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Date : 20120418


Dossier : IMM-1574-11

Référence : 2012 CF 446

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 avril 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

JEYAKUMARAN MUNEESWARAKUMAR

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

Dossier : IMM-1575-11

 

ET ENTRE :

 

JEYAKUMARAN MUNEESWARAKUMAR

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les défendeurs ont présenté une requête pour que soit rendue une ordonnance prorogeant le délai accordé par les ordonnances de M. le juge James O’Reilly, en date du 14 juillet 2011, pour la signification et le dépôt de leurs affidavits complémentaires, et leur permettant de déposer et signifier les affidavits complémentaires nunc pro tunc, ou selon ce qu’ordonnera la Cour. Les défendeurs sollicitent aussi des dépens de 500 $.

 

[2]               Les procédures sous-jacentes de contrôle judiciaire visaient à l’annulation de la décision défavorable rendue suite à la demande du demandeur fondée sur des considérations humanitaires, ainsi qu’à l’annulation de la décision défavorable rendue suite à sa demande liée à l’alinéa 115(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés; les décisions en question ont été rendues en février 2011.

 

[3]               En mars 2011, des accusations criminelles ont été déposées contre le demandeur. Un mandat d’arrêt a été délivré le 3 mars 2011. Les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire ont été déposées le 10 mars 2011.

 

[4]               Durant le mois de mars 2011, l’avocat du demandeur négociait avec les représentants de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) la remise en liberté de son client. Les représentants de l’ASFC étaient donc au fait des accusations portées contre le demandeur. Cependant, selon l’argument avancé au cours de l’audition de la présente requête, l’avocate des défendeurs n’en fut informée que bien plus tard, le 6 octobre 2011.

 

[5]               L’affidavit produit par le demandeur au soutien des demandes de contrôle judiciaire a été établi sous serment le 5 avril 2011. Il contenait la phrase suivante :

[TRADUCTION] Je soussigné, Jeyakumaran Muneeswarakumar, actuellement résidant du Centre correctionnel du Centre-Est, à Lindsay (Ontario), déclare sous serment ce qui suit :

 

 

[6]               Les affidavits complémentaires des défendeurs qui sont en cause ici traitent des onze nouvelles accusations criminelles déposées contre le demandeur.

 

[7]               Point litigieux

            Les défendeurs devraient-ils bénéficier d’une prorogation du délai qui leur a été accordé pour déposer les affidavits complémentaires?

 

Analyse et décision

 

[8]               L’article 8 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, autorise la Cour à proroger le délai imparti pour le dépôt d’affidavits.

 

[9]               Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Hennelly (1999), 244 NR 399, [1999] ACF n° 846, aux paragraphes 3 et 4, la Cour d’appel fédérale exposait ainsi le critère de l’octroi d’une prorogation de délai :

3.     Le critère approprié est de savoir si le demandeur a démontré :

 

            1.  une intention constante de poursuivre sa demande;

 

            2.  que la demande est bien fondée;

 

            3.  que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; et

 

            4.  qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai.

 

4.     Pour décider si l’explication du demandeur justifie ou non que soit accordée la prorogation de délai nécessaire, il faut se fonder sur les faits de chaque affaire particulière.

 

[10]           Les circonstances de la présente affaire sont quelque peu différentes de celles de l’affaire Hennelly, où il s’agissait d’un dossier qui n’avait pas été déposé dans le délai fixé. Ici, ce qui est demandé est une prorogation du délai imparti pour le dépôt d’affidavits. Je suis d’avis que le critère ci-dessus s’applique néanmoins également au cas présent.

 

[11]           Une intention constante de poursuivre sa demande

            Il ne fait aucun doute que les défendeurs ont toujours eu l’intention de défendre les décisions en cause dans ces demandes de contrôle judiciaire.

 

[12]           La demande est bien fondée

            Là encore, les arguments avancés par les défendeurs pour soutenir le bien-fondé de leur requête en prorogation satisferaient à ce volet du critère. Je fais observer que, en concluant de la sorte, je ne me prononce nullement sur le bien-fondé des décisions visées par les demandes de contrôle judiciaire.

 

[13]           Le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai

            Les défendeurs ont probablement raison d’affirmer que le demandeur ne subira aucun préjudice s’il est fait droit à leur requête. Le demandeur pourrait solliciter l’autorisation de produire d’autres documents pour compléter ses arguments. Les dépens additionnels éventuels pourraient être compensés par une adjudication de dépens.

 

[14]           Il existe une explication raisonnable justifiant le délai

            Les faits se rapportant à ce volet du critère méritent d’être rappelés. Les décisions contestées ont été rendues le 2 février 2011. Le demandeur a été accusé des infractions criminelles au début de mars 2011. En mars 2011, l’avocat du demandeur négociait avec les représentants de l’ASFC la remise en liberté de son client. Les défendeurs savaient en mars 2011 que le demandeur devait répondre à de nouvelles accusations, mais apparemment leur avocate n’en fut informée que le 6 octobre 2011.

 

[15]           S’agissant de cette requête, l’explication donnée par les défendeurs pour justifier le retard figure au paragraphe 4 de l’affidavit de Harminder Niki Singh :

[TRADUCTION] À cause d’un défaut d’attention, le ministère de la Justice n’a reçu que le 6 octobre 2011 les renseignements et documents concernant les accusations pesant contre le demandeur, et concernant sa détention.

 

 

 

[16]           Dans l’arrêt Hennelly, précité, la Cour d’appel fédérale s’exprimait ainsi, aux paragraphes 6 et 7 :

6.         Dans la présente affaire, le juge des requêtes a conclu que l’inattention n’était pas une explication suffisante pour justifier le retard de l’appelant.

 

7.         Nous ne voyons aucune raison probante d’intervenir dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge des requêtes qui a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à fournir une explication adéquate qui aurait justifié l’octroi d’une prorogation de délai.

 

 

 

[17]           Après lecture attentive de l’affidavit Singh, je ne suis pas convaincu que c’est l’auteur de l’affidavit qui s’occupait du dossier à l’ASFC. L’affidavit dit seulement que Harminder Niki Singh est un agent de liaison de l’ASFC en matière de justice et qu’il avait examiné le dossier du demandeur après qu’avait été reçue une demande de renseignements. Il est évident que, pour quelque raison, les défendeurs n’ont pas communiqué à leur avocate l’information concernant les accusations déposées contre le demandeur. La seule explication qu’ils ont donnée pour justifier le retard de mars 2011 au 6 octobre 2011 dans la transmission de l’information à leur avocate était un « défaut d’attention ». La Cour n’a aucune idée de ce qui a pu causer le défaut d’attention ou de ce dont il s’agissait exactement. Je dois donc conclure qu’il n’y a pas eu d’explication raisonnable justifiant le retard puisque les défendeurs avaient connaissance depuis mars 2011 des nouvelles accusations criminelles. Ce qui importe ici, c’est la date à laquelle les parties en ont eu connaissance, non la date à laquelle elles ont communiqué avec leurs avocats.

 

[18]           Les défendeurs ont aussi prétendu qu’une prorogation de délai devrait être accordée pour le dépôt des affidavits parce que ces affidavits étaient utiles pour l’argument de l’attitude irréprochable, l’argument de la futilité et l’argument de la crédibilité.

 

[19]           L’argument de l’attitude irréprochable repose sur le fait que le demandeur n’avait pas, dans l’affidavit accompagnant ses demandes de contrôle judiciaire, révélé les nouvelles accusations déposées contre lui. Je n’accorderais pas sur ce fondement la prorogation de délai, pour les motifs suivants. Le demandeur écrivait dans son affidavit qu’il résidait actuellement au Centre correctionnel du Centre-Est. C’est là le signe qu’il avait probablement été accusé d’une infraction. En outre, il se trouve que les défendeurs savaient effectivement en mars 2011 que le demandeur avait été accusé puisque des négociations se déroulaient en vue de sa remise en liberté.

 

[20]           Je n’accorderais pas non plus la prorogation de délai au titre de l’argument de la futilité. Il m’est impossible de savoir si le demandeur sera reconnu coupable des actes qui lui sont reprochés. D’ailleurs, les décisions futures qui seront rendues à l’égard du demandeur sont des décisions discrétionnaires. Ce que le représentant du ministre fait des accusations à la suite d’éventuelles déclarations de culpabilité constitue une décision discrétionnaire de sa part.

 

[21]           Finalement, s’agissant de la nécessité pour les nouveaux affidavits d’aborder les questions de crédibilité, je suis d’avis que les questions de crédibilité peuvent être traitées sur le fondement des pièces déjà produites dans les demandes de contrôle judiciaire.

 

[22]           La Cour est consciente également que, sauf quelques exceptions qui n’ont pas été invoquées ici, les pièces soumises au juge procédant au contrôle judiciaire sont les pièces que le décideur avait déjà devant lui. Selon la jurisprudence de la Cour, la preuve par affidavit pour laquelle est présentée une requête en prorogation de délai doit être pertinente et recevable.

 

[23]           Compte tenu de mes conclusions sur le critère de l’arrêt Hennelly, et après mise en balance desdites conclusions, je suis d’avis que la requête des défendeurs en prorogation du délai qui leur a été accordé pour le dépôt des affidavits complémentaires (dans chaque dossier) doit être rejetée.

 

[24]           Le demandeur a sollicité les dépens avocat-client dans la présente affaire. Gardant à l’esprit que la présente affaire concerne l’immigration, je ne suis pas convaincu qu’il y a des raisons spéciales justifiant une allocation de dépens (voir l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22).

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête des défendeurs soit rejetée.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1574-11

 

INTITULÉ :                                       JEYAKUMARAN MUNEESWARAKUMAR

 

                                                            - et -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                            DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE

                                                            LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA

                                                            PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 octobre 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 18 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Poulton

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Maria Burgos

Jelena Urosevic

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ronald Poulton

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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