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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 

 Date : 20120322


Dossier : T-1467-11

Référence : 2012 CF 348

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2012

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

TEK SHIN WAN FOOK CHEUNG

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur s’est vu refuser la citoyenneté par une juge de la citoyenneté [juge] qui n’a pas précisé le fondement de sa décision, se contentant d’indiquer que le demandeur ne répondait pas aux exigences en matière de résidence prévues par l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 [la Loi].

II.         LE CONTEXTE

[2]               Monsieur Cheung, citoyen de l’Île Maurice, est devenu résident permanent le 28 décembre 2003; il a présenté une demande de citoyenneté le 27 décembre 2007. La période utilisée pour calculer la durée de la résidence se situe entre le 28 décembre 2003 et le 27 décembre 2007 [la période utilisée].

 

[3]               Le demandeur est marié et a trois enfants. Son épouse et ses enfants sont citoyens canadiens.

 

[4]               De janvier 2004 à février 2005, le demandeur a fait la navette pour affaires entre l’Afrique et le Canada pour le compte d’une entreprise mauricienne. Il a été licencié par la suite et jusqu’en février 2007 soit il a travaillé au Canada, soit il était en chômage. Il a été absent du Canada pendant 15 jours durant cette période.

 

[5]               De février à décembre 2007, le demandeur a exercé un emploi temporaire qui l’obligeait à travailler à l’étranger. Il avait le droit de revenir au Canada toutes les six à huit semaines pour une période de deux à quatre semaines à la fois.

 

[6]               Le demandeur a admis qu’il avait un déficit de 223 jours par rapport à la durée de résidence requise selon les calculs.

 

[7]               Dans le cadre du traitement de la demande de citoyenneté, la juge a demandé des documents supplémentaires, y compris des avis de cotisation d’impôt, des lettres d’emploi indiquant le dernier jour d’emploi et des contrats de travail. Ces documents ont été fournis à la juge.

 

[8]               Dans son jugement, la juge a décrit sommairement les faits essentiels, soit le moment choisi pour présenter la demande et le calcul de la durée de la résidence, y compris le déficit de 223 jours. La juge a ensuite déclaré que, après avoir reçu les documents et interrogé le demandeur, elle avait conclu que ce dernier ne répondait pas aux exigences en matière de résidence. Dans l’exposé des motifs de sa conclusion, elle a souligné :

·                    que le demandeur était parti travailler pour une entreprise étrangère un mois après son arrivée au Canada;

·                    qu’il y avait des contradictions entre l’exposé circonstancié du demandeur et les documents présentés;

·                    qu’il y avait des contradictions dans son historique de travail.

 

[9]               Après avoir conclu que le témoignage et la preuve documentaire ne concordaient pas et qu’ils étaient insuffisants, la juge a statué qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur répondait aux exigences en matière de résidence. Elle a également conclu à l’absence de circonstances particulières pouvant justifier de recommander l’attribution discrétionnaire de la citoyenneté.

 

III.       ANALYSE

[10]           La question de la durée de résidence avant la période applicable ne se pose pas dans la présente affaire. Le demandeur a quitté le Canada moins d’un mois après son arrivée au Canada et par la suite, durant la période applicable, il a partagé ses périodes de travail entre le Canada et l’étranger.

 

[11]           Le présent appel repose essentiellement sur l’argument du demandeur selon lequel la juge a commis une erreur en n’expliquant pas le critère qu’elle avait utilisé pour calculer la durée de la résidence. La Cour a déjà statué que la norme de contrôle applicable, lorsque la question en litige soulève des questions de droit et d’équité procédurale, comme c’est le cas en l’espèce, est celle de la décision correcte (Johar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1015, au paragraphe 20).

 

[12]           En lien avec la question fondamentale, il y a l’argument du demandeur selon lequel la juge a commis une erreur dans son analyse pour établir s’il répondait aux exigences en matière de résidence prévues par la Loi parce qu’elle a combiné les facteurs de différents critères. Or, il a déjà été statué que cette façon de faire constituait une erreur de droit susceptible de révision selon la norme de la décision correcte (El Ocla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 533, au paragraphe 14).

 

[13]           Compte tenu du fondement de sa décision, la Cour s’abstiendra de faire des commentaires sur la question de savoir si l’application de l’un ou de l’autre des deux modèles de critères en matière de résidence (le modèle qualitatif et le modèle quantitatif) était raisonnable.

 

[14]           Dans l’arrêt Administration de l’aéroport international de Vancouver c Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158, la Cour d’appel fédérale a énoncé, de façon assez détaillée, les raisons pour lesquelles des motifs peuvent être exigés; l’une de ces raisons est le besoin de connaître le fondement d’une décision. Si l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [arrêt Newfoundland Nurses], a établi clairement que l’insuffisance des motifs ne constitue pas en soi un motif pour infirmer une décision, la Cour suprême du Canada a cependant confirmé que des motifs insuffisants ont une incidence sur le caractère raisonnable de la décision.

 

[15]           En l’espèce, rien ne permet de savoir quel critère a été utilisé pour rejeter la demande de citoyenneté. De toute évidence, le demandeur a échoué à l’analyse quantitative, puisqu’il accusait un déficit de 223 jours au titre de la durée de la résidence.

 

[16]           La décision de la juge témoigne de l’application de facteurs propres à deux critères différents. Les documents demandés par la juge auraient pu être utilisés pour effectuer une analyse qualitative ou pour recommander l’attribution discrétionnaire de la citoyenneté. Il est toutefois difficile de voir en quoi certains des documents demandés présentaient de l’intérêt pour effectuer une analyse quantitative, d’autant plus que le demandeur a admis qu’il n’avait pas suffisamment de jours de résidence.

 

[17]           Depuis l’arrêt Newfoundland Nurses, la Cour est en quelque sorte obligée de confirmer la décision chaque fois qu’elle peut le faire. Lorsque le processus suivi par le juge peut être établi, la Cour suprême du Canada a donné instruction aux tribunaux de confirmer la décision si celle‑ci est raisonnable. Dans les conditions actuelles, il est impossible de savoir quel critère juridique a été appliqué, si bien que la Cour ne peut pas confirmer la décision.

 

IV.       CONCLUSION

[18]           Par conséquent, pour ces motifs, l’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée devant un autre juge de la citoyenneté pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel est accueilli et que l’affaire doit être renvoyée devant un autre juge de la citoyenneté.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1467-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            TEK SHIN WAN FOOK CHEUNG

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LEU DE L’AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS:                       Le 22 mars 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ali M. Amini

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ALI M. AMINI

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

MYLES J. KIRVAN

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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