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Date : 20120426


Dossier : IMM-6073-11

Référence : 2012 CF 477

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2012

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

PUSHPALEELA KANAPATHIPILLAI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.         Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Mme Pushpaleela Kanapathipillai (la demanderesse) en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), à l’encontre de la décision datée du 11 août 2011 par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la LIPR, ni celle de personne à protéger aux termes de l’article 97 de la LIPR.

 

[2]               Pour les motifs suivants, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

II.        Faits

 

[3]               La demanderesse, âgée de 48 ans, est originaire du Sri Lanka. Elle et son mari étaient propriétaires d’une ferme lucrative à Vellankulam. En octobre 1995, les Tigres de libération de l’Eelam tamoul [TLET] ont occupé la région. Les TLEL ont extorqué de l’argent à la demanderesse et à son mari, et imposé une taxe sur leur revenu. Leurs maisons et la ferme ont ensuite été saisies et occupées par les TLEL.

 

[4]               Pendant plus de dix ans, les TLET ont extorqué la demanderesse et les membres de sa famille et leur ont infligé des sévices physiques. La demanderesse et sa famille ont été forcées de travailler de longues heures et de céder une grande partie de leurs récoltes.

 

[5]               En mai 2009, le conflit armé entre l’armée et les TLEL a repris. Après avoir défait les TLEL, l’armée sri lankaise s’est mise à la recherche de leurs partisans et a soupçonné la demanderesse et les membres de sa famille. Ils auraient donc été détenus et maltraités physiquement pour diverses raisons.

 

[6]               En 2010, la demanderesse et les membres de sa famille ont été détenus par l’armée et interrogés sur leur affiliation aux TLEL. Le mari de la demanderesse a demandé à un ami d’obtenir leur libération en échange d’une grosse somme d’argent. Victimes d’extorsion, de menaces et de sévices physiques, la demanderesse et les membres de sa famille ont vendu leur terre et quitté Vellankulam.

 

[7]               Un agent les a accompagnés à Colombo et les a rapidement envoyés à Singapour. La demanderesse est arrivée seule au Canada le 10 juillet 2010 et a immédiatement demandé l’asile. Elle affirme que sa famille se trouve encore en Malaisie.

 

[8]               La Commission a rejeté la demande d’asile en raison du manque de crédibilité de la demanderesse. Elle a aussi conclu que la demanderesse était exposée à un risque généralisé visé par l’exception prévue à l’alinéa 97(1)b) de la LIPR. La Commission a conclu que la demanderesse n’était pas une réfugiée au sens de la Convention, ni n’avait qualité de personne à protéger.

 

III.       Dispositions législatives

 

[9]               Les articles 96 et 97 de la LIPR sont ainsi rédigés :

Définition de « réfugié »

 

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

IV.       Questions en litige et norme de contrôle

 

A.        Questions en litige

 

[10]           La Cour détermine comme suit les questions soulevées dans la présente demande :

 

1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant au manque général de crédibilité de la demanderesse?

 

 

 

2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’examiner plus particulièrement le risque auquel sera exposée la demanderesse à son retour au Sri Lanka en tant que demandeure d’asile déboutée?

 

B.        Norme de contrôle

 

[11]           La crédibilité est une question de fait qui doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (voir Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, [2010] ACF no 673, au paragraphe 11).

 

[12]           Le risque généralisé est une question mixte de fait et de droit qui doit aussi être examinée selon la norme de la décision raisonnable (De Parada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 845, [2009] ACF no 1021, au paragraphe 19).

 

[13]           La Cour doit examiner la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, « ainsi qu[e] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau- Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

V.        Observations des parties

 

A.        Observations de la demanderesse

 

[14]           La demanderesse ne conteste pas la conclusion de la Commission quant à son manque général de crédibilité.

 

[15]           La demanderesse affirme qu’elle est une Tamoule originaire de la province du nord du Sri Lanka et que, d’après la preuve déposée devant la Commission, les Tamouls qui rentrent au pays en tant que demandeurs d’asile déboutés risquent d’être arrêtés, emprisonnés et torturés. Du point de vue des autorités sri lankaises, tout Tamoul qui s’enfuit du pays est un sympathisant des TLEL. La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en faisant abstraction de cet élément de preuve.

 

[16]           D’après la demanderesse, la Commission a omis de tenir compte du fait qu’elle risque sérieusement d’être soumise à la torture, de voir sa vie menacée ou de subir des traitements ou des peines cruels et inusités parce qu’elle est une femme tamoule qui serait renvoyée dans son pays en tant que demandeure d’asile déboutée. La demanderesse soutient que la Commission est tenue d’examiner tous les motifs de persécution (voir Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, 103 DLR (4th) 1; Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 2037; Adan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF n1030).

 

B.        Observations du défendeur

 

[17]           Le défendeur souligne que la demanderesse ne conteste pas les conclusions de la Commission sur la question de la crédibilité.

 

[18]           Le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas expliqué comment la preuve documentaire présentée à la Commission s’appliquait dans son cas. L’article d’Amnistie internationale sur lequel se fonde la demanderesse ne dit absolument pas que tous les demandeurs d’asile tamouls sont considérés comme des partisans des TLEL. De plus, selon le défendeur, le document provenant de l’organisation catholique de justice sociale contredit la preuve de la demanderesse, qui a admis qu’elle n’aurait pas été libérée en 2010 si les autorités sri lankaises avaient soupçonné sa famille d’appuyer les TLET (voir le paragraphe 26 de la décision de la Commission).

 

[19]           Le défendeur affirme en outre que les observations ne suffisent généralement pas à elles seules à prouver l’existence d’un risque ou de difficultés. La Commission n’aurait pas pu accorder le statut de réfugiée à la demanderesse en se fondant uniquement sur les observations présentées de vive voix par l’avocat de celle‑ci.

 

[20]           Dans X c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1373, au paragraphe 16, la Cour a déterminé que « [i]l serait redondant et contraire à l’objet du régime de protection des réfugiés d’autoriser quelqu’un à rester au Canada après le rejet de sa revendication du statut de réfugié uniquement sur la base du rejet de cette revendication ». Selon le défendeur, il ne faut pas penser pour autant que la demanderesse sera renvoyée au Sri Lanka sans que ne soit d’abord effectuée une évaluation des risques avant renvoi (ERAR), qui permet à ceux dont la demande d’asile a été rejetée de présenter de nouveaux éléments de preuve concernant les risques qui ont pu surgir après le rejet de la demande (voir Kaybaki c Canada (Solliciteur général), 2004 CF 32, au paragraphe 11; Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1379, au paragraphe 5).

 

 

 

VI.       Analyse

 

1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant au manque général de crédibilité de la demanderesse?

 

[21]           La demanderesse ne conteste pas la conclusion de la Commission quant à son manque général de crédibilité, et la Cour estime que cette conclusion est raisonnable. La conclusion de la Commission appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits de l’espèce et des dispositions applicables.

 

2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’examiner plus particulièrement le risque auquel sera exposée la demanderesse à son retour au Sri Lanka en tant que demandeure d’asile déboutée?

 

[22]           Dans Prophète c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 31, [2009] ACF no 143, au paragraphe 7, la Cour d’appel précise que, « [p]our décider si un demandeur d’asile a qualité de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi, il faut procéder à un examen personnalisé en se fondant sur les preuves présentées par le demandeur d’asile “dans le contexte des risques actuels ou prospectifs” [...] » (voir aussi Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99, au paragraphe 15).

 

[23]           Dans Guerrero c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1210, [2011] ACF no 1477, aux paragraphes 27 et 28, le juge Zinn a fait deux importantes remarques sur la portée du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR. Il s’exprime ainsi :

[27]      La majorité des affaires dépendent de la question de savoir si la dernière condition est remplie, c’est‑à‑dire si d’autres personnes qui se trouvent dans le pays sont généralement exposées au même risque que le demandeur d’asile. J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que la SPR et la Cour restent malheureusement trop souvent vagues à cet égard. Je l’ai moi‑même fait. En particulier, un grand nombre de décisions indiquent ou laissent entendre qu’un risque généralisé n’est pas un risque personnel. Cela signifie habituellement que d’autres personnes sont généralement exposées au même risque que le demandeur d’asile et que ce dernier ne satisfait donc pas aux exigences de la Loi. Cela ne signifie pas que le demandeur d’asile ne court personnellement aucun risque. Il est important qu’un décideur conclue qu’un demandeur d’asile est personnellement exposé à un risque parce que, si aucun risque personnel n’existe, il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse de la demande; il n’existe tout simplement aucun risque. Ce n’est qu’après avoir conclu que le demandeur d’asile est personnellement exposé à un risque que le décideur doit déterminer si la population est généralement exposée au même risque.

 

[28]      Par ailleurs, trop de décideurs décrivent de manière inexacte le risque auquel le demandeur est exposé ou omettent totalement d’énoncer ce risque. Le sous-alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi est pourtant très clair : le risque auquel doit être personnellement exposé un demandeur d’asile est « une menace à sa vie ou [le] risque de traitements ou peines cruels et inusités ».Avant de déterminer si d’autres personnes se trouvant dans le pays sont généralement exposées au même risque que le demandeur d’asile, le décideur doit : (1) déterminer expressément le risque en question, (2) déterminer s’il s’agit d’une menace à la vie ou d’un risque de traitements ou peines cruels et inusités et (3) exposer clairement le fondement de ce risque.

 

[24]           En l’espèce, la Commission a examiné la question aux paragraphes 25 à 31 de sa décision :

[25]      Les personnes qui sont personnellement exposées au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans leur pays n’ont pas toutes la qualité de personne à protéger. Le sous-alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR exclut précisément les personnes qui sont exposées à un risque auquel sont « généralement exposées les autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ». Par conséquent, il ne doit pas s’agir d’un risque général ou aléatoire auquel sont confrontés les autres citoyens. Compte tenu des circonstances propres à l’espèce, le risque auquel est exposée la demandeure d’asile n’équivaut pas à de la persécution ni au fait qu’elle est personnellement exposée à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités, ou au risque d’être soumise à la torture, puisque le risque auquel elle est exposée est un risque auquel d’autres personnes sont généralement exposées au Sri Lanka. De plus, selon le critère prévu à l’article 97, il doit être plus probable que le contraire que la demandeure d’asile serait victime d’un préjudice à son retour au Sri Lanka.

 

[26] La demandeure d’asile a aussi affirmé que l’armée ne les soupçonne pas et que, si elle les avait soupçonnés d’appuyer les TLET en leur laissant utiliser une de leurs maisons, ils seraient encore en détention. Selon son témoignage, elle a été libérée après deux jours, à la suite d’une enquête de l’armée.

 

[27] Les tribunaux canadiens ont conclu qu’il n’y avait rien dans le sous-alinéa 97(1)b)(ii) qui obligeait la Commission à interpréter le mot « généralement » comme s’appliquant à tous les citoyens. Le mot « généralement » est communément utilisé dans le sens de « courant » ou « répandu ». Ainsi, même si la demandeure d’asile est personnellement exposée à un risque, sa demande d’asile sera rejetée si ce risque est un risque auquel les autres personnes qui se trouvent dans ce pays sont généralement exposées.

 

[28] Le risque généralisé se définit en fonction de la nature du risque de préjudice. L’exception prévue au sous-alinéa 97(1)b)(ii) exclut les risques généralisés associés à une criminalité très répandue, au crime organisé, à la violence, à l’extorsion, à la corruption policière, à l’abus de pouvoir, aux violations des droits de la personne, à l’insécurité générale, au terrorisme, aux attentats suicides, à l’extrémisme politique et aux activités de groupes militaires armés.

 

[29] Même si la demandeure d’asile était personnellement prise pour cible du fait de sa présumée richesse, je conclus que le risque auquel elle est exposée est généralisé et qu’il est visé par l’exception prévue à l’article 97 de la LIPR, un risque auquel d’autres sous-ensembles similaires de la société sont généralement exposés.

 

[30] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le risque auquel la demandeure d’asile est exposée est un risque généralisé auquel la population du Sri Lanka en général est exposée. En m’appuyant sur les faits propres à l’espèce, je ne suis pas convaincu que la demandeure d’asile était personnellement exposée à un risque de préjudices au sens du paragraphe 97 de la LIPR.

 

[31] Étant donné les motifs susmentionnés, je conclus que la demandeure d’asile n’est pas personnellement exposée à un risque, mais qu’elle est plutôt exposée à un risque généralisé qui est visé par l’exception prévue à l’alinéa 97(1)b). Par conséquent, sa demande d’asile est rejetée.

 

[25]           La Cour estime que la Commission aurait pu exposer plus clairement son évaluation au regard de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR.

 

[26]           La Cour remarque que la Commission a procédé à une analyse distincte de la demande d’asile de la demanderesse aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR (voir Bouaouni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1211, [2003] ACF no 1540). Toutefois, « [i]l n’est pas nécessaire qu’il y ait une séparation stricte entre l’examen des articles 96 et 97. Une conclusion selon laquelle l’élément objectif de l’article 96 n’a pas été satisfait pourrait, selon la situation, également régler la question de l’article 97. Cependant, une conclusion d’absence de l’élément subjectif requis à l’article 96 ne permet pas à la Commission d’omettre de tenir compte de l’élément objectif de crainte, particulièrement à l’égard de l’article 97. La façon dont l’examen est effectué ne devrait pas être établie par la Cour. Il importe seulement que l’examen soit effectué et qu’il paraisse l’avoir été » (voir Balakumar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 20, [2008] ACF no 30, au paragraphe 13).

 

[27]           La Commission écrit ceci, au paragraphe 11 de sa décision : « [la demandeure d’asile] a expliqué qu’ils étaient riches et qu’ils avaient des employés [...] Pourtant, elle n’a fait aucun effort pour tenter d’obtenir des documents qui corroborent qu’elle était au Sri Lanka pendant la période alléguée. Il n’est pas déraisonnable pour la Commission de s’attendre à ce qu’une personne comme la demandeure d’asile soit en mesure de fournir des éléments de preuve à l’appui et que, dans le cas contraire, elle donne une explication raisonnable. En l’espèce, je n’ai rien. »

 

[28]            Cette conclusion est raisonnable et tranche le premier argument présenté par la demanderesse en vertu de l’article 97 selon lequel elle est exposée à un risque au Sri Lanka en raison de sa richesse, étant donné que rien ne prouve au départ qu’elle était riche. La Commission a rejeté à bon droit cette partie de la demande vu l’absence de preuve.

 

[29]           En ce qui concerne le deuxième argument sur lequel la demanderesse se fonde pour contester la décision de la Commission, à savoir sa crainte de rentrer au Sri Lanka en tant que demandeure d’asile déboutée, la Commission a retenu le témoignage de la demanderesse, qui a affirmé que l’armée ne la soupçonnait pas ni ne soupçonnait sa famille d’appuyer les TLET. La Commission a donc conclu que la demanderesse n’était pas exposée à un risque. Cette conclusion était‑elle raisonnable? La demanderesse soutient que la Commission a omis d’examiner la documentation sur le Sri Lanka qui établit ce risque. En fait, le dossier contient deux documents qui font allusion à la situation des demandeurs d’asile déboutés.

 

[30]           La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve particulier pour établir sa qualité de personne à protéger et a elle‑même témoigné que l’armée ne la soupçonnait pas ni ne soupçonnait sa famille d’appuyer les TLEL. Dans les observations finales qu’il a présentées à la Commission, l’avocat de la demanderesse a avancé que celle‑ci serait exposée à un risque à son retour en tant que demandeure d’asile déboutée. La demanderesse n’a cependant pas témoigné sur cette question ni présenté d’élément de preuve qui aurait établi un lien entre sa situation et les circonstances décrites dans la preuve documentaire mentionnée par son avocat.

 

[31]           La Cour a examiné tout le dossier et l’ensemble de la preuve présentée. Elle conclut que la décision de la Commission était raisonnable parce que celle‑ci ne pouvait s’appuyer sur aucun fondement factuel pour conclure que la demanderesse serait exposée à un risque en raison de l’échec de sa demande d’asile.

 

[32]           Les faits de l’espèce sont différents de ceux des décisions Biro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1428, et Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 448, citées par la demanderesse.

 

[33]           Comme la Cour suprême du Canada l’a récemment déclaré dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 15 et 16 :

[15]      La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [de l’organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.

 

[16]  Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale [...]

 

VII.     Conclusion

 

[34]           La conclusion de la Commission sur la question du risque généralisé était raisonnable. La demanderesse n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle serait exposée au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d’être torturée à son retour au Sri Lanka.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6073-11

 

INTITULÉ :                                       PUSHPALEELA KANAPATHIPILLAI

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul VanderVennen

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Maria Burgos

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VANDERVENNEN LEHRER

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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