Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20120402


Dossier : T-1292-11

Référence : 2012 CF 383

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2012

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SCOTT BURDEN

MARTIN CYR

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie de la deuxième demande de contrôle judiciaire déposée à l’encontre de la décision d’une arbitre (la deuxième décision) portant sur le droit de travailleurs saisonniers au remboursement de frais de voyage en vertu de la Politique sur les postes isolés (la PPI). Le juge de Montigny, qui a statué sur la première demande de contrôle judiciaire, a conclu que la première décision arbitrale (la première décision) était déraisonnable, et l’affaire a été « renvoyée à un autre arbitre qui statuera en conformité avec les présents motifs de la Cour ». Il s’agit en l’espèce du contrôle judiciaire de la décision du deuxième arbitre.

 

II.        LE CONTEXTE

[2]               Les parties s’accordent sur l’essentiel des faits. Les défendeurs sont des travailleurs saisonniers nommés pour une période indéterminée de l’Agence Parcs Canada (APC), qui travaillent dans des régions isolées du Canada pendant la saison estivale. Ils sont membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada (le syndicat).

 

[3]               L’employeur, l’APC, est un employeur distinct figurant dans l’annexe de la loi qui était alors applicable.

 

[4]               Les parties sont liées par la Politique sur les postes isolés de l’APC. La PPI est réputée faire partie intégrante de la convention collective conclue entre l’APC et le syndicat, entrée en vigueur le 1er avril 2003. Les différends découlant d’une présumée erreur d’interprétation ou d’application de la PPI sont soumis à la procédure de règlement des griefs de l’APC.

 

[5]               Les parties ne s’accordent pas sur l’application de l’article 2.1 de la PPI, qui traite du remboursement des frais de transport et de voyage engagés pour des traitements médicaux ou dentaires non facultatifs par des fonctionnaires affectés à des postes isolés.

 

[6]               Les parties reconnaissent que les plaignants répondent aux normes décrites au paragraphe 2.1.2 de la PPI – c’est-à-dire que les traitements en cause étaient non facultatifs, qu’ils n’étaient pas offerts à leur lieu d’affectation et qu’ils s’imposaient de toute urgence. Les deux défendeurs ont déposé des griefs parce que leurs réclamations ont été refusées.

 

[7]               Monsieur Burden était un employé saisonnier selon la PPI, affecté à un « poste isolé » – à savoir le Site historique national de l’Anse Aux Meadows. En juillet 2003, sa fille est tombée gravement malade, mais la date la plus proche à laquelle elle pouvait obtenir un rendez-vous auprès d’un spécialiste de St. John’s était deux semaines après que l’emploi saisonnier de M. Burden prendrait fin pour le reste de l’année.

 

[8]               Monsieur Cyr était un employé saisonnier affecté à un autre « poste isolé » – la réserve du Parc national de l’Archipel de Mingan. Il devait se rendre à Sept-Îles avec sa fille pour un rendez-vous chez l’orthodontiste environ sept semaines après le début de son congé saisonnier.

 

[9]               La première arbitre, une arbitre de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, a conclu que les indemnités réclamées n’étaient possibles que durant la période d’emploi saisonnier et non durant la période de congé, à une exception près : lorsque, en raison des nécessités du service, l’employeur ne peut donner suite à la demande de l’employé durant son emploi saisonnier.

 

[10]           La PPI renferme une section intitulée « Généralités », qui englobe la disposition suivante relative au « champ d’application » :

 

 

Généralités

 

[…]

 

Champ d’application

 

La présente politique s’applique à tous les fonctionnaires éligibles de Parcs Canada; l’Agence est inscrite à la Partie II de l’annexe 1 la Loi sur les relations de travail dans la fonction Publique; l’Agence a choisi de suivre cette politique.

 

Les personnes employées :

a) pour une durée déterminée de moins de trois (3) mois oui

b) qui travaillent moins d’un tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à plein temps nommé pour une période indéterminée à un poste du même groupe et du même niveau

 

ne peuvent se prévaloir des avantages prévus à la Partie II (Frais et congé) ou au paragraphe 3.3.2 ou à l’article 3.6 de la Partie III(Réinstallation dans un poste isolé) de la présente politique.

 

[…]

 

Définitions

 

[…]

 

Fonctionnaire (employee) – désigne, sous réserve des dispositions du Champ d’application, une personne :

a) visée par la présente politique,

b) touchant un traitement tiré à même le Trésor.

 

General

 

[…]

 

Application:

 

This Policy apples to all eligible employees of Parks Canada; the Agency is listed in Part II of Schedule I of the Public Service Staff Relations Act and has elected to follow this Policy.

 

 

Persons employed:

a) for a specified term of less than three (3) months or

b) working less than one-third of the normal working hours of a full time indeterminate employee of the same occupation group and level

 

 

are not eligible for any of the benefits provided in Part II (Expenses and Leave) or those provided in Sub-section 3.2.2 or Section 3.6 of Part III (Relocation to an Isolated Post) of this Policy.

 

[…]

 

Definitions

 

[…]

 

Employee (fonctionnaire) – means, subject to the Application section, a person

a) To whom this policies applies

b) Whose salary is paid out of the Consolidated Revenue Fund.

 

[11]           L’article 2.1 de la PPI renferme les dispositions suivantes concernant les frais de transport et de voyage :

Frais de transport et de voyage

 

2.1 Recours non facultatif à un traitement médical ou dentaire

 

2.1.1 Les fonctionnaires qui obtiennent un congé non payé pour les raisons suivantes ont droit aux prestations mentionnées au présent article : maladie, accident de travail ou congé de maternité/parental.

 

2.1.2 Sous réserve du présent article, lorsque les fonctionnaires ou les personnes à leur change subissent un traitement médical ou dentaire dans la localité canadienne la plus proche où un traitement approprié peut être obtenu, de l’avis du dentiste ou du médecin, et qu’ils convainquent leur DUG, au moyen d’un certificat délivré par le dentiste ou le médecin, que le traitement :

a) n’était pas facultatif

b) n’était pas offert à leur lieu d’affection et

c) s’imposait de toute urgence,

 

Le DUG autorise le remboursement des frais de voyage et de transport engagés à l’égard de ce traitement.

 

Travelling and Transportation Expenses

 

2.1 Non-Elective Medical or Dental Treatment

 

 

2.1.1 Employees who are granted leave without pay for the following reasons are also entitled to the benefits of this section: illness, injury-on-duty, or maternity/parental leave.

 

 

2.1.2 Subject to this section, when employees or their dependents obtain medical or dental treatment at the nearest location in Canada where adequate medical or dental treatment is available, as determined by the attending medical or dental practitioner, and they satisfy their FUS by means of a certificate of the attending medical or dental practitioner that the treatment

 

a) was not elective,

b) was not available at their headquarters, and

c) was required without delay,

 

the FUS shall authorize reimbursement of the transportation and traveling expenses in respect of that treatment.

 

[12]           L’article 2.7 de la PPI renferme des dispositions relatives aux « emplois à temps partiel et saisonniers »; le paragraphe important est le paragraphe 2.7.3 :

2.7 Emplois à temps partiel et saisonniers

 

2.7.1 Sous réserve de l’article sur le Champ d’application, un fonctionnaire à temps partiel ou saisonnier est admissible aux avantages décrits à l’Appendice I ou J, proportionnellement au nombre total des heures annuelles de travail du dit fonctionnaire, par rapport à celui d’un fonctionnaire à temps plein occupant un poste de même groupe et niveau (calcul au prorata).

 

2.7.2 Le fonctionnaire est admissible à un remboursement équivalant au moindre des montants suivants :

a) le montant maximal auquel le fonctionnaire a droit calculé au prorata (Appendice I), ou

b) les dépenses remboursables engagées (Appendice J).

 

2.7.3 Quand le fonctionnaire saisonnier nommé pour une période indéterminée résidant au lieu d’affection ne peut pas se prévaloir des prestations accordées en vertu du présent article pendant sa saison de travail, en raison des nécessités du service, l’employeur les lui accorde pendant sa période de congé, s’il en fait la demande.

 

2.7.4 Un fonctionnaire à temps partiel ou saisonnier peut choisir de demander de l’aide à 80% au titre des voyages pour congé annuel qui sera alors calculée au prorata.

2.7 Part-time and Seasonal Employment

 

2.7.1 Subject to the Application section of this Policy, part-time and seasonal employees shall be entitled to the benefits of Appendix I or J, in the same proportion as their total annual hours of work compare to the total annual hours of work of a full-time employee occupying a position at the same occupational group and level (prorating).

 

2.7.2 Employees will be eligible to be reimbursed the lessor of:

 

a) the prorated maximum entitlement (Appendix I); or

 

b) the actual expenses incurred (Appendix J).

 

2.7.3 When, because of operational requirements, an indeterminate seasonal employee who resides at the headquarters cannot be granted the benefits of this section during the operational season, the employer shall, at the employee’s request, grant the benefits of this section during the off-season.

 

2.7.4 Part-time and seasonal employees may choose the 80% non-accountable Vacation Travel Assistance which will then be prorated.

 

 

[13]           Le juge de Montigny a estimé que la décision de la première arbitre était déraisonnable. Selon lui :

·                     L’arbitre s’était fondée sur l’article 2.7.3, outre les dispositions régissant les frais de transport encourus pour des traitements médicaux ou dentaires non facultatifs, mais l’article 2.7.3 ne l’autorisait pas à conclure que les employés saisonniers nommés pour une période indéterminée n’avaient pas droit à ces indemnités.

·                     L’erreur était accentuée par le fait que l’arbitre n’avait pas tenu compte ni fait état de l’article de la PPI intitulé « Champ d’application », qui, semble-t-il, dispose que les employés relevant de la PPI ont en général droit aux indemnités prévues par la PPI.

·                     L’arbitre ne s’est pas demandé si, en leur qualité de « fonctionnaires », les plaignants avaient droit, selon l’article 2.1.1, au remboursement des frais de transport engagés pour des traitements médicaux ou dentaires.

 

[14]           La conclusion principale du juge de Montigny est la suivante :

En l’absence d’élément indiquant pourquoi l’article relatif au champ d’application de la PPI et son article 2.1 doivent être interprétés de façon à exclure les employés saisonniers du droit au remboursement des dépenses de transport et de voyage engagées pour des traitements médicaux ou dentaires non facultatifs, il est difficile d’affirmer que la décision de l’arbitre est raisonnable.

 

[15]           L’affaire a été renvoyée à un deuxième arbitre, qui a fait droit au grief. Le fondement de sa décision est le suivant :

·                     La Cour fédérale avait conclu que l’article 2.7.3, sur lequel s’était largement fondée la première arbitre, s’appliquait aux indemnités concernant les voyages pour congé annuel, mais non aux traitements médicaux ou dentaires non facultatifs.

·                     Le point que devait trancher le deuxième arbitre était de savoir si les plaignants étaient des employés aux fins de l’article 2.1.2 de la PPI lorsqu’ils étaient en congé saisonnier.

·                     Si l’intention de la PPI était d’exclure les personnes se trouvant dans la position des plaignants, cela aurait dû être mentionné dans les dispositions intitulées « Généralités », ou être précisé dans les articles ou paragraphes pertinents de la PPI.

·                     L’article intitulé « Champ d’application » valait pour la PPI tout entière, et cette disposition n’exclut que deux catégories de fonctionnaires (les personnes employées pour une durée déterminée de moins de trois mois et celles qui travaillent moins d’un tiers des heures normalement exigées d’un fonctionnaire à plein temps), mais n’excluent pas les employés saisonniers qui sont en congé saisonnier.

·                     La définition de « fonctionnaire », dans la PPI, comprend une personne qui est visée par la PPI et qui touche un traitement tiré à même le Trésor – une référence à la source de paiement plutôt qu’au fait d’être rémunéré ou de ne pas être rémunéré.

 

[16]           Le deuxième arbitre a conclu que, puisque les employés en congé saisonnier n’étaient pas exclus, ils étaient des fonctionnaires aux fins de la PPI et ils avaient droit aux indemnités en cause.

 

III.       LES POINTS LITIGIEUX

[17]           Les points soulevés par la présente procédure de contrôle judiciaire sont les suivants :

·                     L’arbitre s’est-il conformé aux motifs exposés par le juge de Montigny?

·                     L’arbitre a-t-il commis une erreur dans sa manière d’interpréter la PPI?

 

IV.       L’ANALYSE

[18]           L’énoncé susmentionné des points à décider représente les seuls désaccords entre les parties. Les deux points litigieux ne sont pas soumis à la même norme de contrôle.

 

A.        La norme de contrôle

[19]           Le demandeur soutient que l’arbitre ne s’est pas conformé aux motifs du juge de Montigny. Selon lui, c’est la norme de la décision correcte qui est applicable, et la norme de la décision raisonnable ne vaut que comme norme subsidiaire. Selon les défendeurs, ce point en litige est englobé dans la décision de l’arbitre concernant l’interprétation de la PPI, et elle doit donc être évaluée selon la norme de la décision raisonnable.

 

[20]           Il est aujourd’hui constant en droit, depuis l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 57, que, si la jurisprudence a déjà établi la norme de contrôle devant s’appliquer à une question particulière, alors la cour siégeant en révision peut adopter cette norme.

 

[21]           Dans l’arrêt Canada (Commissaire de la concurrence) c. Supérieur Propane Inc, 2003 CAF 53, la Cour d’appel fédérale devait statuer sur une question semblable – celle de savoir si le Tribunal de la concurrence avait suivi les directives que lui avait données la Cour d’appel fédérale. La Cour ne s’est pas penchée spécifiquement sur la norme de contrôle parce que, de toute manière, la décision du Tribunal était conforme à la norme de la décision correcte; cela dit, la Cour a fait certaines observations incidentes selon lesquelles la norme de la décision correcte est applicable puisqu’il s’agit d’une question de droit.

 

[22]           Le juge Rothstein s’est exprimé sur l’obligation fondamentale de se conformer aux directives d’une cour de justice, en raison du principe du stare decisis et parce qu’il ne s’agit pas d’une obligation juridique.

54     Le principe du stare decisis est évidemment bien connu des avocats et des juges. Les tribunaux inférieurs doivent suivre le droit tel qu’il est interprété par une juridiction supérieure du même ordre de juridiction. Ils ne peuvent refuser de le faire: Canada Temperance Act (The), Re, [1939] O.R. 570 (C.A.), à la page 581, conf. par [1946] 2 D.L.R. 1 (C.P.); Woods v. The King, [1951] R.C.S. 504, à la page 515. Ce principe s’étend à l’obligation pour les tribunaux administratifs de suivre les directives qui leur sont données par une juridiction supérieure, comme en l’espèce. Lors du réexamen, le tribunal administratif a l’obligation de suivre les directives de la cour de révision.

 

[23]           La conclusion selon laquelle c’est la norme de la décision correcte qui est applicable à ce premier point est étayée par un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta, Shuchuk c. Alberta (Workers’ Compensation Board), 2012 ABCA 50, au paragraphe 14.

 

[24]           Le juge de Montigny a conclu que, s’agissant du deuxième point, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’appliquait. Je fais mien son raisonnement.

14     […] En fait, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il y a lieu de faire preuve de retenue à l’égard des arbitres qui doivent trancher des questions de ce genre : voir, par exemple, Alliance de la fonction publique Canada c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2005 CAF 366, au par. 18; Currie c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CF 733, aux par. 11 à 15, infirmé pour d’autres motifs par 2006 CAF 194, au par. 20; Nitschmann c. Canada, 2008 CF 1194, au par. 8, modifié pour d’autres motifs par 2009 CAF 263, au par. 8; Chan c. Canada (Procureur général), 2010 CF 708, au par. 17. Selon la norme de la raisonnabilité, la Cour est appelée à juger si la décision fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47.

 

B.        L’observation des directives de la Cour

[25]           Au paragraphe 10 de l’arrêt Supérieur Propane, précité, la Cour d’appel énumérait les points à prendre en compte pour savoir si un tribunal s’est conformé aux directives d’une cour de justice :

10     Pour déterminer si le Tribunal, dans sa décision à la suite du réexamen, n’a pas suivi les directives de la Cour d’appel fédérale, il faut considérer :

 

1.      le régime législatif en cause;

 

2.      les conclusions pertinentes du Tribunal dans sa décision originale;

 

3.      les éléments que la Cour a jugés erronés dans la décision originale du Tribunal;

 

4.      les conclusions de la Cour et les directives qu’elle a données au Tribunal;

 

5.      si le Tribunal, dans sa décision à la suite du réexamen, s’est conformé aux directives données par la Cour.

 

[26]           Les quatre premiers facteurs ont déjà été discutés dans la section « Contexte » des présents motifs. Plus précisément, la Cour n’a pas donné de directive précise privilégiant telle ou telle conclusion, et elle n’a rien fait d’autre que d’ordonner un réexamen qui soit en accord avec les motifs du juge de Montigny.

 

[27]           Dans ses motifs, le juge de Montigny a souligné que la première arbitre avait commis une erreur en se fondant (sans tenir compte d’autres parties de la PPI) sur l’article 2.7.3 de la PPI, étant donné que cette disposition ne s’appliquait pas aux indemnités en cause. En réalité, les directives du juge de Montigny visaient à faire en sorte que le deuxième arbitre ne commette pas la même erreur. Il ne s’agissait pas, comme l’a soutenu le demandeur, d’une directive ordonnant au deuxième arbitre de tenir expressément compte de l’article 2.1, plutôt que de l’article 2.7.3.

 

[28]           Le deuxième arbitre a fait ce que le juge de Montigny lui a demandé de faire puisqu’il ne s’en est pas remis au seul article 2.7.3 de la PPI comme possible justification d’un rejet des griefs.

 

[29]           Les arguments du demandeur selon lesquels l’arbitre n’a pas suivi les directives de la Cour parce qu’il n’a pas suivi l’approche moderne en matière d’interprétation et qu’il n’aurait pas tenu compte d’un élément essentiel du dossier sont irrecevables. Il n’y avait aucune directive du genre, et d’ailleurs ce sont des arguments qui intéressent surtout la question de savoir si la décision de l’arbitre était ou non raisonnable.

 

C.        Le caractère raisonnable de la décision

[30]           Le demandeur n’a pas véritablement prétendu que la décision de l’arbitre était déraisonnable. Il a fondé ses arguments sur le fait que l’arbitre n’aurait pas suivi les directives de la Cour.

 

[31]           La conclusion de l’arbitre était que les employés saisonniers étaient des « fonctionnaires » selon la PPI, même lorsqu’ils étaient en congé saisonnier. Sa conclusion était fondée sur divers facteurs : l’intention manifeste de la PPI et l’absence d’une exclusion des employés saisonniers, l’article intitulé « Champ d’application » décrivant la portée de la PPI, enfin la définition de « fonctionnaire », donnée par la PPI.

 

[32]           L’arbitre a appliqué, pour la PPI, la méthode moderne d’interprétation, d’une manière qui s’accorde avec les propos tenus par le juge de Montigny au paragraphe 15 :

15     Il est possible d’affirmer que les principes d’interprétation législative s’appliquent également aux conventions collectives et aux politiques qui en font partie. La principale méthode d’interprétation législative, qui est appelée la « méthode moderne », est décrite de la façon suivante par Mme Ruth Sullivan :

 

[traduction]

Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention des parties.

 

Elmer A. Driedger et Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd., Markham, Butterworths, 2002, aux p. 19 à 24.

 

[33]           Le demandeur n’a décelé aucune exclusion applicable en ce qui concerne les employés saisonniers et il n’a pas non plus constaté quoi que ce soit d’illogique dans le raisonnement de l’arbitre.

 

[34]           Compte tenu des motifs exposés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, il s’agit là du type même de décision qui devrait appeler de la part de la Cour une retenue considérable. C’est une décision qui concerne le domaine spécialisé des relations de travail, qui fait intervenir une disposition précise d’une convention collective et qui a été rendue à l’intérieur du domaine de spécialisation du décideur.

 

V.        DISPOSITIF

[35]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée, avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1292-11

 

INTITULÉ :                                      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

                                                            et

 

                                                            SCOTT BURDEN

                                                            MARTIN CYR

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 2 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS:

 

Anne-Marie Duquette

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Yazbeck

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Raven, Cameron, Ballantyne et Yazbeck LLP/s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.