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Date : 20120423

Dossier : IMM‑3616‑12

Référence : 2012 CF 475

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 23 avril 2012

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

MIRIAM NATALY PALOMO DIAZ

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse, qui est sous le coup d’une mesure de renvoi du Canada, a demandé à notre Cour de surseoir à l’exécution de son renvoi tant qu’une décision définitive n’aura pas été rendue sur sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[2]               Comme la crédibilité n’est pas en jeu, on peut s’en tenir à dire que la présente affaire concerne une jeune femme, la demanderesse, qui a été victime au Canada de sévices physiques graves infligés par mari alcoolique et qui ont provoqué la naissance prématurée d’un enfant (qui n’est pas de lui). Le mari de la demanderesse a clairement dit être indifférent au sort de l’enfant.

 

[3]               L’enfant, qui est ne se porte pas bien et qui est suivi de près par des médecins, a été conçu lors du viol de la jeune femme par un membre d’un gang de rue criminel qui l’a menacée de représailles si elle ne se faisait pas avorter.

 

[4]               De plus, un procès au criminel a été engagé contre le mari de la femme pour voies de fait et menaces de mort, et une instance en divorce a été introduite.

 

[5]               Dans son pays d’origine, la femme n’a personne vers qui se tourner. Elle et son enfant, dont l’état de santé est très fragile, ont trouvé refuge dans des centres d’hébergement au Canada. En cas de retour dans le pays d’origine, sans source de revenus, sans foyer, sans avantages sociaux et sans soins médicaux pour l’enfant, dont l’état est précaire selon la preuve, la mère et l’enfant seraient exposés à de graves périls.

 

[6]               Dans certains cas exceptionnels, constituant une catégorie en soi, en raison de l’écoulement du temps et d’événements survenus au Canada pendant qu’en parallèle l’instruction des instances devant les différents organes décisionnels est arrivée à terme, de sorte que l’ultime avenue encore disponible avant un renvoi imminent est l’examen des motifs d’ordre humanitaire, qui relève du ministre et non de la Cour. Il semble que, dans ces cas exceptionnels, les trois organes du gouvernement, l’un d’eux étant la Cour, disposent d’une très faible marge de manœuvre et que cette dernière doit reconnaître qu’elle est un des organes en mesure d’agir seule, mais dans les limites de sa compétence.

 

[7]               En pareil cas, ultimement, lorsque la gamme des recours est sur le point d’être épuisée, il existe très peu d’options au regard de la jurisprudence en matière humanitaire, des possibilités qu’offrent les lois existantes et des politiques, qui reflètent la compréhension que l’exécutif a des principes et engagements humanitaires.

 

[8]               Ainsi, le Canada se retrouve aux prises avec les défis que représentent les cas faisant intervenir des considérations d’ordre humanitaire comme en l’espèce, et ce, en raison de la situation qui existe dans certains pays, qui sont sous l’emprise de tyrans ou dont le gouvernement ou les autorités au pouvoir sont totalement impuissants devant les organisations criminelles, y compris les cartels qui font le trafic de stupéfiants ou de personnes (comme en fait foi la documentation). Dans certaines des régions où se trouvent les pays en question, les criminels règnent en maîtres et tiennent la population en otage. Le Canada ¾ et d’autres pays démocratiques ¾ deviennent alors des terres de refuge pour leurs victimes.

 

[9]               Tant qu’on n’aura pas trouvé d’autres solutions en adoptant des lois nationales ou internationales ou en élaborant des instruments législatifs (et des politiques) visant à faire porter par un plus grand nombre de pays le fardeau des besoins en matière humanitaire, certains pays, comme le Canada, adoptent des mesures pour alléger ce fardeau en raison de leurs principes moraux en matière de considérations humanitaires, que de nombreux pays ne partagent pas, qui prennent la forme de dispositions législatives et d’interprétations recueillant un appui majoritaire en jurisprudence.

 

[10]           Tant que la situation n’aura pas changé, si changement il y a, ou qu’on n’aura pas repensé le mode de fonctionnement des trois organes du gouvernement, le Canada et certains autres pays, motivés par leur attachement aux valeurs humanitaires, continueront de prendre sous leur aile, en se fondant sur leurs lois et les jugements de leurs tribunaux, les opprimés de la terre et à chercher à leur rendre leur intégrité.

 

[11]           Pour tous les motifs susmentionnés, en raison des faits exceptionnels de la présente affaire qui se situe en elle‑même dans une catégorie à part, la Cour conclut que la demanderesse satisfait pleinement au critère de l’arrêt Toth comportant trois volets cumulatifs et elle fait donc droit à sa demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre elle, de sorte qu’elle ne sera pas expulsée avec son enfant dans son pays d’origine avant que ne soit rendue une décision sur la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que la demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est accueillie et ordonne par conséquent qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prévue le 30 avril 2012 tant qu’une décision définitive n’aura pas été rendue dans le dossier IMM‑3616‑12 en ce qui concerne les motifs d’ordre humanitaire invoqués par la demanderesse.

 

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3616‑12

 

INTITULÉ :                                                  MIRIAM NATALY PALOMO DIAZ

                                                                        et MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 23 avril 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 23 avril 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

William Sloan

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michel Pépin

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William Sloan

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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