il déclare :

 

[26]      […]

 

La Cour constate que l’ordonnance spécifie la nature de la réparation, soit le paiement à la défenderesse, sous le régime de l’alinéa 242(4)a) du Code, d’une indemnité qui, si le montant n’en est pas chiffré, est déterminée suivant un mécanisme vérifiable et certain, c’est‑à‑dire qu’elle doit être égale à la rémunération versée à McKee durant la période considérée.

 

[27]      À mon sens, le fait que l’arbitre n’ait pas spécifié le moyen par lequel le montant du salaire de M. McKee serait communiqué n’enlève rien au caractère définitif du montant fixé pour l’indemnité […] En conséquence, cette ordonnance une fois rendue, l’arbitre avait épuisé les pouvoirs que la loi lui confère et se trouvait dessaisi. Il n’avait plus compétence pour rendre ultérieurement d’autres ordonnances touchant la plainte, dès lors réglée, de la défenderesse.

 

[54]           Le fait que, « [même] si le montant n’en est pas chiffré, [l’indemnité] est déterminée suivant un mécanisme vérifiable et certain » est un élément clé de la conclusion du juge Kelen suivant laquelle il s’agissait d’une ordonnance définitive.

 

[55]           En revanche, dans le jugement Larocque c Tribu de Louis Bull, 2008 CF 1402, [2008] ACF no 1817, le juge Michael Phelan a estimé qu’une sentence qui parlait du « taux préférentiel en vigueur » et de « dépens raisonnables » n’était pas susceptible d’exécution parce qu’elle était trop imprécise. Au paragraphe 16, le juge déclare : « [L]’arbitre ne sera pas dessaisi du litige tant qu’il n’aura pas rendu une sentence renfermant des montants qui soient clairement établis ». Il a également fait observer, au paragraphe 21, qu’un des aspects essentiels du mandat de l’arbitre était de rendre une sentence susceptible d’exécution et que « [t]ant qu’il n’aura pas respecté cette exigence minimale, l’arbitre demeure saisi du différend ».

 

[56]           Après avoir examiné la pertinence de ces décisions, j’arrive à la conclusion que le libellé de la décision initiale de l’arbitre et les préoccupations qui ont pu être exprimées au sujet de sa précision rappellent beaucoup la situation qui était en cause dans l’affaire Larocque, précitée. Comme dans le cas qui nous occupe, les parties étaient en mesure d’établir des montants précis, mais la mise à exécution de la décision risquait de se révéler difficile à défaut de montants clairement précisés. Dans de nombreux cas, il y a de fortes chances que le « mécanisme vérifiable et certain » dont il était question dans le jugement Paley, précité, n’existe pas.

 

[57]           Je relève également qu’il existe des décisions dans lesquelles les tribunaux ont reconnu la capacité de l’arbitre de conserver expressément sa compétence pour se prononcer sur des questions qui n’avaient pas été abordées jusque‑là. Ainsi, dans le jugement Joudrey c Canadian Atlantic Railway, a division of Canadian Pacific Ltd, [1995] ACF no 1159, 100 FTR 189, au paragraphe 39, la Cour a confirmé la décision de l’arbitre de demeurer saisi d’une question portant sur le montant du salaire payé à un employé pour le cas où les parties n’arriveraient pas à s’entendre. L’arbitre s’était également dit prêt à entendre les arguments des parties sur la question. La Cour a confirmé que l’arbitre avait le pouvoir discrétionnaire d’arrêter sa propre procédure à cet égard.

 

[58]           Cette question se rapporte directement à celle des cotisations de retraite au sujet desquelles l’arbitre a déclaré qu’il entendrait les parties si elles ne parvenaient pas à s’entendre. Même s’il n’a pas expressément déclaré qu’il demeurait compétent pour résoudre la question de la rémunération à déduire de l’indemnité, je ne vois aucune raison pour laquelle l’arbitre ne pouvait pas également soulever cette question pour respecter son obligation de parachever sa décision.

 

[59]           Indépendamment de la question de savoir si la décision initiale était définitive, l’arbitre peut toujours fournir des éclaircissements aux parties à condition de ne pas leur conférer des droits plus étendus (voir Sherman, précité).

 

[60]           C’est ce qui ressort à l’évidence du différend qui a été soulevé au sujet de l’interprétation qu’il convenait de donner de la décision si on l’interprétait littéralement ou si l’on ne tenait compte que des cotisations de retraite versées par l’employeur. Dans son courriel du 31 mars 2011, l’arbitre LeBlond a clarifié son intention que les cotisations de l’employeur soient versées à la défenderesse. Il était la seule personne en mesure de fournir cet éclaircissement aux parties. Je relève également que son interprétation était avantageuse pour la demanderesse. Dans ce courriel, l’arbitre n’a pas étoffé ces raisons et il n’a pas modifié sensiblement sa décision, contrairement à ce que la demanderesse prétend.

 

(iv)       Appréciation de la conclusion tirée par l’arbitre au sujet du principe du functus officio

 

[61]           Vu les observations susmentionnées, il était raisonnable de la part de l’arbitre de conclure qu’il n’était pas functus officio et qu’il lui était loisible d’examiner les questions laissées en suspens portant sur les cotisations de retraite et sur la rémunération à déduire de l’indemnité. Il lui était également loisible de souligner qu’il se limiterait aux questions qui n’étaient pas encore tranchées.

 

[62]           Comme il incombait aux parties de préciser les montants en cause, l’arbitre n’était donc pas nécessairement functus officio une fois sa décision rendue. Il pouvait demeurer saisi de l’affaire tant qu’il n’y aurait pas de [traduction] « mécanisme permettant de calculer [le montant] avec précision » ou, autrement dit, tant que les [traduction] « montants ne seraient pas clairement précisés ». Le caractère définitif de sa décision serait ainsi assuré et sa décision serait susceptible d’exécution. Cette façon de voir repose également sur de solides raisons d’ordre public étant donné qu’à défaut de décision exécutoire et d’entente entre les parties, la défenderesse ne pourrait recevoir l’indemnité qui lui a été octroyée à la suite de son congédiement injuste.

 

[63]           L’arbitre avait également un rôle à jouer en conservant sa compétence pour se prononcer sur la question des cotisations de retraite ou pour clarifier ses intentions initiales.

 

C.        L’arbitre a‑t‑il violé un principe de justice naturelle ou commis un manquement à l’équité procédurale?

 

[64]           L’argument de la demanderesse suivant lequel l’arbitre a violé un principe de justice naturelle ou commis un manquement à l’équité procédurale en l’espèce est à mon avis mal fondé. Bien que la demanderesse puisse avoir des réserves quant à la façon dont Me Begley a au départ renvoyé l’affaire à l’arbitre, cela n’a rien à avoir avec la conduite de l’arbitre, compte tenu surtout de la conclusion à laquelle je suis déjà arrivé au sujet de la question du functus officio.

 

[65]           Après avoir reçu des renseignements de Me Begley, l’arbitre a demandé à Me MacEachern si elle était d’accord. Les doutes soulevés au sujet de la question du functus officio ont incité l’arbitre à inviter les parties à lui soumettre des observations et à rendre une décision officielle avant d’aller plus loin. Il n’était pas interdit à la demanderesse de faire valoir son point de vue en respectant la procédure suivie par l’arbitre.

 

V.        Dispositif

 

[66]           L’arbitre a raisonnablement conclu qu’il n’était pas functus officio une fois sa décision rendue et qu’il était en mesure d’examiner les questions laissées en suspens. Aucune violation d’un principe de justice naturelle et aucun manquement à l’équité procédurale n’ont été commis en l’espèce.

 

[67]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et les dépens sont adjugés à la défenderesse.


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire et ADJUGE les dépens à la défenderesse.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑857‑11

 

INTITULÉ :                                                   CONSEIL DE BANDE DE LA PREMIÈRE NATION ELSIPOGTOG c.
MARY JANE PETERS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Fredericton

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 12 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 5 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jane E. MacEachern

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Judith K. Begley

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jane E. MacEachern

Cox & Palmer

Saint John (Nouveau‑Brunswick)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Judith K. Begley

Begley Lordon

Moncton (Nouveau‑Brunswick)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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