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Date : 20120413


Dossier : T-850-11

Référence : 2012 CF 431

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 13 avril 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

LA BANQUE DE MONTRÉAL

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

MARK PAYNE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande contrôle judiciaire visant la décision rendue par l’arbitre Peter G. Barton (l’arbitre), le 11 novembre 2010 et le 26 avril 2011, sous le régime du Code canadien du travail, LRC 1985, c L‑2, et ses modifications (le Code).  Dans sa décision du 11 novembre 2010, l’arbitre a conclu que le congédiement du défendeur, Mark Payne, par la demanderesse, la Banque de Montréal, était injuste. Dans sa décision du 26 avril 2011, l’arbitre a ordonné à la Banque de réintégrer M. Payne et de lui verser seize mois de salaire avec effet rétroactif en guise de dédommagement. Il a également imposé une suspension de quatre mois à M. Payne.

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-après, la demande est accueillie.

 

Les faits

[3]               Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits devant l’arbitre. Deux témoins ont également fait une déposition, soit M. Payne et Mme S, l’associée de la Banque chargée des relations de travail et des politiques d’emploi, dont le Code de conduite et d’éthique et la politique contre le harcèlement sexuel et autre (politique contre le harcèlement).

 

[4]               Monsieur Payne a travaillé pour la Banque pendant presque cinq ans et demi à titre de directeur de succursale à divers emplacements avant d’être congédié le 20 novembre 2008.  Il était le directeur de la succursale de la Banque de Montréal située à Woodstock (Ontario) pendant la majeure partie de la période pertinente.

 

[5]               Le 29 septembre 2008, M. Payne a reçu une suspension avec salaire en attendant les résultats d’une enquête sur une plainte. Le 16 octobre 2008, M. Payne a fait l’objet d’une mesure corrective au « troisième palier » pour avoir eu un comportement répréhensible, soit avoir crié après ses subordonnés et leur avoir fait des commentaires méprisants et inconvenants, dont certains à connotation sexuelle ou sexiste. La mesure corrective comprenait également l’affectation de M. Payne à une plus petite succursale, soit celle de Norwich (Ontario), ce qui constituait une rétrogradation.

 

[6]               Le 7 novembre 2008, par suite d’une plainte de la directrice adjointe de la succursale de Woodstock (Teresa Carter), M. Payne a de nouveau été suspendu avec salaire en attendant les résultats d’une autre enquête. Durant cette deuxième enquête, qui a également été menée par Mme S, la Banque a appris que M. Payne et Mme Carter avaient entretenu une relation consensuelle à caractère sexuel à la Banque durant et après les heures ouvrables, ainsi qu’au domicile de Mme Carter. Cette relation a eu lieu avant et pendant la période visée par la première plainte et pendant l’enquête, et s’est poursuivie après l’imposition de la mesure corrective le 16 octobre 2008. Durant la deuxième enquête, la Banque a également appris que M. Payne avait discuté avec Mme Carter de l’enquête sur la première plainte, en violation de l’entente de confidentialité qu’il avait conclue relativement à l’enquête sur cette plainte.   

 

[7]               Le 20 novembre 2008, M. Payne a été congédié pour un motif valable. La Banque a invoqué comme motifs que M. Payne n’avait pas respecté l’obligation de confidentialité relativement à l’enquête sur son comportement répréhensible et ses pratiques de gestion en en discutant avec Mme Carter; qu’il avait agi de manière répréhensible dans les locaux de la Banque durant et après les heures ouvrables; qu’il n’avait pas répondu aux attentes décrites dans la lettre disciplinaire du 16 octobre; et qu’il avait contrevenu au Code de conduite et d’éthique de la Banque. De ce fait, la Banque avait conclu qu’elle ne pouvait plus lui accorder sa confiance.

 

[8]               Monsieur Payne a déposé une plainte de congédiement injuste en vertu de l’article 240 du Code le 18 décembre 2008.

 

            La décision de l’arbitre

[9]               L’arbitre a conclu que M. Payne s’était conduit de façon irréfléchie, mais que son comportement avait causé peu ou pas de préjudice. Même s’il estimait que la conduite de M. Payne devait lui valoir une sanction disciplinaire, l’arbitre a conclu que, selon le principe des mesures disciplinaires progressives, une sanction autre que le congédiement aurait dû être imposée à M. Payne afin qu’il ait suffisamment de temps pour s’améliorer. De ce fait, l’arbitre a conclu que le congédiement était injuste.

 

[10]           En ce qui concerne les mesures de réparation, l’arbitre a ordonné la réintégration de M. Payne après une suspension de six mois. L’avocat de la Banque s’y est opposé, car il avait cru comprendre qu’une entente était intervenue pour reporter l’examen de la question des mesures de réparation jusqu’au prononcé de la décision au fond. En réponse à ces objections, l’arbitre a mis fin à son ordonnance de réintégration afin que les parties puissent présenter des éléments de preuve, puis faire des observations sur les mesures de réparation. 

 

[11]           Le 16 décembre 2010, la Banque a demandé à l’arbitre de se récuser, au motif qu’il n’était pas impartial étant donné qu’il avait décidé d’ordonner la réintégration de M. Payne avant d’avoir pris connaissance des observations des parties.  L’arbitre a rejeté cette requête le 28 janvier 2011, a entendu les arguments des parties sur les mesures de réparation et a rendu sa décision définitive le 26 avril 2011.

 

[12]           Dans sa décision définitive, l’arbitre a souligné que la réintégration ne constituait pas un droit mais plutôt la mesure de réparation souhaitable dans les cas de congédiement injuste, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Après avoir conclu à l’absence de circonstances exceptionnelles et tenu compte du fait que, à son avis, la Banque n’avait pas établi que la réintégration de M. Payne n’était pas une mesure réaliste, il a ordonné la réintégration de ce dernier. Comme il a déjà été mentionné, il a aussi ordonné l’imposition d’une suspension de quatre mois et le remboursement rétroactif de seize mois de salaire.

 

[13]           La Banque demande que la conclusion relative au congédiement injuste et la mesure de réintégration soient annulées.  


Les questions en litige

 

Question préliminaire

[14]           Monsieur Payne avance que la demande de la Banque ayant trait à la décision du 10 novembre 2010 de l’arbitre n’est pas recevable, car elle n’a pas été déposée dans le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 pour la présentation d’une demande de contrôle judiciaire.  M. Payne affirme que, de ce fait, la Cour ne peut se pencher que sur la décision de l’arbitre ayant trait aux mesures de réparation.

 

[15]           Afin de situer le contexte, précisons que l’avocat de la Banque a envoyé un courriel à l’avocat de M. Payne le 21novembre 2010 indiquant qu’il voulait présenter des éléments de preuve sur la question des mesures de réparation et qu’il estimait [traduction] « que le délai fixé pour la présentation d’une demande de contrôle judiciaire ne commence[rait] à courir qu’après que l’arbitre a[urait] examiné [les] positions respectives [des parties] sur la question des mesures de réparation et rendu sa décision définitive relativement à cette question. »  L’avocat de M. Payne a indiqué par courriel, le 15 décembre 2010, que l’absence de réponse ne signifiait pas que les observations de la Banque étaient approuvées ou acceptées.

 

[16]           C’est une question qui, à mon sens, peut être tranchée rapidement. Il est de jurisprudence constante que le délai prévu au paragraphe 18.1(2) ne commence à courir que lorsque la décision définitive a été rendue dans l’instance : voir Zündel c Canada (Commission des droits de la personne), [2000] 4 CF 255, au paragraphe 17.  Si ce n’était pas le cas, la Cour serait continuellement saisie de multiples demandes de contrôle judiciaire entraînant le dédoublement de documents et des frais inutiles. Cette approche morcelée ne serait guère propice au règlement du litige.

 

[17]           Dans la présente affaire, je constate que l’arbitre n’a rendu sa décision définitive que le 26 avril 2011 et que ses deux « décisions » constituaient en fait les deux parties d’un tout. Je souligne également que ce point n’a pas été plaidé avec insistance lors de l’audience devant la Cour. De plus, compte tenu du malentendu qui existait entre l’arbitre et les avocats à propos de l’état de l’affaire à la conclusion de la présentation de la preuve au fond, il va de soi que l’autorisation de proroger le délai de présentation doit être accordée si cela est nécessaire.

 

Les questions de fond

[18]           Les questions à trancher dans la présente affaire peuvent être ainsi résumées :

a.       La conclusion de l’arbitre à propos du congédiement injuste était‑elle raisonnable?

b.      L’ordonnance de réintégration imposée par l’arbitre était‑elle raisonnable?

c.       L’arbitre a‑t‑il violé le droit des parties de faire valoir leurs arguments sur la question des mesures de réparation?

d.      Y avait‑il une crainte raisonnable de partialité en ce qui concerne l’arbitre?

 

Analyse

 

La norme de contrôle

[19]           Les questions mixtes de fait et de droit sont généralement examinées selon la norme de la raisonnabilité : voir l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53.  La conclusion de l’arbitre selon laquelle le congédiement de M. Payne était injuste nécessite l’interprétation et l’application du droit, lequel ne peut pas être aisément dissocié des faits; c’est pourquoi cette conclusion doit être examinée selon la norme de la raisonnabilité.

 

[20]           Dans le même ordre d’idées, la détermination des mesures de réparation pertinentes est une décision discrétionnaire qui doit pareillement être examinée selon la norme de la raisonnabilité : voir l’arrêt Chalifoux c Première nation de Driftpile, 2002 CAF 521, au paragraphe 12.

 

[21]           Même si la raisonnabilité est une norme de contrôle qui appelle la retenue judiciaire, cela ne signifie pas que les décisions des arbitres sont à l’abri d’un examen. Les décisions doivent être justifiables, transparentes et intelligibles et doivent « apparten[ir] [...] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

[22]           En ce qui concerne les points trois et quatre, les questions de partialité et le droit d’être entendu constituent des questions d’équité procédurale qui doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : voir les arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 42-43; Geza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 124, au paragraphe 44.

 

1.      La conclusion de l’arbitre à propos du congédiement injuste était‑elle raisonnable?

[23]           J’estime que l’arbitre a commis deux erreurs qui font que sa décision est déraisonnable.

 

Non‑application du cadre analytique contextuel

[24]           La première erreur découle de l’approche utilisée pour établir si le congédiement de M. Payne était justifié. Les décisions de congédiement doivent être révisées selon les paramètres établis par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt McKinley c BC Tel, [2001] 2 RCS 161, 2001 CSC 38.  Au paragraphe 57 de cette décision, le juge Iacobucci a indiqué que les cours de révision doivent employer « un cadre analytique qui traite chaque cas comme un cas d’espèce et qui tient compte de la nature et de la gravité de la malhonnêteté pour déterminer si elle est conciliable avec la relation employeuremployé. »

 

[25]           Je conclus que, même si l’arbitre a cité le jugement McKinley, il n’a pas appliqué le cadre analytique que ce jugement imposait et que, de ce fait, il n’a pas tenu compte de plusieurs facteurs pertinents pour conclure que le congédiement de M. Payne était injuste.

 

[26]           L’arbitre doit examiner la conduite de l’employé dans son ensemble, surtout lorsque les incidents en question sont étroitement liés dans le temps et au fond. Dans la présente affaire, l’arbitre n’a pas tenu compte de la pertinence de la chronologie et de la suite des incidents ayant abouti au congédiement. Il ne faut pas oublier que, le 16 octobre 2008, par suite de la première plainte et de l’enquête, M. Paye s’était fait imposer la sanction disciplinaire la plus lourde, à l’exception du congédiement (l’avertissement au troisième palier). L’arbitre a conclu que M. Payne n’avait pas eu assez de temps pour s’améliorer après cette mesure corrective. Cette conclusion ne tient toutefois pas compte de la conduite donnant lieu à cette mesure corrective, ainsi que de la conduite de M. Payne pendant qu’il était sous le coup de cette mesure et après.

 

[27]           Monsieur Payne a reçu l’avertissement au troisième palier en guise de sanction pour sa conduite répréhensible, et notamment ses remarques méprisantes et ses autres propos inacceptables. Après s’être fait imposer la mesure corrective qui a entraîné sa mutation à la succursale de Norwich, M. Payne est retourné à la succursale de Woodstock et il a eu des relations sexuelles avec Mme Carter dans les locaux de la banque. Ces faits, qui ne sont pas contestés, se trouvent à vicier le raisonnement qui sous‑tend la conclusion de l’arbitre selon laquelle le congédiement était injustifié. Cette conclusion était fondée sur la conclusion de l’arbitre selon laquelle la Banque aurait dû laisser la mesure corrective produire son effet. Il ressort clairement du comportement de M. Payne que la mesure corrective n’a pas eu l’effet souhaité, car il ne semblait que peu ou pas comprendre que son comportement était inacceptable et il a en fait continué d’avoir un comportement répréhensible semblable à celui qui lui avait valu l’avertissement initial au troisième palier. Comme il est indiqué dans Re Roberts and the Bank of Nova Scotia (1979), 1 LAC (3d) 259, l’absence de prise de conscience peut rendre inacceptable la poursuite de la relation employeur‑employé :

[traduction] La plaignante s’était rendue coupable d’une faute de conduite appelant une sanction en‑dessous du congédiement, mais à l’audience, elle a obstinément refusé d’admettre sa responsabilité à quelque égard que ce soit. Dans ces circonstances, j’estime que la réintégration n’est pas une mesure acceptable.

 

[28]            L’arbitre semble également n’avoir accordé aucune importance au fait que M. Payne était un gestionnaire et qu’il était par conséquent en situation d’autorité et de confiance. À titre de directeur de succursale, M. Payne devait montrer la voie à suivre en ce qui concerne la politique contre le harcèlement, et la Banque devait pouvoir compter sur sa loyauté et son bon jugement. Les motifs de l’arbitre ne permettent pas de croire qu’il devait conclure que M. Payne avait fait des menaces à Mme Carter ou lui avait offert une faveur en échange de leurs rapports sexuels afin de justifier le congédiement de M. Payne. Ce n’est pas le cas.

 

[29]           Le rôle du gestionnaire consiste à protéger les employés et l’entreprise. Comme il est indiqué dans Simpson c Consumers’ Assn of Canada, [2001] OJ No 5058, 57 O.R. (3d) 351, au paragraphe 66 :

[traduction] De plus, à titre de superviseur, le défendeur avait des obligations à l’égard de son employeur. Pour reprendre de nouveau les propos du juge Carthy dans Banister, à page 587 : « les gestionnaires ont deux devoirs positifs, le premier à l’égard de l’effectif, qui a le droit d’être protégé contre les actes offensants, et le second, à l’égard de l’entreprise, afin de protéger cette dernière contre les actions civiles de la part de plaignants particuliers ». C’est la responsabilité des employés de niveau supérieur de veiller à ce que les devoirs de l’employeur à l’égard de son effectif et ses actionnaires — en l’occurrence le public dans la présente affaire — soient remplis de manière à ce que l’employeur soit protégé. Si le superviseur est la source du problème, il se trouve donc à avoir manqué à ce devoir.

 

[30]           À cet égard, l’arbitre n’a pas examiné la politique contre le harcèlement dans son intégralité. Le harcèlement y est en effet défini comme tout acte, écrit ou propos susceptible de [traduction] « créer un climat d’hostilité, d’intimidation ou de manque de respect ». De plus, à titre de gestionnaire, M. Payne était désigné dans la politique comme une personne-ressource à laquelle les personnes victimes de harcèlement pouvaient s’adresser, ce dont l’arbitre aurait dû tenir compte. À titre de gestionnaire, M. Payne avait l’obligation de respecter les politiques de la Banque. Le simple fait que M. Payne entretenait une relation consensuelle avec Mme Carter ne change rien au fait que le comportement de M. Payne minait l’esprit des dispositions de la politique contre le harcèlement. Dans Simpson, précité, la Cour d’appel de l’Ontario, a souligné :

[traduction [C]e ne sont pas seulement les employés victimes de harcèlement sexuel au travail qui peuvent avoir à se plaindre de la conduite d’un superviseur qui fait du harcèlement. D’autres employés peuvent également être touchés en étant moins bien traités ou, par exemple, en endurant un climat de travail chargé de tension sexuelle nuisible ou en s’exposant au risque des conséquences d’une plainte visant à dénoncer la situation. 

 

[31]           La conclusion de l’arbitre selon laquelle la relation [traduction] « concernait essentiellement deux particuliers qui se trouvaient à travailler dans le même lieu » ne concorde pas avec la preuve. En concentrant son attention sur la politique contre le harcèlement telle qu’elle s’appliquait à M. Payne et à Mme Carter, l’arbitre n’a pas analysé de quelle manière les autres employés de la succursale et surtout le personnel féminin, pouvait percevoir la conduite de M. Payne et les répercussions que cette conduite pouvait avoir sur ces employés.

 

L’absence de préjudice

[32]           La seconde erreur de droit commise par l’arbitre tient au fait qu’il croyait que la conduite de M. Payne devait avoir causé un préjudice réel pour que son congédiement soit justifié. Cette opinion est erronée. La jurisprudence établit explicitement le principe que les écarts de conduite des employés qui pourraient causer un préjudice à l’employeur suffisent pour justifier le congédiement : voir Banque Nationale du Canada c Lepire, 2004 CF 1555, au paragraphe 12; Simard c Transport aérien Royal, [1996] ACF no 373, aux paragraphes 18‑20.  Il n’est pas obligatoire qu’il y ait un préjudice réel pour justifier le congédiement.

 

[33]           L’arbitre souligne que M. Payne a exposé la Banque à une action civile de la part de Mme Carter  [traduction] « Peu importe qu’il ait contrevenu ou non à une politique, il a agi de façon irréfléchie à l’extrême, c’est le moins que l’on puisse dire, et exposé la Banque a un risque réel. La réputation de la Banque dans la collectivité aurait pu être gravement entachée par le battage médiatique. » L’arbitre a également conclu qu’il y avait au moins un employé qui était au courant de la relation, ce qui eut pu occasionner un climat de travail négatif dans lequel d’autres employés auraient pu tenir pour acquis que le gestionnaire accordait un traitement de faveur à une employée. Du reste, étant donné que M. Payne avait des relations sexuelles avec Mme Carter durant les heures ouvrables, la Banque se trouve en fait à avoir subi une perte d’heures de travail et de productivité du fait de la conduite des deux employés.

 

[34]           L’arbitre a commis une erreur en fondant son analyse sur l’idée qu’il devait y avoir un préjudice réel pour justifier le congédiement de M. Payne. La conclusion de l’arbitre procède de l’idée qu’un préjudice réel est nécessaire pour justifier le congédiement :

[traduction]

 

Malgré le risque important auquel son employeur était exposé, aucun préjudice ou presque ne lui a été causé, à la différence de la situation décrite dans les causes précitées. La seule conséquence prouvée qu’il y a eu dans le milieu de travail ou la collectivité est qu’un autre employé était au courant de la situation.  Il y avait un risque important, mais aucun préjudice réel n’a été causé [...]

 

Selon le principe des mesures disciplinaires progressives, les mesures imposées augmentent d’un cran si l’employé ne tire aucune leçon des mesures moins sévères. Si un incident très grave se produit, l’employer peut passer directement au congédiement. Dans la présente affaire, la Banque a jugé que les incidents étaient graves, et ils l’étaient, mais elle est allée trop loin selon moi. Pour autant que je sache, seul un employé était au courant de la situation. M. Payne a‑t‑il agi de façon irréfléchie? certainement, de façon dangereuse? certainement encore, mais il s’agissait essentiellement d’une affaire entre deux personnes qui se trouvaient à travailler au même endroit. La situation aurait été différente si l’un des deux avait exercé des pressions d’ordre professionnel sur l’autre, par exemple si M. Payne avait fait planer la menace d’une mauvaise évaluation du rendement, ou s’il avait été prouvé que plusieurs personnes dans le lieu de travail ou dans la collectivité étaient au courant de la situation et craignaient que les choses puissent être différentes. Je ne crois pas que le fait en soi qu’il était un superviseur et qu’il devait être une source d’inspiration détermine d’office le résultat.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[35]           À cet égard, l’absence de preuve que d’autres collègues ou des membres du public ont pu être au courant de ce comportement a incité l’arbitre à conclure que le congédiement n’était pas justifié. Il a ainsi jugé que le risque de causer un préjudice n’était pas un motif suffisant et qu’il fallait que le préjudice soit réel. C’est sur ce point que j’estime que l’arbitre a commis une erreur de droit. L’idée erronée qu’il devait y avoir un préjudice réel pour justifier le congédiement de M. Payne a nourri son analyse et donné lieu à une décision déraisonnable.

 

[36]           Si les conséquences de la conduite sont un des éléments dont il faut tenir compte, elles ne constituent toutefois pas un facteur déterminant. Pour l’essentiel, l’analyse doit porter sur le jugement qui sous-tend la conduite et situer ce jugement dans le contexte du critère énoncé dans l’arrêt McKinley.  En arriver à une conclusion contraire équivaudrait à accorder un traitement de faveur à un employé dont la conduite, malgré le fait qu’elle témoigne également d’un manque de jugement, ne cause pas, dans les circonstances, de perte ou de préjudice à l’entreprise et à ses employés.  L’analyse doit porter sur le jugement, surtout dans le cas des employés qui occupent un poste de direction ou de supervision, mais pas à l’exclusion des conséquences.

 

[37]           Pour finir, je relève également une incohérence entre, d’une part, le fait que l’arbitre ait qualifié la conduite de M. Payne de [traduction] « irréfléchie, stupide et dangereuse » et, d’autre part, les responsabilités qui incombaient à M. Paye comme superviseur et le fait que la Banque n’avait plus confiance en son jugement. L’arbitre n’a pas expliqué en quoi une conduite de cette nature pouvait être compatible avec la poursuite de la relation employeur‑employé. J’admets qu’un arbitre puisse en arriver à cette conclusion, mais il ne peut le faire qu’après avoir analysé la conduite en fonction des exigences du poste et des attentes de l’employeur.

 

2.      L’ordonnance de réintégration imposée par l’arbitre était‑elle déraisonnable?

[38]           La deuxième question à examiner pour établir la raisonnabilité de la décision de l’arbitre est celle de l’ordonnance enjoignant à la Banque de réintégrer M. Payne dans ses fonctions.

 

[39]           L’arbitre exerçait sa compétence aux termes du paragraphe 242(4) du Code, qui est ainsi rédigé :

242. (4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

 

 

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

 

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

 

c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

 

242. (4) Where an Adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the Adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

 

(a)    pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

 

(b)    reinstate the person in his employ; and

 

(c)    Do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

 

 

[40]           L’arbitre a conclu que, en l’absence de circonstances exceptionnelles, la réintégration ne constituait pas un droit mais plutôt la mesure de réparation souhaitable. Il a conclu qu’il n’y avait pas de « circonstances exceptionnelles » dans la présente affaire. Il n’est pas nécessaire de trancher cette question, compte tenu de ma conclusion relative au congédiement injuste, mais je constate que la conclusion de l’arbitre selon laquelle la réintégration était la mesure de réparation appropriée était également déraisonnable.

 

[41]           La Banque avance que l’arbitre a commis une erreur identique à celle que le juge Yves de Montigny a relevée dans l’arrêt Defence Construction Ltd. c Girard, 2005 CF 1177, en concluant qu’il était tenu d’ordonner la réintégration en l’absence de circonstances exceptionnelles. Cependant, je suis convaincu que la décision rendue par l’arbitre dans la présente affaire se distingue de celle rendue dans l’arrêt Defence Construction, et que l’erreur sur laquelle le juge de Montigny a attiré l’attention n’a pas été commise en l’espèce.  Le passage pertinent de la décision du juge de Montigny est ainsi rédigé :

Dans sa décision, comme nous l'avons vu précédemment, l'arbitre a énoncé qu'il devait ordonner la réintégration de M. Girard à moins d'être convaincu que la relation de confiance avec son employeur ne pouvait être rétablie.  Ce faisant, il s'appuyait sur la position du juge Létourneau et faisait précisément ce que la juge Desjardins reprochait à un autre arbitre dans une décision subséquente unanime de la Cour d'appel fédérale. Voici ce qu'elle écrivait à ce propos dans l'arrêt Chalifoux c. Première nation de Driftpile (précité, aux par. 28‑29) :

 

L'appelante soutient (au paragraphe 34 du mémoire) que l'arrêt Énergie atomique du Canada Ltée, précité, exige que l'arbitre ordonne le paiement [la version originale anglaise utilise le mot « reinstatement » ] à moins qu'il ne conclue que le lien de confiance existait entre l'employeur et l'employé congédié est rompu d'une façon irrémédiable.

 

Or, à mon avis, tel n'est pas le droit. Dans l'arrêt Énergie atomique du Canada Ltée, précité, le juge Marceau dit en fait que lorsque le rapport de confiance ne peut pas être rétabli, l'arbitre peut, à sa discrétion, ordonner le paiement d'une indemnité à la place de la réintégration. Le juge Marceau ne dit pas que l'arbitre doit ordonner la réintégration si le rapport de confiance existant entre les parties est intact ou peut être rétabli. Au paragraphe 12, il dit ce qui suit au sujet des dispositions du Code relatives au congédiement injuste :

 

[...] elles ne créent certainement pas un droit en faveur de l'employé injustement congédié et ne pourraient d'ailleurs aller aussi loin. [...] Les dispositions en question énoncent simplement que la réintégration est une réparation pouvant être accordée dans des cas opportuns. [...] Cependant, une simple lecture du paragraphe 242(2) du Code indique sans conteste que l'arbitre est pleinement autorisé à ordonner le paiement d'une indemnité en remplacement de la réintégration s'il estime que le lien de confiance qui existait entre les parties ne peut être rétabli.

 

[Souligné dans l’original.]

 

 

[42]           Donc, dans l’arrêt Defence Construction, l’arbitre avait conclu qu’il devait ordonner la réintégration à moins d’être convaincu que la relation de confiance de l’employé avec l’employeur ne pouvait pas être rétablie. Cette conclusion comporte deux erreurs — soit que l’arbitre doit toujours ordonner la réintégration (un arbitre a, en fait, une marge discrétionnaire à cet égard) et que le seul facteur qui peut l’en empêcher est l’impossibilité que le rapport de confiance soit rétabli (alors que, dans les faits, il y a de nombreux facteurs qui peuvent être pris en considération et pondérés).

 

[43]           À l’inverse, l’arbitre n’a pas conclu en l’espèce qu’il devait ordonner la réintégration à moins de conclure que le rapport de confiance entre la Banque et M. Payne ne pouvait pas être rétabli. Il a plutôt conclu que la réintégration ne constituait pas un droit, mais la mesure de réparation souhaitable en l’absence de circonstances exceptionnelles. Il a énoncé correctement les principes de droit en reconnaissant que la réintégration ne constituait pas un droit et en concluant que c’était plutôt la mesure souhaitable. Je suis d’avis qu’il peut, comme arbitre, privilégier la réintégration comme mesure de réparation, pour autant que les facteurs pertinents soient pris en considération.

 

[44]           En l’espèce, donc, l’erreur que l’arbitre a commise ne réside pas dans l’énoncé des principes de droit, mais dans le fait qu’il n’a pas tenu compte du facteur probablement le plus pertinent, soit la question de savoir si le rapport de confiance entre la Banque et M. Payne était irrémédiablement rompu. Voici ce que l’arbitre a écrit sur ce point :

[traduction] La raison pour laquelle dans les affaires touchant des institutions bancaires, le rapport de confiance revêt une importance plus grande que dans les autres affaires est que, dans la majorité de ces cas, des employés ont manqué à leurs obligations dans le traitement de l’argent. La situation est totalement différente en l’espèce, car ce n’est pas la probité [de M. Payne] qui est en cause, mais sa franchise. Il a nié à plusieurs reprises qu’il avait une liaison. Peut-être était‑ce compréhensible, mais [...] je conviens que les employés des institutions bancaires sont jugés selon des normes sévères.

 

 

[45]           L’arbitre a établi correctement que c’était assurément la franchise qui était en cause dans la présente affaire, mais il n’a jamais poussé sa réflexion plus loin ni tiré la conclusion qui en découlait nécessairement, soit qu’en raison de la rupture du rapport de confiance la réintégration ne pouvait plus être considérée comme la mesure appropriée. L’analyse de l’arbitre sur ce point comporte des lacunes et ne répond pas à la norme requise de la pertinence. Il a conclu qu’il était avéré que M. Payne avait menti à plusieurs reprises et que les superviseurs de la Banque sont jugés selon des normes sévères, mais il a ensuite soustrait M. Payne à l’application de ce principe, sans aucune explication, en déclarant simplement [traduction] « [p]eut‑être était‑ce compréhensible, mais [...] ». Cette ellipse n’explique pas pour quelle raison le manque de franchise de M. Payne et sa conduite irréfléchie, stupide et dangereuse n’ont pas miné la confiance que lui accordait la Banque.

 

[46]           Au bout du compte, l’erreur que l’arbitre a commise dans sa décision sur les mesures de réparation est la même que celle qu’il a commise en concluant au congédiement injuste; il a conclu que M. Payne méritait une seconde chance afin de tirer des leçons des mesures disciplinaires qui lui avaient déjà été imposées. Pour arriver à cette conclusion, comme je l’ai déjà mentionné,. l’arbitre n’a pas tenu compte de la conduite de M. Payne immédiatement après la sanction disciplinaire au troisième palier et du fait que ses écarts de conduite étaient liés, dans le temps et au fond, aux écarts de conduite ayant donné lieu à la sanction disciplinaire initiale.

 

[47]           Avant de conclure sur ce point, je souligne également que l’arbitre ne s’est pas penché sur la question de savoir si, en ordonnant la réintégration de M. Payne, il était possible de rétablir l’indispensable rapport de confiance nécessaire à la poursuite de la relation employeur‑employé. Comme il a déjà été mentionné, M. Payne avait menti à deux reprises à Mme S durant l’enquête; il n’avait pas tenu compte de la directive lui enjoignant de ne pas communiquer avec les autres employés au sujet de l’enquête avant la fin de celle-ci et, après la mesure corrective du 16 octobre 2008, il était retourné à son ancienne succursale, où il avait eu des relations sexuelles avec Mme Carter. En ne prenant pas ces facteurs en considération, l’arbitre n’a pas tenu compte de tous les éléments pertinents pour rendre sa décision sur la réintégration.

 

3.      L’arbitre a-t-il violé le droit des parties de faire valoir leurs arguments sur la question des mesures de réparation?

[48]           À l’exception de la question de la partialité, la seule violation possible du principe de l’équité procédurale qui se dégage des observations des parties est liée au droit de faire valoir des arguments dans le contexte de la décision de l’arbitre sur les mesures de réparation.

 

[49]           Les parties n’ayant pas eu la chance de présenter des observations sur la question des mesures de réparation avant que l’arbitre rende sa décision le 11 novembre 2010, M. Payne a raison d’affirmer qu’il est possible de remédier à une violation du droit d’être entendu en tenant une audience ultérieure pour que les parties puissent présenter leurs arguments sur la question en litige : voir l’arrêt McNamara c Ontario (Racing Commission), [1998] OJ no 3238 (C.A.), au paragraphe 26. 

 

[50]           Dans la présente affaire, l’arbitre a retiré sa décision initiale sur les mesures de réparation et a donné aux parties la possibilité de faire valoir leurs arguments avant de rendre sa décision définitive. L’arbitre n’avait donc pas rendu sa décision définitive et était resté saisi de l’affaire. Cela remédiait à toute violation initiale du principe de l’équité procédurale qui puisse être survenue. Je souligne d’ailleurs que l’arbitre a modifié quelque peu sa décision après réception des éléments de preuve et des observations. Je conclus que le principe de l’équité procédurale n’a pas été violé.

 

4.      Y avait‑il une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre?

[51]           Le critère servant à établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur a été réitéré par la CSC dans l’arrêt R. c S. (R.D.), [1997] 3 RCS 484, au paragraphe 111 : pour conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, il faut qu’une personne sensée et bien renseignée, qui est au courant de l'ensemble des circonstances pertinentes et qui étudie la question de façon réaliste et pratique, conclue que la conduite du juge fait naître une crainte raisonnable de partialité. Il n’est pas nécessaire que le décideur se soit montré partial; il suffit qu’existe une crainte raisonnable de partialité pour conclure à la violation du principe de l’équité procédurale.

 

[52]           Afin de déterminer s’il y a une crainte raisonnable de partialité, la Cour doit répondre à la question de savoir si une personne bien renseignée croirait que, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, le décideur ne rendra pas de décision juste : voir les arrêts Committee for Justice & Liberty c Canada (Office national de l’énergie) (1976), [1978] 1 RCS 369; et R. c S. (R.D.), précités. Les arbitres sont présumés être impartiaux; par conséquent, toute conclusion quant à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité doit satisfaire à une norme rigoureuse : R. c S. (R.D.), ci‑dessus, au paragraphe 158.

 

[53]           En alléguant qu’il existait une crainte raisonnable de partialité de la part de l’arbitre, la Banque tire argument du fait que l’arbitre n’a pas donné aux parties la possibilité de présenter des éléments de preuve sur la question des mesures de réparation avant de rendre sa décision. La Banque affirme que l’arbitre a inféré que M. Payne aurait tiré des leçons d’une suspension, sans obtenir son témoignage sur ce point, et que ces faits indiquent que l’arbitre favorisait un certain résultat. La Banque fait également valoir, pour ainsi dire, qu’étant donné que l’arbitre en est arrivé à la même conclusion sur la question des mesures de réparation après avoir entendu les observations des parties il ne peut pas être raisonnablement considéré comme impartial.

 

[54]           Je ne souscris pas à ces points de vue. Il se peut qu’en privant initialement les parties de la possibilité de faire valoir leurs arguments, l’arbitre ait violé le principe de l’équité procédurale, mais cette violation possible a été corrigée avant qu’il rende sa décision définitive. Je ne crois pas que les éléments de preuve produits par la Banque soient suffisants pour établir qu’une personne bien renseignée conclurait raisonnablement que l’arbitre a été incapable de trancher la présente affaire de manière juste. Un observateur bien renseigné conclurait que l’erreur commise dans l’application du principe d’équité procédurale est attribuable à un véritable malentendu et qu’elle a été rapidement corrigée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’arbitre est annulée.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-850-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            BANQUE DE MONTRÉAL c MARK PAYNE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS:                       Le 13 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Malcolm MacKillop
Alison Adam

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Paul Brooks
Jennifer Barlow

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Shields O'Donnell MacKillop LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Lerners LLP
London (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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