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Date : 20120413


Dossier : IMM-2995-11

Référence : 2012 CF 421

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 avril 2012

En présence de madame la juge Tremblay‑Lamer

 

 

ENTRE :

 

MITRA KHOEI

MOHAMADREZA ALAVI TABATABAEI

GHAZAL ALAVI TABATABAEI

BABAK ALAVI TABATABAEI

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision rendue par A. Luhowy, conseiller en immigration (le conseiller), le 23 décembre 2010 ― la date a cependant été imprimée erronément comme étant le 23 novembre 2009. Le conseiller a déclaré les demandeurs interdits de territoire au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi pour fausses déclarations sur un fait important dans leur demande de résidence permanente.

 

LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE

[2]               Les demandeurs, Mitra Khoei, Mohamadreza Alavi Tabatabaei, Ghazal Alavi Tabatabaei, et Babak Alavi Tabatabaei, sont les membres d’une famille originaire de l’Iran. Mme Mitra Khoei (la demanderesse principale) a présenté une demande en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) à titre de pharmacienne, et son mari et ses enfants ont présenté leur demande à titre de membres de la famille de la demanderesse.

 

[3]               En 2006, la demanderesse principale a retenu les services de Arash Rahmatian, un consultant en immigration, pour l’aider à préparer la demande de sa famille. Le consultant n’était pas un consultant ou un avocat en immigration autorisé. Il a préparé la demande et l’a traduite en anglais. Cette demande a été déposée à l’ambassade du Canada à Téhéran le 2 mars 2006.

 

[4]               La demanderesse principale affirme qu’à son insu, M. Rahmatian a joint à sa demande le résultat d’un test IELTS (système d’évaluation en langue anglaise internationale) qui s’est révélé frauduleux (le faux document). La demanderesse principale soutient avoir posé des questions à M. Rahmatian spécifiquement sur l’obligation de passer un test IELTS dans le cadre de sa demande, mais elle ajoute qu’il lui a dit qu’elle pouvait faire le test dans les six mois suivant le dépôt des demandes. La demanderesse principale a ensuite passé un test IELTS le 22 juillet 2006 et en a remis le résultat à M. Rahmatian. L’ambassade du Canada à Damas a reçu le résultat légitime du test IELTS le 22 août 2006.

 

[5]               Les demandeurs soutiennent qu’ils n’ont jamais vu ou signé leur demande, ni reçu copie des documents que M. Rahmatian a présentés.

 

[6]               Pendant plusieurs années, les demandeurs n’ont obtenu aucune réponse à leur demande, jusqu’à ce que, le 21 janvier 2009, ils reçoivent une lettre les avisant que le consultant dont ils avaient retenu les services n’était pas un représentant autorisé.

 

[7]               Le 27 avril 2010, la demande a été transférée à l’ambassade du Canada à Varsovie dans le cadre d’un programme de réduction de l’arriéré. Le 26 août 2010, des fonctionnaires canadiens ont communiqué avec les demandeurs et leur ont demandé de fournir des renseignements à jour, la demande étant sur le point d’être traitée. En réponse, les demandeurs ont fourni des documents à jour, mais ils ont demandé que les résultats du test IELTS soumis le 22 août 2006 soient utilisés, la demanderesse principale ne pouvant obtenir un rendez‑vous pour faire le test au cours de la période requise. Les fonctionnaires canadiens ont confirmé qu’il n’était pas nécessaire de fournir de nouveaux résultats de test à ce moment‑là et ont accepté de prendre en considération les documents soumis précédemment.

 

[8]               Le 22 novembre 2010, l’agent d’immigration P. Maryszczak (l’agent) a fait parvenir à la demanderesse principale une lettre dans laquelle il a expliqué dans le détail les points qui, dans sa demande, posaient problème (la lettre relative à l’équité). Il lui a expliqué également qu’il avait été incapable de vérifier l’authenticité du faux document et qu’en conséquence, il songeait à la déclarer interdite de territoire pour fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. Un nouveau consultant dont les demandeurs avaient alors retenu les services a répondu le 22 décembre 2010. Il a affirmé que la demanderesse principale n’était pas au courant du faux document et qu’elle avait été victime d’un consultant en immigration frauduleux, et demandé qu’elle ne soit pas pénalisée pour les gestes de M. Rahmatian.

 

[9]               L’agent a écarté, au motif qu’elle n’était pas crédible, l’explication selon laquelle la demanderesse principale n’était pas au courant du faux document, puisque la demande indiquait clairement qu’un test de langue anglaise devait être joint à celle‑ci. Le 23 décembre 2010, le conseiller a accepté la recommandation de déclarer la demanderesse principale interdite de territoire pour fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi.

 

[10]           Le 19 janvier 2011, le nouveau consultant en immigration a communiqué par lettre avec l’ambassade du Canada à Varsovie pour demander que l’on accorde une considération spéciale à la situation de la demanderesse principale parce que cette dernière avait été victime d’une escroquerie. Les fonctionnaires canadiens n’ont pas répondu à cette lettre.

 

[11]           Le 8 mars 2011, après avoir appris qu’elle avait été déclarée interdite de territoire, la demanderesse principale a communiqué avec les fonctionnaires canadiens pour contester la conclusion relative au faux document. Les fonctionnaires canadiens ont répondu qu’ils ne reviendraient pas sur la décision antérieure.

 

LE DROIT APPLICABLE

[12]           L’alinéa 40(1)a) de la Loi prescrit ce qui suit :

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

 

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 

 

QUESTION PRÉLIMINAIRE

La Cour peut-elle prendre en considération les éléments de preuve que les demandeurs ont produits et qui n’ont pas été soumis à l’auteur de la décision?

[13]           Le défendeur soutient que les demandeurs ont produit des éléments de preuve qui n’avaient pas été portés à la connaissance du conseiller aux fins de sa décision. Il ajoute que les demandeurs n’ont pas le droit de produire de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire, si ce n’est pour régler des questions d’équité procédurale ou de compétence : Vong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1480, aux paragraphes 35, 36 et 38; Alabadleh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 716, paragraphe 6. Le défendeur soutient que ces exceptions ne s’appliquent pas dans la présente affaire et qu’en conséquence, la preuve devrait être radiée du dossier de demande. Je souscris à ce point de vue. Par conséquent, la Cour ne se fondera pas sur cette preuve supplémentaire.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[14]           Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

1)      Était‑il raisonnable pour le conseiller de conclure qu’il y a eu fausse déclaration?

2)      Dans l’affirmative, était‑il raisonnable pour le conseiller de conclure que cette fausse déclaration portait sur un fait important?

3)      Suivant l’alinéa 40(1)a), les demandeurs doivent‑ils être au courant de la fausse déclaration?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[15]           L’existence de fausses déclarations soulève une question mixte de fait et de droit; elle est par conséquent susceptible de révision selon la norme de la raisonnabilité : Karami c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 788, 349 FTR 96, au paragraphe 14.

 

[16]           La question de savoir si l’alinéa 40(1)a) inclut un élément de connaissance des fausses déclarations est une question de droit qui se rapporte à l’interprétation de la loi constitutive de l’agent, et sera donc elle aussi révisée suivant la norme du caractère raisonnable : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, aux paragraphes 46 et 48 :

[46]     Voici ce qu’affirment les juges Lebel et Cromwell au par. 22 des motifs dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) 

 

D’autre part, la Cour réaffirme que les questions de droit générales qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise de l’organisme juridictionnel demeurent assujetties à la norme de la décision correcte, et ce, dans un souci de cohérence de l’ordre juridique fondamental du pays.  [Je souligne.]

 

En d’autres termes, depuis Dunsmuir, pour que s’applique la norme de la décision correcte, la question doit non seulement revêtir une importance capitale pour le système juridique, mais elle doit aussi être étrangère au domaine d’expertise du décideur

 

[...]

 

[48]      Pour le commissaire, interpréter le par. 50(5) de la PIPA revient à interpréter sa loi constitutive, relève de son expertise et ne soulève pas de questions de droit générales, ni de questions touchant véritablement à la compétence.  Le contrôle de sa décision portant que la prorogation du délai après les 90 jours impartis ne met pas automatiquement fin à l’enquête doit donc s’effectuer selon la norme de la raisonnabilité. [Non souligné dans l’original.]

 

 

L’ANALYSE

 

Première question      Était‑il raisonnable pour le conseiller de conclure qu’il y a eu fausse déclaration?

 

 

[17]           Les demandeurs soutiennent qu’il n’y a pas eu de fausse déclaration, puisque le faux document n’était clairement pas le résultat d’un test. S’il imite l’apparence d’un rapport de test IELTS, l’on peut y lire cependant qu’il est « simplement un document interne ». Une personne raisonnable n’aurait donc pas pu conclure qu’il s’agissait d’un rapport de test IELTS, de sorte qu’il n’y a eu aucune fausse déclaration.

 

[18]           Le défendeur soutient que le faux document était clairement conçu pour amener les autorités de l’immigration à croire erronément qu’il s’agissait d’un rapport de test IELTS. À son avis, il y a donc clairement eu fausse déclaration.

 

[19]           La Cour est d’avis, comme le défendeur, que le faux document constitue une fausse déclaration : un examen de son apparence physique révèle qu’il est clairement conçu pour imiter l’apparence d’un rapport de test IELTS. La présentation du faux document n’avait aucun autre objectif plausible que d’amener les autorités de l’immigration à croire erronément que le dossier était complet et que la demanderesse principale avait satisfait aux exigences linguistiques. L’agent effectuant un premier examen du dossier pour vérifier s’il était complet ne remarquerait pas nécessairement qu’il était frauduleux. Je ne crois pas qu’une personne raisonnable puisse affirmer que ce document avait un objectif autre que celui d’induire en erreur. Il était donc parfaitement raisonnable pour le conseiller de conclure qu’il visait à amener les autorités à croire erronément qu’il était un résultat de test authentique.

 

Deuxième question    Dans l’affirmative, était‑il raisonnable pour le conseiller de conclure que cette fausse déclaration portait sur un fait important?

 

[20]           Les demandeurs soutiennent subsidiairement que, s’il y a eu fausse déclaration, celle‑ci ne portait pas sur un fait important. Ils invoquent le Guide d’exécution de la loi ENF 2 de CIC, intitulé Évaluation de l’interdiction  de territoire, selon lequel une fausse déclaration ne se rapporte à un fait important que si elle a une incidence sur le processus. Puisque seuls les plus récents résultats de test de langue doivent être pris en considération, le faux document ne pouvait avoir eu une incidence sur le processus.

 

[21]           Les demandeurs invoquent l’affaire Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 166. Dans cette affaire, le demandeur a fait une fausse déclaration en soumettant un document frauduleux, mais la Cour a conclu que cette fausse déclaration ne se rapportait pas à un fait important.

 

[22]           Les demandeurs soutiennent que la présente affaire est similaire aux affaires Zaib c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 769, et Medel c Canada (Ministre de l’emploi et de l’Immigration), [1990] 2 CF 345 (CA) : dans ces affaires, l’agent des visas a mal renseigné les demandeurs sur les raisons pour lesquelles on estimait qu’il y avait eu fausses déclarations. Les demandeurs affirment que l’agent les a induits en erreur dans la lettre relative à l’équité lorsqu’il a affirmé qu’ils avaient soumis un rapport de test IELTS non vérifiable—le faux document n’étant manifestement pas un résultat de test, ce renseignement était inexact.

 

[23]           Les demandeurs soutiennent également que l’agent a commis une erreur en concluant que leur réponse à la lettre relative à l’équité n’était pas plausible—puisque leur consultant était à ce point dénué de scrupule qu’il a falsifié le résultat d’un test de langue, il était déraisonnable de conclure qu’il ne falsifierait pas également le formulaire sur lequel les demandeurs étaient censés avoir reconnu qu’ils avaient soumis ces résultats.

 

[24]           Le défendeur soutient que les observations des demandeurs sur l’importance du fait sont contraires au libellé de l’alinéa 40(1)a) de la Loi—lorsque le faux document a été soumis, il était l’unique élément de preuve des compétences linguistiques de la demanderesse principale. S’il n’avait pas été soumis, la demande aurait été réputée être incomplète et elle aurait été retournée. Donc, la fausse déclaration a eu une incidence sur le processus, et elle portait sur un fait important : Guan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 274. Je souscris à cette opinion.

 

[25]           Pour déterminer si une fausse déclaration porte sur un fait important, il faut examiner le libellé de la disposition, et l’objectif qui la sous‑tend.

 

[26]           L’alinéa 40(1)a) doit fait l’objet d’une interprétation libérale pour promouvoir l’objectif qui le sous‑tend : Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512, au paragraphe 25. L’objectif de cette disposition est de dissuader les fausses déclarations et de maintenir l’intégrité du processus d’immigration—pour accomplir cet objectif, l’on impose au demandeur l’obligation de veiller à ce que son dossier soit complet et exact. L’alinéa 40(1)a) est libellé en des termes généraux pour englober également les fausses déclarations qui sont faites par des tierces parties, à l’insu du demandeur : Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 942, au paragraphe 35; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, aux paragraphes 55 et 56. Le demandeur ne peut faire une présentation erronée sur un fait important ni une réticence sur ce fait si cela entraîne un erreur dans l’application de la Loi.

 

[27]           Dans la présente affaire, le fait auquel se rapporte la fausse déclaration avait trait à la question de savoir si la demanderesse principale avait réussi un test de langue IELTS. Il ne fait aucun doute que ce fait était important dans le cadre de sa demande—les demandeurs relevant de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) doivent démontrer leurs compétences linguistiques pour être acceptés. Dès que le faux document a été soumis, il aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi, parce que l’auteur de la décision aurait pu l’invoquer pour conclure que la demanderesse principale avait démontré ses compétences linguistiques.

 

[28]           Je crois, comme le défendeur, que, pour se rapporter à un fait important, une fausse déclaration ne doit pas nécessairement être décisive ou déterminante. Elle se rapportera à un fait important si elle est suffisamment importante pour avoir une incidence sur le processus. Le faux document était donc clairement un fait important étant donné que la demande n’aurait pu être traitée en son absence. 

 

[29]           Le fait que la fausse déclaration a été relevée avant l’évaluation finale de la demande n’aide pas les demandeurs. L’analyse sur l’importance ne se limite pas à un moment donné dans le temps dans le cadre du traitement de la demande—le fait que la demanderesse principale avait soumis des résultats de test de langue plus récents ne rend pas la fausse déclaration antérieure sans importance. Un tel résultat témoignerait d’une compréhension restreinte de l’importance du fait qui va à l’encontre du libellé et de l’objectif de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. Le faux document a été soumis et il avait trait à un fait important.

 

[30]           La présente affaire se distingue de l’affaire Ali, précitée : dans cette affaire, le document frauduleux était sans importance aux fins de la résolution de la demande. Dans la présente affaire, les résultats du test de langue sont clairement pertinents aux fins de la demande en cause. La décision rendue dans l’affaire Zaib se distingue elle aussi : l’agent dans cette affaire a été informé par erreur qu’une lettre confirmant le diplôme du demandeur avait été falsifiée—une autre preuve a démontré que le diplôme même était authentique. Dans la présente affaire, le « test » dont le faux document vise à fournir les résultats ne s’est jamais produit, de sorte que le raisonnement suivi dans cette affaire ne s’applique pas.

 

[31]           En conséquence, je conclus que l’agent des visas a conclu raisonnablement que le faux document constituait une fausse déclaration portant sur un fait important au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi.

 

Troisième question    Suivant l’alinéa 40(1)a), les demandeurs doivent‑ils être au courant de la fausse déclaration?

 

[32]           Les demandeurs affirment que, pour être déclarée interdite de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi, une partie doit avoir été animée d’une intention subjective, c.‑à‑d. qu’elle doit avoir eu connaissance de la fausse déclaration.

 

[33]           Les demandeurs citent la décision rendue récemment par le juge Hughes dans l’affaire Osisanwo et al c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1126 (Osisanwo), portant sur la même question. Dans l’affaire Osisanwo, la demanderesse a été déclarée interdite de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) parce qu’elle avait inscrit son mari comme étant le père de ses deux enfants, alors qu’en fait, il était le père biologique de l’un d’eux seulement. La couple s’était séparé brièvement près de 30 ans auparavant, et au cours de cette séparation, la demanderesse avait eu une liaison d’un jour avec un autre homme. Le couple s’était ensuite réconcilié, et ni l’un ni l’autre n’avait soupçonné que le mari puisse ne pas être le père de l’enfant en question. Ce fait n’a été mis en lumière que lorsqu’un agent de CIC a ordonné un test d’ADN. En dépit du fait que la demanderesse n’était pas au courant, elle a été déclarée interdite de territoire pour fausse déclaration en vertu de l’alinéa 40(1)a). 

 

[34]           Lorsqu’il a effectué le contrôle judiciaire de cette décision, le juge Hughes a passé en revue des affaires dans lesquelles la conclusion relative à la fausse déclaration avait été maintenue, et il a souligné qu’elles contenaient toutes un élément de mens rea ou d’intention subjective. Il a conclu que, parce que les demandeurs dans la décision faisant l’objet de la révision n’avaient eu aucune raison de croire qu’ils faisaient une fausse déclaration sur un fait important, il était déraisonnable de les déclarer interdits de territoire pour fausses déclarations. Il a certifié une question à cet égard, mais le défendeur n’a pas donné suite à l’appel.

 

[35]           J’estime que la décision rendue dans l’affaire Osisanwo n’aide pas les demandeurs dans la présente affaire. Cette décision reposait sur un ensemble de faits fort inhabituels, et elle ne peut être invoquée pour soutenir généralement qu’une fausse déclaration nécessite dans tous les cas un élément de connaissance subjective. Au contraire, la règle générale veut qu’il puisse y avoir fausse déclaration à l’insu du demandeur, ainsi que le juge Russel l’a signalé dans l’affaire Jiang, précitée, au paragraphe 35 :

[35]           En ce qui concerne l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, la Cour a déjà donné une interprétation libérale et solide de l’article 40. Dans Khan, précitée, le juge O’Keefe a statué que le libellé de la Loi doit être respecté et qu’il faut donner de l’article 40 l’interprétation large que son libellé exige. Il a dit aussi que l’article 40 s’applique lorsque le demandeur adopte une fausse déclaration, mais la clarifie ensuite avant qu’une décision soit rendue. Dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, la Cour a statué que l’article 40 s’applique à un demandeur lorsque la fausse déclaration a été faite par une autre partie à la demande et que le demandeur ignorait cette fausse déclaration. La Cour a affirmé qu’une lecture initiale de l’article 40 n’étayait pas cette interprétation, mais que la disposition devait être interprétée de cette façon pour éviter un résultat absurde [Non souligné dans l’original]

 

Cette règle a souffert une exception restreinte dans quelques affaires, mais cette exception ne s’appliquera que dans des circonstances véritablement exceptionnelles, lorsque le demandeur a cru honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait aucune fausse déclaration sur un fait important. 

 

[36]           Dans l’affaire Osisanwo, le juge Hughes cite la décision rendue par le juge Harrington dans l’affaire Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 378. Dans cette affaire, le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour fausse déclaration au motif qu’il avait omis de divulguer l’existence d’un enfant alors que, de l’avis de la Commission, il aurait dû soupçonner qu’il était le sien. (À remarquer qu’à l’instar des demandeurs dans la présente affaire, ce demandeur a été jugé non crédible.) Le juge Harrington a songé à certifier une question similaire à celle qui a été certifiée dans l’affaire Osisanwo, précitée, mais il a conclu que la décision était déraisonnable pour d’autres motifs.

 

[37]           Le passage de la décision rendue dans l’affaire Singh auquel s’est reporté le juge Hughes contient une partie souvent citée de la décision rendue par le juge O’Reilly dans l’affaire Baro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1299 :

[15]           Aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, une personne est interdite de territoire au Canada si elle fait une réticence sur un fait important quant à un objet pertinent, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application  de la Loi. De façon générale, un demandeur de la résidence permanente est soumis à une « obligation de franchise » qui l’oblige à révéler les faits importants. Ce devoir s’étend aux variations possibles de la situation personnelle du demandeur, y compris un changement d’état matrimonial : Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 3 C.F. 299 (C.F. 1re inst.) (QL). Même une omission innocente de fournir des renseignements importants peut mener à une conclusion d’interdiction de territoire; par exemple, la demanderesse qui omet d’inclure la totalité de ses enfants dans sa demande peut être interdite de territoire : Bickin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1495 (C.F. 1re inst.) (QL). Il y a toutefois une exception si les demandeurs peuvent montrer qu’ils croyaient honnêtement et raisonnablement ne pas dissimuler des renseignements importants : Medel c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 C.F. 345, [1990] A.C.F. no 318 (C.A.F.) (QL).

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[38]           Même si elle est fréquemment citée, l’« exception » dont il est question dans ce passage a été appliquée dans peu de cas. L’affaire dont elle tire son origine, Medel, précitée, mettait en cause un ensemble de faits inhabituels : la demanderesse était parrainée par son mari, mais à son insu, ce dernier lui avait retiré son parrainage. Les fonctionnaires canadiens ont ensuite induit la demanderesse en erreur en lui demandant de retourner le visa parce que, soutenaient‑ils, il contenait une erreur. Ils ont laissé entendre qu’ils le corrigeraient, puis le lui retournerait. La demanderesse a demandé à des membres de sa famille qui parlaient l’anglais d’examiner le visa et, après qu’ils lui eurent assuré que celui‑ci était en ordre, elle l’a utilisé pour venir au Canada. La Commission d’appel de l’immigration a conclu qu’elle était une personne décrite à l’alinéa 27(1)e) de l’ancienne Loi sur l’immigration de 1976, LC 1976‑1977, c 52 [aujourd’hui LRC (1985), c I‑2)], à savoir qu’elle avait « obtenu le droit d’établissement [...] par des moyens frauduleux ou irréguliers ». Cette conclusion a été infirmée par la Cour d’appel fédérale, la demanderesse ayant eu « des motifs raisonnables de croire » qu’elle n’avait omis de fournir aucun renseignement pertinent aux fins de son admission.

 

[39]           Examinée dans ce contexte factuel, l’exception énoncée dans l’affaire Medel est donc assez étroite. Ainsi que le juge MacKay l’a indiqué lorsqu’il a distingué l’affaire dont il était saisi dans l’affaire Mohammed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 3 CF 299 :

41     On peut également établir une distinction entre les faits de la présente espèce et ceux de l'affaire Medel, au motif que le renseignement que le requérant n'a pas communiqué n'était pas un renseignement dont il n'était véritablement et subjectivement pas au courant. En l'espèce, le requérant savait bien qu'il était marié. Et il ne s'agissait pas, comme dans l'affaire Medel, d'un renseignement dont la connaissance échappait à sa volonté. Il ne s'agissait pas d'un renseignement qu'on lui avait dissimulé ou au sujet duquel il avait été induit en erreur par les fonctionnaires de l'ambassade. La présumée ignorance du requérant en ce qui concerne l'obligation de signaler un tel changement important survenu dans son état matrimonial et son incapacité de communiquer ce renseignement à son arrivée à un agent d'immigration ne constituent pas, selon moi, une "ignorance subjective" de renseignements importants au sens de l'arrêt Medel. [Non souligné dans l’original.]

 

En outre, je souligne que, dans l’affaire Medel, il y avait un facteur déterminant, à savoir que la demanderesse avait eu des motifs raisonnables de croire qu’elle ne cachait aucun renseignement aux autorités canadiennes. Par opposition, dans l’affaire dont la Cour est saisie en l’espèce, les demandeurs n’ont pas agi raisonnablement—la demanderesse principale n’a pas examiné sa demande pour s’assurer de son exactitude.

 

[40]           Il ne faut pas oublier que les étrangers qui souhaitent venir au Canada ont une obligation de sincérité :  Bodine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 848, au paragraphe 41; Baro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1299, au paragraphe 15. Le paragraphe 16(1) de la Loi prescrit que « [l]’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis ».

 

[41]           Ainsi qu’on peut le lire dans l’affaire Bodine (paragraphe 44) :

[...] L’objectif de l’alinéa 40(1)a) de la Loi est de veiller à ce que les demandeurs fournissent des renseignements complets, fidèles et véridiques en tout point lorsqu’ils présentent une demande d’entrée au Canada (voir De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512, et Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, confirmée pour d’autres motifs dans l’arrêt 2006 CAF 345). Dans certains cas, même le silence peut constituer une fausse déclaration (voir Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 3 C.F. 299) et les faits en l’espèce constituaient bien plus qu’un simple silence.

 

 

 

[42]           Conformément à cette obligation de sincérité, selon moi, le demandeur a en outre l’obligation de s’assurer que, lorsqu’il présente une demande, les documents sont complets et exacts. Il est trop facile de clamer son innocence plus tard et de blâmer une tierce partie lorsque, comme dans la présente affaire, le formulaire de demande a clairement indiqué que les résultats de test de langue devaient être joints, et que le formulaire exigeait la signature des demandeurs. Ce n’est que dans des cas exceptionnels où un demandeur peut démontrer qu’il a cru honnêtement et raisonnablement qu’il ne dissimulait aucun renseignement important, « dont la connaissance échappait à sa volonté », qu’il peut invoquer une exception à l’application de l’alinéa 40(1)a). Tel n’est pas le cas en l’espèce.

 

[43]           Les demandeurs allèguent qu’ils n’étaient pas au courant de la fausse déclaration et souhaitent rejeter le blâme sur leur consultant en immigration. En fait, ils soutiennent ne même pas avoir signé leurs formulaires de demande. En conséquence, affirment‑ils, le fait que leur consultant était frauduleux devrait servir de défense à l’application de l’alinéa 40(1)a). 

 

[44]           Sur cet argument, les commentaires du juge Mosley dans l’affaire Haque c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 315, au paragraphe 16, sont révélateurs :

[16]           Le demandeur se trouvait au Bangladesh lorsque la demande mise à jour a été soumise. Il a reconnu lors d’une conversation téléphonique, le 26 mai, qu’il [traduction] « aurait pu signer un formulaire vierge pour le consultant ». Le nouveau formulaire renfermait d’autres contradictions. Apparemment, le demandeur s’en est remis au consultant pour fournir les renseignements nécessaires sans en vérifier personnellement l’exactitude.

 

Dans la présente affaire, les demandeurs ont choisi de s’en remettre à leur consultant. La demanderesse principale soutient n’avoir ni signé le formulaire, ni ne l’avoir passé en revue. Il serait contraire à l’obligation de sincérité des demandeurs de permettre à la demanderesse principale d’invoquer aujourd’hui son omission d’examiner sa propre demande. Il lui incombait de veiller à ce que sa demande soit véridique et complète—elle a fait preuve de négligence dans l’exécution de cette obligation.

 

[45]           De plus, pour que les demandeurs invoquent une « défense » à la conclusion de fausses déclarations, cette défense doit reposer sur la loi ou sur la common law. À mon avis, il n’existe aucune défense de cette nature dans la Loi : le libellé de l’alinéa 40(1)a) est suffisamment général pour englober les fausses déclarations faites par une autre partie, dont le demandeur n’est pas au courant : Wang, précitée, aux paragraphes 55 et 56. En outre, dans l’affaire Haque c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 315, la Cour a statué que la responsabilité du consultant en immigration à l’égard de la fausse déclaration n’était pas une défense. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les demandeurs ne peuvent pas se prévaloir de l’exception à l’égard d’une erreur commise en toute innocence.

 

[46]           Je ne crois pas non plus qu’il existe une défense pertinente en common law. Les demandeurs avaient droit à l’application des principes d’équité procédurale, mais ce droit était fort limité, et il a été respecté dans la présente affaire : ils ont reçu la lettre relative à l’équité les informant des questions que se posait l’agent sur le faux document, et leur donnant 30 jours pour répondre. La réponse des demandeurs à la lettre relative à l’équité a tenu dans un bref courriel de leur nouveau consultant, qui a affirmé qu’ils avaient été trompés par leur ancien consultant, et qui a demandé qu’ils ne soient pas pénalisés pour les gestes de ce dernier.

 

[47]           Ainsi que le révèlent les notes du STIDI, l’agent a examiné cette réponse, mais il a conclu qu’elle n’était pas crédible, puisque le formulaire de demande indiquait clairement que les résultats du test de langue étaient joints et que le formulaire était signé par les demandeurs. La Cour estime qu’il était raisonnablement loisible à l’agent d’en arriver à cette conclusion, compte tenu de la simple affirmation des demandeurs qu’ils avaient été trompés. Les demandeurs n’ont présenté aucune preuve à l’appui de leur prétention selon laquelle ils n’avaient rien eu à voir avec la fausse déclaration, et l’agent n’est pas tenu de fouiller davantage si la réponse des demandeurs à la lettre relative à l’équité était insuffisante : Pan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 838, au paragraphe 28. Ainsi que le juge Crampton (maintenant juge en chef de la Cour) l’a dit, « [i]mposer de telles contraintes à l’agent des visas reviendrait à lui demander de donner avis préalable d’une décision défavorable, obligation qui a été explicitement écartée (Ahmed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 940 (QL); Sharma, précitée) » (ibid, paragraphe 28). Les demandeurs n’ont pas le droit de tenter encore aujourd’hui de prouver qu’ils ont été victimes de fraude et que, par conséquent, ils ne devraient pas être déclarés interdits de territoire.

 

[48]           Les demandeurs souhaitent invoquer la décision rendue dans l’affaire Doe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 284, au paragraphe 28, à l’appui de l’affirmation selon laquelle la négligence du consultant (ou, dans la présente affaire, la fraude du consultant) ne devrait pas causer préjudice au demandeur qui a agi avec prudence. Or, ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les demandeurs dans la présente affaire n’ont pas agi avec prudence—ils n’ont pas assumé leur responsabilité à l’égard du contenu de leur demande ni examiné celle‑ci avant de la soumettre. De même, je ne crois pas que les demandeurs puissent avoir cru raisonnablement qu’ils n’étaient pas tenus de signer leurs demandes. Pour ainsi dire, toutes les demandes de quelque importance qu’elles soient doivent être signées, et un coup d’œil rapide au formulaire de demande leur aurait permis de voir la ligne sur laquelle ils devaient apposer leur signature. Il incombe au demandeur de vérifier que les renseignements requis sont exacts et complets avant d’apposer sa signature. Il ne suffit pas de faire preuve de diligence, puis de plaider l’ignorance lorsque la faute est relevée. En conséquence, les demandeurs ne peuvent se fonder sur le raisonnement suivi dans cette affaire pour invoquer une défense à la conclusion de fausses déclarations.

 

[49]           En outre, il me semble que, lorsqu’un consultant, comme dans la présente affaire, fournit des renseignements qui ne coïncident pas avec les directives fournies dans une demande, le demandeur devrait être conscient de la possibilité que les conseils de ce consultant ne soient pas exacts et il devrait s’informer auprès des fonctionnaires avant de signer la demande pour s’assurer que les propos du consultant sont exacts.

 

[50]           Les demandeurs soutiennent que l’agent des visas ne s’est pas acquitté de l’obligation de diligence requise dans la situation. Ils affirment que le faux document aurait dû leur être retourné dès sa réception, parce qu’il était clairement une copie et non un original. L’argument des demandeurs semble être une tentative de distinguer l’aspect frauduleux du faux document de ses autres lacunes—à savoir que l’agent des visas aurait dû dans un premier temps constater que le faux document était une copie et non un original, puis, plutôt que de l’examiner de manière plus approfondie, le retourner immédiatement aux demandeurs et leur demander l’original à la place.

 

[51]           Le concept de l’obligation de diligence ne s’applique pas dans ce contexte‑ci—les demandeurs devaient agir avec sincérité, obligation dont ils ne se sont pas acquittés. Le premier agent de contrôle a eu pour tâche uniquement de vérifier si le dossier de demande était « complet ». Il n’était tenu à aucune « obligation de diligence » envers les demandeurs.

 

[52]           Les exigences en matière d’équité procédurale—qui existaient effectivement—ont bien été respectées. Lorsque l’agent des visas a par la suite examiné le faux document, il y a relevé plusieurs problèmes (probablement le fait également qu’il était manifestement une copie), ce qui l’a amené à conclure qu’il était frauduleux. L’obligation de l’agent des visas à ce moment‑là était d’informer les demandeurs qu’ils risquaient d’être déclarés interdits de territoire pour fausses déclarations. Il s’est acquitté de cette obligation en envoyant la lettre relative à l’équité et a donc satisfait aux exigences en matière d’équité procédurale.

 

[53]           La Cour reconnaît que le problème des consultants en immigration fraudulent est sérieux. Toutefois, ce problème n’ouvre pas la porte à une défense à l’encontre de l’application de l’alinéa 40(1)a). En outre, sous réserve de l’exception restreinte dont il a été question précédemment, la Cour a conclu dans tous les cas qu’un demandeur peut être interdit de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)a) pour fausses déclarations faites à son insu par une autre personne. L’on ne peut donc clairement pas assortir l’article 40 d’un élément d’intention subjective ou de connaissance : cela serait contraire à l’interprétation générale qu’imposent le libellé et l’objet de la disposition. 

 

[54]           La demande doit par conséquent être rejetée.

 

Question certifiée

[55]           Les demandeurs ont soumis la question suivante pour certification par la Cour :

La présentation erronée sur un fait important emporte‑t‑elle interdiction de territoire si, au moment où il présente sa demande de résidence permanente ou au moment où il obtient le statut de résident permanent, l’étranger n’a aucune connaissance du fait important auquel a trait la présentation erronée?

 

 

[56]           Le défendeur soutient qu’aucune question ne devrait être certifiée dans la présente affaire, puisqu’il faudrait présumer qu’un nombre trop élevé de conclusions factuelles seraient tirées en faveur des demandeurs. Toutefois, si la Cour n’est pas d’accord avec ses observations à cet égard, le défendeur soutient que la question suivante devrait être certifiée :

Lorsqu’une documentation est soumise à l’appui d’un formulaire de demande signé de résidence permanente au Canada, mais que le demandeur affirme ultérieurement qu’il n’a aucune connaissance de la documentation soumise ou d’une partie de celle‑ci, demeure‑t‑il responsable de la véracité de toute la documentation soumise à l’appui aux fins de l’application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, modifiée?

 

 

[57]           Pour être certifiée, une question doit naître de l’affaire dont la Cour est saisie et soulever une question de droit de portée générale qui n’a pas déjà été tranchée par la Cour fédérale : Hyunh c R, [1995] 1 CF 633, 88 FTR 60. Compte tenu du raisonnement exposé précédemment, j’en arrive à la conclusion que la réponse à cette question est déjà bien établie dans la jurisprudence de la Cour, de sorte que je refuse de certifier la question.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE ce qui suit :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2995-11

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Mitra Khoei et autres  c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Tremblay-Lamer

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS

 

David Chalk

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Normand Lemyre

Catherine Brisebois

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Robinson Sheppard Shapiro

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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