Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 Date : 20120329


Dossier : IMM-5859-11

  IMM-5861-11

 

Référence : 2012 CF 371

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2012  

En présence de monsieur le juge Mosley

 

ENTRE :

 

ROZINA GEBREHIWOT TEWELDBRHAN

 

 

 

demanderesse

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

ET ENTRE :

 

Merhawit Okubu TEWELDBRHAN

 

 

demanderesse

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               Voici les motifs du jugement concernant deux demandes de contrôle judiciaire présentées en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, relativement à deux décisions d’un agent d’immigration, lequel avait conclu que les demanderesses ne faisaient pas partie de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières.

 

[2]               Les demandes ont été instruites ensemble, et les faits, les questions en litiges ainsi que les arguments présentés dans celles-ci étaient fort similaires. Par conséquent, la Cour ne rendra qu’un ensemble de motifs pour les deux demandes. Sauf mention contraire, l’analyse s’applique aux deux demandes.

 

LE CONTEXTE

 

[3]               La demanderesse dans le dossier de la Cour IMM-5859-11, Mme Rozina Gebrehiwot Teweldbrhan (Mme Rozina), et celle dans le dossier IMM-5861-11, Mme Merhawit Okubu Teweldbrhan (Mme Merhawit), sont des citoyennes de l’Érythrée. Elles sont nées de parents érythréens à Addis-Abeba (Éthiopie), et sont cousines. Au milieu de l’année 1999, pendant la guerre Érythrée-Éthiopie, leurs familles respectives, à l’exception d’elles-mêmes, ont été expulsées vers l’Érythrée.

 

[4]               Mme Rozina avait 17 ans lors de l’expulsion de sa famille. Elle affirme qu’elle n’a pas été expulsée, car elle se trouvait à l’école au moment où l’expulsion a eu lieu. Elle s’est réfugiée dans la maison d’un voisin, car la résidence familiale faisait l’objet d’un confinement. Elle a continué de fréquenter l’école et a travaillé dans un café/boulangerie pendant les six années qui ont suivi. Lors des élections éthiopiennes tenues en 2005, Mme Rozina a voté pour un parti d’opposition. Le gouvernement aurait appris cette information et a procédé à l’arrestation de Mme Rozina. Elle affirme qu’elle a été torturée et battue par des membres des forces de sécurité éthiopiennes pendant les trois semaines qu’a duré sa détention. Elle a été libérée, à la condition qu’elle se présente à chaque semaine. Mme Rozina s’est enfuie au Kenya, où elle est restée 2 jours à Moyale et 10 jours à Nairobi. Elle affirme avoir quitté Nairobi en raison du traitement violent qu’on y réservait aux Érythréens. Elle est arrivée à Kampala (Ouganda), en juillet 2005. Mme Rozina a, dès son arrivée à Kampala, pris contact avec Mme Merhawit, qui s’y trouvait déjà. Elle a aussi pu communiquer avec sa famille en Érythrée pour la première fois depuis l’expulsion de cette dernière en 1999.

 

[5]               Mme Merhawit avait 14 ans lors de l’expulsion de sa famille. Elle avait pu se soustraire à l’expulsion, car elle se trouvait dans la maison d’un voisin lors de l’incident. Des amis de la famille se sont occupés d’elle pendant qu’elle continuait à fréquenter l’école. Elle est restée en Éthiopie pendant 6 ans. Mme Merhawit affirme qu’elle n’a pas voté lors des élections de 2005, car elle craignait d’être prise pour cible en raison de son origine ethnique. Elle s’est enfuie au Kenya à la suite de la violence qui a suivi les élections. Elle a passé deux semaines à Nairobi, puis est déménagée à Kampala, pour les mêmes motifs que Mme Rozina. Mme Merhawit fut la première à arriver à Kampala et a pris contact avec Mme Rozina lors de l’arrivée de cette dernière.

 

[6]               En 2006, Mme Rozina a rencontré monsieur Hadish Teara Tesfaye (M. Tesfaye), qui était désigné comme personne à sa charge dans la demande dont était saisi l’agent d’immigration, par l’intermédiaire d’un ami commun. M. Tesfaye était également un citoyen érythréen qui avait fui l’Éthiopie. Les autorités éthiopiennes l’accusaient d’avoir collaboré avec le Shaba, un groupe d’opposition. Il aurait été détenu pendant cinq mois, puis remis en liberté, sans qu’on lui remette quelque document que ce soit. Il s’est également enfui au Kenya et a travaillé dans ce pays pendant quatre ans avant de se rendre à Kampala, en 2006. Il n’avait pas de statut au Kenya. Mme Rozina et M. Tesfaye se sont mariés le 18 mai 2007; deux enfants sont issus de ce mariage.

 

[7]               Les demanderesses et M. Tesfaye ont demandé, et obtenu, le statut de réfugiés au sens de la Convention en Ouganda. Mme Merhawit a obtenu sa carte de réfugiée en 2009, tandis que Mme Rozina et son époux ont obtenu la leur en 2011. Les demanderesses sont parrainées pour immigrer au Canada au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières par leur tante, qui vit au Canada, ainsi que par la paroisse St-Patrick, située à Ottawa. Elles ont été interrogées par un agent d’immigration à Kampala, le 13 avril 2011.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[8]               Les décisions visant les deux demanderesses ont été rendues la même journée. Des lettres ayant pour objet de les informer du rejet de leurs demandes ont été envoyées le 27 juin 2011. Les motifs de l’agent sont exposés dans les lettres, ainsi que dans les notes qu’il a consignées au système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI). L’agent a conclu que les demanderesses n’étaient pas crédibles, car les réponses qu’elles avaient données lors de l’entrevue étaient vagues, contradictoires et invraisemblables. L’agent estimait particulièrement invraisemblable que tous les membres de la famille de chacune des demanderesses, à l’exception d’elles-mêmes, aient été expulsés et que les demanderesses aient pu continuer à vivre pendant 6 ans en Éthiopie après les expulsions.

 

[9]               L’agent ne croyait pas que le récit de M. Tesfaye concernant son arrestation, son transfert et sa libération était crédible et a mentionné que la crédibilité de ce dernier était aussi minée du fait qu’il n’avait pas sollicité l’assistance du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (le HCR) pendant les 4 années qu’il a passées au Kenya. L’agent a aussi conclu que les renseignements fournis par le HCR contredisaient le témoignage livré par M. Tesfaye. 

 

[10]           L’agent a déclaré que Mme Rozina était incapable d’indiquer pourquoi elle avait été prise pour cible en 2005 et avait été incapable de fournir des détails de son arrestation. L’agent a aussi indiqué que Mme Merhawit avait été incapable de présenter une preuve relativement au fait qu’elle avait été persécutée en 2005. L’agent a conclu que les demanderesses n’avaient pas de crainte fondée de persécution et qu’elles n’avaient pas été et n’étaient pas personnellement touchées dans leur pays d’origine par une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne.

 

[11]           Dans les notes qu’il a consignées au STIDI, l’agent a aussi indiqué qu’il ne croyait pas que le mariage entre Mme Rozina et M. Tesfaye était authentique. Il a indiqué que Mme Rozina n’avait pas clairement identifié les risques auxquels elle serait exposée si elle devait retourner à Addis‑Abeba. Il a aussi supposé que Mme Merhawit et Mme Rozina s’étaient probablement rendues à Kampala dans le but de chercher un emploi et/ou de se réinstaller au Canada.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[12]           Les demanderesses ont soulevé plusieurs questions dans leurs observations écrites et dans leurs plaidoiries. Elles peuvent se résumer en deux questions déterminantes : 

a.       L’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas dûment compte de la décision du gouvernement ougandais d’accorder le statut de réfugiées aux demanderesses? 

b.      Dans le dossier IMM-5859-11, l’agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité en mettant l’accent sur la crédibilité de l’époux et sur le caractère authentique du mariage?

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

[13]           Les articles 145 et 147 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, sont pertinents pour les présentes demandes :

145. Est un réfugié au sens de la Convention outre-frontières et appartient à la catégorie des réfugiés au sens de cette convention l’étranger à qui un agent a reconnu la qualité de réfugié alors qu’il se trouvait hors du Canada.

 

147. Appartient à la catégorie de personnes de pays d’accueil l’étranger considéré par un agent comme ayant besoin de se réinstaller en raison des circonstances suivantes :

 

a) il se trouve hors de tout pays dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle;

 

b) une guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne dans chacun des pays en cause ont eu et continuent d’avoir des conséquences graves et personnelles pour lui.

145. A foreign national is a Convention refugee abroad and a member of the Convention refugees abroad class if the foreign national has been determined, outside Canada, by an officer to be a Convention refugee.

 

147. A foreign national is a member of the country of asylum class if they have been determined by an officer to be in need of resettlement because

 

 

(a) they are outside all of their countries of nationality and habitual residence; and

 

 

(b) they have been, and continue to be, seriously and personally affected by civil war, armed conflict or massive violation of human rights in each of those countries.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[14]           Les questions en litige sont des questions de fait, qui ont trait à l’examen et à l’appréciation de la preuve par un agent d’immigration, ainsi qu’aux inférences en matière de crédibilité que ce dernier a tirées. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité : Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 267, aux paragraphes 17 et 18, et Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53.  

 

[15]           Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

LA QUESTION PRÉJUDICIELLE

 

[16]           Le défendeur s’est opposé, à titre préliminaire, à l’introduction en preuve de trois affidavits, qui se trouvaient dans chacun des deux dossiers de demande. Les oppositions portaient sur la forme des affidavits signés par les deux demanderesses ainsi que sur le contenu d’affidavits souscrits par un stagiaire en droit.

 

[17]           La Cour a examiné les affidavits ainsi que les arguments des parties et est convaincue que les affidavits des demanderesses sont admissibles en preuve et qu’elle doit tenir compte de ceux-ci, sans égard aux irrégularités mineures quant à leur forme.

 

[18]           En ce qui concerne les affidavits souscrits par le stagiaire en droit, l’opposition porte sur le fait que, lorsque le décideur administratif a rendu ses décisions, il n’était pas saisi des pièces documentaires qui étaient jointes aux affidavits. Ces pièces contiennent des renseignements relatifs à la situation ayant cours dans les pays de cette région, et ces types de renseignement sont fréquemment pris en compte dans le contexte de décisions en matière d’asile. L’avocat du défendeur a candidement reconnu que l’introduction en preuve de ces affidavits ne causerait aucun préjudice à son client. De toute manière, le contenu de ces documents n’a eu aucun effet tangible sur les demandes en cause. Je ne vois aucune raison de radier ces documents du dossier.

 

ANALYSE

 

L’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas dûment compte de la décision du gouvernement ougandais d’accorder le statut de réfugiées aux demanderesses?

 

[19]           Les demanderesses soutiennent que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas dûment compte des décisions du gouvernement ougandais de leur accorder le statut de réfugiées. Elles prétendent que l’agent avait l’obligation de tenir compte de l’appréciation de leur statut par la République de l’Ouganda et d’expliquer pourquoi la sienne était différente.

 

[20]           La section 13.3 des lignes directrices de Citoyenneté et Immigration Canada, OP 5 Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières (ci-après les lignes directrices OP 5) contient le passage suivant :

Autres facteurs permettant de déterminer l’existence de la persécution au moment d’établir la recevabilité de la demande d’asile :

• une décision du HCR ou d’un autre pays signataire relativement au statut de réfugié du demandeur [...]

 

[21]           La Cour, dans une récente série de décisions, a interprété la section 13.3 des lignes directrices OP 5 ainsi que le principe dégagé dans la décision Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 FTR 35, [1998] ACF no 1425, portant que les agents doivent dûment tenir compte de la décision du HCR d’accorder le statut de réfugié : Ghirmatsion c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 519, aux paragraphes 54 à 59; Weldesilassie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 521, aux paragraphes 30 à 34, et Kidane c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 520, aux paragraphes 29 à 33.  

 

[22]           Plus particulièrement, la juge Snider, aux paragraphes 58 et 59 de la décision Ghirmatsion, précitée, a conclu que :

[58] La désignation comme réfugié par le HCR était un élément si important de la preuve du demandeur qu’il est possible de déduire du défaut de l’agente de l’avoir mentionnée dans ses motifs qu’elle a rendu sa décision sans en tenir compte. C’était pourtant une question centrale aux fins de la décision. Face à un demandeur reconnu comme réfugié par le HCR, l’agente aurait dû expliquer dans son évaluation de la demande pourquoi elle ne souscrivait pas à la décision de cet organisme. L’agente n’était pas tenue de souscrire aveuglément à la désignation du HCR; elle avait toutefois l’obligation d’en tenir compte. Or, faute pour un agent des visas d’avoir expliqué pourquoi il n’a pas souscrit à une désignation du HCR, la Cour n’a aucun moyen de savoir si cet élément de preuve d’une grande pertinence a été pris en compte.

 

[59] L’erreur ainsi commise par l’agente constitue un motif suffisant d’infirmation de la décision. Je le répète, toutefois, la reconnaissance par le HCR du statut de réfugié n’a pas un caractère déterminant; il incombait toujours à l’agente d’évaluer par elle-même la preuve dont elle était saisie, y compris la preuve concernant le statut de réfugié du HCR.

 

 

[23]           Dans la présente affaire, l’agent a posé des questions au sujet du statut de réfugiées que détenaient les demanderesses, mais a mis fin à ses questions lorsqu’il a été établi que les demanderesses avaient pleine qualité de réfugiées. Puisque la décision de la République de l’Ouganda, qui est signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, 189 UNTS 137, d’accorder le statut de réfugiées aux demanderesses est très pertinente quant à la décision que l’agent devait rendre relativement à leur statut de réfugiée, ce dernier n’aurait pas du mettre fin à son analyse.

 

[24]           Bien que, selon la décision Ghirmatsion, précitée, l’agent ne soit pas lié par les décisions d’accorder le statut de réfugié prises par l’État ougandais, il avait toutefois l’obligation de tenir compte de ces décisions et d’expliquer pourquoi il en était arrivé à une conclusion différente. L’absence d’une telle explication donne à la Cour l’impression que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve qui étayait fortement la cause des demanderesses.

 

[25]           Le défendeur fait valoir que, dans l’éventualité où la Cour conclut que les motifs de l’agent comportent des lacunes, elle peut les compléter au moyen de renvois au dossier, et ce, dans chaque cas : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62. Un tel exercice serait futile en l’espèce, puisque les dossiers ne renferment aucun renseignement pouvant aider la Cour à conclure que l’agent a dûment examiné le dossier.

 

[26]           Compte tenu de la jurisprudence susmentionnée et des lignes directrices OP 5, je conclus que l’agent a commis une erreur en omettant de dûment tenir compte des décisions de l’État ougandais d’accorder le statut de réfugiées aux demanderesses. Comme l’avait indiqué la juge Snider dans les décisions Ghirmatsion, précitée, Weldesilassie, précitée, et Kidane, précitée, cette erreur est suffisante en soi pour accueillir les demandes de contrôle judiciaire.

 

Dans le dossier IMM-5859-11, l’agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité en mettant l’accent sur la crédibilité de l’époux et sur le caractère authentique du mariage?

 

[27]           Mme Rozina soutient que l’agent a commis une erreur en tenant compte de facteurs non pertinents lorsqu’il a tiré ses inférences en matière de crédibilité. Les facteurs non pertinents en question sont la crédibilité du récit de M. Tesfaye et l’authenticité du mariage entre ce dernier et la demanderesse.

 

[28]           Les inférences en matière de crédibilité ne doivent pas être fondées sur des faits qui sont sans importance ou non pertinents et doivent être raisonnablement liées à la crédibilité du demandeur : Owusu-Ansah c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1989) 8 Imm LR (2d) 106 (CAF), et Shaheen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 670, aux paragraphes 13 et 14.  

 

[29]           Les notes consignées au STIDI indiquent qu’il a fallu un temps considérable à l’agent pour juger de la crédibilité de M. Tesfaye et de l’authenticité de son mariage avec la demanderesse, Mme Rozina. Ces notes indiquent aussi que l’agent a eu recours à ces inférences en matière de crédibilité pour tirer des inférences défavorables quant à la crédibilité de Mme Rozina. Les inférences quant à la crédibilité de M. Tesfaye n’ont aucune incidence quant à la détermination du statut de réfugiée de Mme Rozina. M. Tesfaye ne demande pas le statut de réfugié et n’est lié à la demande de Mme Rozina que parce qu’il est une personne à charge de cette dernière. Que son récit soit crédible ou non n’a pas de répercussions quant à la crédibilité du récit de la demanderesse.

 

[30]           De plus, la tâche de l’agent ne consistait pas à juger de l’authenticité du mariage entre Mme Rozina et M. Tesfaye. Que l’agent croyait ou non à l’authenticité de leur mariage n’a aucune incidence quant à la détermination du statut de réfugiée de Mme Rozina. Les deux conclusions ne sont pas rationnellement liées à la crédibilité de la demanderesse. Il était déraisonnable de la part de l’agent de s’appuyer sur ces conclusions pour conclure que la demanderesse n’était pas crédible.

 

[31]           Par conséquent, la Cour conclut que les décisions rendues par l’agent dans les dossiers IMM-5958-11 et IMM-5861-11 sont déraisonnables parce qu’elles ne sont pas suffisamment transparentes, intelligibles et justifiées, car l’agent n’a pas dûment tenu compte de la décision de l’Ouganda d’accorder le statut de réfugiées aux demanderesses et a tiré, dans le dossier IMM-5861-11, des inférences non pertinentes et déraisonnables en matière de crédibilité.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-5859-11

                                                           

INTITULÉ :                                       ROZINA GEBREHIWOT TEWELDBRHAN

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

DOSSIER :                                        IMM-5861-11

 

INTITULÉ :                                       MERHAWIT OKUBU TEWELDBRAHN

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mosley

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 29 mars 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Warren Creates

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Peter Nostbakken

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WARREN CREATES

Perley-Robertson, Hill & McDougall

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Ontario

POUR LE DÉFENDEUR

 

                                                                                   

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.