Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120423

Dossier : T‑948‑11

Référence : 2012 CF 465

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 avril 2012

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

SYVERT MYTTING

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, M. Syvert Mytting conteste la décision par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé sa demande d’allègement des intérêts accumulés sur sa dette fiscale. M. Mytting soutient que le principe de la préclusion empêche le ministre d’exiger le paiement des intérêts en question en raison des renseignements qu’il a transmis au demandeur et qui ont induit ce dernier en erreur au sujet de sa dette fiscale. À titre subsidiaire, le demandeur fait valoir que la décision du ministre était déraisonnable.

 

[2]               La plainte de M. Mytting est dénuée de fondement. M. Mytting n’a pas démontré que le ministre l’avait induit en erreur ou que la décision de ce dernier de refuser sa demande d’allègement des intérêts était déraisonnable. D’ailleurs, M. Mytting savait ou aurait dû savoir que des intérêts s’accumuleraient sur le solde dû à la suite de l’établissement d’une nouvelle cotisation relativement à sa déclaration de revenus de 1998. Or, M. Mytting n’a rien fait pour atténuer son éventuelle dette.

 

I. Contexte

[3]               En juin 2000, M. Mytting a tenté de faire rajuster ses revenus déclarés de 1998 d’un montant supplémentaire de 105 965 $. Ce montant correspondait à un prêt non remboursé que son entreprise lui avait consenti et qu’après un an, il devait comptabiliser dans ses revenus personnels. Dans les cinq mois qui ont suivi, l’ARC a établi à son égard une nouvelle cotisation dans laquelle elle lui a réclamé un montant supplémentaire de 56 987 $ en impôts. M. Mytting a reconnu cette dette fiscale et a eu des discussions avec des fonctionnaires de l’ARC en vue de son remboursement. Il affirme qu’il n’était pas en mesure à ce moment‑là de faire [traduction] « un paiement dans l’immédiat ». Vers la même époque, M. Mytting a déposé un avis d’opposition au sujet de l’impôt payable pour les années d’imposition 1997, 1998 et 1999. Ce différend, qui concernait des pertes d’entreprise découlant d’un placement qu’il avait effectué dans un abri fiscal, a finalement été réglé en 2007. Vers la même époque, M. Mytting a reçu de l’ARC un état de compte dans lequel on lui réclamait un montant supplémentaire à la suite du rajustement apporté à sa déclaration de revenus de 1998 au titre de ses revenus personnels. M. Mytting affirme qu’il était étonné du montant à payer parce que les états antérieurs que l’ARC lui avait adressés ne faisaient pas état d’une obligation fiscale importante. Il affirme également que, s’il avait été au courant de sa dette fiscale, il aurait augmenté le montant de ses versements réguliers ou aurait fait un paiement global pour éviter l’accumulation d’intérêts.

 

[4]               Bien que M. Mytting reconnaisse avoir reçu régulièrement des états de compte de l’ARC, il affirme que ces documents étaient trompeurs parce qu’ils n’indiquaient pas ce qu’il devait en réalité et qu’on y précisait qu’on l’informerait de tout autre montant impayé non contesté.

 

[5]               Le problème fondamental de l’argument de M. Mytting est que, contrairement à ce qu’il a affirmé au ministre, il n’a pas été mal renseigné au sujet de ses obligations fiscales. Il savait qu’il devait un montant important en impôts pour l’année d’imposition 1998 puisqu’il avait déjà entrepris des démarches pour faire modifier ses revenus en produisant une demande de redressement d’une T‑1 pour l’année 2000. Il ne nie pas qu’il n’était pas en mesure d’acquitter les arriérés à ce moment‑là et qu’il discutait à cette époque avec des fonctionnaires de l’ARC en vue de la conclusion d’une entente de remboursement. Bien qu’il ait déposé un avis d’opposition portant sur l’année d’opposition 2008 relativement à des questions distinctes, rien ne l’autorisait à présumer que le montant dû à la suite de l’augmentation de ses revenus personnels pour l’année en cause avait disparu ou que l’ARC y avait renoncé. C’est dans ce contexte que les états de compte de l’ARC dont il se plaint doivent être examinés.

 

[6]               M. Mytting a été avisé à plusieurs reprises dans les états de compte en question que le solde dû qui y était indiqué ne comprenait pas les montants impayés se rapportant aux années d’imposition pour lesquelles un avis d’opposition avait été déposé. Chacun des relevés en question indiquait le montant impayé qui était alors provisoirement exigible (p. ex., 23 février 2004 : 85 918,17 $ et 5 mars 2007 : 107 337,63 $) et informait M. Mytting que les intérêts continueraient à s’accumuler. L’affirmation de M. Mytting suivant laquelle il a été [traduction] « surpris par l’importance de la somme » réclamée en 2007 est également démentie par la lettre qui lui a été envoyée le 11 septembre 2006 qui l’informait de façon claire que le solde de son compte pour l’année d’imposition de 1998 s’élevait à 90 452,39 $, montant qui comprenait des intérêts accumulés de 37 056,60 $. De plus, les notes que les fonctionnaires de l’ARC ont inscrites au dossier font état d’un dialogue continu entre M. Mytting et eux‑mêmes au sujet de ses obligations fiscales non acquittées. Les états de compte produits par l’ARC permettaient raisonnablement de supposer que les montants provisoirement dus n’étaient pas exigibles sur‑le‑champ, mais que des intérêts continueraient à s’accumuler sur le montant qui serait finalement considéré comme étant payable.

 

[7]               M. Mytting reproche à l’ARC d’avoir attendu jusqu’au milieu de l’année 2007 avant de l’informer du montant précis qu’il devait pour son année d’imposition 1998. C’est peut‑être le cas, mais il n’en demeure pas moins qu’il devait savoir qu’il courait un risque en ne payant pas ce qu’il savait qu’il devait au titre des revenus supplémentaires gagnés en 1998. Il espérait peut‑être que les rajustements qu’il réclamait par ailleurs pour l’année en question compenseraient le montant qu’il savait qu’il devait, mais rien dans les communications que l’ARC lui a adressées ne justifiait un tel optimisme de sa part.

 

[8]               La présente situation est en tout point identique à celle sur laquelle la Cour d’appel s’est penchée dans l’arrêt Comeau c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 271, au paragraphe 20, [2005] ACF no 1334 (QL) [Comeau] :

Pour ce qu’il en est de la troisième période, celle encadrée par la cotisation de juin 1997 et la nouvelle cotisation du 11 septembre 2000, l’Agence justifie son refus d’annuler les intérêts par le fait que M. Comeau était au courant, dès le 26 juin 1997, qu’il y avait un montant en souffrance et que ce montant est resté impayé au cours de cette troisième période. M. Comeau aurait pu payer le montant en souffrance ce qui aurait mis fin à l’accumulation des intérêts, quitte à se faire rembourser si son opposition portait fruit. Autrement dit, un contribuable peut profiter de la suspension des mesures de recouvrement au cours du traitement de son opposition pour miser sur le sort de son opposition en ne payant pas les montants réclamés par l’Agence de sorte que les intérêts s’accumulent. Mais, ayant misé et perdu (lorsque son opposition est rejetée), il ne peut se plaindre que les conditions du jeu lui sont défavorables. La décision de l’Agence sur ce point n’a rien de déraisonnable.

 

Voir également l’arrêt Telfer c Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23, aux paragraphes 34 et 35, [2009] ACF no 71 (QL).

 

[9]               En résumé, il n’y a rien dans le dossier qui permette d’invoquer une préclusion. D’ailleurs, les éléments de preuve sur lesquels M. Mytting se fonde sont loin de correspondre à l’engagement non ambigu exigé pour créer une préclusion (Dubé c Canada (Procureur général), 2006 CF 796, au paragraphe 55, [2006] ACF no 1014 (QL)).

 

[10]           Je ne suis également pas convaincu que M. Mytting a établi l’existence d’un quelconque acte de confiance préjudiciable. Il affirme qu’il aurait pris des mesures pour rembourser ses obligations fiscales si on l’avait informé de ce qu’il devait. Il ajoute toutefois qu’il n’était pas en mesure de payer quoi que ce soit sur les arriérés d’impôt de 1998 lorsque la dette a pris naissance, et le dossier révèle qu’il a recouru à des mensualités de 500 $ pour rembourser des arriérés d’impôt très modestes à l’égard desquels l’ARC avait entrepris des mesures de recouvrement en 2003 et 2004. À défaut de documents corroborant qu’il avait les moyens de rembourser sa dette fiscale en temps opportun, je ne suis pas convaincu qu’il a démontré qu’il a subi un préjudice, et ce, même s’il ne savait pas trop quel montant il devait.

 

[11]           Comme c’était le cas dans l’affaire Comeau, précitée, je ne trouve dans le dossier rien qui appuie la prétention de M. Mytting suivant laquelle la décision du ministre était déraisonnable. Le ministre a examiné l’affirmation de M. Mytting suivant laquelle il avait été induit en erreur et l’a, de façon raisonnable, rejetée au vu du dossier. Il était loisible au ministre de prendre cette décision compte tenu du dossier de preuve. Sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit et ne peut être annulée dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [2008] 1 RCS 190).

 

[12]           Pour les motifs qui ont été exposés, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et les dépens sont adjugés au ministre.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire et ADJUGE les dépens au ministre.

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑948‑11

 

INTITULÉ :                                                   MYTTING c
MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 12 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 avril 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael J Welters

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nadine Taylor

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bull Housser & Tupper

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.